Encadré 1
Le Bulletin Nyéléni facilite une pédagogie des peuples dans la lutte pour la souveraineté alimentaire
En 2007, le Forum de Nyéléni rassemblait les représentant.e.s issu.e.s de mouvements et d’organisations de petits producteurs, de consommateurs ainsi que de la société civile engagés dans la lutte pour la souveraineté alimentaire. Ces participant.e.s ont partagé leurs savoirs, visions, stratégies et pratiques visant à transformer leurs communautés, sociétés et économies grâce aux principes de la souveraineté alimentaire. Les discussions ont révélé la richesse des connaissances créées en permanence par les praticien.ne.s de la souveraineté alimentaire même en proie à des défis sociaux, économiques, environnementaux ou politiques. Elles ont aussi mis en exergue le caractère central de la souveraineté alimentaire en tant que plateforme capable de forger des alliances pour lutter contre le néolibéralisme, le capitalisme mondial, l’autoritarisme ainsi que l’injustice, l’inégalité et la violence sous toutes leurs formes. Les participant.e.s se sont engagé.e.s à bâtir la solidarité entre et au sein des mouvements, cultures et régions en renforçant la communication, l’éducation politique, la sensibilisation et l’apprentissage entre pairs.
Le Bulletin Nyéléni fut créé dans le but de répondre à tous ces engagements : pour donner une voix aux priorités, préoccupations, expériences et connaissances du mouvement pour la souveraineté alimentaire, et pour susciter le dialogue entre secteurs et acteurs.
Le Bulletin se veut un outil d’éducation permettant de contextualiser et d’expliquer des sujets complexes aux acteurs du mouvement, en particulier aux personnes qui sont sur le terrain et en première ligne. Il entend aussi être le conduit par lequel mettre les expériences de vécu de ces acteurs au premier plan. Si des chercheurs alliés sont invités à rédiger des articles, le Bulletin propose avant tout l’analyse et les points de vue des mouvements. Ces analyses sont complétées par les témoignages directs des acteurs de terrain, les informations sur les luttes et initiatives ainsi que des documents de sensibilisation produits par les mouvements partout dans le monde. Ce sont les membres du mouvement qui choisissent les sujets traités par chaque numéro. Les articles sont rédigés dans un style accessible et facile à traduire dans d’autres langues. Il est possible de télécharger le Bulletin et/ou de le lire en ligne gratuitement (en anglais, espagnol et français) sur la page nyeleni.org, la totalité du contenu étant libre de droit.
Encadré 2
Brasil de Fato [1]: une alternative pour la communication populaire contre l’hégémonie des médias de masse
Officiellement inauguré le 25 janvier 2003 à l’occasion du Forum social mondial à Porto Alegre, Brasil de Fato a pour objectif d’ouvrir des pistes dans la bataille contre le modèle dominant en matière de communication. Depuis sa création, ce média traite de sujets économiques et politiques et promeut les activités et les luttes menées par les mouvements sociaux et d’Amérique latine, ce, sous un angle de gauche et en proposant une analyse de la conjoncture et des évènements au niveau national et international.
En tant que moyen de communication alternative, il contribue à l’analyse et à la contextualisation d’un autre Brésil, à savoir, un Brésil en mobilisation permanente. Il identifie les scénarios de lutte politique dans le but d’élaborer un programme de communication traitant des sujets que les grands médias minimisent, voire occultent, à dessein. Les médias de communication alternative affirment la vision d’un autre monde proposé par les théoriciens de gauche, donnent une place au traitement de la critique et la valorisation culturelle que portent les classes populaires et de travailleurs/travailleuses, défendent leurs intérêts politiques et encouragent le débat d’idées. Espace de contestation profondément engagé en faveur d’une transformation, Brasil de Fato est donc porteur d’une vision solidaire internationale, se veut pluraliste sur le plan des idées et constitue source d’information et de réflexion pour les militant.e.s de la lutte sociale.
