L’écho des campagnes

L’écho des campagnes 1

Les pratiques de collecte reflètent la stratégie d’utilisation durable de la terre d’une communauté

M. Somneuk Buddwarn, Communauté de Ban-Thap-Heua-Parak-Moo, District de Nayok, Province de Trang, Thaïlande

La communauté de Ban-Thap-Heua-Parak-Mooest située au sud de la Thaïlande, et la majorité de la population est paysanne. La collecte des produits de la forêt constitue une source importante de subsistance, à la fois dans l’alimentation et dans l’apport d’un revenu supplémentaire. Selon la saison, ils glanent différents produits dans la forêt : des pakria (haricots), différentes espèces de champignons, du miel, des pousses de bambou.

Ces pratiques reflètent la stratégie de la communauté relative à l’utilisation durable de la terre et à la gouvernance; les villageois doivent respecter des règles et des normes pendant la récolte des produits de la forêt. La terre est gérée selon des principes de propriété collective. La majorité de la terre est consacrée à une agriculture diversifiée, sans produit chimique et destinée, en grande partie, à la consommation locale et aux marchés locaux. La monoculture n’est pas acceptable pour la population locale et des terrains sont consacrés à la plantation d’arbres utilisés pour la construction des maisons et autres besoins, ce qui leur permet d’éviter d’abattre illégalement les arbres des forêts locales.

Selon Somneuk, il est important de respecter la durabilité écologique et sociale dans l’utilisation des terres et des forêts et les populations locales qui vivent dans cette zone depuis plusieurs décennies ont prouvé qu’il est possible de vivre en harmonie avec les forêts et la nature. Mais les perceptions négatives des représentants du gouvernement qui pensent que les villageois ne peuvent pas coexister avec les forêts et la nature, les inquiètent.

En s’appuyant sur ce préjugé, le gouvernement tente de séparer les communautés locales de la nature, comme le met en évidence le plan national d’aménagement de la forêt introduit par le gouvernement militaire peu après le coup de 2014. Ce plan d’aménagement donne au gouvernement le pouvoir de confisquer les terres des villageois et de les expulser sans procédure juridique. Il est donc urgent que les populations de Ban-Thap-Heua-Parak-Moo sensibilisent les représentants du gouvernement sur ce que la durabilité signifie pour eux et comment leur mode de vie est en harmonie avec la nature.

L’écho des campagnes 2

“Non signifie non”

Le chef Joseph Chio Johnson, un ancien Jogbah Clan, District No. 4, Région Grand Bassa – Libéria

Ces dernières trois années, mon peuple et moi-même avons rencontré l’entreprise Equatorial Palm Oil (EPO) afin de discuter de leur intention de prendre nos terres et d’y installer des plantations de palmiers à huile. Nous avons rencontré cette entreprise plus de 25 fois et chaque fois nous avons dit « non » à leur demande. Nous avons rencontré la Présidente Ellen Johnson Sirleaf en 2014 pour lui demander de dire à cette entreprise de nous laisser tranquille.

L’entreprise a continué à nous rendre visite et à insister pour que nous leur laissions nos terres. Le 3 novembre 2015, nous leur avons dit que nous ne voulions plus les rencontrer, car, pour nous « non signifie non ». L’entreprise dit qu’elle veut nous aider à nous « développer ». Mais lorsque je vais dans leurs plantations, je me rends compte que les gens qui y travaillent et y demeurent, ne vivent pas mieux que nous. Je vois leurs enfants laver les vêtements sales dans le ruisseau et je vois leurs femmes aller chercher de l’eau dans le ruisseau pour la cuisine. La majorité habite dans des huttes couvertes de chaume ; peu d’entre eux habitent dans des maisons avec un toit en métal.

Je suis heureux que nous ayons toujours nos terres. Nous cultivons nos propres légumes. Avec notre terre, nous conserverons toujours notre liberté et notre dignité. Je refuse leur développement qui ferait de mon peuple et de moi-même des sans terre.

Plus de photo et d’informations (dont une pétition pour aider le clan Jogbah à protéger leur territoire) ici.

L’écho des campagnes 3

La loi Montoro: une condamnation à mort pour le village?

Daniel Boyano Sotillo, Collectif Jardin du puits, Espagne

La loi sur la « rationalisation et la durabilité des autorités locales » connue sous le nom de « loi Montoro » qui est entrée en vigueur le premier janvier 2014, sans dialogue préalable ni consensus avec les autorités affectées – aura un effet dévastateur sur les populations rurales et les territoires en Espagne.

