Encadres

Encadré 1

L’initiative des marchés carbone en Afrique

L’initiative des marchés carbone en Afrique (ACMI d’après le sigle anglais) vise à « participer à l’élaboration et l’exploitation du potentiel des marchés carbone en Afrique ». Son comité de pilotage est formé des principaux chantres des énergies fossiles, de la big tech et de l’agrobusiness, comme la Fondation Gates qui promeut l’agriculture industrielle et les OGM en Afrique, et le Fonds pour la Terre du PDG d’Amazon (The Bezos Earth Fund). L’ACMI affirme « qu’avec des crédits carbone estimés à environ 2 milliards de dollars dans le monde et une croissance potentielle 5-50 x d’ici 2030, les marchés carbones à forte intégrité pourraient apporter des avantages considérables aux peuples d’Afrique et devenir une source majeure de financement de l’action climatique sur le continent. » Ils reconnaissent toutefois qu’il existe « de fortes suspicions que les crédits sont utilisés pour le greenwashing, un prétexte pour continuer à polluer » et que « certains s’interrogent si les crédits carbone, notamment pour les grands projets d’utilisation de terre, ne provoquaient pas pour les Africains la perte de leurs terres pour permettre aux pays riches de continuer à polluer, faisant grandir l’inquiétude d’une forme de recolonisation de l’Afrique ».

Malgré ces réflexions de premier plan et le manque de réponses apportées, l’ACMI s’entête à promouvoir l’expansion et créer l’adhésion aux marchés carbone sur tout le continent. Ce choix va à l’encontre du principe de responsabilité et de justice historiques, qui exige que l’action climatique soit financée par de l’argent public en provenance des gouvernements des pays développés et non en plongeant l’Afrique dans la spirale de la dette. Pour plus d’informations :

Encadré 2

Accaparement des terres par l’économie verte

D’ici 2030, Shell compte compenser 120 mégatonnes (Mt) d’émissions chaque année, soit environ 85 % des émissions annuelles actuelles de CO2 de l’ensemble des citoyens et entreprises des Pays-Bas. En août 2022, Shell était impliqué (par le passé ou à cette époque) dans 30 projets de compensation « basés sur la nature » dans 17 pays. Une analyse de la feuille de route de Shell pour 1,5 °C démontre qu’elle s’apparente beaucoup au programme pour 2 °C, mais avec un plan supplémentaire pour « étendre considérablement des solutions basées sur la nature », en particulier avec la plantation d’arbres sur une superficie « comparable à celle du Brésil ». Lorsque Shell plante des arbres, ils n’en plantent généralement qu’une variété. Il s’agit souvent de l’eucalyptus à pousse rapide, mais potentiellement néfaste pour la biodiversité des zones avoisinantes. Beaucoup de terres sont nécessaires pour compenser les émissions de Shell. Les terres choisies sont souvent situées dans le Sud mondial. Pour cela, Shell utilise des terres (agricoles) appartenant aux communautés locales, ce qui entraîne parfois des violations des droits humains et des pénuries alimentaires.

Pour plus d’informations ici et ici.

Encadré 3

Qu’est-ce que l’agriculture carbone et pourquoi est-ce une fausse solution ? 

L’agriculture carbone est un mécanisme de compensation dans lequel les agriculteurs sont rémunérés pour stocker le carbone et compenser les émissions continues de carbone d’une entreprise, d’un pays ou d’un individu. Les mécanismes d’agriculture carbone prévoient la rémunération des agriculteurs pour qu’ils appliquent des pratiques agricoles « intelligentes » du point de vue climatique censées augmenter la quantité de carbone stocké dans leurs exploitations. Le changement de pratiques sert à vérifier la création de crédits carbones qui sont vendus aux entreprises ou aux gouvernements via les « marchés carbone ». Même si ces acheteurs continuent à émettre des gaz à effet de serre, ils affirment qu’ils les ont « compensées ». La demande pour des compensations augmente, avec 82 pays et 44 % des 2 000 plus grandes entreprises au monde ayant réalisé des engagements pour le « net zéro ». La plupart des mécanismes d’agriculture carbone existants reposent sur le carbone stocké dans les arbres grâce à l’agroforesterie et les plantations d’arbres, mais le nombre de mécanismes d’agrostockage dans le sol est en hausse.

Les compensations par stockage de carbone dans le sol sont dangereuses pour la justice climatique et la souveraineté alimentaire car…

Les compensations par stockage de carbone dans le sol favorisent le monopole de semences et produits agrochimiques non durables et aux mains des grandes entreprises. Ces mécanismes encouragent ou requièrent souvent des pratiques agricoles spécifiques qui reposent sur des semences et produits agrochimiques privés, comme l’utilisation de pesticides affiliés pour contrôler les mauvaises herbes plutôt que de labourer. Les algorithmes et les machines agricoles numériques nécessaires pour obtenir des crédits carbone peuvent requérir des variétés de cultures et des pratiques spécifiques pour fonctionner.

Les compensations par stockage de carbone dans le sol sont un prétexte pour l’accaparement des données, renforcent le pouvoir des entreprises de l’alimentaire et la technologie qui contrôlent les plateformes numériques en charge du suivi et de la commercialisation des crédits par agrostockage.

Les mécanismes d’agrostockage entraînent la consolidation et la mécanisation des exploitations, ce qui donne l’avantage aux plus grandes exploitations car elles peuvent plus facilement adopter les technologies et les pratiques mais aussi générer de grandes quantités de crédits carbone.

Les mécanismes d’agriculture carbone accélèrent la perte de connaissances agricoles traditionnelles en enseignant que les pratiques traditionnelles détériorent les sols et enferment les agriculteurs dans des contrats qui requièrent des pratiques « intelligentes » du point de vue climatique.

