Radio Monde Réel – Pré-couverture du Forum pour la Souveraineté Alimentaire – Mali, février 2007
(Traduction militante – original en espagnol)
Forum social Mondial 2007 – Lancement de la « campagne globale pour la réforme agraire en Afrique »
La lutte pour la réforme agraire en Amérique latine existe déjà depuis quelques dizaines d’années. Cependant, les campagnes pour y arriver n’ont pas toujours été impulsées par les paysans mêmes.
Actuellement, Via Campesina regroupe des agriculteurs des cinq continents et dirige le processus de lutte pour la réforme agraire en Amérique latine et en Asie.
Mardi dernier, cet regroupement d’agriculteurs a lancé également une campagne globale pour la réforme agraire pan-africaine à partir de Nairobi, capitale du Kenya dans le cadre du VII Forum social mondial (FSM). Radio Monde Réel a voulu en savoir davantage sur les luttes menées par ce mouvement international d’agriculteurs. Dans ce but, nous avons interviewé Maria del Carmen Barroso, dirigeante cubaine de l’Association Nationale de Petits Agriculteurs de Cuba et membre de la Via Campesina.
« Nous avons lancé cette campagne globale pour la réforme agraire en Afrique qui est l’un des continents où les paysans souffrent le plus de retard technologique et de misère » nous confia madame Barroso.
Avant le lancement de la campagne, la Via Campesina a travaillé pendant deux jours au FSM recueillant les témoignages des organisations africaines expliquant la réalité du milieu rural dans lequel ils vivent ainsi que la gestion des ressources naturelles.
Cette nouvelle campagne dans le continent le plus pauvre de la planète sera ponctuée par des visites de dirigeants de Via Campesine dans les pays africains. L’objectif étant « de soutenir et d’accompagner les Africains dans cette lutte » nous expliqua madame Barroso. Ces mêmes visites auront également pour objectif que permettre aux paysans de se réunir avec des représentants gouvernementaux, surtout avec ceux qui dirigent les ministères et contrôlent l’agriculture et l’utilisation des terres.
En Afrique, « de plus en plus de personnes meurent de faim et, paradoxalement, chaque jour ces mêmes personnes ont de moins en moins de possibilités de produire ses propre aliments », explique Barrosso. Cela est, bien sûr, relié avec la qualité de vie des gens appartenant aux autres secteurs sociaux et non seulement paysans. En ayant moins de producteurs agricoles, il y a, normalement moins d’aliments disponibless pour la population en général et par conséquence, ces produits sont plus chers.
De plus, la pression de la part des grandes multinationales de l’alimentation afin d’absorber de nouveaux marchés constitue l’une des causes et la conséquence directe de ce phénomène. Tout ceci crée un cercle vicieux de pauvreté, d’insécurité alimentaire, de dépendance alimentaire et finalement, de manque total de souveraineté des peuples sur leur agriculture et leur alimentation.
« Nous devons comprendre que pour un paysan, l’impossibilité à produire des aliments ne l’affecte pas uniquement lui mais, aussi tous les membres de la société », explique la dirigeante cubaine.
Madame Barroso a vanté l’appui que Cuba offre aux paysans de son pays. Elle nous a expliqué comment, depuis la réforme agraire de 1959, tous les agriculteurs ont accès à la terre à Cuba, aux outils et au crédit. De plus, ils ont tous accès à la santé et à l’éducation.
« La souveraineté alimentaire c’est la culture, l’identité et un mode de vie »
Le Mouvement paysan de Santiago del Estero (MOCASE), province du nord de l’Argentine est devenu l’un des groupes de référence dans les luttes paysannes, non seulement de son pays, mais du continent latino-américain. Malgré les durs moment que vit actuellement le MOCASE dans sa région à cause de l’expulsion de plusieurs familles de leurs terres, plusieurs de leurs membres sont arrivés en Uruguay afin de participer au Forum régional pour la souveraineté alimentaire.
Madame Deo Carrizo est membre de l’équipe de communication du MOCASE. Elle et quelques-uns des se collègues sont venus à Paso Severino afin de participer au développement du principe de souveraineté alimentaire en Amérique latine. Mme. Carrizo a accordé une brève entrevue à Radio Monde Réel.
Pour cette paysanne argentine, « la souveraineté alimentaire c’est bien plus qu’une alimentation saine et de qualité, c’est aussi le fait de posséder la terre où l’on travaille et où l’on produit nos aliments. »
« La souveraineté alimentaire c’est aussi la culture, c’est l’identité et c’est un mode de vie. Les gouvernements doivent prendre des décisions politiques afin de nous garantir le droit de bien nous alimenter, avec des produits de qualité et de façon diversifié, le tout en accord avec notre culture » déclara Mme. Carrizo.
L’activiste argentine considère que le capitalisme « composé de grandes multinationales » est actuellement le plus grand « ennemi » contre lequel doit se battre l’Amérique latine.