La crise rurale actuelle va s’intensifier puisque cette loi encourage un pillage caché et l’expropriation des municipalités locales et autres autorités locales ainsi que des conseils de quartiers et des conseils ouverts* qui représentent de réels exemples de vrai démocratie. Le Conseil ouvert, par exemple, est une forme d’organisation sociale développée pour gérer les ressources naturelles utilisées par les riverains. Ces conseils ne font pas partie de l’état ni du marché, ils gèrent et règlementent les systèmes de ressources par le biais d’assemblées communautaires avec une participation directe depuis de nombreuses années.

D’après cette nouvelle loi, les conseils régionaux et leur « consortium de gestion » seront responsables de l’administration des forêts publiques, des terres communes et de l’eau, de la chasse, de la mycologie et des ressources ligneuses. Ces consortiums travaillent déjà avec de grandes entreprises de construction et de services qui ne recherchent que le profit financier. Le gouvernement calcule qu’il peut tirer 21 millions d’euros d’environ 4 millions d’hectares de terres rurales au niveau national. Il est également estimé que cette loi détruira le tissu économique local car elle entrainera la perte de 200.000 emplois dans l’Espagne rurale.

Nous avons le devoir vis à vis de nos ancêtres, de la société, de la nature et de nos valeurs morales, de nous organiser en tant que société civile et de lutter contre cet autoritarisme. Nous devons assurer que ces petites instances de pouvoir local et leur héritage perdurent ainsi que les Conseils ouverts, les Conseils de quartier et les Associations volontaires de services qui garantissent la participation de la société par la démocratie directe.

Plus d’info sur les Conseils ouverts ici.
Signer ici contre la loi Montoro.
Campagne: Cette ville n’est pas à vendre.

L’écho des campagnes 4

Les habitants du village respectent certaines normes collectives

Ms. Kusuma Kampin, Communauté de Huaykontha, District de Lom Sak, Province de Phetchabun, Thaïlande

« Nous savons quand, comment et quels produits glaner dans la forêt. Normalement nous ramassons différentes espèces de champignons pendant la saison des pluies, des pousses de bambou au début de la saison des pluies et des vers de bambou et des légumes locaux en été » explique Kusuma, quand nous lui demandons de nous parler des pratiques de collecte des produits de la forêt locale.
La collecte de produits de la forêt est une source importante de nourriture et de subsistance pour les habitants du village de Huaykontha. La collecte se fait principalement à des fins alimentaire ou pour générer un petit revenu. Il n’existe aucune « règle » écrite sur ces pratiques de cueillette, tous les habitants doivent respecter certaines normes collectives, par exemple : ne pas couper toutes les pousses de bambou, en laisser au moins une qui repoussera ; faire des trous dans le bambou pour attraper les vers mais ne jamais couper le bambou.

Huaykontha est située dans une zone contestée où les représentants du gouvernement accusent les habitants d’avoir envahi illégalement la forêt et de s’y être installés, alors que les habitants déclarent qu’ils demeuraient dans cet endroit bien avant que la terre n’ait été désignée comme sanctuaire. Depuis le coup d’état militaire de mai 2014, les habitants du village sont victimes de menaces et d’intimidations croissantes de la part des représentants du gouvernement qui s’efforcent de limiter leur accès à la terre et particulièrement leur utilisation des terres agricoles. Des punitions sévères ont été introduites pour sanctionner la collecte de produits de la forêt. Cependant, grâce à une forte cohésion communautaire et à de précaution (dont la surveillance régulière du mouvement des représentants du gouvernement dans la région), les habitants du village peuvent continuer leur pratiques traditionnelles.

L’arrivée d’étrangers qui collectent les produits de la forêt inquiète également la communauté Huaykontha. Les étrangers collectent les produits à des fins commerciales et d’une manière destructive qui dégrade et épuise la forêt ce qui justifie les accusations des représentants du gouvernement qui accusent les villageois de détruire la forêt et qui imposent de sévères sanctions. Selon Kusuma, « ces gens viennent et repartent mais nous vivons dans le village et leurs pratiques nous causent beaucoup de problèmes. Le rôle de l’état devrait être de nous protéger et de maintenir notre mode de vie et la subsistance des habitants du village, mais ce n’est jamais le cas. Ils nous considèrent toujours comme des criminels. Ils n’essaient jamais de comprendre que notre mode de vie est durable, voilà le problème.»

