L’écho des campagnes

L’écho des campagnes 1

L’architecture de la dette mondiale viole les droits humains

La Via Campesina Équateur

Actuellement, l’Équateur est endetté à hauteur de 8 705 milliards de dollars auprès du Fonds monétaire international, ce qui en fait le quatrième pays le plus endetté au monde. Dans le 23e accord entre l’Équateur et le FMI, le prêt est décrit comme un soutien aux politiques de l’Équateur visant à stabiliser l’économie et à protéger la dollarisation. Il doit également permettre de mettre en place un programme de réformes structurelles.

Cependant, les organisations paysannes, autochtones et de la société civile ont remis en question le prêt et ont mis en garde contre l’impact des mesures et des conditions imposées par le FMI. Parmi les principaux accords figurent l’élimination des subventions aux carburants, le travail à l’heure, une nouvelle réforme fiscale, entre autres conditions.

Nous affirmons que cette architecture de la dette mondiale viole les droits humains, plongeant les paysans, les peuples autochtones et l’ensemble de la classe ouvrière dans la pauvreté et l’endettement. Nous alertons aussi sur la vague de criminalisation, de stigmatisation et de persécution à notre égard, intensifiée par notre lutte et notre résistance en faveur d’une vie digne. De nombreux·ses dirigeant·es et représentant·es de mouvements sociaux sont poursuivi·es par la justice et sont en danger, alors que se profilent des mesures complexes au coût social extrêmement élevé.

L’écho des campagnes 2

Le FMI et la BM ont intensifié la pression en faveur de la privatisation des terres au Sri Lanka

Anuka Vimukthi, MONLAR, Sri Lanka

Deux jours avant l’élection présidentielle de septembre 2024, le Sri Lanka a été contraint de signer un accord de restructuration de la dette avec des créanciers internationaux, sans discussion publique ni débat parlementaire. Cet accord secret a donné la priorité au remboursement de la dette plutôt qu’aux droits et au bien-être de notre peuple.

Pendant des années, les institutions financières internationales ont poussé le Sri Lanka vers une agriculture orientée vers l’exportation par le biais de programmes d’ajustement structurel. Ces réformes ont favorisé l’agrobusiness et l’agriculture intensive en capital, nous rendant, nous les paysan·nes et les petits pêcheurs, dépendants des marchés pour les semences, les engrais, les filets et les bateaux, érodant ainsi notre autonomie et nos systèmes alimentaires. 

Aujourd’hui, dans le cadre du 17e programme du FMI, le fardeau de la stabilisation économique pèse sur les plus pauvres. Les mesures d’austérité, y compris la tarification de l’énergie selon le principe du recouvrement des coûts, ont presque triplé les prix du carburant et de l’électricité, ce qui a eu un effet dévastateur sur les moyens de subsistance. L’augmentation des taxes sur les équipements et les intrants a plongé de nombreux·se paysan·nes dans la pauvreté et l’endettement.

Le FMI et la Banque mondiale poussent depuis longtemps à la privatisation des marchés fonciers. Avec ce dernier programme, ils réitèrent leur demande, faisant craindre une dépossession massive des terres. 

En tant que membre de MONLAR, je fais partie d’un mouvement grandissant qui résiste à ces mesures injustes. Nous intensifions notre campagne et exhortons le gouvernement à reconnaître la souveraineté alimentaire et les droits des paysan·nes et des travailleur·euses dans les campagnes comme des éléments essentiels de la politique agricole et économique du Sri Lanka.

L’écho des campagnes 3

Le défaut de paiement du Kenya a conduit à des accords de libre-échange qui criminalisent les paysan·nes

Susan Owiti, Ligue des Paysan·nes du Kenya 

Le Kenya a une dette publique très élevée. Le ratio dette/PIB du pays était d’environ 68 % en 2024.

Actuellement, les obligations du gouvernement kényan en matière de service de la dette absorbent environ 48 % du budget national et près de 55 % des revenus du pays. Cette situation touche directement les paysan·nes, car les fonds qui auraient dû soutenir les droits des paysan·nes au Kenya sont redirigés vers le service de la dette. 

Cela signifie également que les ménages sont contraints d’emprunter pour survivre et même pour payer les services qui ont été privatisés. La hausse des coûts, l’endettement croissant et la forte pression exercée par les créanciers poussent les ménages dans une crise de plus en plus grave. Les agriculteur·rices, piégé·es dans le système agricole conventionnel qui repose sur les pesticides et les engrais, s’endettent de plus en plus car l’État supprime ou réduit toutes les subventions et mesures incitatives. En l’absence de planification ou de soutien de l’État pour une transition agroécologique cohérente, de nombreux paysans sont laissés à la merci du marché, qui n’est jamais à la hauteur. 

Le manquement du Kenya à ses obligations en matière de dette a conduit à la négociation d’accords de libre-échange qui favorisent des lois criminalisant le mode de vie des paysans, telles que la loi sur les haricots mungos (en anglais Mung Bean Bill), qui criminalise la culture sans licence de cette plante ou la Loi sur les Variétés de Semences et Végétales. Un autre exemple est le Partenariat Stratégique de commerce et d’investissement entre les États-Unis et le Kenya, qui comprend des conditions telles que la levée de l’interdiction des OGM.

L’écho des campagnes 4

Argentine : la souveraineté alimentaire est reléguée au second plan

Diego Montón, Mouvement paysan autochtone argentin, MNCI Somos Tierra

En mars 2025, le Fonds monétaire international (FMI) a approuvé une restructuration de la dette argentine, en lui accordant illégalement 20 milliards de dollars. Cette somme s’ajoute aux 41 052 milliards de dollars déjà prêtés en 2018. 

La dette de l’Argentine représente 30 % du total des prêts du FMI, ce qui en fait le principal débiteur. La dette représente près de 10 % du produit intérieur brut : elle est impossible à rembourser. Nous nous demandons pourquoi le FMI continue de prêter à l’Argentine. Laura Richardson, cheffe du Commandement Sud des États-Unis, a déclaré lors d’un événement organisé par l’Atlantic Council : « L’Amérique latine est essentielle parce qu’elle possède de l’eau, de la nourriture, du pétrole et 60 % du lithium de la planète. » Javier Milei a promulgué un régime d’investissement (RIGI) qui accorde de larges avantages au capital financier, sans impôts ni réglementations. La directrice du FMI, Kristalina Georgieva, a exhorté les Argentins à voter pour continuer dans cette direction. 

Au-delà de la restructuration qui accompagne chaque accord avec le FMI, la dette oblige les États à permettre l’extractivisme. La seule voie qui s’offre aujourd’hui à l’Argentine est de s’organiser et de lutter pour répudier la dette envers le FMI et avancer ensemble vers la souveraineté alimentaire, l’indépendance économique et la justice sociale.

Encadres

Encadré 1

La finance mondiale dicte la libéralisation du commerce : un appel à repenser le commerce entre les pays

Le Consensus de Washington, imposé par le FMI et la Banque mondiale par le biais de prêts conditionnels, a institutionnalisé le néolibéralisme. Ses politiques fondamentales comprennent la libéralisation du commerce, la privatisation des entreprises publiques, la réduction des dépenses publiques, la déréglementation et la re-réglementation en faveur des entreprises. L’Organisation mondiale du commerce (OMC) renforce encore ces principes par le biais d’accords commerciaux mondiaux qui favorisent le capital transnational. 

La Via Campesina (LVC) a émergé comme force de résistance paysanne mondiale aux réformes néolibérales et à l’OMC. Bien que les mobilisations paysannes aient contribué à freiner les progrès de l’OMC depuis 2001, l’accord sur l’agriculture de 1995 permet toujours à des nations puissantes comme les États-Unis et l’Union européenne de mettre en œuvre des programmes commerciaux agressifs qui pénalisent le soutien aux petits producteurs de denrées alimentaires. Les accords commerciaux bilatéraux et régionaux ont encore aggravé la pauvreté rurale. Ces régimes commerciaux empêchent les gouvernements du Nord comme du Sud de mettre en œuvre des politiques de souveraineté alimentaire. Ils considèrent la réglementation du marché intérieur, les prix de soutien pour les petits producteurs alimentaires et les marchés publics comme des « distorsions commerciales », et privilégient l’accès des entreprises à l’intérêt public. 

Au cours des deux dernières années, des manifestations paysannes ont éclaté dans plus de 65 pays, soulignant la nécessité d’un nouveau système commercial. LVC lance une campagne visant à construire un nouveau cadre mondial pour le commerce agricole entre les pays, qui soit ancré dans les principes de coopération et de solidarité transnationale et qui défende la souveraineté alimentaire de chaque pays. Il est important que les petits producteurs et les mouvements de travailleur·euses, ainsi que tous ceux qui sont attachés à la souveraineté alimentaire, se joignent à cet effort collectif pour construire une véritable alternative économique. Pour en savoir plus : www.viacampesina.org  

Encadré 2

La financiarisation comme moteur de l’accaparement des terres

La financiarisation joue un rôle central dans la vague mondiale d’accaparement des terres et des ressources naturelles, favorisant la concentration des terres et sapant la capacité des communautés à se nourrir et à nourrir les autres. Depuis la crise financière de 2008-2009, la terre est de plus en plus traitée comme un actif financier. Environ 65 millions d’hectares ont été acquis dans le monde, et les fonds de pension, d’assurance et de dotation ont investi environ 45 milliards de dollars dans les terres agricoles entre 2005 et 2017. En 2018, ces entités représentaient 45 % de tous les investissements dans les terres agricoles.

