Encadres

Encadré 1

Vieille histoire, nouvelles menaces : la numérisation de la terre en Indonésie

Dans le monde entier, les technologies numériques sont de plus en plus appliquées à la gouvernance des territoires. Les tenants de la numérisation affirment que cela permettra de renforcer l’efficacité de l’administration foncière et de sécuriser le droit de propriété (voir le bulletin Nyéléni sur la numérisation). Imagerie satellite numérique, drones, bases de données électroniques et technologie de la blockchain sont utilisés pour cartographier, délimiter et enregistrer des terres, pour stocker des données relatives aux parcelles et pour faciliter leur transaction. Ces technologies sont souvent propulsées par de gros projets financés par des donateurs, dont l’objectif principal est de consolider la privatisation et la marchandisation des terres, ainsi que d’attirer les investissements des entreprises.

Le Programme pour l’accélération de la réforme agraire indonésienne (One Map Project), financé par la Banque mondiale, en est un bon exemple. Approuvé en 2018, ce programme de 240 millions de dollars se concentre sur une cartographie exhaustive des terres et des forêts, ainsi que sur le cadastre des terres et la délivrance de titres de propriété individuels. Les données et les cartes sont intégrées à un registre foncier et à un cadastre numérique, appelé e-Land. Selon la Banque mondiale, e-Land fournira des informations sur les droits de propriété, non seulement à destination du public et des agences gouvernementales, mais aussi pour les “banques commerciales, les facilitateurs du marché de l’immobilier et les experts fonciers.” Le projet se trouve donc dans la droite ligne des politiques menées par la Banque mondiale en Indonésie et ailleurs, et qui consistent à soutenir les marchés fonciers et à créer un environnement favorable aux affaires.

Les organisations paysannes, comme Serikat Petania Indonesia (SPI) font remarquer que ce projet ne résout pas le principal problème foncier de l’Indonésie, à savoir l’extrême concentration de la propriété foncière et l’absence de protection des droits coutumiers sur la forêt. Les communautés indigènes et paysannes sont souvent exclues des cartographies numériques officielles. Le SPI et des communautés locales produisent donc leurs propres cartographies à l’aide d’outils numériques, comme des GPS, afin de questionner la cartographie officielle et les revendications des entreprises sur la terre, et d’affirmer leurs droits. Plutôt que de soutenir la réforme agraire, le projet pose donc un nouveau problème aux communautés et aux organisations sociales : la bataille des données numériques.

Encadré 2

Une gestion de forêt communautaire pour favoriser la biodiversité et préserver le climat

La gestion de forêt communautaire est un outil extrêmement efficace pour la préservation des forêts. Les peuples indigènes et autres peuples de la forêt ont recours à la biodiversité ; ils se basent bien souvent sur des connaissances ancestrales et renforcent la biodiversité des forêts où ils vivent. La pratique du peuple des Ngobes, au sud du Costa Rica et dans le nord du Panama, en est un bon exemple : ils tressent des chapeaux et des chaussures de haute qualité avec de nombreuses variétés de fibres de palmiers et de lianes qu’ils récoltent dans la forêt. Une femme ngobe peut identifier des dizaines de plantes de la forêt qui lui serviront à fabriquer des produits tressés. Pour obtenir des paniers durables, les Ngobes utilisent des lianes “cucharilla” ; pour fabriquer rapidement des chapeaux rustiques, ils tressent des lianes “estrella” ; pour des chapeaux plus élaborés, ils collectent les fibres de trois ou quatre palmiers des sous-bois. Nous avons demandé à l’une de ces femmes s’il lui arrivait parfois de se trouver à court de lianes ou de palmes. “Jamais !” a-t-elle répondu. “Nous récoltons les lianes à la lune décroissante pour qu’elles ne sèchent pas lorsque nous les taillons. Nous ne récoltons que certaines feuilles des palmiers, seulement à la bonne phase lunaire, et pendant la saison des pluies nous accueillons un festival des lianes, auquel toute la communauté participe, avec les jeunes, pour récolter nos lianes dans la forêt.”

Les systèmes agroforestiers du peuple Bribri et d’autres peuples indigènes du Costa Rica sont de véritables jardins, qui comportent une riche diversité de haricots, de citrouilles, différentes variétés de banane plantain et de cacao, du maïs, du riz et de multiples espèces d’arbres qui régulent avec sagesse et précision la lumière éclairant l’ensemble. Il s’agit d’un impressionnant mélange de biodiversité et d’agroforesterie, qui intègre connaissances ancestrales et forêt primaire. Il n’est donc pas surprenant qu’une étude analysant plus de 500 expériences de gestion d’un “héritage commun” parvienne à la conclusion que “la plupart de ces groupes ont fait preuve de capacités essentielles pour améliorer le bien-être de la communauté et obtenir des résultats bénéfiques, non seulement en termes économiques, mais aussi en matière d’amélioration des ressources, comme les bassins, les forêts et pour la gestion des nuisibles.”

Pour davantage d’informations : Baltondao J. Y. Rojas I. 2008. Los Ngobes y el Bosque (Les Ngobes et la forêt). Asociación de Comunidades Ecologistas La Ceiba- Amigos de la Tierra.CR. 64 pp. www.coecoceiba.org (en espagnol uniquement)
Pretty J., 2003. Social Capital and the Collective Management of Resources (Capital social et gestion collective des ressources), Sciencie #302, Dic 2003, 1912-1913 (en anglais uniquement)