Grâce aux médias comme Brasil de Fato, il est possible de créer une stratégie de communication face à l’hégémonie des groupes dominants dans le domaine de la communication et de changer l’agenda politique à l’échelle nationale et internationale en y ajoutant les voix des mouvements qui luttent en faveur de la construction d’un autre monde.
[1] Brasil de Fato est un journal en ligne brésilien et une agence de radio, www.brasildefato.com.br
Encadré 3
Chants paysans, porteurs de sagesse, de souvenirs et de résistance
Pour saisir la richesse et la diversité de l’histoire et de l’évolution des pratiques paysannes et autochtones, il suffit d’écouter le nombre infini de chants et chansons présents dans toutes les communautés du monde. Dans cette section, nous proposons deux chansons, d’Ouganda et de Turquie, qui parlent des luttes locales menées par les populations paysannes et autochtones.
Icamo Irudu Laki, Ouganda (en langue Luo/Lango)
Cette chanson a été composée au cours de la période de pénurie alimentaire qui a suivi l’abandon des cultures vivrières locales, dont les semences étaient contrôlées par la population locale, en faveur de nouvelles cultures introduites par le gouvernement. La récolte produite par ces nouvelles cultures a été vendue à bas prix à des intermédiaires, si bien que les paysan.ne.s n’avaient plus les moyens d’acheter de la nourriture pour eux-mêmes et leurs familles. Les nouvelles cultures les ont placé.e.s en situation de dépendance vis-à-vis des négociants en semences et du gouvernement car il leur était impossible de conserver les semences, de les multiplier et de les échanger librement. Les paysan.ne.s ont donc perdu leur souveraineté alimentaire. La chanson les encourage à revenir aux cultures vivrières locales qui favorisent un système semencier géré par les paysan.ne.s et permet de répondre à la malnutrition et à la faim. La chanson explique aussi que manger des cultures locales est similaire au fait de se brosser les dents car ces cultures sont saines et libres de tout produit chimique. Lorsqu’elle est chantée, les femmes prononcent certains mots supplémentaires pour signifier qu’elles sont parvenues à surmonter la pénurie d’aliments au sein de leurs foyers grâce aux cultures vivrières traditionnelles et locales.
Version originale en Luo/Lango ICAMO IRUDU LAKI Icamo irudu laki X3 Can dek rac Gin omio lango camo ajonga doo Can dek rac Nen ibot Joci gi doo Can dek rac Gin omio lango camo ajonga doo Can dek rac
Traduction MANGEZ ET BROSSEZ-VOUS LES DENTS Mangez vos aliments locaux et brossez-vous les dents X3 Le manque de nourriture c’est mauvais La raison que les Langi* mangent des aliments locaux sans pâte ni friture Le manque de nourriture c’est mauvais Regardez ça comme ceux de Joci** Le manque de nourriture c’est mauvais La raison que les Langi* mangent des aliments locaux sans pâte ni friture Le manque de nourriture c’est mauvais
*Les Langi sont un peuple agro-pasteur de la sous-région du Lango, située dans le nord de l’Ouganda.
**Joci est le nom d’une personne/un voisin dont la famille n’a pas suffisamment à manger. On peut le remplacer par le nom de toute autre personne en situation de pénurie alimentaire.
İşkencedere’den (Eşkincidere) elime kalan bir çakıl taşı”, Turquie
Cette chanson a été composée au cours de la résistance menée par la population d’Ikızdere contre une société privée bénéficiant de liens étroits avec le gouvernement et avec une très mauvaise réputation pour ce qui est de la destruction des terres et de la nature. Profitant d’un décret présidentiel, l’entreprise ravage actuellement la vallée d’İşkencedere dans le but d’y installer une carrière nécessaire à la construction d’un port à İkizdere, Rize. Emmenés par les paysannes, les villageois d’Ikızdere ont mené des actions pour stopper la destruction de leur vallée en organisant des patrouilles de surveillance et ont saisi la justice pour obtenir une interdiction. Les femmes sont aux premières lignes du combat pour leurs terres et les droits à la nature. Les routes étant bloquées par l’armée, les habitant.e.s surveillent les opérations depuis les arbres en y accédant par les sentiers forestiers et de montagne.