Les crises écologiques actuelles (changement climatique, perte de biodiversité et dégradation des écosystèmes) découlent de l’extraction capitaliste. Pourtant, les acteurs du monde de la finance et de l’entreprise considèrent désormais ces crises comme des opportunités d’investissement. Les fonctions naturelles telles que le stockage du carbone sont rebaptisées « services écosystémiques », une valeur économique leur est attribuée et elles sont commercialisées. La valeur de ces « actifs naturels » s’élèverait à 4 000 billions de dollars. Les marchés du carbone et de la biodiversité en particulier ont alimenté une nouvelle vague d’accaparements verts, environ 20 % des transactions foncières à grande échelle étant désormais liées à la bioéconomie. À eux seuls, les marchés du carbone devraient voir leur valeur quadrupler au cours des dix prochaines années, intensifiant la pression sur les terres et dépossédant les communautés au nom de la durabilité et des promesses « d’émissions net zéro ».

Encadré 3

La déréglementation et le tournant néolibéral dans l’agriculture mondiale

Le FMI et la Banque mondiale, par le biais des conditionnalités attachées aux prêts et autres financements et des conseils politiques, ont joué un rôle central dans la financiarisation accrue, la déréglementation des marchés et les réglementations favorables aux entreprises dans les secteurs de l’alimentation, de l’agriculture et des secteurs liés. Ces mesures ont entraîné l’accaparement de terres, une plus grande exposition des petits exploitants à la volatilité des prix, la concentration des marchés et du pouvoir financier par les entreprises agroalimentaires, et l’expansion de l’agriculture industrielle polluante.

Plus récemment, la déréglementation du secteur du blé au Pakistan, conformément aux conditions du FMI, a éliminé le prix de soutien minimum et a entraîné la fin de la Pakistan Agricultural Storage and Services Corporation (PASSCO)[1]. En Argentine, les mesures d’austérité approuvées par le FMI ont entraîné des licenciements massifs et des coupes dans les services sociaux, la déréglementation du marché alimentaire et la déréglementation de la loi sur les terres rurales. En Équateur, l’élevage de crevettes soutenu par la BM a détruit les forêts de mangroves et déplacé les communautés locales, soulignant ainsi les coûts environnementaux et sociaux de ces politiques.

Ces changements dans l’environnement réglementaire ne sont pas limités aux pays en développement et ne sont pas non plus mis en œuvre par les seules institutions de prêt.

L’accord Blair House de 1992, un accord bilatéral clé entre les États-Unis et l’Union européenne sur les subventions agricoles, en est un bon exemple.  Il a conduit l’UE à mettre fin aux quotas de production laitière. De nombreux petit·es agriculteur·rices européen·nes ont alors été confronté·es à une concurrence accrue et à l’instabilité des prix. Il n’est donc pas surprenant qu’entre 2007 et 2022, le nombre de petites exploitations agricoles dans l’UE ait diminué de 44 %, tandis que le nombre de mégaexploitations a augmenté de 56 %.

L’accord Blair House a ensuite ouvert la voie à l’Accord sur l’Agriculture (AoA en anglais)[2], le premier cadre multilatéral sur le commerce agricole, qui a jeté les bases de nombreuses négociations ultérieures sur des accords de libre-échange de l’OMC, et a permis la mondialisation des entreprises agroalimentaires, tout en marginalisant la paysannerie. 

Aux États-Unis aussi, les politiques de déréglementation ont eu un impact considérable sur le secteur agricole, en particulier le démantèlement du modèle de prix de parité[3] et du système de gestion de l’offre d’après les quotas qui assurait autrefois la stabilité des petit·es agriculteur·rices.

La déréglementation autonome dans les pays riches a également contribué à l’expansion du pouvoir des marchés et des acteurs de la finance au sein des systèmes alimentaires. Cela a conduit à des échanges spéculatifs, à des prix alimentaires record, à une volatilité accrue des prix dans le monde entier et à l’ouverture de nouveaux marchés pour les semences génétiquement modifiées.

Il est donc évident que l’idéologie économique néolibérale, où les marchés financiers priment sur les personnes, aggrave les inégalités, impose des mesures d’austérité qui affaiblissent les économies rurales et sape la responsabilité publique. Les manifestations en cours dans différents pays reflètent une résistance croissante face à des États qui se soustraient à leur obligation de servir leur peuple et non les marchés.

Au contraire, nous avons besoin d’une plus grande réglementation du marché pour protéger les intérêts des citoyens, et non d’une déréglementation.

[1] La Pakistan Agricultural Storage and Services Corporation (PASSCO) (« entreprise de stockage et services agricoles du Pakistan »), une entité gouvernementale, achète du blé et d’autres cultures de base à des prix de soutien afin de garantir des revenus équitables aux producteur·rices de denrées alimentaires, de maintenir des réserves stratégiques et de stabiliser les prix du marché.

[2] L’AoA est un accord de l’OMC visant à réformer le commerce des produits agricoles. Il a été établi au cours du Cycle d’Uruguay de l’Accord Général sur les Tarifs Douaniers et le Commerce (GATT selon l’acronyme anglais) et est entré en vigueur avec la création de l’OMC en 1995.

[3] Dans le cadre du prix de parité, le gouvernement fixe les prix de soutien, par le biais de prix planchers ou de subventions, sur la base du coût des intrants et des niveaux de vie de l’époque de référence, ajustés pour tenir compte de l’inflation.

Sous les feux de la rampe

Sous les feux de la rampe 1

Implications de la finance mondiale sur la souveraineté alimentaire

L’une des plus grandes menaces pour la souveraineté alimentaire est le pouvoir de la finance mondiale sur l’économie réelle, les systèmes alimentaires et la gouvernance alimentaire et économique.  Depuis l’avènement du néolibéralisme dans les années 1980, les marchés financiers se sont développés à l’échelle mondiale, le capital financier étendant son emprise sur les économies nationales et infranationales par le biais de la banque, de la microfinance et des investissements extractifs et spéculatifs dans des secteurs stratégiques tels que l’alimentation, la terre, l’agriculture, l’eau, l’exploitation minière, l’énergie, le développement immobilier et l’infrastructure physique. Cela a été rendu possible par les changements dans la réglementation financière et les technologies financières numériques (fintech) qui permettent aux capitaux de circuler librement à travers les frontières nationales et dans le monde entier et d’atteindre les communautés par le biais d’applications bancaires ou de paiement numériques (via les téléphones mobiles). Un large éventail d’instruments financiers, des fonds de pension, les fonds communs et les fonds indiciels aux valeurs mobilières et aux produits dérivés, a permis aux entreprises et aux particuliers de bénéficier de façon disproportionnée de ces investissements, au détriment de l’économie réelle, de la biodiversité, de l’environnement, de la stabilité de l’emploi, de l’accès à la nourriture et du climat. La mondialisation financière a ouvert la porte à la spéculation sur les denrées alimentaires et agricoles – où les traders achètent et vendent de futurs contrats sur les denrées alimentaires et/ou parient sur les prix à venir pour engendrer des bénéfices – augmentant la vulnérabilité du monde à des crises financières et alimentaires récurrentes. 

Les crises financières ont de graves répercussions sur les moyens de subsistance, l’emploi, les revenus, la souveraineté alimentaire et la santé des petit·es producteur·rices de denrées alimentaires, des travailleur·euses et des communautés rurales et urbaines pauvres, en particulier dans le Sud mondial. Les conséquences sont exacerbées par la faiblesse (ou l’absence) des mesures nationales de protection sociale, de lutte contre la faim et la malnutrition, de soins de santé et d’allègement de la dette, qui sont des outils importants permettant d’absorber les chocs économiques. Depuis des décennies, les programmes d’ajustement structurel (PAS) et les mesures d’austérité élaborés par la Banque mondiale et le FMI ont enfermé de nombreux pays du Sud dans des pièges vicieux liés à la dette, dont les principaux éléments sont la libéralisation du commerce et de l’investissement, la privatisation et la déréglementation. En échange de prêts destinés à assurer le fonctionnement des économies nationales et l’accès aux marchés financiers mondiaux, la BM et le FMI continuent d’exiger des réductions massives des aides publiques aux biens et services essentiels, la suppression des protections pour les travailleur·euses, les petits producteurs agricoles et l’environnement, ainsi que des réformes radicales des politiques et réglementations nationales au service du secteur des entreprises et des marchés libres. 

Les PAS et le néolibéralisme ont ouvert la voie à la financiarisation de l’alimentation, qui accroît considérablement l’implication des entités financières (banques commerciales, fonds souverains, fonds d’investissement privés, sociétés de gestion d’actifs, etc.) dans les systèmes alimentaires et dans les transactions mondiales de produits financiers liés à l’alimentation, à la terre et à d’autres éléments essentiels à la production alimentaire. La crise alimentaire de 2008 a accéléré la financiarisation de l’alimentation, car les États se sont précipités pour sécuriser les approvisionnements alimentaires, créant ainsi de nouvelles possibilités de profit pour les investisseurs financiers. 

La financiarisation et la faiblesse de la réglementation antitrust ont permis aux entreprises de consolider leur taille de marché et leur pouvoir dans les systèmes alimentaires par le biais de fusions et d’acquisitions. Les grandes entreprises attirent davantage d’investissements financiers de la part des banques et des gestionnaires d’actifs, ce qui leur permet à leur tour de se consolider davantage, entraînant une concentration des entreprises dans les systèmes alimentaires.  L’augmentation du pouvoir financier et sur le marché permet aux entreprises de façonner la gouvernance des systèmes alimentaires en influençant les politiques, les réglementations, les lois et la recherche nationales et internationales en leur faveur, au détriment de millions des petit·es producteur·rices de denrées alimentaires, des travailleurs, des peuples autochtones et des populations rurales, périurbaines et urbaines. Il incombe de toute urgence aux mouvements pour souveraineté alimentaire du monde entier de développer des mesures stratégiques, légales et applicables pour faire reculer et empêcher l’infiltration de la finance mondiale dans les systèmes alimentaires du monde.