L’écho des campagnes 5

J’ai appris à être le porte-parole de la forêt

Jean François Mombia Atuku, RIAO General Coordinator, République Démocratique du Congo

Ma plus tendre enfance a été passée sur le fleuve Congo. J’aimais prendre ma pirogue et sillonner le fleuve d’un bout à l’autre. Comme les enfants de la forêt connaissent les arbres et toutes les espèces, moi je connais chaque petite partie du fleuve avec précision. J’aime le fleuve mais j’aime aussi la forêt et c’est pour cela que j’aime la défendre face aux menaces des entreprises de toutes sortes qui opèrent en toute impunité dans mon pays la République Démocratique du Congo (RDC).

J’ai appris à être le porte-parole de la forêt en travaillant avec les communautés Pygmées dans le village de Boteka. Dans toutes les provinces du Congo, la pression sur les ressources naturelles est grave et les communautés font face à de graves menaces pour assurer une alimentation à leurs familles. Les entreprises détruisent les forets et les champs et des espèces très nutritives comme les chenilles sont en voie de disparation. Pourtant ces chenilles constituent la base de l’alimentation des communautés et sont culturellement au centre de la vie de ces peuples. Les populations de nos villages vivent principalement de l’agriculture mais depuis quelques années, la pratique de cette agriculture est devenue très difficile car de nombreuses terres ont été volées à nos communautés pour être donné à des multinationales comme Unilever et Feronia depuis des centaines années. Il nous faut reprendre ces terres sinon la difficulté de nourrir les populations va encore s’aggraver. Le combat du RIAO et de ses membres est très important pour arrêter les inégalités et mettre fin au colonialisme dans les champs en RDC.

L’écho des campagnes 6

La forêt ne se résume pas à planter puis à récolter

Vincent Magnet, Nature sur un Plateau, Limousin, France

Je m’appelle Vincent, j’ai 40 ans et je fais partie à titre bénévole d’une association locale. Nature sur un Plateau agit sur le Plateau de Millevaches, une moyenne montagne granitique vallonnée et très peu peuplée du centre de la France. Notre territoire est aujourd’hui très forestier (54%).

A cause de l’exode rural, la forêt a remplacé les landes sous deux formes bien différentes, les feuillus spontanés et les résineux plantés massivement en monocultures. Désormais, nous assistons à d’énormes coupes à blanc de l’ensemble.

Il y a chez nous une grande méconnaissance de la forêt et de la manière de l’exploiter correctement. Notre association a proposé aux élus locaux qu’une parcelle publique enrésinée de 4 hectares soit mise à disposition de l’association pour une longue durée. Ceci afin de la gérer selon plusieurs modes et montrer ainsi à la population locale que la forêt ne se résume pas à planter puis à récolter.

Les arguments en faveur de la forêt continue, mélangée (feuillus et résineux), donc sans coupes à blanc systématiques sont multiples:

• Écologiquement, en coupant des arbres âgés ici et là, on maintient la forêt en place et su biodiversité. La petite trouée sera très vite comblée par les jeunes arbres en dessous. Il est prouvé qu’une forêt pérenne mélangée et stratifiée est bien plus robuste aux divers aléas (tempête, ravageurs, sécheresses, maladies).

• Économiquement, il est toujours plus intéressant de couper des arbres âgés et de qualité. Un arbre croit beaucoup plus vite en volume sur la seconde moitié de sa vie et le rendement matière sera meilleur. Sans coupes à blanc, la croissance de la forêt ne repart pas à zéro à chaque fois, la production de bois est donc continue et permanente.

• Enfin, socialement, l’exploitation réfléchie et collective d’une forêt permet de créer en grand nombre des emplois très valorisants et rémunérateurs. La création d’activités permettant la transformation et l’utilisation locale et du bois peuvent aussi générer rapidement une véritable richesse pour l’économie locale tout en préservant la qualité et la diversité de l’écosystème forestier.

Encadres

Encadré 1

Pourquoi les communs sont-ils importants pour la souveraineté alimentaire ?

