L’écho des campagnes 

L’écho des campagnes 1

Du forum international aux campagnes 1

Kusnan, Centre national pour les semences, Serikat Petani Indonesia (SPI), Tuban, province de Java oriental, Indonésie

Le mouvement mondial pour la souveraineté alimentaire, qui a organisé son premier forum à Nyéléni au Mali en 2007, a joué un rôle déterminant pour apporter une clarté politique et une compréhension commune du sens de « souveraineté alimentaire » selon les différentes réalités nationales.

Depuis plusieurs décennies en Indonésie, Serikat Petani Indonesia se bat pour une réforme agraire qui garantirait la souveraineté alimentaire de nos territoires. Nous appelons ces régions des « zones de souveraineté alimentaire ».

Je me trouve actuellement à Tuban, dans la province de Java oriental dans une zone de souveraineté alimentaire qui a été épargnée par l’accaparement à grande échelle à des fins industrielles. Ici nous cultivons nos terres en tant que communauté et sommes autonomes quant à nos outils, semences et méthodes de culture. Notre système de coopérative est organisé et géré par des paysans qui partagent la philosophie de l’agroécologie. Dans le système de production qu’ils ont bâti, le bétail, les cultures et la nature cohabitent harmonieusement et les fonctions de chaque élément se complètent.

Nous plantons des espèces diverses de cultures comme du riz, du maïs, des fruits, des légumes et de l’horticulture. Nous sommes opposés à toute forme de monoculture industrielle. Nous avons recours à la mécanisation agricole à petite échelle, qui garantit l’autonomie des paysans qui l’utilisent. Nos semences sont créées et produites en choisissant et en croisant des semences locales afin d’améliorer leurs propriétés génétiques, leur rendement et leur résistance au changement climatique.

Nos pratiques agricoles s’appuient sur la sagesse locale et les savoirs ancestraux, et nous avons recours à des engrais biologiques solides issus des déchets animaux ainsi que des engrais biologiques contenant plusieurs types de microbactéries. Ils permettent de décomposer la matière organique dans la terre et favorisent un équilibre écologique dans un écosystème équilibré. Cette approche garantit la présence de macro et micronutriments et contrôle les nuisibles et les maladies, nous permettant ainsi de produire des aliments sains et nutritifs.

Pour vendre nos produits, nous avons créé la coopérative des paysans indonésiens, une entité paysanne qui transforme et distribue la production dans les zones rurales et les villes de la zone de souveraineté alimentaire. Ce système de coopérative assure une approche durable et équitable de l’agriculture, met la priorité sur les besoins de la communauté et aide à protéger notre souveraineté alimentaire.

L’écho des campagnes 2

Du forum international aux campagnes 2

Ibrahima Coulibaly, Coordination Nationale des Organisations Paysannes du Mali (CNOP-Mali)

Le combat pour la souveraineté alimentaire au Mali dure depuis le forum de Nyéléni en 2007. Il s’est concrétisé sur le terrain avec comme objectifs de s’opposer au modèle de production et de distribution dominé par les intérêts privés et de soutenir l’économie locale afin de lutter contre la faim et la pauvreté.

En 15 ans, la Coordination Nationale des Organisations Paysannes du Mali (CNOP-Mali) a fait de Nyéléni notre guide vers l’avenir de l’agriculture familiale en plaçant l’agroécologie paysanne au cœur de la souveraineté alimentaire.

L’engagement de la CNOP a donné lieu à l’organisation d’un forum international sur l’agroécologie au Mali en 2015, la création d’un système allant de l’identification d’un vivier de formateurs paysans à la création de 12 modules autour des pratiques de travail de la terre, une charte sur les agriculteurs relais et un manifeste sur l’agroécologie. De plus, une plateforme sur l’agroécologie paysanne au Mali a vu le jour à l’initiative de la CNOP en avril 2017, accompagnée d’un système de formation des paysans formateurs en agroécologie paysanne pour parvenir à la justice économique, sociale et environnementale.

Aujourd’hui, ce système compte plusieurs milliers de producteurs formés et engagés dans la pratique de l’agroécologie. Un défi subsiste néanmoins : appliquer une approche qui lève les obstacles à la multiplication des marchés pour les produits agroécologiques et biologiques. Comment pouvons-nous passer des marchés ciblés à des marchés à plus grande échelle ? Comment impliquer de façon structurelle les paysans dans la consultation avec les parties prenantes aux systèmes alimentaires ? Enfin, comment garantir une position politique de la part des dirigeants politiques, à la fois au niveau national et au sein des organismes de gouvernance régionale ainsi que de l’Union Africaine ? Il est indispensable de fournir des réponses à toutes ces questions.

L’écho des campagnes 3

Un aperçu des difficultés et de la résilience des communautés de pêcheurs

Md. Mujibul Haque Munir, COAST Foundation, Bangladesh

Récemment, j’ai effectué des visites dans les villes de Cox’s Bazar, Bhola et Sunamganj pour évaluer la situation actuelle en amont de notre consultation régionale. J’ai pu constater la résilience et la force des communautés de pêcheurs malgré toutes les difficultés qu’ils rencontrent.

À Cox’s Bazar, j’ai vu par moi-même la réalité douloureuse causée par la crise des Rohingya. La région est réputée pour sa tradition de pêche en mer mais les pêcheurs font face à de nombreux obstacles. Ils demandent un enregistrement officiel et des contrats écrits pour protéger leurs emplois et garantir des indemnités justes en cas d’accident. De nombreux pêcheurs ont connu des expériences insatisfaisantes quant à l’aide fournie par le bureau local de la pêche : seuls quelques-uns d’entre eux ont reçu des équipements de sécurité essentiels. Les difficultés financières étaient elles aussi évidentes au vu du maigre revenu mensuel des pêcheurs et leur dépendance aux avances données par les propriétaires des bateaux. Leurs familles pâtissent de ces difficultés, notamment leur accès à l’éducation et aux soins de santé.

