Encadres

Encadré 1

Des solutions transformatives à la crise alimentaire systémique mondiale

En 2022, une consultation sur le terrain à l’échelle mondiale sur les répercussions de la crise alimentaire, et les propositions qui en ont découlé ont illustré le quotidien des petits producteurs et communautés dans le monde, touchés par la crise alimentaire et architectes des réponses[1]. Le constat était sans appel :

La pauvreté, les prix excessifs fixés par les entreprises et les fournisseurs alimentaires attachés aux marchés signifiaient que même si les aliments étaient disponibles, ils restaient trop chers pour des millions de personnes Les conflits, les guerres et la violence d’état continuent, et la nourriture est utilisée comme arme géopolitique. Les pays et populations les moins émetteurs de gaz à effet de serre ont été les plus touchés par les conséquences du changement climatique. Les événements météorologiques extrêmes et les récoltes perdues ont engendré la perte de moyens de subsistance pour les populations indigènes et les petits producteurs alimentaires. Les inégalités entre les genres persistent, aussi les femmes et la communauté LGBTQI sont particulièrement vulnérables en cas de crises et de pénuries. Des inégalités multiples combinent souvent les discriminations de classe, privilège social, race/ethnie, caste, genre, profession, religion et âge. Le système alimentaire néolibéral en quête de profit pour les entreprises participe à beaucoup de ces problèmes et n’est pas à même de les résoudre.

À la place, les communautés de petits producteurs et des citoyens appartenant à plusieurs groupes marginalisés issus de la base, largement ignorés par l’État dans les réponses aux crises, se sont rassemblés pour trouver leurs propres solutions. En fonction de leurs propres pratiques, plusieurs requêtes ont été formulées.  De manière générale, les réponses politiques doivent adopter une approche complète axée sur le respect des droits humains, en reconnaissant les plus touchés comme titulaires de droits et la responsabilité des gouvernements comme dépositaires de devoirs.

À court terme, les mouvements exigent que l’apport de l’aide alimentaire soutienne les systèmes alimentaires, cultures et initiatives au niveau local. Il ne saurait devenir un autre moyen pour les grandes entreprises pour distribuer des produits hautement transformés. Les petits producteurs doivent recevoir des intrants disponibles localement à l’instar de semences endémiques ou des engrais biologiques pour nourrir leurs communautés. La fiscalité sur les superprofits des entreprises et sur l’extrême richesse est indispensable pour financer les mesures sociales.

À moyen terme, les mouvements exigent des législations pour mettre un terme à la spéculation alimentaire et renforcer les pouvoirs des autorités de régulation du marché et des finances. Ils appellent à la fin de la dette illégitime et rappellent la nécessité de restructurer et annuler les dettes privées et publiques dans les pays en développement. Un moratoire sur l’utilisation et la transformation de marchandises agricoles à usage non-alimentaire, comme les agrocarburants, est indispensable.

À long terme, nous devons sortir de la dépendance aux importations alimentaires et soutenir l’approvisionnement alimentaire national, transformer les systèmes alimentaires grâce à l’agroécologie et parvenir à la souveraineté alimentaire. Cela requiert des systèmes de gouvernance qui garantissent les droits humains et le multilatéralisme démocratique.

Dans les faits, il faut des mesures pour limiter le pouvoir des grandes entreprises. Le commerce et les investissements doivent être réaffectés pour bénéficier aux personnes et aux communautés, et non aux grandes entreprises. Les accords de libre-échange doivent cesser et les accords existants de l’OMC doivent être abrogés.

Les mesures positives qui nous mettront sur la voie pour atteindre ces objectifs à long terme ne manquent pas, par exemple : utiliser efficacement les commandes publiques et les réserves alimentaires, construire les marchés territoriaux, un retour aux semences et espèces indigènes, une réforme agraire intégrale et populaire et un engagement pour appliquer la déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales et la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. En résumé, nous avons besoin de davantage de contrôle démocratique sur les systèmes alimentaires à tous les niveaux.

Encadré 2

Notre avenir est public !

Entre le 29 novembre et le 2 décembre, plus d’un millier de représentants venus de plus de cent pays, issus de mouvements de la base, des militants, des défenseurs des droits humains, d’organisations pour le développement, des mouvements féministes, des syndicats et autres organisations de la société civile se sont retrouvés en décembre 2022 à Santiago (Chili) et en ligne pour discuter su rôle majeur des services publics dans notre avenir.[2] Des centaines d’organisations dans les domaines de la justice socio-économique et les services publics, de l’éducation et la santé, les soins, l’énergie, l’alimentation, le logement, l’eau, le transport et la protection sociale se sont réunis pour lutter contre les effets néfastes de la commercialisation des services publics, reprendre le contrôle public démocratique et réimaginer une économie véritablement égalitaire et axée sur les droits humains, qui bénéficie aux personnes et à la planète.

Pour la première fois depuis le début du processus il y a 5 ans, l’alimentation s’est invitée dans cette conversation. Puisque l’alimentation ne constitue pas un service public, lors de ce dialogue transsectoriel, nous avons abordé les liens entre les services publics et les politiques publiques nécessaires pour garantir le droit à l’alimentation. De plus, notre dialogue s’est intéressé à ce que nous entendions par le retour au public et comment démocratiser notre économie grâce au renforcement de la transition agroécologique.

Nos conclusions ont rappelé que la nourriture est si essentielle à notre survie et notre bien-être qu’elle doit être au cœur des politiques et services publics. La nourriture est intrinsèquement liée à la santé, aux soins, l’éducation, le travail, le transport, l’eau, le climat, les agences politiques et la démocratie participative.  Elle doit être prioritaire comme droit humain dans le cadre d’une compréhension totale, complexe et interdépendante des droits humains. Doivent y figurer les droits des petits producteurs alimentaires, des travailleurs et des femmes, en incluant les droits collectifs et le droit à la souveraineté alimentaire. Les systèmes alimentaires sont le vecteur de la reproduction perpétuelle des cycles vivants, rendant la santé humaine indissociable de bases écologiques saines pour la Terre Nourricière.

De nombreuses voix se sont élevées pour une union entre secteurs, régions et mouvements afin de définir des stratégies communes et de nouvelles alliances pour parvenir à la souveraineté alimentaire, passer à l’agroécologie dans le monde entier et garantir le respect des droits de tous les acteurs des systèmes alimentaires.  Concrètement, nous avons discuté du rôle de la réforme agraire dans les transitions agroécologiques, l’importance de la dimension des soins dans les systèmes alimentaires, le rôle de l’alimentation dans les commandes publiques pour les institutions publiques (écoles, hôpitaux, prisons etc) et le besoin de renforcer et mieux coordonner les campagnes existantes contre les agrotoxiques.


[1] Plus d’informations et rapport complet ici.

[2] À lire : « Notre avenir est public : Déclaration de Santiago pour les services publics »