Le concept de « communs », ou « biens communs », fait référence à des formes de richesse, des capacités, des espaces et des ressources qui sont utilisés, gérés et gouvernés de façon collective dans l’intérêt du plus grand nombre. Il peut s’agir, entre autres, de terres agricoles, de zones humides, de forêts, de pâturages, de versants de collines, de cours d’eau, de rivières, de lacs, de mers, de traits de côte et des ressources associées. Les terres agricoles et de pâturage peuvent être administrées par le biais d’une gestion communale tout en reconnaissant et en respectant les droits des familles sur certaines parcelles précises ainsi que les droits de parcours des pastoralistes. De même, les artisans-pêcheurs ne sont pas propriétaires des zones côtières et de pêche ou des fonds marins ; mais ces communs sont essentiels à leurs moyens d’existence. Les communs sont souvent définis par la culture. Bon nombre de communautés considèrent que les semences, les aliments et les plantes sauvages, les poissons, les animaux ainsi que les connaissances traditionnelles en font partie. Partout dans le monde, les populations autochtones, celles vivant dans les forêts, pratiquant l’agriculture, la pêche en mer, le pastoralisme ou le nomadisme ont développé et mis en pratique des systèmes leur permettant de partager leurs communs naturels, de les gérer collectivement et de les régénérer.

Indissociables de la souveraineté alimentaire, les communs recouvrent non seulement des ressources tangibles, mais également des relations sociopolitiques, tout aussi importantes au sein des différents secteurs de la population produisant des aliments, ainsi que de précieuses connaissances sur les habitats, les ressources génétiques, les voies de migration (pour les poissons) ou les routes de transhumance (pour les animaux d’élevage), la résilience face aux catastrophes et aux chocs, etc. En tant que gardiennes des semences et mémoires vivantes des savoirs liés à la biodiversité et aux systèmes alimentaires locaux, les femmes ont un rapport souvent plus étroit avec les communs, à la différence des hommes. Lorsque les communs sont détruits ou privatisés, les populations locales perdent l’accès à des milieux importants où pratiquer la cueillette d’aliments sauvages, la chasse, la pêche et favorisant la régénération de la biodiversité. Les peuples autochtones, quant à eux, soit perdent totalement leurs territoires ancestraux, soit doivent se plier à des restrictions sévères sur ce qu’ils peuvent récolter dans les forêts, les champs et les étendues d’eau.

L’exploitation minière, pétrolière et gazière, l’agriculture industrielle, les projets de barrages ou les régimes relevant de la propriété privée (également appelés domaines) font planer des menaces permanentes sur les communs. Les forêts, les prairies et les zones humides sont converties en champs de monocultures industrielles ou en propriétés luxueuses ; les sources d’eau sont réacheminées pour alimenter les industries touristiques, énergétiques et manufacturières ; et les accords commerciaux et d’investissement permettent aux grandes entreprises d’avoir accès à la biodiversité et aux connaissances, encouragent la biopiraterie et portent préjudice à l’autonomie des peuples autochtones, notamment les femmes. Les ressources naturelles sont privatisées et transformées en marchandises, tandis que les pratiques ancestrales locales liées à la gouvernance et à l’utilisation des ressources par la communauté sont anéanties. Les populations, quant à elles, n’ont plus d’accès aux écosystèmes qui leur ont permis de vivre et dont elles ont pris soin.

Aujourd’hui, les menaces mettant en péril les communs se trouvent amplifiées par les crises alimentaires, financières et climatiques, que les États, les grandes entreprises et les institutions financières utilisent pour asseoir un peu plus leur mainmise sur les richesses naturelles. Les plus vulnérables sont les terres, les forêts, l’eau, les ressources génétiques, ainsi que les connaissances associées, car ils présentent une valeur inestimable pour la production d’aliments, la régénération de la biodiversité, la préservation de la fertilité des sols et le maintien de la vie. Plus que jamais, la défense des communs constitue une stratégie fondamentale pour bâtir la souveraineté alimentaire.

Encadré 2

Produits de la forêt au Cambodge

Depuis une vingtaine d’années, les populations rurales de la province de Pursat, au Cambodge s’organisent pour protéger leurs forêts, leurs terres agricoles, leurs cours d’eau, leurs étangs et leurs communs contre les plantations de l’agriculture industrielle, les barrages et les exploitations forestières ; il est crucial de les protéger afin de conserver la biodiversité dont dépendent leur subsistance et leur vie.