Mais tous les types de carbones sont différents. L’idée que « le carbone reste du carbone » derrière les compensations omet la violence, les conséquences sur la santé et les répercussions économiques et socioéconomiques autour des mines, des sites d’extraction d’énergies fossiles et des fermes industrielles. En outre, le carbone écologique dans les sols se saurait compenser l’émission de carbone fossile.

Les mécanismes de compensation détournent de solutions réelles mais aussi les financements publics de l’agroécologie vers l’agriculture carbone.

Encadré 4

Immerger des algues pour réparer le climat : une nouvelle vague de fausses solutions

Alors que la Terre brûle, les investisseurs continuent à trouver des moyens nouveaux et incongrus de générer plus de profits sans réduire les émissions de carbone. Les océans sont désormais en première ligne : une nouvelle industrie des algues (ou macroalgues) envahit les littoraux et les mers sous couvert de l’Accord de Paris sur le changement climatique de 2015. Mi-2023, plus de 1 300 entreprises étaient déjà impliquées dans les algues commerciales, y compris plus de 200 start-ups.

La nouvelle grande promesse orientée vers les bénéfices de cette supposée « révolution de l’algue » est de vendre de crédits carbone, en affirmant que les algues industrielles capturent le carbone. Surfant sur la vague du « carbone bleu », même s’il n’existe pas encore de marché du carbone formel pour la culture de l’algue, des industriels comme Canopy Blue, The Seaweed Company et Running Tide vendent d’ores et déjà des compensations carbone aux entreprises sur le marché volontaire.

Pourtant, leurs promesses ne tiennent pas. Premièrement, les algues ne capturent pas beaucoup de carbone. Une fois les calculs faits, il semble que les écosystèmes d’algues industrielles pourraient s’avérer être des émetteurs nets de CO2. Augmenter la superficie consacrée aux algues industrielles pourrait ainsi relâcher davantage de CO2 dans l’atmosphère, et non moins.

Deuxièmement, développer des monocultures marines et utiliser des intrants chimiques peuvent abîmer les écosystèmes existants, qui capturent naturellement le carbone et forment les moyens de subsistance des communautés locales. Parmi les risques des plantations d’algues : faire de l’ombre aux fonds marins, herbes marines et algues naturelles, altérer les courants océaniques, contaminer la diversité génétique et priver le plancton de ses nutriments vitaux, affectant ainsi les écosystèmes marins mais aussi les moyens de subsistance sur le littoral.

Enfin, les financiers du carbone se tournent vers les océans pour son immensité, et les voient comme une mine d’or inexploitée. Mais les océans ne sont pas vides. Les exploitations industrielles d’algues occuperaient une part considérable des littoraux mondiaux, privant par la même les communautés locales de leur droit à y vivre et y travailler.

Sur terre, l’expansion des monocultures détruit des forêts et ses habitants depuis des décennies. Si nous ne mettons pas un terme de toute urgence à cette supposée « révolution des algues », les plantations industrielles d’algues feront la même chose que sur terre, détruisant dans leur sillage les écosystèmes marins et exacerbant la marginalisation des communautés côtières.

Consultez ce lien pour en savoir plus : « Le mirage des algues : Les algues industrielles ne refroidiront pas le climat et abîment la nature » en anglais.

Encadré 5

Le processus Nyéléni, vers un forum mondial pour la souveraineté alimentaire en 2025

L’écho de nos alliés

Mariam Mayet, Centre Africain pour la Biodiversité, acbio.org.za

Les 10 et 11 juin 2023, j’ai représenté le Centre Africain pour la Biodiversité (ACB en anglais), dans le cadre du mouvement mondial pour la souveraineté alimentaire, lors d’une rencontre de militants de mouvements sociaux organisée par le Comité international de planification pour la souveraineté alimentaire à Rome en Italie.

Le but principal de ma participation était de contribuer à l’élaboration de nouvelles stratégies pour transformer le système mondial vers la justice économique, sociale, de genre, ethnique, climatique et environnementale, pour informer et participer à la création du Processus Nyéléni. Les discussions riches ont abondé sur la nécessité de répondre et de participer à des argumentaires mêlant les crises de la biodiversité, du changement climatique, de l’agriculture et des systèmes alimentaires, en particulier dans le Sud mondial, et renforcer les alternatives au capitalisme qui mène tout droit vers l’écocide.

Nous sommes revenus sur les conséquences de la pandémie de Covid-19, notamment le fait qu’elle a accéléré les processus de désintégration du projet capitaliste via : la hausse forte des inégalités dans le monde, la dégradation économique, la précarité et la vulnérabilité, l’autoritarisme et le fascisme, le racisme, les féminicides, les conflits et les soulèvements sociaux. Nous nous sommes engagés envers le Processus Nyéléni comme des acteurs incontournables dans le soutien de la résistance active contre l’extractivisme et le monopole capitaliste. Notre résistance s’appuiera sur une analyse et une réflexion critiques, et la déconstruction et la remise en cause des arguments industriels et faux sur la transformation.

Nous sommes conscients que le capitalisme, même s’il vit ses dernières années, se nourrit intensément de l’extraction et la dépossession (en cherchant constamment et avidement de nouveaux territoires à exploiter), en particulier en Afrique, continent riche en ressources biologiques et minérales. La rencontre de Rome constituait un point de départ important pour le Processus Nyéléni, perçu comme une occasion de renforcer et soutenir des espaces démocratiques et progressifs ancrés dans des organisations et réseaux démocratiques et reposant sur les masses, poussant pour une transformation systémique du système alimentaire mondial.