Encadré 1
Les jeunes paysans africains dans la défense de l’agroécologie
Extrait d’une Déclaration de l’articulation des jeunes de La Via Campesina en Afrique du Sud et de l’Est.
Nous, les jeunes paysan·nes, membres de La Via Campesina en Afrique du Sud et de l’Est sommes persuadés que l’agroécologie a la capacité de restaurer les écosystèmes agricoles dégradés, y compris la perte de biodiversité, et de nourrir durablement les populations en pleine expansion de nombreux pays africains. Les systèmes de production agroécologiques sont diversifiés et améliorent la santé et les services des écosystèmes, ce qui rend les écosystèmes plus résistants aux conditions climatiques changeantes, réduit de manière significative les émissions de gaz à effet de serre et s’attaque aux barrières socio-économiques qui perpétuent les injustices et les inégalités dans nos systèmes alimentaires. En outre, l’approche de l’agroécologie paysanne est transversale, contribuant de manière importante à diverses couches et dimensions des contextes sociaux locaux.
Nous sommes aussi persuadés que l’agroécologie est le meilleur moyen de s’adapter au changement climatique et d’en atténuer les effets. Elle utilise des techniques agricoles telles que la diversification des cultures, le labour de conservation, les engrais verts, les engrais naturels, la lutte biologique contre les parasites, la récupération des eaux de pluie et la production de cultures et de bétail dans des conditions qui permettent de stocker le carbone et protéger durablement les biens communs.
Nous demandons aux gouvernements de prendre des mesures concrètes pour mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysan·nes et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP) qui établit des mécanismes pour que les voix des communautés rurales soient entendues et souligne que les petit·es agriculteur·trices, en particulier les jeunes, ont le droit de protéger et de conserver les ressources de production et la capacité de production de leurs terres. Nos gouvernements doivent soutenir la création des conditions permettant de renforcer le développement des compétences des jeunes afin de créer des opportunités éthiques et profitables dans des domaines et les activités qui protègent et restaurent les écosystèmes. Il est impératif de soutenir les exploitations familiales paysannes de toutes les manières possibles, car elles sont des acteurs clés de l’agroécologie et une voie essentielle pour parvenir à la justice climatique.
Encadré 2
Les jeunes paysans latino-américains dans la défense de la souveraineté alimentaire
Extrait d’une Déclaration des jeunes représentant·es de 11 pays des régions d’Amérique du Sud, d’Amérique centrale, d’Amérique du Nord et des Caraïbes.
Comme dans d’autres secteurs productifs du monde, les impacts de la pandémie de Covid-19 se sont révélés extrêmement négatifs dans le secteur agricole, générant une grande perte économique pour les paysan·nes. Les petits et moyens producteur·rices ont été touché·es, sans même bénéficier de soutien gouvernemental dans certains des pays. Ceci a aggravé la situation créée par le Covid-19 et augmenté la crise sociale, politique, sanitaire et économique.
Nous réaffirmons notre engagement à défendre l’agroécologie comme un principe fondamental dans la lutte pour la souveraineté alimentaire et les droits des paysan·nes. Nous sommes solidaires avec Cuba, Haïti, Porto Rico, le Nicaragua, le Venezuela ou encore la Colombie pour leur résistance face à l’ingérence des pays capitalistes et néolibéraux, où l’agrobusiness et les sociétés transnationales continuent leur assaut de masse. Nous dénonçons la criminalisation des luttes, qui mine la souveraineté et l’autonomie des peuples, qui provoque des déplacements et force à la migration et, dans certains pays, aggrave la pauvreté. Nous demandons que soient garantis le respect de l’égalité des sexes, les droits fondamentaux de l’ensemble de la population et une vie exempte de violence et d’insécurité. Nous demandons que soit garanti le droit universel à la santé, et dénonçons la concentration des vaccins contre le Covid-19, dont le monopole est détenu par les pays riches, violant ainsi le droit à la santé des pays les plus pauvres.