Ces grandes corporations « sont en train de détruire toute la biodiversité du continent, de polluer les biens communs tels que l’eau, de détruire la flore et de la faune, de contaminer les semences locales et de contribuer à la disparition de communautés et de peuples tout entiers. » nous a-t-elle expliqué.
« Ces entreprises jouent contre nos générations futures. Si nous ne prenons des mesures concrètes pour essayer de changer cette situation, de façon organisée et unie, nous ne pourrons bientôt plus parler de générations futures, car nous n’aurons plus rien à leur laisser. »
Forum contre l’Agro-industrie: « Produire carburants nous damne à ne plus produire d’aliments et continuer avec la création de déserts verts ».
Carlos Vicente, membre de GRAIN/ Action pour la biodiversité, nous a accordé une entrevue.
GRAIN est une organisation internationale de lutte pour la défense des semences et de l’utilisation des ressources génétiques par les communautés locales et les peuples indigènes. GRAIN accompagne et participe activement à l’organisation du Forum de résistance aux agro-industries. Nous sommes tous arrivés à la même conclusion: Les grandes entreprises multinationales ont pris les territoires de l’Argentine, de l’Uruguay, du Brésil, du Paraguay et de la Bolivie comme zones de monocultures de soja et de négoces en tous genres. Il s’agit de la production de semences et de produits chimique destinés à l’agriculture jusqu’à la création des déserts verts, envahis par un seul type de plantation.
Nous voulons dénoncer les multinationales comme Monsanto, Syngenta ainsi que toutes ces entreprises qui sont en train de nous empoisonner, de déplacer nos populations paysanes et de nous envahir de produits transgéniques. Nous voulons également démontrer qu’il existe d’autres possibilités et que la souveraineté alimentaire est une proposition de poids. Il nous faut produire de la nourriture pour nos peuples du sud et non pas produire du soja pour nourrir les porc et les poules de l’Union européenne ou de Chine.
L’utilisation de soja comme pâture en plus de l’utilisation de l’huile de soja comme carburant végétal ou bio-carburant est très grave. L’énorme demande mondiale de carburants, et surtout des pays du nord, nous oblige à produire de plus en plus de soja et à destiner nos terres à la production de carburant à partir d’huile de soja. Nous sommes damnés à ne plus produire d’aliments et à continuer avec la création de déserts verts.
À tout ce qui a déjà été présenté, il faut ajouter la prise de conscience à partir du conflit entre l’Uruguay et l’Argentine pour les « pasteras » . Ce conflit nous démontre ce que les monocultures peuvent provoquer. Actuellement, non seulement l’Uruguay et l’Argentine dénoncent les monocultures, mais le Brésil également. Le Mouvement des sans-terres (MST) a pris des mesures contre Anacruz Cellulose. En mars dernier un groupe de Sans-terres avait envahit et avait détruit l’une des plantations forestières de cette compagnie afin de dénoncer le désastre que ces monocultures provoquent.
La recherche menée par ces firmes vise le contrôle total des semences. Ces entreprises ont obtenu qu’en Argentine le secrétariat de l’agriculture limite son propre usage de semences. Un agriculteur ne pourra plus désormais garder la quantité de semence qu’il souhaite, mais il devra respecter une disposition ministérielle limitant celle-ci. Le droit d’un paysan à garder la quantité de semence qu’il souhaite a toujours été un droit non remis en question. Aujourd’hui, le secrétariat de l’agriculture limite les quantités de semence conservées afin de protéger les intérêts des entreprises qui veulent que les paysans achètent de nouvelles semences chaque année.
Les entreprises tentent d’imposer les semences « Terminator ». Ces dernières sont aussi appellées « semences suicides ». Elles ne se multiplient pas après la récolte et elles donnent des semences « mortes », impossibles à planter. Nous avons arrêté le développement commercial de ce type de semences. Cependant, les recherches continuent dans la même direction que les semences Terminator. Il nous faut être vigilants.
La tendance du Nord est de refuser la pollution. L’un des exemples des plus éloquents est le cas des « pasteras ». La production de pâte à papier est l’une des industries des plus polluantes. Le Nord ne veut plus de ce type d’industrie dans son territoire. Il nous le lègue ainsi que les mono cultives. L’Union Européenne avec ses consommateur qui demandent de plus en plus d’aliments biologiques et refusent de consommer des OGM est également la preuve que le Sud est encore l’une de seules places dans le monde où l’on accepte ce genre de culture et d’industrie.
Vendredi commence le Forum contre l’Agro-industrie à Buenos Aires, Argentine. Nous nous battons afin d’alerter l’ensemble de la société. Nous espérons que dans un futur proche les gouvernements se rendront compte qu’il est inacceptable d’être contrôlés par une poignée d’entreprises qui dictent les lois et les politiques en fonction de leurs besoins et non pas des pesoins des populations.
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