En me rendant à Bhola, j’ai constaté les effets destructeurs des catastrophes naturelles sur la région littorale. Les cyclones récents ont dévasté les communautés. Les pêcheurs locaux ont fait preuve d’une résilience extraordinaire en ne ménageant aucun effort pour reconstruire leurs vies. Pourtant, une assistance immédiate sous la forme d’abris, d’eau potable et de soutien aux moyens de subsistance était indispensable pour les sortir de l’ornière. Renforcer la préparation et la résilience face aux catastrophes dans la région est primordial pour atténuer les conséquences d’épisodes futurs et protéger les populations et les moyens de subsistance.

À Sunamganj, une région jalonnée de rivières et de zones humides, j’ai découvert des défis bien différents. Les inondations, l’érosion et les maladies transmises par l’eau faisaient partie des préoccupations majeures. Malgré les obstacles, la communauté a fait montre d’une grande capacité d’adaptation, en trouvant des moyens innovants de lutter contre les inondations fréquentes. Néanmoins, des solutions à long terme comme la construction de digues, des systèmes d’alerte rapide et des centres de soins améliorés sont requis de toute urgence pour assurer leur bien-être. Améliorer leur résilience est crucial dans cet environnement singulier.

Les membres de la communauté, les autorités locales et les organisations humanitaires m’ont expliqué en détail les difficultés et les solutions possibles. Des efforts conjoints impliquant toutes les parties prenantes sont nécessaires pour faire face aux enjeux multiples auxquels sont confrontées ces communautés : avant tout, il convient d’assurer un soutien gouvernemental approprié, la sécurité financière, des mesures de sécurité et l’accès aux services essentiels. En reconnaissant les apports des communautés de pêcheurs et en apportant notre soutien, nous pouvons leur donner les outils et créer un avenir plus durable et prospère.

L’écho des campagnes 4

Un plan alimentaire populaire par les personnes, pour les personnes !

Jessie Power, Alliance Australienne pour la souveraineté alimentaire (AFSA)

En 2012, la Australian Food Sovereignty Alliance (AFSA) a présenté son plan alimentaire populaire original en réponse au plan alimentaire national du gouvernement australien, abandonné depuis. À la différence du plan alimentaire national du gouvernement, élaboré sans la participation des petits paysans et des communautés locales, le plan alimentaire populaire reflétait les préoccupations et les attentes des consommateurs, des paysans, des organisations de communautés, des entreprises alimentaires indépendantes et des groupes militants. Le processus du plan alimentaire populaire a été mené selon un modèle de démocratie participative dans l’élaboration de politiques : ouverte, inclusive et démocratique. En effet nous connaissions l’ampleur des défis et l’urgence du travail à accomplir pour transformer notre système alimentaire défaillant, et nous savions que la prise de décisions était plus pertinente si elle était proche des personnes affectées.

Grâce au travail de collectivisation autour du plan alimentaire populaire, le mouvement pour la souveraineté alimentaire en Australie est né comme une alliance de paysans, d’organisations de systèmes alimentaires et de personnes prêtes à s’engager personnellement en faveur de la justice alimentaire. Onze ans plus tard, l’alliance AFSA s’est mue en organisation de la société civile menée par les paysans et à la tête de la lutte pour la souveraineté alimentaire. Forts d’une décennie de contributions politiques aux gouvernements fédéraux, étatiques et locaux, nous devons désormais actualiser le plan alimentaire populaire et en faire un cadre politique et un plan d’action de la base pour obtenir la souveraineté alimentaire en Australie.

Le 1er juin, l’alliance AFSA a publié le projet de loi actualisé pour un plan alimentaire populaire. Il appellera tous les acteurs du militantisme et de la transformation des systèmes alimentaires à prendre part aux actions et recommandations politiques populaires pour tous les niveaux de la gouvernance australienne. Nos partenaires internationaux sont également invités à nous aider à rassembler des études de cas qui illustrent la souveraineté alimentaire et l’agroécologie en action. Ainsi, nos gouvernements comprendront que « nous, le peuple » devons avoir le contrôle et décider de nos systèmes alimentaires et agricoles. D’ailleurs, les peuples indigènes et les petits producteurs alimentaires le font déjà avec succès depuis des millénaires !

Depuis 2019, le système alimentaire australien a connu plusieurs ondes de choc : des incendies catastrophiques, la pandémie de Covid-19 et des inondations destructrices sur la côte est. Le gouvernement australien a donné la priorité à l’agriculture industrielle et les producteurs alimentaires à grande échelle se sont préparés à l’exportation grâce à des politiques favorables, des lois et des réglementations inadaptées aux échelles. Pourtant, trois années de crise systémique ont démontré que les petits producteurs alimentaires sont les plus à même de faire face à ces catastrophes et nourrir les communautés locales. Nous prévoyons de présenter notre plan alimentaire populaire actualisé 2023 lors du sommet annuel Food Sovereignty Convergence, organisé en octobre comme un appel à une action nouvelle face à ces crises.

Si vous souhaitez participer au plan alimentaire populaire actualisé 2023 ou envoyer une étude de cas à inclure, écrivez-nous à coordinator@afsa.org.au