Version originale en turque İşkencedere’den (Eşkincidere) elime kalan bir çakıl taşı Bir gün Boğacak seni anaların gözyaşı Hep bulanık akıyor İşkencedereleri İki tabur askerle beklersin dozerleri Ben köyümde büyüdüm Bilmiyorum şehri Vermedin insanlara, dozer kadar değeri
Traduction Un caillou d’Eşkencidere dans mes mains. Un jour, les larmes des mères t’étoufferont. L’Eşkencidere coule pleine de boue à présent. Tu as mis deux bataillons de soldats pour attendre les bulldozers. Je suis née dans un village ; je ne connais pas la ville. Pour toi, les gens n’ont pas d’importance, mais les bulldozers, si !
Encadré 4
L’École de communication de la CLOC-Via Campesina
En 2020, la Coordination latinoaméricaine des organisations rurales (CLOC-Via Campesina) a organisé la cinquième édition de l’École continentale de communication, dans le cadre de son processus de formation technique, politique et idéologique à but organisationnel. Dans la suite de différentes éditions réalisées par plusieurs pays et toujours à l’intention des chargé.e.s de communication des organisations membres de la CLOC et de ses alliés historiques, l’École de 2020 s’est déroulée en ligne.
La CLOC est une articulation, au niveau continental, des organisations paysannes, autochtones, de femmes et de personnes d’ascendance africaine présentes dans 21 pays d’Amérique latine et des Caraïbes.
La cinquième édition de l’École a été l’occasion d’étudier le contexte actuel des enjeux de communication. En effet, d’un côté, la communication sert d’instrument de manipulation à l’impérialisme à l’encontre de pays progressistes et des mouvements sociaux, tandis que, d’un autre côté, elle peut être un outil populaire au service de la construction et du renforcement du mouvement paysan. Par ailleurs, l’École a permis d’approfondir le concept d’internationalisme et ce qu’il implique pour les luttes des peuples.
Au cours des activités, les chargé.e.s de communication ont pris connaissance et évalué le travail mené par la CLOC sur le continent dans le domaine de la communication en tant que stratégie anti-hégémonique inscrite dans la lutte des classes et au service de la souveraineté alimentaire, de la réforme agraire ainsi que de l’agroécologie.
Des ateliers pratiques furent aussi organisés et permirent de réunir les facilitateurs et facilitatrices experts ainsi que les militant.e.s des organisations de la CLOC et de ses alliés, comme les Mouvements ALBA, la Journée continentale pour la démocratie et contre le néolibéralisme, Radio Mundo Real, Código Sur, sans oublier les chargé.e.s de communication ayant travaillé pour d’anciens gouvernements progressistes, tels que celui du Brésilien Luiz Inácio Lula da Silva.
Les ateliers ont permis aux chargé.e.s de communication de renforcer leurs capacités dans des domaines comme la photographie, la vidéo, l’audio, le graphisme, les réseaux sociaux, les bulletins d’information ou la communication interne.
« Ce fut un espace important pour l’échange de connaissances et leurs mises à jour, particulièrement au regard des nombreuses activités que nous réalisons en tant que militant.e.s et chargé.e.s de communication au sein de nos organisations. Dans l’ensemble, cela a répondu à nos attentes, bien que rien ne soit jamais suffisant lorsqu’il s’agit d’améliorer notre travail et contribuer à la grande bataille des idées sur le plan de la communication ».
– Participante de la cinquième École de communication de la CLOC.
Le très riche processus de formation en communication populaire réalisé lors de cette cinquième École a débouché sur de très nombreux apprentissages, sur l’identification de plusieurs défis et surtout sur un collectif qui ne cesse d’élargir ses rêves et espoirs porteurs de transformation et qui se renforce dans l’esprit révolutionnaire et internationaliste.
Communiquer pour construire et transformer. Unité, lutte et résistance dans nos territoires pour le socialisme et la souveraineté de nos peuples !