Encadré 1
Un système commercial qui favorise les droits des paysans, la collaboration plutôt que la concurrence
Des efforts pour construire un système commercial axé sur le développement et l’égalité ont été accomplis par le passé. Un exemple notable est la Charte de la Havane, visant à garantir le plein emploi et l’industrialisation nationale dans l’ordre commercial international d’après-guerre. L’objectif était d’établir des règles générales pour le commerce, l’investissement, les services, et les pratiques de l’emploi et des affaires. Pourtant, sous la pression des lobbys des grandes entreprises et des États-Unis, la charte a été abandonnée et remplacée par l’Accord Général sur les Tarifs Douaniers et le Commerce (GATT selon l’acronyme anglais), qui est plus tard devenu l’OMC.
Une autre initiative importante est le Système Global de Préférences Commerciales (SGPC), instauré il y a plus de 30 ans par le Groupe des 77, une coalition de pays en développement. Le SGPC vise à encourager le commerce entre les pays en développement. Fin 2022, le Brésil a ratifié des engagements en vertu du SGPC, suscitant un intérêt nouveau dans le monde pour cet accord, auquel il ne manque désormais qu’une ratification pour entrer en vigueur. Malheureusement, ces initiatives sont souvent entravées par l’hégémonie du cadre néo-libéral, qui favorise le commerce de produits agro-industriels et biens transformés par beaucoup de technologies.
Nous avons maintenant besoin d’un cadre alternatif qui mette l’accent sur la coopération et la collaboration plutôt que sur la concurrence et où la solidarité prime sur les sanctions. Ce cadre doit soutenir les économies rurales, permettre à des systèmes alimentaires divers de prospérer et garantir que les droits des paysans, peuples indigènes, migrants et des personnes travaillant dans les zones rurales et urbaines soient au cœur du commerce transnational.
Encadré 2
Bref historique des offices de commercialisation agricoles
Le démantèlement des offices de commercialisation publics a été une caractéristique majeure du passage de la politique agraire d’un développement géré par l’État à une gestion par le marché.
Les offices de commercialisation ont un bilan assez mitigé. Beaucoup d’offices de commercialisation étaient, par nature, axés sur l’extraction. Les gouvernements s’en servaient pour obtenir des surplus de leurs populations paysannes et limiter la hausse des salaires urbains en plafonnant les prix des aliments de base. Ce phénomène est lié au contexte géopolitique particulier dans lequel beaucoup de ces offices ont vu le jour dans les années 1960 et 1970. À cette époque, les stratégies de développement étaient majoritairement en faveur de l’industrialisation. Des régimes corrompus et autoritaires se sont aussi servis des offices de commercialisation comme des outils pour renforcer leur pouvoir en y plaçant leurs candidats politiques.
Malgré ces défauts, les offices de commercialisation ont joué des rôles très utiles. Ils ont souvent été des instruments indispensables pour garantir la distribution d’aliments de base. L’ancienne agence de commerce des céréales du Mexique, la CONASUPO, proposait un prix d’achat officiel pour les céréales de base, assurant ainsi une protection contre les fluctuations du marché international et la concurrence subventionnée. Les offices de commercialisation continuent à opérer dans certains pays, notamment en Afrique subsaharienne, où ils gèrent la majorité de la vente et la distribution des cultures d’exportation.
Les critiques souvent émises à l’encontre des offices de commercialisation doivent être mises en relation avec les alternatives. Les monopoles des États dans les systèmes de commercialisation agricole sont nombreux à avoir été remplacés par des pratiques oligopolistiques d’acheteurs et vendeurs multinationaux d’aliments. Il existe donc matière à (re)penser le potentiel et les lacunes des offices de commercialisation publics.
Pour en savoir plus ici (en anglais).
Encadré 3
Repenser les réglementations sur les marchés agricoles pour la transition agroécologique en Europe
Les vagues de manifestions paysannes qui ont secoué l’Europe ces derniers mois, notamment en Belgique, France, Pays-Bas, Allemagne, Italie, Grèce, Pologne, Roumanie et Lituanie, ont mis en avant des appels à revoir l’approche européenne de la régulation des marchés agricoles et alimentaires.
Même si les politiques, préoccupations et revendications particulières varient d’un pays à l’autre, ces manifestations se produisent toutes en réaction à la forte diminution des prix qui touche les agriculteurs : dans 11 pays de l’UE, les prix versés aux agriculteurs ont diminué de plus de 10 % entre 2022 et 2023. La précarité économique qui frappe les agriculteurs s’inscrit dans un contexte de crise structurelle de longue date de l’agriculture européenne.
Il est évident que les cadres politiques européens actuels, en particulier la Politique Agricole Commune (PAC) de l’UE, n’ont pas été à la hauteur de l’immense défi d’assurer des prix justes et des revenus décents pour les agriculteurs. Ça n’a pas toujours été le cas. La PAC déployait autrefois toute une gamme d’instruments visant à maintenir des prix relativement hauts et stables pour les producteurs de denrées alimentaires considérées comme stratégiques, afin d’assurer une production suffisante pour répondre aux besoins en aliments des Européen·nes et des prix raisonnables pour les consommateurs. Ces instruments ont presque tous été abandonnés à partir de 1992 afin de respecter les engagements de l’AoA de l’OMC, et les instruments de régulation du marché ont été remplacés par un soutien direct au revenu des agriculteurs. Avec le temps, ce soutien a été conditionné au respect d’un nombre croissant de normes.
Quelles leçons peuvent être tirées des réussites et échecs des politiques passées pour réguler les marchés agricoles, en Europe et ailleurs dans le monde, afin de reconstruire la PAC sur la base de la souveraineté alimentaire et permettre la transition agroécologique ?
Cette question de premier plan sera au cœur d’une conférence inédite autour de sujet « Repenser la régulation des marchés agricoles pour la transition agroécologique en Europe » organisée par la Coordination Européenne Via Campesina et ses partenaires. Prévue pour les 3 et 4 mars 2025 à Bruxelles, cette conférence réunira des universitaires, des paysans et des petits et moyens producteurs de toute l’Europe pour promouvoir la construction commune de savoirs au service d’une nouvelle PAC à la hauteur de la situation.
Plus d’informations sur la conférence ici.