Bulletin n° 26 – Éditorial

Réforme agraire et souveraineté alimentaire

Une vague de capital financier déferle de nos jours sur les ressources des régions rurales de la planète. Nous observons dans ce processus une financiarisation des biens ruraux accompagnée d’une (re) capitalisation des projets extractifs capitalistes comme l’agrobusiness. On observe ce phénomène particulièrement dans le cas des monocultures d’exportation, des plantations forestières, des agrocarburants, des compagnies minières et des constructeurs de mégaprojets comme les barrages, les autoroutes et les complexes touristiques. À leur tour, ces projets comportent l’accaparement de terres, la dépossession, les expulsions, les déplacements et les migrations. De plus, nos peuples sont criminalisés, la contestation sociale est étouffée et les médias dénigrent nos mouvements et luttes.

Le capital s’approprie nos territoires. Ainsi, il nous faut répondre en transformant la lutte pour la terre en lutte pour le territoire. Cela exige la création de liens solidaires entre — d’une part — les paysans, les travailleurs agricoles, les peuples autochtones, les bergers nomades, les pêcheurs artisanaux, les peuples forestiers et d’autres collectivités humaines rurales, et — d’autre part — les habitants des milieux urbains, notamment ceux et celles qui vivent en banlieue, et les consommateurs. Cela nécessitera la production d’aliments sains à l’aide de l’agroécologie et du savoir-faire imprégné de traditions populaires que nos ancêtres nous ont transmis. Il nous faut démontrer que la société et la Terre mère se portent mieux lorsque la collectivité contrôle la terre au lieu du capital.

La Via Campesina


« Selon notre cosmovision, nous sommes des êtres qui viennent de la Terre, de l’eau et du maïs. Les Lencas sont des gardiens ancestraux des rivières, lesquelles sont protégées par les esprits de jeunes filles, qui nous enseignent que donner nos vies de différentes façons pour la protection des rivières, c’est donner nos vies pour le bien-être de l’humanité et de cette planète. (…) Réveillons-nous ! Réveillons-nous, humanité ! Nous n’avons plus de temps. Il faut secouer notre conscience pour la libérer du capitalisme rapace, du racisme et du patriarcat qui n’assureront que notre propre autodestruction. »
Berta Cáceres [Dirigeante de COPINH, une organisation hondurienne de défense des droits des peuples autochtones, assassinée le 3 mars 2016 pour avoir lutté pour défendre son peuple, son territoire et son eau.]