Ils cultivent le riz et les légumes, ils élèvent poulets et bétail, mais une grande partie de leur nourriture, des plantes médicinales et des articles ménagers proviennent de la forêt, des cours d’eau et des communs. Le régime alimentaire rural traditionnel est très saisonnier et dépend étroitement de pratiques culturelles qui protègent l’environnement local et renforcent la solidarité communautaire. Les inondations saisonnières et les changements dans l’environnement apportent différentes espèces de poissons, de légumes, de fruits, de champignons, de pousses de bambou et de plantes aromatiques disponibles à différentes époques de l’année. Pêcher, cueillir des fruits sauvages, des pousses de bambou, des plantes aromatiques, ramasser des champignons, attraper des insectes comestibles et des araignées sont des moyens habituels de nourrir les familles pour qui les produits de la forêt tels que le bambou, le rotin, le miel, la résine et le sucre de palme sont utiles pour fabriquer des articles ménagers et pour en tirer un revenu.

Dans certaines zones, les résidents ont identifiés 18 espèces de fruits sauvages, quatre types de résine, 13 espèces de champignons et 36 espèces de racines, plantes aromatiques ou plantes grimpantes et 14 espèces de fleurs sauvages, pousses ou feuilles. Ils ont également identifiés 6 variétés d’arbres au bois dur de grande valeur et 13 variétés d’arbres ordinaires qui composent les forêts dans leur région. Selon les populations locales toutes ces variétés d’arbres, de plantes, de pousses (de bambou, par exemple) sont essentielles à l’alimentation des écosystèmes qui conservent et régénèrent la biodiversité.

Sous les feux de la rampe

Sous les feux de la rampe 1

L’importance des forêts, des plantes sauvages et des communs pour la souveraineté alimentaire des communautés et des peuples

En tant que peuples autochtones, nous vivons en harmonie avec la Terre mère depuis des milliers d’années. Nous dépendons d’elle pour nous nourrir, nous soigner et nous abriter. Nous n’en sommes donc pas les propriétaires ; nous en faisons, plutôt, totalement partie. Les arbres de toutes les espèces peuplent la terre, lui donnant vie et force. Gardienne du vivant, la terre est aux racines et à la source de notre culture. Pour toutes ces raisons, les forêts, les bois et les plantes sauvages, qui sont des biens communs pour nos peuples et communautés, revêtent-ils une importance cruciale et est-il nécessaire d’en prendre soin grâce à nos connaissances traditionnelles.

Les forêts, une pharmacie à ciel ouvert

La forêt nous procure les herbes et les plantes dont nous avons besoin pour soigner les maladies. Depuis des temps immémoriaux, ces plantes ont occupé une place fondamentale dans la vie des peuples. En outre, soulignons que plus de 25 % des médicaments modernes sont obtenus à partir de plantes issues des forêts tropicales.

Les forêts, un habitat pour les plantes et les animaux

Il a fallu entre soixante et cent millions d’années aux forêts tropicales pour se développer, si bien que l’on estime qu’elles constituent l’écosystème le plus ancien et le plus complexe au monde. Elles abritent plus de trente millions d’espèces animales et de variétés de plantes, soit la moitié de la faune et au moins les deux tiers des espèces végétales présentent sur la planète. De plus, elles nous ont fourni tout ce qui est nécessaire pour faire vivre notre monde. Au regard de leurs fonctions protectrices, régulatrices et productives pour notre souveraineté alimentaire, les forêts sont des écosystèmes essentiels à la vie.

Les forêts régulent notre climat

Telles de grandes éponges, les forêts tropicales retiennent l’eau. Leurs arbres puisent l’eau dans le sol et la rejettent dans l’atmosphère sous forme de nuages et de brume. Il est largement reconnu que les arbres absorbent le dioxyde de carbone que nous expirons et fournissent l’oxygène dont nous avons besoin pour respirer. La déforestation est considérée comme l’un des principaux moteurs du changement climatique, dont les effets négatifs affectent nos vies dans les territoires : perte de biodiversité, pénurie hydrique, déplacement forcé des populations vers d’autres régions et, en conséquence, perte de nos droits.

En tant que peuples autochtones et communautés locales, nous savons que personne ne peut aimer ce qu’il n’a pas appris à connaître. Pour protéger son environnement, l’être humain doit l’aimer, et pour l’aimer il doit le connaître. En tant que communautés, nous avons le droit d’utiliser ce que la Terre mère nous offre, en toute liberté, mais sans jamais utiliser plus que ce qui est nécessaire et sans cesser d’en prendre soin. Dans nos mers, nous devons pêcher juste ce qui est nécessaire ; dans nos forêts, nous devons couper juste ce qui est nécessaire. Car nous savons l’importance de notre terre, de notre territoire et de nos ressources naturelles, en un mot, de nos biens communs : sans eux, nous ne sommes rien et il ne peut y avoir de souveraineté alimentaire pour le monde.