Encadré 3
L’avenir de l’agriculture familiale : Parlons du renouvellement générationnel
Participation du Comité international de planification pour la souveraineté alimentaire (CIP).
L’avenir de l’agriculture familiale, notamment l’agriculture, la pêche et l’élevage, est en péril pour de multiples raisons : les conséquences du changement climatique, la perte des savoirs traditionnels et les effets néfastes de politiques alimentaires qui, à différentes échelles, privilégient les grandes entreprises plutôt que les petits exploitants et les profits plutôt que le droit à l’alimentation. La combinaison de ces facteurs mène à une diminution progressive des petites exploitations, mettant ainsi en danger la sécurité alimentaire mondiale. Dans ce contexte déjà tendu, les difficultés pour assurer un renouvellement générationnel constituent un danger supplémentaire pour l’agriculture familiale.
Selon le Plan d’action global de la Décennie des Nations Unies pour l’agriculture familiale, le « renouvellement générationnel » consiste à « faire en sorte que les jeunes restent dans les exploitations et dans les communautés rurales ». Le plan en fait l’une des principales conditions pour que l’agriculture demeure « viable et durable ». Dans son rapport récent sur l’engagement et l’emploi des jeunes dans les systèmes agricoles et alimentaires, le Groupe d’experts de haut niveau du Comité des Nations Unies de la sécurité alimentaire mondiale évoque la notion de « durabilité générationnelle » et la définit comme « la collaboration intergénérationnelle et l’équilibre changeant et dynamique entre les générations ». Dans le rapport, le renouvellement générationnel est lié au degré de participation des jeunes dans les systèmes alimentaires et notamment : « un équilibre intergénérationnel atteint et nourri avec soin, et un échange multidirectionnel de connaissances propres à chaque génération, des stratégies sur les ressources et moyens de subsistance peuvent favoriser le rôle des jeunes à la tête d’une innovation fructueuse venant de l’intérieur pour les systèmes alimentaires, et pour qu’ils contribuent à des transformations agraires, rurales et urbaines durables. »
Quels sont les obstacles au renouvellement des générations dans l’agriculture familiale ? Et quelles approches, politiques et actions sont nécessaires pour surmonter ces obstacles et assurer la durabilité générationnelle tout en répondant aux besoins et aspirations des différentes générations ?
Entre mai et octobre 2022, le groupe de travail Jeunes du Comité international de planification pour la souveraineté alimentaire (CIP) a mené une consultation mondiale ciblée pour répondre à ces questions. Ce fut l’occasion de donner aux Jeunes et autres membres du CIP du monde entier un espace pour se réunir, discuter de leurs besoins et échanger des idées. Même si l’analyse des résultats n’est pas encore terminée, la consultation a mis en lumière l’existence de nombreuses entraves communes à toutes les régions du CIP. Quelques exemples :
• La marginalisation des agriculteurs familiaux dans les systèmes alimentaires, notamment à cause d’environnements légaux et juridiques peu favorables.
• Le manque de services légaux appropriés, qui permettraient des politiques et des infrastructures physiques propices au transfert intergénérationnel des ressources naturelles, des actifs agricoles, des connaissances et compétences, en particulier en dehors du domaine familial.
• La reproduction des obstacles socioculturels ancrés dans le patriarcat et le colonialisme complique voire empêche l’accès aux droits d’héritage pour les jeunes femmes, les minorités de genre et de sexe, et les jeunes indigènes.
• La faible rentabilité de l’agriculture familiale rend difficile voire impossible pour les jeunes de vivre de leur activité de paysan/producteur alimentaire.
• Le déclin de l’attractivité de l’agriculture familiale pour les jeunes en raison de la stigmatisation sociale persistante autour de l’activité de paysan et le manque de respect envers le statut social d’agriculteur familial.
• Le déclin de l’attractivité de l’agriculture familiale pour les jeunes au vu des difficultés émergentes engendrées par le changement climatique sur la production alimentaire.
