L’écho des campagnes

L’écho des campagnes 1

L’architecture de la dette mondiale viole les droits humains

La Via Campesina Équateur

Actuellement, l’Équateur est endetté à hauteur de 8 705 milliards de dollars auprès du Fonds monétaire international, ce qui en fait le quatrième pays le plus endetté au monde. Dans le 23e accord entre l’Équateur et le FMI, le prêt est décrit comme un soutien aux politiques de l’Équateur visant à stabiliser l’économie et à protéger la dollarisation. Il doit également permettre de mettre en place un programme de réformes structurelles.

Cependant, les organisations paysannes, autochtones et de la société civile ont remis en question le prêt et ont mis en garde contre l’impact des mesures et des conditions imposées par le FMI. Parmi les principaux accords figurent l’élimination des subventions aux carburants, le travail à l’heure, une nouvelle réforme fiscale, entre autres conditions.

Nous affirmons que cette architecture de la dette mondiale viole les droits humains, plongeant les paysans, les peuples autochtones et l’ensemble de la classe ouvrière dans la pauvreté et l’endettement. Nous alertons aussi sur la vague de criminalisation, de stigmatisation et de persécution à notre égard, intensifiée par notre lutte et notre résistance en faveur d’une vie digne. De nombreux·ses dirigeant·es et représentant·es de mouvements sociaux sont poursuivi·es par la justice et sont en danger, alors que se profilent des mesures complexes au coût social extrêmement élevé.

L’écho des campagnes 2

Le FMI et la BM ont intensifié la pression en faveur de la privatisation des terres au Sri Lanka

Anuka Vimukthi, MONLAR, Sri Lanka

Deux jours avant l’élection présidentielle de septembre 2024, le Sri Lanka a été contraint de signer un accord de restructuration de la dette avec des créanciers internationaux, sans discussion publique ni débat parlementaire. Cet accord secret a donné la priorité au remboursement de la dette plutôt qu’aux droits et au bien-être de notre peuple.

Pendant des années, les institutions financières internationales ont poussé le Sri Lanka vers une agriculture orientée vers l’exportation par le biais de programmes d’ajustement structurel. Ces réformes ont favorisé l’agrobusiness et l’agriculture intensive en capital, nous rendant, nous les paysan·nes et les petits pêcheurs, dépendants des marchés pour les semences, les engrais, les filets et les bateaux, érodant ainsi notre autonomie et nos systèmes alimentaires. 

Aujourd’hui, dans le cadre du 17e programme du FMI, le fardeau de la stabilisation économique pèse sur les plus pauvres. Les mesures d’austérité, y compris la tarification de l’énergie selon le principe du recouvrement des coûts, ont presque triplé les prix du carburant et de l’électricité, ce qui a eu un effet dévastateur sur les moyens de subsistance. L’augmentation des taxes sur les équipements et les intrants a plongé de nombreux·se paysan·nes dans la pauvreté et l’endettement.

Le FMI et la Banque mondiale poussent depuis longtemps à la privatisation des marchés fonciers. Avec ce dernier programme, ils réitèrent leur demande, faisant craindre une dépossession massive des terres. 

En tant que membre de MONLAR, je fais partie d’un mouvement grandissant qui résiste à ces mesures injustes. Nous intensifions notre campagne et exhortons le gouvernement à reconnaître la souveraineté alimentaire et les droits des paysan·nes et des travailleur·euses dans les campagnes comme des éléments essentiels de la politique agricole et économique du Sri Lanka.

L’écho des campagnes 3

Le défaut de paiement du Kenya a conduit à des accords de libre-échange qui criminalisent les paysan·nes

Susan Owiti, Ligue des Paysan·nes du Kenya 

Le Kenya a une dette publique très élevée. Le ratio dette/PIB du pays était d’environ 68 % en 2024.

Actuellement, les obligations du gouvernement kényan en matière de service de la dette absorbent environ 48 % du budget national et près de 55 % des revenus du pays. Cette situation touche directement les paysan·nes, car les fonds qui auraient dû soutenir les droits des paysan·nes au Kenya sont redirigés vers le service de la dette. 

Cela signifie également que les ménages sont contraints d’emprunter pour survivre et même pour payer les services qui ont été privatisés. La hausse des coûts, l’endettement croissant et la forte pression exercée par les créanciers poussent les ménages dans une crise de plus en plus grave. Les agriculteur·rices, piégé·es dans le système agricole conventionnel qui repose sur les pesticides et les engrais, s’endettent de plus en plus car l’État supprime ou réduit toutes les subventions et mesures incitatives. En l’absence de planification ou de soutien de l’État pour une transition agroécologique cohérente, de nombreux paysans sont laissés à la merci du marché, qui n’est jamais à la hauteur. 

Le manquement du Kenya à ses obligations en matière de dette a conduit à la négociation d’accords de libre-échange qui favorisent des lois criminalisant le mode de vie des paysans, telles que la loi sur les haricots mungos (en anglais Mung Bean Bill), qui criminalise la culture sans licence de cette plante ou la Loi sur les Variétés de Semences et Végétales. Un autre exemple est le Partenariat Stratégique de commerce et d’investissement entre les États-Unis et le Kenya, qui comprend des conditions telles que la levée de l’interdiction des OGM.

L’écho des campagnes 4

Argentine : la souveraineté alimentaire est reléguée au second plan

Diego Montón, Mouvement paysan autochtone argentin, MNCI Somos Tierra

En mars 2025, le Fonds monétaire international (FMI) a approuvé une restructuration de la dette argentine, en lui accordant illégalement 20 milliards de dollars. Cette somme s’ajoute aux 41 052 milliards de dollars déjà prêtés en 2018. 

La dette de l’Argentine représente 30 % du total des prêts du FMI, ce qui en fait le principal débiteur. La dette représente près de 10 % du produit intérieur brut : elle est impossible à rembourser. Nous nous demandons pourquoi le FMI continue de prêter à l’Argentine. Laura Richardson, cheffe du Commandement Sud des États-Unis, a déclaré lors d’un événement organisé par l’Atlantic Council : « L’Amérique latine est essentielle parce qu’elle possède de l’eau, de la nourriture, du pétrole et 60 % du lithium de la planète. » Javier Milei a promulgué un régime d’investissement (RIGI) qui accorde de larges avantages au capital financier, sans impôts ni réglementations. La directrice du FMI, Kristalina Georgieva, a exhorté les Argentins à voter pour continuer dans cette direction. 

Au-delà de la restructuration qui accompagne chaque accord avec le FMI, la dette oblige les États à permettre l’extractivisme. La seule voie qui s’offre aujourd’hui à l’Argentine est de s’organiser et de lutter pour répudier la dette envers le FMI et avancer ensemble vers la souveraineté alimentaire, l’indépendance économique et la justice sociale.