Sous les feux de la rampe 2

Une pression mondiale pour une annulation de la dette est nécessaire !

Au cœur de la crise alimentaire mondiale actuelle se trouve un système commercial façonné par des politiques néolibérales qui favorisent les profits plutôt que les personnes et où priment les intérêts des pays exportateurs, grands et riches. Ces politiques mettent en avant des approches axées sur le marché, permettant aux grandes entreprises agroalimentaires de dominer au détriment des petit·es producteur·rices de denrées alimentaires qui nourrissent les communautés depuis des générations. La concentration du marché retranche les petit·es producteur·rices de denrées alimentaires et les travailleur·euses de l’agroalimentaire en marge de la société et de l’économie, et l’accès à l’alimentation devient un privilège plutôt qu’un droit.

Les politiques néolibérales et dominées par le marché sont profondément liées à la politique de la dette. Les pays en développement sont confrontés à d’importants défis économiques en raison de la concentration des marchés agricoles, de la baisse des revenus et des dettes extérieures écrasantes envers les créanciers publics et privés.  Pour conserver l’accès aux capitaux internationaux, les gouvernements des pays fortement endettés sont contraints de donner la priorité au remboursement de la dette plutôt qu’au bien-être de leurs citoyen·nes et d’adopter des politiques favorables aux entreprises et au marché plutôt que des programmes qui soutiennent la souveraineté alimentaire et l’agriculture durable.  Cela crée un cercle vicieux dans lequel les besoins des populations continuent d’être marginalisés au profit des obligations financières envers les créanciers internationaux.

Selon la CNUCED, la dette extérieure des pays en développement a atteint le chiffre record de 11 400 milliards de dollars américains. En 2023, 54 pays en développement (dont près de la moitié en Afrique) ont consacré au moins 10 % des fonds publics au paiement des intérêts de la dette. Aujourd’hui, 3,3 milliards de personnes vivent dans des pays qui dépensent plus pour le paiement de la dette que pour la santé ou l’éducation.

Le troisième Forum Global Nyéléni, prévu en septembre, se tiendra au Sri Lanka, un pays qui a été confronté à de graves problèmes économiques en raison de sa dette extérieure. Le Sri Lanka s’est retrouvé en défaut de paiement de la dette extérieure en 2022, entraînant un programme de restructuration sous l’égide du FMI. Le gouvernement a été contraint de donner la priorité aux paiements de la dette plutôt qu’aux droits des citoyens, ce qui a gravement affecté la capacité du pays à investir dans la production alimentaire, les moyens de subsistance ruraux et la sécurité sociale de sa population.

Les données actuelles montrent que 60 % des pays à faible revenu et 30 % des pays à revenu intermédiaire sont confrontés au surendettement, ce qui limite leur capacité à investir dans la souveraineté alimentaire et les services sociaux, aggravant ainsi la faim et les inégalités. Le troisième Forum Nyéléni doit devenir un espace de résistance et de campagne contre ces politiques. La dette n’est pas seulement un fardeau financier, c’est une entrave qui limite la capacité des gouvernements à donner la priorité au bien-être de leurs populations, et une arme pour poursuivre l’extraction des richesses des sociétés touchées par la crise, initialement créée par la dette.

L’annulation de la dette est essentielle pour rompre ce cycle. Elle permettrait aux pays de donner la priorité à leurs populations et à leurs communautés, en se concentrant sur des systèmes alimentaires agroécologiques où les petits producteurs de denrées alimentaires peuvent nourrir leurs communautés en harmonie avec les territoires.

Sous les feux de la rampe 3

Comment lever des fonds pour construire la souveraineté alimentaire ?

La construction de la souveraineté alimentaire et le développement de l’agroécologie nécessitent des infrastructures sociales, physiques, économiques et financières, publiques, dédiées et permanentes.  Des types et des montants de financement appropriés et suffisants sont requis à plusieurs niveaux, afin de garantir que les petit·es producteur·rices de denrées alimentaires disposent des fonds et des autres ressources (telles que la terre, l’énergie et l’eau) nécessaires pour investir dans la production, la transformation, le stockage et la distribution/commercialisation. Dans le même temps, des environnements politiques favorables sont indispensables pour fournir les financements requis et renforcer les fondements sociaux, économiques et environnementaux de la souveraineté alimentaire et de l’agroécologie : les financements ne sauraient enfermer les petit·es producteur·rices de denrées alimentaires dans des cycles d’endettement, et les politiques doivent les protéger de la concurrence des entreprises agroalimentaires.

Une mesure cruciale consiste à réorienter les budgets multilatéraux nationaux et mondiaux consacrés à l’alimentation, à l’agriculture et au climat, en abandonnant les systèmes alimentaires et les chaînes de valeur industriels et corporatistes au profit de la souveraineté alimentaire et de l’agroécologie. L’élimination des subventions directes et indirectes colossales que les entreprises agroalimentaires reçoivent pour la production, les exportations, le transport, la commercialisation et la protection contre leurs responsabilités socio-environnementales libérera d’énormes quantités d’argent à différents niveaux, qui pourront être utilisées pour financer l’infrastructure nécessaire à la souveraineté alimentaire.

Simultanément, des flux de recettes publiques peuvent être mobilisés par le biais de différents types d’impôts :  impôt progressif général ; imposition appropriée des sociétés, y compris pour les bénéfices tirés des grands marchés et des transactions numériques ; impôts exceptionnels sur les bénéfices tirés de la spéculation sur les denrées alimentaires, les marchandises et les terres ; taxes sur la malbouffe et les aliments ultra-transformés, etc. Les paradis fiscaux offshore doivent être fermés, et des lois contre l’évasion fiscale et la corruption doivent être instituées et appliquées, y compris la saisie des actifs des riches fraudeurs fiscaux. L’argent provenant de ces mesures peut être utilisé pour subventionner l’approvisionnement alimentaire à petite échelle, les coopératives de producteurs-consommateurs, les marchés territoriaux, les banques alimentaires communautaires, les programmes de santé et d’assurance communautaires et d’autres services collectifs importants pour la souveraineté alimentaire. Plus important encore, ces mesures peuvent libérer de l’argent pour alléger la dette des communautés rurales et urbaines pauvres et leur donner accès à un crédit adéquat, leur permettant ainsi de reconstruire leurs capacités économiques.

La souveraineté alimentaire repose sur le droit des personnes et des communautés à se nourrir et à mener une vie pleine, saine et productive dans la dignité, la justice et l’égalité pour les générations actuelles et futures.  Pour cela, les gouvernements et la société doivent investir massivement et de manière continue dans la transformation des systèmes sociétaux, politiques et économiques, afin que l’approvisionnement alimentaire à petite échelle reçoive les ressources financières dont il a besoin de toute urgence. Il s’agit notamment de mesures telles que l’achat public d’aliments produits de manière agroécologique pour la restauration scolaire et d’autres besoins alimentaires communautaires, l’investissement public dans les marchés territoriaux et la protection de l’environnement, la fin de la spéculation alimentaire, et des politiques garantissant des salaires décents et des conditions de travail sûres pour les travailleur·euses du système alimentaire, en particulier pour les femmes. Les crises alimentaires sont créées et exacerbées par la finance internationale déréglementée, qui met à mal la souveraineté alimentaire.  Les actions décrites ci-dessus par les gouvernements et les agences multilatérales sont importantes pour protéger nos systèmes alimentaires et envoient également des signaux positifs à l’ensemble de la société pour soutenir la souveraineté alimentaire.

Bulletin n° 60 – Éditorial

Résister à la menace de la finance mondiale, construire la souveraineté alimentaire

Illustration : Cette illustration a été réalisée par les membres du département d’art de Tricontinental, pour leur dossier numéro 88.  Le pacte faustien de l’Afrique avec le Fonds monétaire international. Cette œuvre illustre le pacte faustien auquel sont contraints tous les pays d’Afrique, au détriment de leur souveraineté financière, industrielle, agricole et politique.

Le 3e Forum Global Nyéléni doit se tenir au Sri Lanka au mois de septembre. Le Sri Lanka n’a pas été choisi au hasard : en 2022, un soulèvement populaire, connu sous le nom d’Aragalaya, a renversé le régime néolibéral qui avait plongé le pays dans une grave crise de la dette et sociétale.

Sur la dette externe exorbitante du Sri Lanka de 57 milliards de dollars américains, environ 32 % sont dus à des institutions financières multilatérales telles que la Banque asiatique de développement, la Banque mondiale (BM) et le Fonds monétaire international (FMI). 28 % supplémentaires sont dus au Club de Paris. Près d’un quart des revenus du gouvernement sert à rembourser les créanciers étrangers, et une grande partie de cette dette s’accompagne de conditions qui promeuvent la privatisation des services publics et la mercantilisation des terres et ressources naturelles.

Le Sri Lanka n’est pas le seul dans ce cas. Vingt pays africains sont en situation de surendettement, et près de la moitié de la population mondiale vit dans des pays qui dépensent davantage en remboursement de dette que dans les services publics. Les institutions financières internationales ont influencé les budgets nationaux et l’architecture financière de sorte que les intérêts du capital financier priment sur le bien-être et la santé des peuples et de la planète. Une réaction internationale est nécessaire pour construire la souveraineté alimentaire et des systèmes alimentaires agroécologiques résilients.