La Terre mère est dépositaire de notre mémoire ; elle accueille nos ancêtres. À ce titre, elle mérite que nous la traitions avec égards et que nous lui rendions avec tendresse et respect les biens qu’elle nous offre. Il est donc fondamental d’assurer la transmission à nos générations futures de nos connaissances traditionnelles permettant de prendre soin de la Terre mère pour que nos peuples continuent à en recevoir les bienfaits.

Taina Hedman, Conseil International des Traités Indiens

Sous les feux de la rampe 2

La souveraineté alimentaire des Maoris

Aux yeux des Maoris[1] habitant Aotearoa (la Nouvelle-Zélande, en langue maorie), les mers, les poissons, la vie marine et les côtes jouent un rôle essentiel et sont intrinsèquement liés à notre culture, économie et identité. Il s’agit d’un ensemble, indissociable. À l’instar de bon nombre de peuples autochtones partout dans le monde, les Maoris se sentent fortement connectés à leur environnement, de façon historique et jusqu’à nos jours encore. Nos ancêtres nous ont transmis nos histoires ; celles-ci ont été préservées à travers la tradition orale du conte.

Avant d’entreprendre tout activité en lien avec la mer, nous prions Tangaroa, notre dieu des océans. L’océan nous donne beaucoup de choses : du poisson pour notre alimentation, notre nutrition mais aussi notre économie ; des coquillages pour fabriquer nos outils, nos instruments de musique et nos objets de décoration ; la vie marine, dont les baleines, les raies pastenagues et les dauphins qui ont, tout au long de l’histoire, indiqué la route à nos voyageurs et sont les gardiens de nos océans. Comme d’autres peuples autochtones, nous avons commercé entre nous et avec des visiteurs, et nous nous chargions de maintenir notre souveraineté alimentaire.

La souveraineté alimentaire maorie bouleversée

Depuis 1840, plusieurs lois et pratiques, apportées par la colonisation britannique, ont eu des effets sur la souveraineté alimentaire maorie. Bien qu’abrogée depuis, la Loi relative au fond marin et au littoral (Foreshore and Seabed Act), promulguée en 2004, a eu des conséquences sur la souveraineté alimentaire maorie en modifiant nos droits liés à des pratiques culturelles, comme la pêche aux mollusques et crustacés. En effet, selon les termes de la législation, les Maoris devaient apporter les éléments prouvant qu’ils avaient utilisé, et utilisaient encore, certains endroits du littoral et du fond marin, sans discontinuité, depuis 1840. L’un des problèmes auxquels nous étions confrontés était que la récolte de mollusques et de crustacés ne se pratique pas de façon quotidienne mais est liée à des occasions spécifiques, comme les rassemblements officiels ou le décès d’une personne. Les Maoris pratiquant des activités durables, les mollusques ou les crustacés n’étaient récoltés qu’à certaines périodes de l’année pour permettre aux stocks de se reconstituer. Il ne s’agissait donc pas d’une activité permanente et il aurait été très difficile de satisfaire les critères fixés par cette loi. En 2011, elle a été remplacée par la Loi relative aux espaces marins et aux zones côtières (Marine and Coastal Area Act, ou Takutai Moana en langue maori), qui a pour objectif l’équilibre entre les intérêts coutumiers des Maoris et les intérêts de l’ensemble des citoyens néo-zélandais. En vertu de cette loi, les Maoris doivent déposer une demande pour que leurs intérêts coutumiers soient reconnus et ont jusqu’en 2017 pour le faire. Toute la question est de savoir comment on parviendra à un équilibre entre les intérêts des uns et des autres.

Les marchés maoris locaux : la pêche aux alevins

La pêche est une activité importante pour l’économie maorie actuelle et fait partie intégrante des éléments qui nous relient à notre environnement. En ce moment, c’est la saison des alevins. Traditionnellement, nous savons que lorsque certains arbres sont en fleur, l’alevin est abondant. Fruit d’une activité saisonnière, la pêche aux alevins est très prisés de tous et offre une source appréciable de nourriture pour nos familles ainsi qu’un complément ponctuel des rentrées d’argent au niveau local. Néanmoins, des tensions croissantes apparaissent : certains Maoris considèrent que cette ressource devrait être uniquement réservée à l’alimentation de nos familles, tandis que d’autres la pêchent de plus en plus pour l’écouler sur les marchés locaux. Or, les ressources d’alevins s’épuisent rapidement. Par conséquent, il existe un lien très important entre la souveraineté alimentaire maorie et l’économie maorie locale. À l’échelle nationale, il est possible de restaurer, en partie, la souveraineté alimentaire dont nous, les Maoris, jouissions autrefois ; mais, cela s’accompagne de compromis qu’il faudra traiter pour garantir la gestion durable d’une ressource saisonnière comme l’alevin dans les années à venir.

