GROUPE DE TRAVAIL THEMATIQUE 7 – NOTE D’ORIENTATION POUR LE DÉBAT
Il existe deux modèles de production et de développement rural conflictuels :
1. Les grands groupes agroalimentaires et les sociétés de pêche et d’aquaculture industrielles produisent des ingrédients alimentaires issus de monocultures pour des marchés mondiaux contrôlés par une poignée de multinationales. Ces industries sont soutenues par des institutions de recherche privées et publiques et leurs activités sont justifiées au nom de la « sécurité alimentaire ». Pourtant, elles portent atteinte aux petits agriculteurs, aux bergers, aux pêcheurs artisanaux ainsi qu’aux populations indigènes. Par ailleurs, elles nuisent à l’environnement, endommageant les sols, l’eau, les systèmes écologiques et agricoles, elles nuisent à la biodiversité de notre planète et aux systèmes d’entretien de la vie. Elles contribuent massivement à la crise actuelle de l’eau au niveau mondial, ainsi qu’au phénomène du réchauffement climatique, de par l’utilisation intensive de combustibles fossiles pour la fabrication d’engrais et de produits agrochimiques, la production, le transport, le traitement, la réfrigération et la distribution : chaque unité d’énergie alimentaire produite exige une quantité d’énergie fossile bien plus supérieure. La production industrielle contrôlée par les grands groupes se caractérise par une haute intensité de capital, et, de plus, elle est protégée par des brevets et des règles commerciales. Ce système permet aux multinationales de s’emparer et de contrôler les marchés de facteurs de production (graines (génétiquement modifiées), espèces de bétail, eau, engrais) et des produits (denrées, aliments pour bétail, biocarburants, produits industriels et textiles de base) pour faire main basse sur les écosystèmes, surexploiter et dégrader les ressources naturelles, provoquant l’érosion des sols, l’élimination de la biodiversité, la déforestation, la désertification, l’épuisement et la contamination des réserves en eau, de même que la pollution des mers, dont les coûts ne sont jamais compris dans le prix d’achat. Cette approche cherche à contrôler et à transformer la nature plutôt que de travailler en fonction de ses capacités.
2. La production agricole respectueuse de l’environnement, le pastoralisme et les sociétés de pêche artisanales, par leur diversité et leur multifonctionnalité, produisent des marchandises variées (aliments, vêtements, matériaux pour le logement et produits destinés à l’échange ou à la vente) et présentent des fonctions participant à la protection de l’écosystème (eaux propres, sols sains), essentielles à la survie des communautés locales. Ils sont extrêmement productifs en termes de surface, d’apports et d’énergie. Ces méthodes de production et de récolte placent l’individu au centre des activités, femmes et hommes jouant tous un rôle décisif. Elles requièrent une importante concentration de savoir et participent à la préservation des moyens de subsistance. Elles dépendent et produisent des variétés de plantes et des espèces de bétail développées localement et adaptées aux conditions climatiques, comme des variétés de graines résistant à la sècheresse, des cultures adaptées aux terrains marécageux et aux plaines d’inondation, des espèces de bétail résistant aux maladies, etc. Elles ne dépendent en aucun cas de l’industrie agrochimique. Elles préservent les écosystèmes agricoles. Elles travaillent avec l’environnement, et non pas contre lui, permettant ainsi d’atteindre une productivité plus élevée. Ces approches ne cherchent pas à transformer la nature, mais plutôt à développer des synergies avec cette dernière, en créant des espaces d’expérimentation locale et en participant à la construction d’un réseau de partage des savoirs, à bas coût. Ces méthodes de production s’opposent au changement climatique et aux autres menaces ; elles ne sont pas de grandes consommatrices de carbone et ne dépendent pas des combustibles fossiles : chaque unité d’énergie utilisée donne lieu à la production d’une quantité 10 fois supérieure d’énergie alimentaire. Un seul individu ne peut pas posséder ou s’approprier l’ensemble des méthodes de production agroécologique à petite échelle et des pratiques de pêche artisanale. Ce système permet d’établir un contrôle local des systèmes alimentaires, en d’autres termes de parvenir à la souveraineté alimentaire.