 Lors d’un dialogue récent organisé par le Comité des Nations Unies sur la sécurité alimentaire mondiale, le Mécanisme de la Société Civile et des Peuples Autochtones ont fortement insisté : il ne peut y avoir de souveraineté alimentaire sans souveraineté financière ! Ce bulletin se penche sur les principaux problèmes liés à ce sujet et sur des propositions pour les contrer.

Focus on the Global South et La Via Campesina

L’écho des campagnes 1

L’écho des campagnes 1

Peuples autochtones et droits de pêche issus de traités

Rochelle Diver et Chef Gary Harrison, Indian Treaty Council ou « Conseil international des traités indiens » (IITC) et Groupe de travail du CIP sur la pêche, représentant respectivement la région des Grands Lacs et l’Alaska

Aux États-Unis et au Canada, les droits de pêche des peuples autochtones sont consacrés par des traités de Nation à Nation, signés entre les gouvernements coloniaux et les peuples autochtones. Or en Alaska, la pêche au chalut a anéanti les populations de saumons, et détruit des écosystèmes que les peuples indigènes protégeaient depuis plus de 25 000 ans. La colonisation a remplacé la gestion durable par l’appât du gain, bafouant les droits de pêche et ravageant la nature. Les chalutiers déciment les habitats, tuent les saumons sans distinction et poussent des cours d’eau entiers à l’extinction, au nom du profit. C’est un véritable génocide écologique.

De plus, l’exploitation minière ainsi que les centrales alimentées au charbon contaminent les poissons au mercure et autres substances chimiques, ce qui empoisonne ensuite nos peuples. 10 % des bébés nés dans la région des Grands Lacs présentent déjà une contamination au mercure à leur naissance. À quoi bon avoir le droit de pêcher si les poissons sont nocifs pour nos peuples et les générations à venir ? Les conséquences intergénérationnelles du mercure et des produits chimiques éternels dans nos lacs sont à la fois physiques et culturelles. Les effets du mercure sur le développement affectent la capacité de nos enfants à mémoriser nos langues, nos histoires et nos traditions.

Soutenir les droits autochtones revient à soutenir les droits humains et la pêche artisanale. Rejoignez notre lutte pour un système alimentaire dépourvu de produits toxiques.

L’écho des campagnes 2

Les pêcheurs de Gaza : lueur d’espoir dans la lutte pour la souveraineté alimentaire et la libération

Saad Ziada, Union of Agricultural Work Committees ou « Union des Comités de Travail Agricole » (UAWC), Palestine      

Le secteur de la pêche à Gaza a été anéanti, qu’il s’agisse d’équipements, de bateaux, d’infrastructures de stockage, tout est détruit. Les pêcheurs vivaient déjà dans des conditions extrêmement précaires avant le 7 octobre, en raison des entraves à l’accès à la mer, à l’arrivée de matériel et aux possibilités d’exporter. Aujourd’hui les moyens de subsistance ont disparu, et leurs vies et modes de vie sont en grave danger de disparition. Des pêcheurs ont été tués alors qu’ils tentaient de pêcher vers la côte sur des dispositifs flottants de fortune, afin d’éviter la famine.

Depuis le cessez-le-feu, de nombreuses familles sont retournées dans leurs quartiers d’origine mais elles n’y ont rien retrouvé. Nous avons pu retrouver un bateau motorisé qui a survécu aux destructions. Les pêcheurs restent déterminés et souhaitent reconstruire leurs moyens de subsistance, mais le cessez-le-feu n’a pas tenu ses promesses en matière d’approvisionnement en carburant, équipements et autre matériel de base pour redémarrer. Même les filets sont difficiles à obtenir, ce qui laisse très peu de possibilités pour une reprise du secteur de la pêche. Mais nous continuons le combat pour notre existence, pour la souveraineté alimentaire et contre l’effacement culturel. Mais nous ne pouvons pas le faire seuls, et nous appelons le WFFP, le CIP et ses membres, à exiger la responsabilité pour les crimes commis et nous soutenir dans la reconstruction d’un secteur de la pêche à l’importance culturelle et qui représentera une lueur d’espoir dans la lutte pour la souveraineté alimentaire et la libération.

L’écho des campagnes 3

De l’abondance en poissons à la lutte pour la subsistance : La résilience chez les communautés de pêcheurs d’Ouganda

Namaganda Rehema, FIAN Ouganda et Margaret Nakato, Katosi Women Development Trust

Les lacs autrefois abondants d’Ouganda sont devenus des sites de contrôle militarisé. Les soldats font désormais la loi sur les eaux où les artisans pêcheurs travaillaient librement pour subvenir à leurs besoins. Les pêcheurs peinent à respecter les nouvelles réglementations strictes de la pêche instaurées en 2017, et que l’Unité de Protection militaire de la Pêche fait appliquer par la force.

Les militaires arrêtent régulièrement les pêcheurs, détruisent leurs bateaux et confisquent leur matériel. Cela perturbe les familles, les marchés et le réseau local délicat de systèmes alimentaires. Les femmes, qui transforment et vendent le poisson, en paient le prix. Autrefois force fédératrice, le poisson est devenu un symbole de désintégration. Auparavant une source vitale et abondante de protéines, il se fait désormais rare.

Face à ces difficultés, les communautés de pêcheurs répondent par l’action collective. Ils ont organisé des lettres de pétition, tenu des réunions avec des dirigeants politiques et interpellé les médias pour mettre en avant leurs combats, ce qui a permis des progrès notables, y compris des changements dans les lois sur la pêche.

Leur combat dépasse la lutte pour les ressources : c’est une lutte pour nourrir leurs familles, leurs communautés et pour leur culture.

Face à la militarisation continue, ils restent constants dans leurs efforts pour la souveraineté alimentaire, et refusent de laisser leurs droits être bafoués. Car ils ne possèdent pas seulement le pouvoir de pêcher, mais aussi de façonner l’avenir du lac où ils vivent depuis très longtemps. Leur lutte vise la dignité, la justice et le droit de toute communauté à s’alimenter.

L’écho des campagnes 4

Transformation reposant sur des racines communautaires

Claudia Pineda, FIAN Honduras

Le Honduras est un pays d’Amérique centrale doté d’une grande biodiversité et de communautés forgées par la lutte pour la survie, en particulier dans les zones côtières du golfe de Fonseca. Dans cette région, des milliers de familles qui dépendent des espèces marines pour la pêche et la crevetticulture artisanales sont affectées par la destruction de leur écosystème. Elles sont victimes de la transformation rapide et néfaste de leur territoire en raison de la pollution de l’environnement et de la déforestation des zones de mangroves par les pratiques de l’agro-industrie et la crevetticulture.

Ces communautés constatent comment ces pratiques fondées sur une vision instrumentale de la nature ont des conséquences socio-environnementales, comme la réduction et la perte de modes de vie, et une plus grande vulnérabilité face aux phénomènes climatiques. Les deux situations sont à l’origine de la migration et de la pauvreté extrême.

L’accès à l’alimentation est l’un des principaux facteurs de déplacement interne et d’émigration, en particulier vers les États-Unis et l’Espagne. Ce phénomène provoque chez les familles des problèmes sociaux liés à des changements dans la structure de population, la désintégration de la famille et la perte de population active, pour n’en mentionner que quelques-uns.

Néanmoins, les résistances face à ce modèle se multiplient, et de plus en plus les communautés de pêcheurs exigent le droit à participer à l’élaboration et au contrôle des systèmes alimentaires. C’est ainsi qu’en 2024 a débuté la construction d’un modèle de gestion communautaire des biens naturels du pays, fondé sur les connaissances et pratiques locales.

L’écho des campagnes 5

La propagation de tilapia à menton noir : Une catastrophe écologique majeure en Thaïlande

Réseau de citoyens thaïlandais touchés par la propagation de tilapia à menton noir (19 provinces)

Une recrudescence de Sarotherodon melanotheron (tilapia à menton noir) est apparue en Thaïlande en 2010 lorsque le géant de l’alimentation Charoen Pokphand Foods (CPF) a importé l’espèce du Ghana pour en faire l’élevage dans son exploitation de Samut Songkhram. Au cours de l’année qui a suivi, le poisson s’est installé dans les canaux publics et bassins d’aquaculture, et dans les provinces voisines. Les espèces ont violemment supplanté la vie marine endémique, détruisant les crevettes, poissons, crabes et mollusques, entraînant des pertes considérables pour les artisans pêcheurs et les pêcheurs de la côte. Beaucoup ont été confrontés à la dette, la perte de terres, voire au suicide.

En 2017, les communautés affectées ont saisi la Commission Nationale des Droits Humains, et ont révélé le non-respect des mesures de protection de la biodiversité par CPF. En 2024, l’espèce s’était déjà propagée à 19 provinces, menaçant la biodiversité du lac Songkhla et les pays voisins. Les spécialistes de l’environnement parlent d’une des « pires catastrophes écologiques qu’a connues la Thaïlande ».

Le 13 janvier 2025, les communautés affectées ont manifesté devant le siège de CPF, réclamant des dédommagements et la restauration de l’écosystème. « Ce grave problème a été créé par les grandes entreprises. Nous exigeons que les criminels contre l’environnement soient tenus responsables et que l’État fasse appliquer des lois de biosécurité strictes pour protéger la souveraineté alimentaire », déclare M. Walop Khunjeng, un pêcheur de Samut Songkhram.