L’avenir de la souveraineté alimentaire maorie

La souveraineté alimentaire maorie actuelle s’est développée soit à partir de groupes ou de personnes, au niveau local, ayant préservé et développé les approches traditionnelles liées à la souveraineté alimentaire, soit grâce à de grandes entreprises contrôlées par des Maoris. Dans l’un ou l’autre des cas, le lien avec les traditions et les valeurs maories (comme le kaitiakitanga, la gestion responsable, ou le mauri, la force de vie) est total, offrant ainsi une orientation et une norme à suivre pour contribuer à préserver les ressources naturelles. Nous sommes conscients qu’il est impossible de nous appuyer uniquement sur des ressources saisonnières et que nous devons réfléchir aux moyens de mettre à profit la production alimentaire à une échelle plus large. 

Nous devenons plus innovants, en quête de possibilités permettant d’accroître le développement durable. Parmi elles, figure le Partenariat Maoris-État pour la croissance économique (Crown-Māori Economic Growth Partnership) ou He Kai Kei Aku Ringa (littéralement : la nourriture au bout de mes doigts), passé entre le gouvernement et les entreprises maories pouvant servir de vecteur afin de renforcer le développement durable maori dans le domaine des ressources naturelles. Cette collaboration comptera avec l’engagement de la société, à tous les niveaux, afin de guider le processus et d’apprendre comment les objectifs peuvent être atteints, en partant de la base jusqu’à l’échelle nationale et le gouvernement ainsi que les instances internationales, comme le Comité de la sécurité alimentaire mondiale qui pourrait s’avérer utile et pourrait être relié aux marchés locaux par le biais du Mécanisme de la société civile.


[1] Les Maoris regroupent plusieurs tribus différentes aux identités distinctes.

Bulletin n° 24 – Éditorial

Forêts, aliments prélevés dans la nature et communs

Illustration: Iwasaki Kan’en, Herbario, 1830

Environ 75 % de la population pauvre mondiale habite dans les zones rurales des pays en développement. Il s’agit en majorité de femmes et d’hommes pratiquant l’agriculture de subsistance, la pêche artisanale et/ou l’élevage nomade, mais bon nombre d’entre eux sont aussi sans terre et travaillent en tant que main d’œuvre saisonnière sur les exploitations agricoles, les plantations ainsi que dans les secteurs de la pêche ou de l’industrie. Ce sont souvent les femmes qui assurent les besoins alimentaires de cette population, principalement grâce à la production locale d’aliments, la cueillette, la chasse et la pêche pratiquées en divers endroits : petites exploitations, terres communes de pâturage, bois, forêts, cours d’eau, rivières ou lacs. Toute restriction dans l’accès à ces écosystèmes ou toute diminution dans les quantités d’aliments récoltés provoque la faim et un état de malnutrition aiguë.

Les forêts, les champs, les collines, les montagnes et leurs versants, les zones humides et les étendues d’eau (y compris les cours d’eau, les rivières, les étangs, les lacs ainsi que les mers) sont, pour les populations rurales du monde entier, des parties intégrantes de leurs modes de vie, de leurs cultures et de leurs économies. Réceptacles essentiels de la biodiversité, ils assurent, tout bonnement, le maintien de la vie. La nourriture, l’eau, les fibres, le combustible, les plantes et racines médicinales ainsi que tous les autres éléments qu’ils apportent représentent pour ces populations rurales les seuls filets de sécurité sur lesquels compter pendant les périodes difficiles. Mais, même en temps de prospérité et même parmi les populations rurales qui ne sont pas démunies, les aliments sauvages, issus de la cueillette, de la chasse ou de la pêche, constituent une part non négligeable des régimes alimentaires locaux et traditionnels, tandis que les produits forestiers non ligneux (PFNL) et les ressources marines sont des sources appréciables de complément de revenus.

