L’ Agroécologie en pratique

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De paysan à paysan : un modèle pour construire des alternatives anti-hégémoniques

Les exemples les plus significatifs du développement de l’Agroécologie à une plus grande échelle sont liés à des processus organisationnels, en particulier ceux au sein desquels les paysan-ne-s jouent le rôle de protagoniste. Pour nous, passer à une plus grande échelle ne signifie pas reproduire de façon linéaire des modèles préconçus, ni prendre quelque chose de petit et le rendre plus grand ; il s’agit plutôt de renforcer et de multiplier plein de petits processus. Afin d’intégrer plus de personnes et de territoires au sein du mouvement pour l’Agroécologie, il est essentiel de travailler à la consolidation des organisations paysannes dans le développement de leurs propres processus sociaux, territoriaux et politiques.

La méthode de paysan à paysan est souple et repose sur un ensemble de concepts/actions/possibilités unis dans le but d’assembler les Agroécologies, la (re)construction et l’articulation des territoires et aider à l’émergence des paysan-ne-s en tant qu’acteurs politiques – trois dimensions si interdépendantes et interpénétrées qu’il est difficile de déterminer à quel moment l’une finit et à quel moment une autre commence.

Il s’agit d’un processus où Ies acteurs assurent la coproduction de savoirs à travers l’échange d’idées, d’expériences et d’innovations dans le domaine de la production agroécologique et où les expérimentations et innovations qui réussissent sont systématisées de façon collective et utilisées comme exemple pour motiver les autres ainsi que renforcer et élargir la production agroécologique. Ces processus ont généralement un lien avec d’autres domaines de formation comme les Écoles paysannes, espaces d’organisation et d’articulation au niveau local, national et international, la coopération Sud-Sud et les processus entre organisations paysannes.

Après avoir démarré en Amérique centrale au début des années soixante-dix, le mouvement Campesino a Campesino (de paysan à paysan) pour l’agriculture durable est désormais largement reconnu comme l’une des meilleures façons de développer et de promouvoir l’Agroécologie. Les agricultrices et les agriculteurs partagent non seulement des informations et des techniques mais aussi des concepts agroécologiques abstraits, des savoirs et une sagesse, au moyen de modèles, de démonstrations, d’activités ludiques, de chansons, de poèmes et de récits.

Le Mouvement agroécologique de paysan à paysan (Movimiento agroecológico de Campesino a Campesino ou MACAC, en espagnol) est un exemple emblématique adopté par l’Association nationale de petits agriculteurs (ANAP), à Cuba, qui a joué un rôle décisif pour aider le pays à survivre à la crise générée par l’effondrement du bloc socialiste en Europe et au durcissement de l’embargo commercial américain. L’Agroécologie a largement contribué à stimuler la production paysanne d’aliments sans être tributaire des importations de produits chimiques agricoles coûteux et rares, ce, en remplaçant tout d’abord les intrants qui n’étaient plus disponibles par d’autres plus écologiques, puis en opérant une transition vers des systèmes agricoles plus diversifiés et intégrés sur le plan agroécologique. Ces pratiques ont permis d’obtenir des bienfaits supplémentaires, notamment la résilience au changement climatique. Le MACAC repose sur l’émulation des paysan-ne-s par leurs pairs ; il représente une « pédagogie de l’expérience » et une « pédagogie de l’exemple ».
Pour en savoir plus ici (en anglais uniquement).

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Les femmes et la terre au Tadjikistan

Zan va Zamin (Femmes et Terre) est une organisation de base créée en 1999 par un petit groupe de femmes militantes au Tadjikistan. Son objectif est de garantir la sécurité foncière et l’accès à la terre, la préservation de la biodiversité et des savoirs traditionnels, et la création d’associations et de coopératives d’agricultrices et d’agriculteurs. Jusqu’à présent, l’organisation a aidé plus de 1200 femmes à obtenir des titres de propriété sur leurs terres. En plus de mettre à disposition des crèches locales, elle encourage les femmes et les personnes âgées à jouer leur rôle de gardien-ne-s et de passeurs/passeuses du patrimoine agricole. Elle a appuyé la création de plus de trente banques de semences pour permettre l’accès des agricultrices et des agriculteurs à plusieurs variétés de semences. Les douze écoles paysannes qu’elle compte produisent au moins mille tonnes de légumes par an, tandis que les jardins et pépinières communautaires fournissent de petits arbres et entretiennent plus de 10 000 arbres fruitiers. Elle a également fourni aux populations locales des séchoirs solaires pour légumes, des serres fonctionnant à l’énergie solaire et des fours à basse consommation. Grâce à ce travail remarquable, Zan va Zamin contribue à créer des écosystèmes plus résilients, à réduire les pénuries alimentaires, à renforcer la Souveraineté Alimentaire et à améliorer les revenus au niveau local.
Pour en savoir plus ici (en anglais uniquement).