CPF n’a pas encore reconnu sa responsabilité et a plutôt poursuivi en justice Biothai, une organisation qui a mis cette crise en lumière. Les experts alertent : la pisciculture à système ouvert pourrait ne plus être viable, forçant ainsi les petits éleveurs à intégrer les systèmes fermés contrôlés par les entreprises de CPF.

Encadres

Encadré 1

Mobiliser lors du Sous-Comité de l’Aquaculture

Avril marque un moment charnière pour le groupe de travail du CIP sur la pêche (GTP CIP) alors que nous nous mobilisons à Antalya en Turquie, pour prendre part en tant qu’observateurs du Sous-Comité de l’Aquaculture, un organe subsidiaire du Comité des pêches (COFI) de la FAO. La scène politique sert de plateforme pour orienter les politiques en matière d’aquaculture et les stratégies de développement. Son Bureau est présidé par la Turquie et inclut des représentant·es de l’Indonésie, du Mexique, du Sénégal et des États-Unis. Aussi cet espace requiert notre attention et nos efforts de plaidoyer pour contrer la promotion de l’expansion de l’aquaculture, conformément à la feuille de route de la FAO sur la transformation bleue, une menace pour la souveraineté alimentaire des artisans pêcheurs et peuples autochtones.

L’aquaculture industrielle participe à l’accaparement des terres et des ressources, au déplacement des communautés de pêcheurs et les prive de leurs droits et moyens de subsistance coutumiers, tout en accélérant la destruction de l’environnement. Ce modèle emmené par les entreprises ne profite qu’à quelques personnes au détriment de beaucoup, il creuse les inégalités et menace notre survie.

Le GTP CIP exige un virage vers une approche reposant sur les droits humains qui érige les artisans pêcheurs en garants essentiels de la sécurité alimentaire et de la biodiversité. Nous exhortons les gouvernements à appliquer les Directives volontaires visant à assurer la durabilité́ de la pêche artisanale (SSF en anglais) et renoncer aux projets mus par les marchés. La lutte pour la souveraineté alimentaire et le protagonisme des artisans pêcheurs et peuples autochtones doivent être les priorités de ces discussions mondiales.

Encadré 2

À la mémoire de Budi Laksana

Budi Laksana, secrétaire Général de Serikat Nelayan Indonesia (SNI) et l’un des membres fondateurs du Forum mondial des pêcheurs (WFFP) est décédé le 28 novembre 2024 à Brasilia. Il s’était rendu au Brésil pour rejoindre ses camarades à la huitième assemblée générale du WFFP, où il incarnait la lutte de la nouvelle génération pour la souveraineté alimentaire lorsqu’il a succombé à une thrombose soudaine.

Budi Laksana a joué un rôle majeur dans l’élaboration des Directives sur la pêche artisanale de l’ONU, soutenues par la FAO en 2014, et il a œuvré sans relâche pour leur application en Indonésie et ailleurs. Sous sa gouvernance, SNI a lutté pour la protection des territoires et des modes de vie des pêcheurs traditionnels face aux intérêts des oligarques. Il était toujours en première ligne des marches et campagnes de manifestations, et dénonçait les politiques oligarchiques du gouvernement indonésien depuis les camions-son face à la foule.

Issu d’une famille de pêcheurs traditionnels de crabes, il était farouchement opposé à l’aquaculture à grande échelle et à la pêche industrielle, qui selon lui ne détruisaient pas seulement les moyens de subsistance mais aussi des cultures alimentaires et des économies locales toutes entières. Sa vision pour les populations de pêcheurs était ancrée dans les principes des droits souverains sur les systèmes alimentaires, la connaissance intergénérationnelle et la gestion de l’environnement. Durant ses derniers jours à l’assemblée du WFFP à Brasilia, son esprit positif, sa camaraderie et ses discours passionnés sur la souveraineté alimentaire ont instillé de l’énergie et de la solidarité chez les plus de cent délégués de pêcheurs, venus de cinquante pays.

Budi Laksana défendait le leadership des femmes, et a aidé à fonder la Coopérative de Pêcheuses de Nyimas Kumambang, menée par des femmes. Ardent défenseur de la souveraineté alimentaire, il plaçait les femmes et leur rôle au cœur de toute la chaîne totale de valeur de la pêche. Comme une femme, figure de la pêche qui l’accompagna durant ses derniers jours, l’a souligné, il « luttait et refusait de se soumettre à un système cupide qui appauvrit les pêcheuses ».

Budi Laksana était très proche de sa famille, et laisse derrière lui sa femme bien-aimée et trois fils âgés de cinq, dix et douze ans.

Nos pensées accompagnent sa famille et ses camarades proches. L’esprit de Budi Laksana continuera d’apporter inspiration et force à la lutte des pêcheurs pour la souveraineté alimentaire.

RIP camarade Budi Laksana, rest in power.

Encadré 3

à lire, à écouter, à voir et à partager

Sous les feux de la rampe 

Sous les feux de la rampe 1

Résistons à l’aquaculture industrielle !

La production mondiale aquacole a été multipliée par trois depuis le début du siècle, et la population consomme désormais davantage de produits de la mer issus de fermes que de la pêche. Ces chiffres impressionnants englobent deux types différents d’aquaculture, avec des conséquences très différentes sur la sécurité alimentaire.

L’un est à petite échelle, et correspond souvent à l’élevage dans les terres de carpes d’eau douce ou la production semi-sauvage de mollusques le long des côtes. Ces espèces robustes requièrent peu voire aucune alimentation ou autre intrant, et sont souvent intégrées à d’autres productions ou espèces animales. La croissance rapide de ce type d’aquaculture joue un rôle majeur dans la sécurité alimentaire mondiale, et présente peu d’aspects négatifs.

L’autre type est l’aquaculture industrielle. Elle se concentre sur des espèces de crevettes, saumons et autres espèces « à forte valeur » qui nécessitent de grandes quantités d’alimentation industrielle et d’antibiotiques, pesticides et autres produits chimiques pour éviter l’apparition de maladies. Elle produit pour l’exportation et les supermarchés et non pour les marchés locaux, et dépend de travailleur·euses fortement exploité·es. Elle est également contrôlée par des élites et grandes entreprises locales puissantes, dotées de fermes à plusieurs endroits, leurs propres provenderies et usines de transformation.

Ces entreprises détruisent plus de nourriture qu’elles n’en produisent. Chaque année, 15 % de tous les poissons sauvages pêchés sont réduits en poudre et utilisés comme nourriture pour les poissons et crevettes des fermes industrielles. Les fermes d’aquaculture industrielle utilisent jusqu’à 6 kg de poisson sauvage pour produire 1 kg de saumon, et 1,5 kg de poisson sauvage pour 1 kg de crevettes. Les poissons sauvages sont, pour la plupart, pris dans les zones de pêche traditionnelle du Sud mondial où ils pourraient constituer des aliments bon marché et nutritifs pour la population locale, tandis que le saumon et les crevettes d’élevage sont majoritairement destinés aux consommateur·rices aisé·es des pays du Nord. Pire encore : les entreprises installent leurs élevages industriels de poissons dans des zones traditionnellement utilisées par des pêcheur·euses et agriculteur·rices locaux·ales, les privant des eaux et des terres utilisées pour la pêche et l’agriculture, pour les détruire rapidement en raison de la pollution et des maladies.

Les fermes d’aquaculture industrielle se multiplient et grandissent, tout comme les mouvements visant à les arrêter. Les pêcheur·euses et travailleur·euses de ce domaine mènent des actions dans le monde entier pour empêcher les entreprises de détruire leurs zones de pêche. L’année dernière, de nombreuses communautés se sont réunies à Poros en Grèce pour lancer une campagne internationale #FishFarmsOut contre les fermes piscicoles. De son côté, le Forum mondial des pêcheurs (WFFP en anglais) a lancé quelques mois plus tard une campagne mondiale contre l’aquaculture industrielle lors de sa huitième assemblée générale, en déclarant : « L’aquaculture industrielle n’est PAS de la pêche ; elle privatise, délimite et détruit nos territoires, exproprie les communautés de pêcheurs de leurs terres et de leurs eaux, pollue les écosystèmes aquatiques et littoraux avec des substances chimiques dangereuses, contribue à l’accaparement de l’océan et au changement climatique ainsi qu’à la criminalisation des pêcheur·euses et à la violence à leur encontre. »

La lutte pour mettre fin à l’aquaculture industrielle et reconstruire des pratiques de pêche locales et l’aquaculture à petite échelle est indispensable au mouvement global pour la souveraineté alimentaire, des conditions de travail dignes et la justice climatique.

Pour en savoir plus, consultez le rapport élaboré par GRAIN, Le combat contre les géants de l’aquaculture 

Sous les feux de la rampe 2

Tribunaux des peuples des océans, des eaux et de la pêche

Les Tribunaux populaires ont vu le jour après la Seconde Guerre mondiale et les tribunaux pour les crimes commis pendant la Guerre du Vietnam qui ont marqué un tournant. Depuis, ces tribunaux sont devenus des outils importants pour la société civile qui s’en sert pour dénoncer les injustices et exercer une pression morale en dehors des systèmes de justice officiels. Ils sont généralement instaurés quand les tribunaux formels échouent à protéger les droits humains ou refusent d’agir.

Lorsque la Society for Nutrition, Education & Health Action (SNEHA) et le Delhi Forum ont décidé de mettre en place une série de Tribunaux populaires pour les pêcheurs en Inde en 2018, ils n’avaient pas prévu que d’autres pays suivraient la même trajectoire. Conscients que les méthodes traditionnelles n’étaient pas adaptées, ils ont organisé une série de Tribunaux des peuples des océans, des eaux et de la pêche, dont le premier s’est déroulé en Inde, au Sri Lanka, en Thaïlande, en Indonésie et au Bangladesh en 2020. Depuis, Movimento de Pescadores e Pescadoras Artesanais do Brasil (MPP) au Brésil (2022) et Masifundise en Afrique du Sud (2024) ont tenu des tribunaux dans leurs pays, et d’autres organisations comptent en faire de même.