Pourquoi nous battons-nous ?
Comment pouvons-nous promouvoir, dans toutes les régions du monde, le recours à des sociétés de pêche artisanales et à des méthodes de production agricoles écologiques, à petite échelle, diversifiées et contrôlées localement ?
Comment pouvons-nous garantir que les denrées produites selon les méthodes de l’agriculture écologique locale soient disponibles localement, lorsque l’on connaît les volumes de denrées exportées, alors que tant de producteurs ne mangent souvent pas à leur faim ?
Comment les générations futures vont-elles adopter ces méthodes de production et de récolte ?
Même si la plupart des méthodes de pêche, d’élevage et de production alimentaire à petite échelle respectent l’environnement, ce n’est pas le cas de toutes. Compte tenu que certaines personnes décident de produire d’une manière non durable, dans quelle mesure peuvent-elles prétendre à la souveraineté alimentaire ? Quelles sont les implications pour leur rôle au sein du mouvement pour la souveraineté alimentaire et pour le mouvement dans son ensemble ? Qui devrait avoir autorité pour faire en sorte qu’elles adoptent d’autres méthodes de production si les leurs affectent la souveraineté alimentaire des autres ?
La production doit-elle être basée uniquement sur les ressources locales ou sur les ressources se trouvant « sous le contrôle » des producteurs locaux ? Quelle doit-être la marge de manœuvre acceptable pour les systèmes de souveraineté alimentaire ? Par exemple, l’importation, par les agriculteurs des pays riches d’aliments pour bétail issus de l’agriculture durable en provenance de pays plus pauvres, dans le but de produire du lait, des œufs ou de la viande, contribue-t-elle à la souveraineté alimentaire ?
Certains accords internationaux relatifs à l’alimentation et l’environnement, encourageant ces changements, ont été signés par de nombreux gouvernements. Comment s’assurer que ces accords seront appliqués ?
Contre quoi nous battons-nous ?
Comment pouvons-nous parvenir au démantèlement des multinationales de l’agroalimentaire et à la conversion de la production industrielle en systèmes agricoles écologiques, à la protection des zones de pâturage et à l’interdiction des pratiques de pêche destructrices ?
Compte tenu des impacts combinés du changement climatique et de la diminution des réserves de pétrole, comment pouvons-nous utiliser la lutte contre le réchauffement climatique et la privatisation de l’eau comme des opportunités pour engendrer des modifications des comportements alimentaires et des méthodes de production et de récolte ?
Comment pouvons-nous éviter que des cultures soient destinées à la production de biocarburants réservés aux riches plutôt qu’à nourrir les populations ?
Que pouvons-nous faire ?
Comment pouvons-nous développer une vision commune et collective de la souveraineté alimentaire, basée sur une production, une distribution et une consommation de denrées alimentaires respectueuses de l’environnement ?
Les politiques dites de la « nourriture bon marché », fonds de commerce de l’industrie agroalimentaire non viable, sont au cœur de la crise actuelle. Comment pouvons-nous parvenir à réunir les producteurs (paysans, familles de fermiers, bergers, travailleurs du secteur alimentaire ou agricole, pêcheurs artisanaux, populations indigènes) et les consommateurs urbains pour lutter contre ces politiques et garantir une nourriture accessible à un prix raisonnable, saine, diversifiée et écologiquement viable, pour l’ensemble des populations, y compris celles des villes, et notamment celles souffrant de la faim ? Une campagne contre les monocultures industrielles (eucalyptus, soja, cultures pour biocarburants, etc.) et les sociétés de pêche et d’aquaculture industrielles contrôlées par des multinationales doit-elle être une priorité de l’agenda d’une action conjointe ?
Comment faire cause commune avec tous ces citoyens qui envisagent avec inquiétude l’avenir de la planète et des générations futures et qui se préoccupent de leur santé, de la qualité de leur nourriture et de la nécessité d’une gestion attentive de l’environnement, à niveau local et mondial, face, notamment, au réchauffement climatique ? Comment pouvons-nous faire en sorte qu’ils rejoignent la lutte pour la souveraineté alimentaire ?