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La mobilisation en faveur de l’innovation institutionnelle


« Le travail que nous avons mené pendant tant d’années en faveur de l’Agroécologie et de la Souveraineté Alimentaire dispose désormais, en Uruguay, d’un cadre légal qui nous permettra de continuer à avancer »

Silvana Machado, Réseau national des semences locales

En décembre 2018, le Parlement uruguayen a promulgué le Plan national d’Agroécologie en loi, suite à l’initiative impulsée par les femmes et les hommes engagé-e-s dans la production agroécologique familiale et par des organisations sociales, à l’origine du mouvement pour la Souveraineté Alimentaire en Uruguay. Cette victoire est le fruit d’un long processus de discussion engagé lors de la cinquième édition de la Fête nationale des semences locales, en avril 2014, et dans le cadre duquel se sont tenus plusieurs séminaires et ateliers organisés au cours des éditions successives, ainsi que des rencontres régionales et nationales du Réseau national des semences natives et locales et du Réseau de l’Agroécologie. Le débat parlementaire a souligné que cette nouvelle législation cible les femmes et les hommes engagé-e-s dans la production familiale d’aliments et leur rôle dans la défense de la biodiversité, des territoires et des bassins versants. De plus, il a mis en avant l’accumulation d’expérience d’actions menées pendant plus de trois décennies au niveau des territoires pour créer des collectifs de promotion de l’Agroécologie. L’approbation de cette loi confère un caractère formel qui était nécessaire d’un point de vue critique du système agroalimentaire en Uruguay et dans la région, à partir de la défense du droit à l’alimentation et de la Souveraineté Alimentaire.
Pour en savoir plus ici (en espagnol uniquement).

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De l’Atelier Paysan à Farm Hack*

« Chez moi, c’est très difficile de mettre la main sur quelque chose qui soit entre le tracteur et la truelle. C’est juste qu’il n’y a pas grand-chose entre les deux. Du coup, j’aime bien venir dans des endroits comme cet [évènement Farm Hack] et en tirer énergie et inspiration. Pollinisation-croisée, échange d’idées, complaintes sur la météo… Des tas de choses. C’est vraiment fructueux. »
Kate Collins. Maraîchère, R.U.

L’Atelier Paysan, en France, et Farm Hack, au Royaume-Uni, font partie d’une approche menée par les acteurs locaux dans l’élaboration, la modification et le partage de la conception d’outils agricoles, de machines et autres innovations. Ces initiatives mettent en exergue une approche de paysan à paysan pour apprendre et créer des plateformes destinées à permettre aux paysan-ne-s de se rassembler pour « hacker » et mettre à profit leur ingéniosité collective dans l’élaboration de technologies adaptées à leurs pratiques agroécologiques. Ces initiatives s’attachent à développer une souveraineté technique et technologique pour les paysan-ne-s grâce aux plateformes open source (« en libre »), à la promotion de l’autonomie des paysan-ne-s et à la réappropriation par ces derniers des savoirs et des compétences.

À l‘Atelier Paysan, la formation de paysan à paysan, d’agriculteur à agriculteur et d’ingénieur/formateur à agriculteur se fait de façon horizontale mais aussi à travers une personne-référent, à savoir, l’un des ingénieurs de la coopérative. À la fin de la formation chaque participant-e rentre sur son exploitation avec un outil qu’il ou elle sait comment construire, réparer et éventuellement adapter à ses propres besoins. Plus de 80 dates de formation sont disponibles chaque année. Ces formations à l’auto-construction durent entre deux et cinq jours. Les processus participatifs pour construire des technologies peuvent durer pendant plusieurs mois.

Le Farm Hack implique, en général, deux éléments principaux et complémentaires : une plateforme Web et des évènements. Une plateforme Web sert à partager les inventions au moyen d’une approche open source ou Creative Commons. Les innovations des paysan-ne-s sont mises à disposition des autres membres de la communauté. Les évènements Farm Hack regroupent des femmes et des hommes paysans, cultivateurs, fabricants, ingénieurs et programmateurs informatiques, afin de montrer et de partager des outils, des compétences et des idées grâce à des démonstrations sur place, des ateliers pratiques, des séminaires, des activités ludiques et des échanges culturels. Ces deux éléments se rejoignent lorsque les outils présentés au cours des évènements sont postés sur Internet. Pour en savoir plus ici.

Tout en donnant la possibilité aux paysan-ne-s d’acquérir plusieurs compétences (par ex., technologies adaptées à l’Agroécologie paysanne, souveraineté technologique, innovation proposée par l’utilisateur, animation de réseau sociotechnique, documents open source), ces initiatives jouent un rôle important dans la création des réseaux entre les personnes et donc dans le renforcement des mouvements sociaux.

*Tiré de www.eurovia.org/fr/eaken-fr/