En tant que tribunaux judiciaires non gouvernementaux, les Tribunaux des peuples des océans, des eaux et de la pêche traitent les dossiers graves tels que les violations des droits humains, les crimes environnementaux et les injustices sociales. Ils se font l’écho des voix des communautés opprimées et reconnaissent leurs savoirs et leurs expériences. Si les verdicts ne sont pas contraignants juridiquement, ils constituent des formes fortes de renforcement de la justice et de la solidarité, et permettent aux groupes concernés de s’adresser directement aux puissants, là où les systèmes judiciaires échouent.

L’importance de ces tribunaux a été reconnue par Michael Fakhri, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation. Il écrit :

Nos océans, nos rivières et lacs peuvent être pensés de deux manières différentes. Il y a ceux qui considèrent les étendues d’eau comme des opportunités économiques, comme une « économie bleue », quelque chose qui peut être exploité, et en quelque sorte équilibré par des politiques de durabilité. Ceux-là envisagent de gouverner les étendues d’eau par les lois du marché et les instruments financiers. Penser en ces termes axés sur le marché favorise un monde en proie aux inégalités et à la violence.

De l’autre côté, il y a ceux dont la vie est profondément liée aux étendues d’eau. Les peuples des océans, des eaux et de la pêche sont essentiels aux écosystèmes aquatiques et à la vie. Ils comprennent que les mers, les rivières et les lacs sont au cœur de leur identité et de leur mode de vie. La pleine réalisation des droits humains des peuples des océans, des eaux et de la pêche est le moyen le plus puissant pour garantir la prospérité des étendues d’eau dans le monde.

Le mécanisme et le verdict des Tribunaux des peuples des océans, des eaux et de la pêche constituent l’une des expressions les plus importantes de la solidarité internationale en ce qui concerne la vie aquatique. Ces outils fournissent une compréhension cruciale de ce qui est en jeu, et de ce qui doit être accompli pour s’assurer que nos étendues d’eau demeureront toujours source de vie.

Bien que les tribunaux aient produit des preuves empiriques irréfutables de l’échec des États à protéger les droits humains des pêcheurs et aient tissé des filets de solidarité, les communautés de pêcheurs attendent toujours des améliorations concrètes de leurs vies. Les verdicts du jury ont le pouvoir d’inclure les gouvernements dans les discussions, à l’heure où les autres stratégies politiques seules semblent insuffisantes.

Pour en savoir plus, consultez : TNI, Tribunaux des peuples des océans, des eaux et de la pêche : Couper les filets du capital et tisser des de solidarité et le site Tribaux de l’économie bleue en Asie

Bulletin n° 59 – Éditorial

Vagues de résistance : les communautés de pêcheurs défendent la souveraineté alimentaire

Illustration: Rosine Nsimire (Alliance pour la vie) et Alessandro Musetta – Agathe, the matriarch above the water est une publication numérique multimédia qui documente les expériences des pêcheuses traditionnelles sur le lac Kivu en République démocratique du Congo (RDC).

Dans un monde où tout change si vite, ébranlé par la guerre et les oligarques milliardaires, les moyens de subsistance de la pêche sont les grands absents des discussions politiques. La politique de forage intensif (« drill baby, drill ») du président américain Donald Trump, l’extractivisme international, l’enfermement néoprotectionniste de la nature sous couvert de 30by30 (cadre mondial pour la biodiversité), l’expansion de l’aquaculture soutenue par les gouvernements, et les mégaprojets motivés par le profit continuent de nuire aux territoires et moyens de substances des pêcheur·euses.

La montée de la droite radicale a mené certains gouvernements à réduire voire supprimer l’aide au développement, et les philanthropes ont davantage d’emprise sur les projets ou acteurs qui reçoivent du soutien, et la situation des financements en pâtit. Étant donné que les ONG et les mouvements de pêcheurs dépendent de plus en plus des financements des philanthropes, ce changement peut entraîner le détournement de la feuille de route politique de certaines organisations, et créer des divisions entre les acteurs qui appliquent les principes de souveraineté alimentaire et ceux qui suivent les priorités centrées sur les bailleurs de fonds comme 30by30, les « aliments bleus » ou les « transformations bleues »[1].

Les mouvements de pêcheur·euses doivent s’unir pour parler de positions et de tactiques politiques. Suite à la décision du Comité international de planification pour la souveraineté alimentaire (CIP) de ne pas soutenir le Sommet sur les systèmes alimentaires des Nations Unies, des prises de position similaires peuvent être requises sur d’autres feuilles de route imposées. Les mouvements de pêcheurs doivent définir leur propre feuille de route, et orienter activement la direction du mouvement pour la souveraineté alimentaire dans son ensemble. Le Forum mondial Nyéléni organisé en septembre 2025 au Sri Lanka en sera l’occasion : placer la pêche à l’ordre du jour, construire la solidarité avec d’autres petit·es producteur·rices alimentaires, mouvements de travailleur·euses alimentaires et pour le climat, et progrès dans la lutte pour la souveraineté alimentaire.

FIAN International, GRAIN, Groupe de travail du CIP sur la pêche, TNI, WFF, WFFP


[1] Pour plus d’informations, consultez la liste du matériel à la page 6.

L’écho des campagnes

Processus Nyéléni 2025

Comment les peuples autochtones abordent-ils le troisième Forum Global Nyéléni

Saúl Vicente Vázquez, Unité de la Force Indigène et Paysanne (UFIC), Comité de facilitation du CIP

Nous, les peuples autochtones, avons lutté aux côtés d’autres mouvements sociaux de petits producteurs alimentaires depuis 1996, année de lancement de la vision de la souveraineté alimentaire lors du Sommet mondial de l’alimentation à Rome. Elle est devenue l’une des références dans le débat mondial sur le commerce, l’alimentation et l’agriculture et repose sur les peuples. Le besoin d’aliments stables, sains et accessibles, appropriés aux cultures, produits principalement au niveau local, loin des politiques néolibérales, de la privatisation, du libre-échange et de la dépendance aux marchés mondiaux est devenu un élément central au niveau mondial pour tous les principaux mouvements et organisations qui travaillent sur ces sujets.

Depuis, nous sommes parvenus à bâtir un mouvement large articulé dans le Comité international de planification pour la souveraineté alimentaire (CIP), nous avons influencé les politiques de la FAO et du Comité de la Sécurité Alimentaire Mondiale des Nations Unies (CSA) grâce à l’organisation autonome, la mobilisation et la tenue de deux Forums mondiaux Nyéléni pour la Souveraineté Alimentaire, nous avons accompli des avancées importantes comme les Directives volontaires sur les régimes fonciers, les Directives volontaires visant à assurer la durabilité de la pêche artisanale, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (UNDRIP), une réforme du CSA, ainsi que l’approbation du Mécanisme de la Société Civile et des Peuples Autochtones pour sa relation avec le CSA, l’adoption des principes et éléments de l’agroécologie par la FAO et le HLPE-FSN (Groupe d’experts de haut niveau sur la sécurité alimentaire et la nutrition), entre autres. Tous ces accords et ces politiques internationales ont ouvert la voie et ont déjà commencé à influencer les politiques et initiatives publiques nationales et régionales.

Malgré ces réussites, nous avons pris le chemin, au cours des dernières décennies, d’un carrefour déterminant. La population ressent une inquiétude grandissante et se sent de plus en plus menacée. Jusqu’à présent, les gouvernements n’ont pas été en mesure de trouver des réponses suffisamment solides aux préoccupations des populations et aux risques de crises multiples liées au climat, à la biodiversité et aux pratiques extractives qui continuent de détruire la planète. L’ONU et le niveau national sont en proie à une crise de gouvernance.

Nous sommes convaincus que nous pouvons changer de cap, mais il est urgent d’unir nos forces pour obtenir les changements nécessaires. Nous devons lutter pour la solidarité économique, la justice climatique et contre l’hégémonie des sociétés transnationales (STN) et des grandes entreprises technologiques.

C’est dans ce contexte que se tient le troisième Forum Global Nyéléni, à partir duquel nous proposons de construire un mouvement plus large et plus fort avec une plateforme et des actions communes qui peuvent faire la différence, en promouvant une transformation profonde, un changement systémique qui permet la participation des peuples, des mouvements sociaux qui défendent la souveraineté alimentaire, la démocratie participative, l’autonomisation des communautés, les droits humains, la solidarité, la coopération entre les peuples et la paix, et de répondre à ces crises multiples par de vraies solutions.

Processus Nyéléni 2025

Région Proche-Orient et Afrique du Nord (NENA)

Jana Nakhal, Marche Mondiale des Femmes

Nous préparons le Forum Global Nyéléni de 2025 alors que notre région traverse une guerre terroriste menée par Israël, y compris un génocide à Gaza, une guerre destructrice au Liban et des attaques continues contre la Syrie et le Yémen, en plus d’une guerre de pillage menée par les princes du Golfe au Soudan.

Le nombre et l’étendue des guerres que la région NENA a connues au cours des 100 dernières années et qui continuent à sévir ont bouleversé sa souveraineté alimentaire, entre autres droits des peuples de la région.

