Encadres

Encadré 1

La finance mondiale dicte la libéralisation du commerce : un appel à repenser le commerce entre les pays

Le Consensus de Washington, imposé par le FMI et la Banque mondiale par le biais de prêts conditionnels, a institutionnalisé le néolibéralisme. Ses politiques fondamentales comprennent la libéralisation du commerce, la privatisation des entreprises publiques, la réduction des dépenses publiques, la déréglementation et la re-réglementation en faveur des entreprises. L’Organisation mondiale du commerce (OMC) renforce encore ces principes par le biais d’accords commerciaux mondiaux qui favorisent le capital transnational. 

La Via Campesina (LVC) a émergé comme force de résistance paysanne mondiale aux réformes néolibérales et à l’OMC. Bien que les mobilisations paysannes aient contribué à freiner les progrès de l’OMC depuis 2001, l’accord sur l’agriculture de 1995 permet toujours à des nations puissantes comme les États-Unis et l’Union européenne de mettre en œuvre des programmes commerciaux agressifs qui pénalisent le soutien aux petits producteurs de denrées alimentaires. Les accords commerciaux bilatéraux et régionaux ont encore aggravé la pauvreté rurale. Ces régimes commerciaux empêchent les gouvernements du Nord comme du Sud de mettre en œuvre des politiques de souveraineté alimentaire. Ils considèrent la réglementation du marché intérieur, les prix de soutien pour les petits producteurs alimentaires et les marchés publics comme des « distorsions commerciales », et privilégient l’accès des entreprises à l’intérêt public. 

Au cours des deux dernières années, des manifestations paysannes ont éclaté dans plus de 65 pays, soulignant la nécessité d’un nouveau système commercial. LVC lance une campagne visant à construire un nouveau cadre mondial pour le commerce agricole entre les pays, qui soit ancré dans les principes de coopération et de solidarité transnationale et qui défende la souveraineté alimentaire de chaque pays. Il est important que les petits producteurs et les mouvements de travailleur·euses, ainsi que tous ceux qui sont attachés à la souveraineté alimentaire, se joignent à cet effort collectif pour construire une véritable alternative économique. Pour en savoir plus : www.viacampesina.org  

Encadré 2

La financiarisation comme moteur de l’accaparement des terres

La financiarisation joue un rôle central dans la vague mondiale d’accaparement des terres et des ressources naturelles, favorisant la concentration des terres et sapant la capacité des communautés à se nourrir et à nourrir les autres. Depuis la crise financière de 2008-2009, la terre est de plus en plus traitée comme un actif financier. Environ 65 millions d’hectares ont été acquis dans le monde, et les fonds de pension, d’assurance et de dotation ont investi environ 45 milliards de dollars dans les terres agricoles entre 2005 et 2017. En 2018, ces entités représentaient 45 % de tous les investissements dans les terres agricoles.

Les crises écologiques actuelles (changement climatique, perte de biodiversité et dégradation des écosystèmes) découlent de l’extraction capitaliste. Pourtant, les acteurs du monde de la finance et de l’entreprise considèrent désormais ces crises comme des opportunités d’investissement. Les fonctions naturelles telles que le stockage du carbone sont rebaptisées « services écosystémiques », une valeur économique leur est attribuée et elles sont commercialisées. La valeur de ces « actifs naturels » s’élèverait à 4 000 billions de dollars. Les marchés du carbone et de la biodiversité en particulier ont alimenté une nouvelle vague d’accaparements verts, environ 20 % des transactions foncières à grande échelle étant désormais liées à la bioéconomie. À eux seuls, les marchés du carbone devraient voir leur valeur quadrupler au cours des dix prochaines années, intensifiant la pression sur les terres et dépossédant les communautés au nom de la durabilité et des promesses « d’émissions net zéro ».

Encadré 3

La déréglementation et le tournant néolibéral dans l’agriculture mondiale

Le FMI et la Banque mondiale, par le biais des conditionnalités attachées aux prêts et autres financements et des conseils politiques, ont joué un rôle central dans la financiarisation accrue, la déréglementation des marchés et les réglementations favorables aux entreprises dans les secteurs de l’alimentation, de l’agriculture et des secteurs liés. Ces mesures ont entraîné l’accaparement de terres, une plus grande exposition des petits exploitants à la volatilité des prix, la concentration des marchés et du pouvoir financier par les entreprises agroalimentaires, et l’expansion de l’agriculture industrielle polluante.