• L’exode croissant des jeunes des campagnes vers les zones urbaines dû au manque d’infrastructures et services appropriés pour répondre aux besoins de la jeunesse rurale d’aujourd’hui.
• La marginalisation des jeunes dans les espaces de prise de décision à différents niveaux (régional, national, international), rendant ainsi leur participation purement symbolique, les prive de la possibilité d’être protagonistes.
• Le manque d’espaces adéquats pour permettre que les dialogues intergénérationnels sur le renouvellement des générations soient un processus bilatéral et non un transfert unilatéral des plus anciens vers des plus jeunes.
Lors de la consultation, le groupe de travail Jeunes du CIP a souligné l’importance de continuer à travailler en priorité sur le renouvellement des générations dans l’agriculture familiale. Il a également appelé à poursuivre la collaboration étroite avec d’autres groupes de travail, dans toutes les régions et les circonscriptions, car le sujet concerne tout le monde et pas seulement les jeunes. L’objectif pourrait être d’établir une position commune au sein du CIP et une stratégie internationale pour renforcer le renouvellement des générations dans l’agriculture familiale. Les Jeunes ont également évoqué la nécessité de se servir des résultats de la consultation pour continuer à influencer les actions et le travail de la FAO, en particulier dans le contexte de la DNUAF.
Encadré 4
L’estaca
Dans cette vidéo, les jeunes paysans d’Europe, sous l’égide de la Coordination Européenne de La Via Campesina (ECVC) entonnent la chanson populaire de protestation L’estaca du compositeur catalan Lluís Llach, symbole de la résistance contre le franquisme. La chanson compare le fascisme et toutes les formes d’oppression à un poteau (« l’ estaca ») auquel nous sommes tous enchaînés, mais que nous pouvons faire tomber si nous tirons assez fort tous ensemble. Les paroles ont été traduites dans de nombreuses langues, en faisant ainsi un hymne universel de libération de toute forme de régime autoritaire et oppressif. Elles appellent à l’unité pour parvenir à se libérer.
Chanson originale en catalan :
Pour découvrir la traduction de la chanson en français, cliquez ici.
L’avi Siset[1] em parlava
de bon matí al portal
mentre el sol esperàvem
i els carros vèiem passar.
Siset, que no veus l’estaca
on estem tots lligats?
Si no podem desfer-nos-en
mai no podrem caminar!
Si estirem tots, ella caurà
i molt de temps no pot durar,
segur que tomba, tomba, tomba
ben corcada deu ser ja.
Si jo l’estiro fort per aquí
i tu l’estires fort per allà,
segur que tomba, tomba, tomba,
i ens podrem alliberar.
Però, Siset, fa molt temps ja,
les mans se’m van escorxant,
i quan la força se me’n va
ella és més ampla i més gran.
Ben cert sé que està podrida
però és que, Siset, pesa tant,
que a cops la força m’oblida.
Torna’m a dir el teu cant:
Si estirem tots, ella caurà
i molt de temps no pot durar,
segur que tomba, tomba, tomba
ben corcada deu ser ja.
Si jo l’estiro fort per aquí
i tu l’estires fort per allà,
segur que tomba, tomba, tomba,
i ens podrem alliberar.
L’avi Siset ja no diu res,
mal vent que se l’emportà,
ell qui sap cap a quin indret
i jo a sota el portal.
I mentre passen els nous vailets
estiro el coll per cantar
el darrer cant d’en Siset,
el darrer que em va ensenyar.
Si estirem tots, ella caurà
i molt de temps no pot durar,
segur que tomba, tomba, tomba
ben corcada deu ser ja.
Si jo l’estiro fort per aquí
i tu l’estires fort per allà,
segur que tomba, tomba, tomba,
i ens podrem alliberar.
[1] « Siset » est le surnom de « Narcis ». Il pourrait s’agir là d’une référence à Narcís Llansa, un vieil homme avec qui Lluís Llach allait pêcher lorsqu’il était jeune.