Outre l’intervention indirecte et politique des pays du Nord, cela signifie que la souveraineté alimentaire de la région a également été absente des programmes politiques et mesures de la société civile et des États. De plus, elle est abordée sous le prisme de la sécurité alimentaire, tout en écartant une approche intersectionnelle de la question, pourtant indispensable. 

Par conséquent, et simultanément à l’élaboration du processus Nyéléni, nous produisons également une liste d’attentes et d’espoirs pour le Forum Global Nyéléni. Nous pensons que ce forum est l’occasion pour notre région de mondialiser ses causes et de susciter la solidarité, mais aussi d’apprendre d’autres contextes et expériences, et de les adapter à notre culture locale et l’héritage de nos mouvements de décolonisation.

À cet égard, le Forum Global semble propice, pour notre région ainsi que pour d’autres, au traitement du caractère profondément intersectionnel de la souveraineté alimentaire, et à la création d’un espace de partage des connaissances, d’apprentissage et de radicalisation de nos conceptions et de nos mouvements.

Il ne fait aucun doute que les puissances patriarcales, capitalistes et coloniales lancent de nouvelles offensives terroristes sur les peuples du Sud mondial. Notre résistance passera impérativement par des visions collectives du monde qui partent de la base et intègrent l’intersectionnalité, et qui consacrent la souveraineté alimentaire, l’accès aux droits humains de base (comme l’accès au logement, aux terres et aux ressources, à l’éducation, à la santé, etc.), la libération des populations et des femmes, ainsi que les libertés personnelles comme des droits inaliénables.

Processus Nyéléni 2025

Région Afrique

Ali Aii Shatou, IPACC (Comité de Coordination des Peuples Autochtones d’Afrique)

La consultation régionale africaine, qui s’est tenue à Addis-Abeba (Éthiopie) en juillet 2024, a joué un rôle central dans l’élaboration de la position de l’Afrique. Les participants ont réfléchi à leurs systèmes alimentaires, identifié les problématiques clés et préparé une déclaration qui met l’accent sur les résultats suivants :

Les petits producteurs de denrées alimentaires sont reconnus comme les piliers de la sécurité alimentaire en Afrique. Le soutien à ces producteurs, via l’accès aux ressources naturelles et la reconnaissance de la valeur des connaissances des peuples, est essentiel pour garantir des systèmes alimentaires durables.

L’agroécologie est apparue comme une solution clé aux défis interconnectés du changement climatique, de la dégradation des sols et de l’insécurité alimentaire. Les consultations ont mis l’accent sur la nécessité d’un soutien politique pour développer les pratiques agroécologiques, y compris les systèmes de semences résistants et les méthodes agricoles adaptées au climat.

Des voix fortes se sont élevées en faveur de politiques qui renforcent le pouvoir des femmes et des jeunes dans l’agriculture. Cela inclut l’accès aux ressources, la promotion de l’engagement des jeunes dans l’agriculture et la garantie que le leadership des femmes est au cœur des efforts de souveraineté alimentaire.

La protection des droits à la terre et à l’eau des petits producteurs, des éleveurs, des pêcheurs et des communautés autochtones est considérée comme essentielle pour empêcher l’accaparement des terres et de l’eau et garantir que ces ressources restent la base de la production alimentaire et de la survie culturelle.

Malgré de nombreux résultats positifs, les mouvements pour la souveraineté alimentaire en Afrique sont confrontés à des défis importants :

De nombreux gouvernements africains continuent à miser sur les modèles d’agriculture industrielle, qui favorisent l’agriculture d’exportation et ébranlent les systèmes alimentaires locaux.

Les multinationales de l’agrobusiness dominent les systèmes alimentaires et défendent des programmes axés sur le profit qui privilégient les cultures génétiquement modifiées au détriment des variétés locales et traditionnelles.

Les chocs climatiques menacent la productivité agricole, tandis que l’exode rural compromet la viabilité des petites exploitations agricoles.

Le mouvement africain attend de Nyéléni 2025 qu’il soit une plateforme pour un plaidoyer politique audacieux qui remet en question les structures de pouvoir existantes et privilégie des systèmes alimentaires durables et centrés sur les personnes. Les principales revendications portent sur des politiques qui favorisent les petits producteurs, l’agroécologie et les droits à la terre et à l’eau, ainsi qu’un appel à mettre fin à l’accaparement des terres et de l’eau et à la mainmise des entreprises sur les systèmes alimentaires. Le mouvement souhaite également amplifier la voix des groupes marginalisés, tels que les femmes, les jeunes et les communautés autochtones, et encourager la solidarité transfrontalière pour relever des défis communs tels que le changement climatique et l’insécurité alimentaire.

Processus Nyéléni 2025

Région Asie-Pacifique

Tammi Jonas, Réseau australien pour la souveraineté alimentaire

Soixante représentants de 12 pays et plus de 20 mouvements sociaux et organisations de la société civile au niveau mondial et régional de l’Asie et du Pacifique se sont réunis à Negombo, au Sri Lanka. Le but était d’évoquer les différentes crises actuelles, provoquées par le capitalisme colonial patriarcal et pour élaborer collectivement nos stratégies en vue du troisième Forum Global Nyéléni. Des champs et espaces de réunions locaux jusqu’à la plénière, nous avons partagé des histoires de lutte et de résistance spécifiques à l’Asie et au Pacifique, mais généralisables à toutes les régions du monde. Qu’il s’agisse de la microfinance vendue aux petits exploitants ou des prêts de la Banque mondiale aux États souverains, la dette écrase les familles, les communautés et les pays, soutenue par les réformes politiques néolibérales introduites par le FMI dans toute la région. Le capitalisme du désastre sévit dans une région qui souffre énormément du changement climatique, il prend la forme du développement touristique par les entreprises, qui prive les pêcheurs de l’accès à leurs eaux coutumières tout en détruisant les barrières naturelles contre les tsunamis, ou des mégaprojets d’infrastructures visant à récolter le sel issu de l’élévation du niveau de la mer et qui inondent ainsi les rizières des paysans.

De l’accaparement des terres et de l’eau à la nouvelle frontière de l’accaparement du carbone et des données, le capitalisme colonial se déplace au niveau cellulaire et même numérique. La lutte pour la souveraineté alimentaire est fondée sur la connaissance, le territoire et la souveraineté, affirmant les droits consacrés par l’UNDROP (Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales) et l’UNDRIP (Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones), qui exigent une réorganisation profonde de qui détient, utilise et partage le pouvoir et les connaissances dans les systèmes agroalimentaires, et rendent le contrôle des moyens de production aux peuples autochtones, dalits, sans-terre, paysans et communautés locales, en commençant par la terre, notre mère.

En travaillant avec nos partenaires invités, les autres grands mouvements mondiaux pour la santé, la justice en matière de dette, la justice climatique, l’économie sociale et solidaire, le travail et la diversité des genres, nous regardons vers Nyéléni 2025, actifs dans notre optimisme à travailler collectivement pour le droit de chacun à une alimentation nutritive et culturellement déterminée, cultivée en harmonie avec la nature, transformée et distribuée par et au sein de nos communautés, et gouvernée démocratiquement par nous, pour nous.

Processus Nyéléni 2025

Région Amérique du Nord

Cicely Garrett, Alliance Nationale Noire pour l’Alimentation et la Justice (NBFJA)

Le mouvement pour la souveraineté alimentaire en Amérique du Nord est actif, même s’il est décentralisé et manque d’une structure centrale de soutien à la coordination. Dans le cadre du processus Global Nyéléni, la région Amérique du Nord ne se limite pas aux deux nations que sont le Canada et les États-Unis. Plus de 1 200 nations souveraines Autochtones, Natives, Métisses et Inuites y vivent. Nombre d’entre elles participent activement au mouvement régional pour la souveraineté alimentaire.

Les mouvements pour la souveraineté et la justice alimentaires sont confrontés à un nombre croissant de défis, tant au Canada qu’aux États-Unis, car l’approche systémique de l’alimentation est encore largement absente de la plupart des niveaux de gouvernement, des secteurs publics (santé, éducation) et de la sensibilisation du public. Aux États-Unis en particulier, le gouvernement a exclu des milliers de familles de l’aide alimentaire et d’autres programmes sociaux, et les institutions ont recours à la violence et à l’incarcération contre les communautés des mouvements sociaux.

Dans le même temps, des signes d’une nouvelle vague de mouvements populaires de masse pour #BlackLivesMatter, la justice climatique et des actions contre Monsanto et d’autres entreprises ont émergé. Des alliances nationales nouvelles et existantes renforcent le leadership des familles de la classe ouvrière et des communautés de couleur pour extraire leurs vies et leurs corps du racisme structurel et défendre la justice et la souveraineté alimentaire.

Les consultations nord-américaines se sont déroulées en ligne les 8 et 9 mai 2024. 125 personnes y ont pris part, y compris les membres de la coordination, le personnel de soutien et les traducteurs, représentant plus de 70 organisations, coalitions, réseaux, fermes et centres alimentaires communautaires, issues des nombreuses nations qui habitent l’île de la Tortue. Bien que de nombreuses conversations aient porté sur les défis à relever pour parvenir à la justice foncière et à la souveraineté alimentaire, l’accent a été mis sur l’amplification des interventions stratégiques réussies et les changements systémiques à la racine. Les participant·es ont renouvelé leur appel et leur engagement en faveur de la solidarité et des actions de transformation afin de renforcer le pouvoir collectif. Dans l’ensemble, la consultation a été un début, un catalyseur si l’on peut dire, pour une coordination continue en vue du rassemblement Global Nyéléni en personne de 2025 et au-delà. 