Plus récemment, la déréglementation du secteur du blé au Pakistan, conformément aux conditions du FMI, a éliminé le prix de soutien minimum et a entraîné la fin de la Pakistan Agricultural Storage and Services Corporation (PASSCO)[1]. En Argentine, les mesures d’austérité approuvées par le FMI ont entraîné des licenciements massifs et des coupes dans les services sociaux, la déréglementation du marché alimentaire et la déréglementation de la loi sur les terres rurales. En Équateur, l’élevage de crevettes soutenu par la BM a détruit les forêts de mangroves et déplacé les communautés locales, soulignant ainsi les coûts environnementaux et sociaux de ces politiques.

Ces changements dans l’environnement réglementaire ne sont pas limités aux pays en développement et ne sont pas non plus mis en œuvre par les seules institutions de prêt.

L’accord Blair House de 1992, un accord bilatéral clé entre les États-Unis et l’Union européenne sur les subventions agricoles, en est un bon exemple.  Il a conduit l’UE à mettre fin aux quotas de production laitière. De nombreux petit·es agriculteur·rices européen·nes ont alors été confronté·es à une concurrence accrue et à l’instabilité des prix. Il n’est donc pas surprenant qu’entre 2007 et 2022, le nombre de petites exploitations agricoles dans l’UE ait diminué de 44 %, tandis que le nombre de mégaexploitations a augmenté de 56 %.

L’accord Blair House a ensuite ouvert la voie à l’Accord sur l’Agriculture (AoA en anglais)[2], le premier cadre multilatéral sur le commerce agricole, qui a jeté les bases de nombreuses négociations ultérieures sur des accords de libre-échange de l’OMC, et a permis la mondialisation des entreprises agroalimentaires, tout en marginalisant la paysannerie. 

Aux États-Unis aussi, les politiques de déréglementation ont eu un impact considérable sur le secteur agricole, en particulier le démantèlement du modèle de prix de parité[3] et du système de gestion de l’offre d’après les quotas qui assurait autrefois la stabilité des petit·es agriculteur·rices.

La déréglementation autonome dans les pays riches a également contribué à l’expansion du pouvoir des marchés et des acteurs de la finance au sein des systèmes alimentaires. Cela a conduit à des échanges spéculatifs, à des prix alimentaires record, à une volatilité accrue des prix dans le monde entier et à l’ouverture de nouveaux marchés pour les semences génétiquement modifiées.

Il est donc évident que l’idéologie économique néolibérale, où les marchés financiers priment sur les personnes, aggrave les inégalités, impose des mesures d’austérité qui affaiblissent les économies rurales et sape la responsabilité publique. Les manifestations en cours dans différents pays reflètent une résistance croissante face à des États qui se soustraient à leur obligation de servir leur peuple et non les marchés.

Au contraire, nous avons besoin d’une plus grande réglementation du marché pour protéger les intérêts des citoyens, et non d’une déréglementation.

[1] La Pakistan Agricultural Storage and Services Corporation (PASSCO) (« entreprise de stockage et services agricoles du Pakistan »), une entité gouvernementale, achète du blé et d’autres cultures de base à des prix de soutien afin de garantir des revenus équitables aux producteur·rices de denrées alimentaires, de maintenir des réserves stratégiques et de stabiliser les prix du marché.

[2] L’AoA est un accord de l’OMC visant à réformer le commerce des produits agricoles. Il a été établi au cours du Cycle d’Uruguay de l’Accord Général sur les Tarifs Douaniers et le Commerce (GATT selon l’acronyme anglais) et est entré en vigueur avec la création de l’OMC en 1995.

[3] Dans le cadre du prix de parité, le gouvernement fixe les prix de soutien, par le biais de prix planchers ou de subventions, sur la base du coût des intrants et des niveaux de vie de l’époque de référence, ajustés pour tenir compte de l’inflation.