Bulletin n° 54 – Éditorial

Comment les plateformes multilatérales et autres plateformes internationales affectent-elles la souveraineté alimentaire?

Illustration: Andrea Medina pour ETC Group facebook.com/andreammedinagraphic/

Pour de nombreux gouvernements et décideurs politiques, l’alimentation en est venue à être considérée comme une marchandise plutôt que comme un droit. La gouvernance alimentaire mondiale sert de plus en plus les intérêts des entreprises par le biais d’accords favorables au marché et aux entreprises qui sont normalisés dans un large éventail d’institutions multilatérales. Les moyens de subsistance des populations et la nature font l’objet d’un commerce par le biais d’accords économiques et financiers qui profitent aux entreprises et aux élites dans différents secteurs et pays, mais qui menacent les conditions nécessaires à la souveraineté alimentaire des populations. Cette menace est aujourd’hui aggravée par les approches techno-fixes des entreprises face aux crises du changement climatique et de la biodiversité.

Dans ce numéro de la newsletter Nyéléni, nous décrivons comment les tendances des plateformes multilatérales et internationales ont un impact sur la souveraineté alimentaire qui sera décisif pour l’avenir de l’alimentation et de l’autodétermination des peuples. Nous décrivons les différents processus par lesquels des échanges injustes se perpétuent et des concepts opaques sont promus.

Alors que les forums sur le commerce et l’investissement continuent de faire progresser les systèmes alimentaires industriels et les chaînes d’approvisionnement mondiales, la prolifération de ce que l’on appelle les « solutions fondées sur la nature » (SFN) masque de nouvelles façons de marchandiser la nature, les territoires et les moyens de subsistance.  En assignant à la terre, au sol, à l’eau, aux forêts et à la biodiversité la tâche impossible de compenser la pollution causée par des industries situées ailleurs en échange d’une rémunération monétaire, un nouveau front de fermeture des biens communs s’ouvre, qui est rendu possible, mesuré et contrôlé par les nouvelles technologies. La mainmise des entreprises sur les agendas politiques et économiques est un facteur commun à tous ces scénarios ; elle s’étend et s’intègre dans les institutions multilatérales par le biais du multistakeholderism. Le sommet sur les systèmes alimentaires de 2021 et la création ultérieure d’un centre de coordination des systèmes alimentaires des Nations Unies, qui cherche à détourner la conversation en cours sur la gouvernance alimentaire, en sont un exemple flagrant.  Un autre exemple est la discussion sur les données pour la sécurité alimentaire et la nutrition au sein du Comité de la Sécurité Alimentaire mondiale (CSA), menée par nul autre que la Fondation Bill et Melinda Gates.

Il est clair que nous devons collectivement nous mobiliser et résister à une échelle encore plus grande et plus coordonnée qu’auparavant pour contester et inverser ces tendances dans toute une série d’arènes multilatérales et d’autres arènes de « négociation ».

ETC Group, FIAN International, Focus on the Global South