Processus Nyéléni 2025

Région Amérique latine et Caraïbes

Perla Álvarez Britez, CONAMURI/CLOC

Dans notre région, nous avons proposé que ce troisième processus Global Nyéléni nous aide à renforcer le mouvement pour la souveraineté alimentaire :  à réunir un large mouvement populaire, à tisser de nouveaux liens entre humains et entre les humains et la nature, pour pouvoir ainsi transmettre notre si belle Terre aux générations à venir.

Lors de notre Consultation Populaire organisée en février 2024, nous nous sommes engagés envers de nouvelles vagues de réformes agraires populaires, et à faire progresser l’élargissement des systèmes alimentaires agroécologiques pour parvenir à la souveraineté alimentaire. Nous sommes conscients que cela requiert un changement de système.

Une vingtaine d’organisations continentales, régionales et nationales a participé à nos côtés à la consultation, représentant des paysan·nes, des peuples autochtones, des pêcheur·euses, cueilleur·euses, des femmes, des jeunes, des mouvements pour les droits humains, la justice climatique et la santé, entre autres. Nos enfants méritent un monde meilleur, et la perspective d’un désastre complet se rapproche et se confirme plus que jamais si nous n’agissons pas. Aussi nous exhortons tous les mouvements émergents, le mouvement pour la justice climatique, le mouvement féministe, de travailleur·euses, la jeunesse, le monde académique, engagés dans la lutte des peuples, à répondre à l’invitation au Forum Global en Inde en 2025.

Nous lançons un appel à agir aux côtés de nos allié·es pour exiger de nos gouvernements qu’ils prennent leurs responsabilités pour garantir des politiques publiques reposant sur les droits humains et les droits de la nature, pour lutter contre les grandes entreprises qui détruisent nos territoires, pour créer de nouvelles subjectivités basées sur les contributions féministes et faire de la diversité un enjeu d’avenir. C’est pourquoi nous organisons une série de webinaires ouverts pour élaborer un programme commun.

Nous espérons que le Forum Global aboutira à un appel fort à l’humanité, aux gouvernements et aux instances intergouvernementales pour mettre en place des solutions réelles et non de fausses solutions. Nous appellerons à la paix, accompagnée de justice sociale et environnementale, dans le respect du vivant et des personnes. Ainsi, la région Amérique latine et Caraïbes propose une nouvelle CIRADR+20 (Conférence mondiale sur la réforme agraire et le développement rural) avec une participation populaire active et de premier plan.  

Processus Nyéléni 2025

Région Europe et Asie centrale (ECA)

Ia Ebralidze, ELKANA

Ces dernières années, le mouvement Nyéléni ECA a fait des progrès considérables en Europe de l’Est et en Asie centrale en encourageant la solidarité entre les personnes et les organisations engagées dans la souveraineté alimentaire et qui œuvrent à faire le lien entre les initiatives locales d’agroécologie. La collaboration avec le bureau régional de la FAO a permis d’amplifier les voix de la société civile et d’apporter des contributions significatives aux débats politiques régionaux. Les efforts de mobilisation au niveau national se sont poursuivis malgré les défis posés par la pandémie. Cependant, la région étant définie par des cultures politiques et sociales, des niveaux de développement nationaux et des systèmes agricoles différents, la stratégie de travail de Nyéléni pour la région est encore en cours d’élaboration. Une nouvelle stratégie vise à mettre en place des processus clairs et à assurer la transparence au sein du réseau afin d’instaurer la confiance et d’encourager l’action stratégique.

Sur le plan politique, la région est en proie à des crises croisées : l’invasion russe en Ukraine, les conflits armés gelés et/ou en cours dans le Caucase et en Asie centrale, ainsi que les conséquences de la guerre en Palestine, sur fond d’effets du changement climatique, en particulier la pénurie d’eau. Les catastrophes naturelles ont non seulement entraîné la perte de milliers de vies, le déplacement de millions de personnes, la destruction des infrastructures civiles et l’interruption des chaînes d’approvisionnement, mais ont également fortement déstabilisé l’ensemble de la région. La vague d’autoritarisme et de populisme déferle sur toute l’Europe de l’Est et l’Asie centrale, instrumentalisant les situations traumatiques et fragiles des populations. L’introduction de lois ciblant les « agents » supposés, soutenues par la Fédération de Russie, entraîne la stigmatisation et la marginalisation des organisations de la société civile, y compris les personnes et les organisations qui défendent les droits des paysans et des populations autochtones ou la souveraineté alimentaire.

En parallèle, la flambée des prix des denrées alimentaires, la perturbation des chaînes d’approvisionnement et l’accès limité aux ressources essentielles (terres, eau et main-d’œuvre) ont un effet dévastateur sur les producteurs locaux de denrées alimentaires. Ces pressions ont intensifié la migration des travailleurs, marginalisé les petits exploitants agricoles et aggravé l’insécurité alimentaire régionale.

Pourtant, dans le contexte de ces crises, l’agroécologie a prouvé son importance cruciale. En tant que système agricole familial à faible consommation d’intrants, l’agroécologie offre une base pour la sécurité alimentaire et la résilience en cas d’événements extrêmes. Les petits producteurs de denrées alimentaires, malgré d’immenses défis, restent le pilier des systèmes alimentaires durables. Pour les soutenir, les politiques publiques doivent renforcer la société civile et les organisations autochtones, donner la priorité aux droits humains, inclure les groupes vulnérables et soutenir les économies locales.

Encadres

Encadré 1

Des débats politiques houleux à la FAO et au CSA alors que les gouvernements stagnent

La longue vague de la pandémie de Covid-19, la crise alimentaire et les différents conflits ont affecté les discussions politiques dans les espaces de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Les chocs commerciaux et leur impact sur les systèmes alimentaires ont été largement débattus au sein du Comité des produits (CCP). La plupart des pays ont continué à soutenir les politiques néolibérales, tandis que quelques voix isolées ont identifié les marchés locaux comme une réponse à la volatilité et à la fragilité du marché mondial. Le Mécanisme de la Société Civile et des Peuples Autochtones (MSCPA) a rejoint le nouvel espace de travail du Comité des Nations Unies sur la sécurité alimentaire mondiale (CSA) pour élaborer un Plan d’Action qui servirait de feuille de route pour renforcer la diffusion et l’application de documents politiques approuvés par le CSA au niveau local, national, régional et international.

Le même besoin de mise en œuvre a été soulevé par les mouvements de pêche au sein du Comité des pêches (COFI), où ils ont plaidé pour l’application des Directives sur la pêche artisanale au niveau national. Le Forum mondial de l’agriculture familiale dans le cadre de la Décennie des Nations unies pour l’agriculture familiale (DNUAF) a été un autre espace propice à la défense du programme pour la souveraineté alimentaire.  Le groupe de travail Jeunes du CIP a participé à l’élaboration d’une boîte à outils destinée à faciliter le renouvellement des générations dans l’agriculture, afin de faire entendre la voix des jeunes agriculteur·ices et des peuples autochtones. En parallèle, les négociations dans le cadre du Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (TIRPAA) sont dans une phase déterminante. En refusant de réglementer l’information de séquençage numérique (ISN, DSI en anglais), les gouvernements permettent aux entreprises de contourner les règles du traité, ce qui ouvre la voie à une nouvelle vague de biopiraterie sur la biodiversité appartenant aux paysan·nes et peuples autochtones. Les années à venir seront décisives pour les mouvements paysans et autochtones, car les efforts convergeront bientôt vers l’organisation d’une nouvelle Conférence mondiale sur la réforme internationale et le développement rural (CIRADR +20).

Encadré 2

Résistons à l’offensive des grandes entreprises sur la gouvernance mondiale !

La bataille pour la souveraineté alimentaire se livre sur de nombreux fronts.

Le droit des communautés à cultiver leur nourriture et à se nourrir est de plus en plus menacé, y compris dans les espaces politiques mondiaux tels que les Nations unies. Les grandes entreprises et leurs alliés politiques profitent des guerres, des crises climatiques, sociales et de biodiversité actuelles pour favoriser le système alimentaire industriel, au service des profits et non des personnes.

Les organismes de l’ONU en charge des négociations de politiques sur le climat (CCNUCC, « Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques ») et la biodiversité (CDB, « Convention sur la diversité biologique ») sont dans l’œil du cyclone. Au fil du temps, la CCNUCC a favorisé l’émergence de fausses solutions, telles que les marchés carbone, qui transforment la nature en profit, sans apporter le moindre bénéfice au climat. Les technologies risquées de géo-ingénierie, censées « réparer le climat » en manipulant le rayonnement solaire ou en capturant le carbone à échelle industrielle, sont également en plein essor. Toutes ces « solutions technologiques » menacent d’accroître l’accaparement des terres et pourraient détruire les écosystèmes dont dépendent les producteurs de denrées alimentaires. Même si la CDB a fait preuve d’un manque d’ambition et de puissance financière lors de la dernière COP 16 à Cali, elle a maintenu un moratoire de facto sur la géo-ingénierie, grâce à une forte mobilisation de la société civile.

La numérisation de l’agriculture et les technologies de l’IA font également leur entrée dans les espaces politiques, menaçant les droits des agriculteurs, comme l’a montré le récent Sommet de l’avenir des Nations unies. Plus que jamais, la solidarité et une forte résistance à tous les niveaux de pouvoir sont nécessaires et nous permettront de transformer le système alimentaire.

Pour en savoir plus : écoutez les miniséries du podcast en anglais « Qui contrôlera les systèmes alimentaires ? » et lisez (en anglais) Les chevaux de Troie à la ferme : remettre en question la numérisation de l’agriculture et visionnez la vidéo : Big Brother arrive à la ferme (disponible en 12 langues)