Bon nombre de peuples et populations, en particulier les peuples autochtones, vénèrent des forêts sacrées ou réservées à la pratique spirituelle qui abritent également les sources des rivières et des cours d’eau locaux. Par conséquent, la protection de la forêt prend aussi le sens de protection des sources d’eau. Qui plus est, les forêts sont des lieux d’éducation et de connaissance importants au niveau local : en y accompagnant les anciens, les enfants apprennent à reconnaître la valeur des plantes et des animaux, à identifier ce qui est toxique et ce qui possède des vertus médicinales. Dans la culture itinérante sur brûlis, la délimitation entre forêts et terres agricoles est très souvent floue : les parcelles qui ne sont pas plantées deviennent des forêts, tandis que les vergers ou jardins potagers sont fréquemment plantés en forêt pour garantir des conditions de culture hospitalières. De même, les populations vivant sur les côtes ou en milieu marin vénèrent la mer en tant que source de toute vie et ont développé des règles socio-économiques afin de protéger les écosystèmes vulnérables. Là encore, les enfants apprennent la valeur des différents types de poissons et de ressources marines ; ils apprennent également à les récolter selon des pratiques respectueuses garantissant leur pérennité. Les cosmovisions des peuples autochtones du monde entier respectent la nature car celle-ci est considérée comme un parent qui enfante la vie et en prend soin. Ces cosmovisions enseignent aux peuples et aux communautés à vivre en harmonie avec la nature.

Or, ces pratiques et les écosystèmes qui les façonnent se trouvent de plus en plus menacés face à la demande accrue de la part d’investisseurs, de grandes entreprises ou de spéculateurs pour les terres agricoles, les forêts et les sources d’eau. Ils sont également exposés au risque qu’engendrent les dérèglements liés au changement climatique, touchant les conditions météorologiques et les régimes des pluies. La conversion de paysages naturels riches en diversité en espaces réservés à l’agriculture et l’aquaculture industrielles ainsi que les établissements humains énergivores détruisent les fonctions essentielles remplies par les écosystèmes, telles que la réalimentation des aquifères, le maintien des éléments nutritifs du sol, le piégeage du carbone ou l’équilibre des cycles naturels, tout en accélérant le changement climatique. De plus, ils aggravent l’inégalité dans l’accès aux ressources naturelles et foncières parmi les populations et entre hommes et femmes. Les populations locales se retrouvent concentrées sur des parcelles moins fertiles et de plus en plus petites, les contraignant à miser sur une base réduite de ressources en alimentation et en revenu. Les ressources en eau douce sont accaparées par l’industrie et par les nantis, ce qui entraîne et intensifie la pénurie hydrique et génère des conflits entre les populations locales concernant l’eau, les produits forestiers et les communs. En la matière, les droits des peuples autochtones de contrôler, utiliser, gérer et préserver leurs territoires ancestraux sont les plus touchés.

La protection et la régénération des milieux naturels riches en diversité, ainsi que des modes de vie et de consommation développés en harmonie avec ces milieux, constituent des enjeux primordiaux, au cœur de la souveraineté alimentaire. En outre, elles proposent une forme de résistance directe face à la marchandisation et à la financiarisation de la nature, et contre les marchés capitalistes.

Shalmali Guttal, Focus on the Global South

L’écho des campagnes

L’écho des campagnes 1

Justice Alimentaire 2.0

LaDonna Redmond, Fondatrice et directrice exécutive de The Campaign for Food Justice Now.

Je suis devenue une militante pour la sécurité alimentaire quand mon fils Wayne a commencé à développer des allergies alimentaires de très bonne heure et j’ai voulu lui donner la nourriture la plus saine possible. Je n’étais pas plus différente que la plupart des mères de ma communauté. Je voulais le meilleur pour mon fils. Mais cette nourriture – la meilleure qui soit – n’était pas disponible dans mon quartier ducôté ouest de Chicago. Je vis dans une communauté où il est plus facile de se procurer unearme semi-automatique qu’une tomate. La question de la santé publique de la violence est liée au problème des maladies chroniques alimentaires.

Pour moi, Justice Alimentaire 2.0 est vraiment basée sur le récit des gens de couleur. Le mouvement de la justice alimentaire raconte l’histoire du colonialisme et de l’impact du traumatisme historique sur les communautés de couleur.

Nous comprenons que l’import des esclaves africains aux Etats-Unis a fourni la main d’œuvre pour ce que nous appelons aujourd’hui notre système alimentaire industriel. L’essence même de ce que je crois être les problèmes dans nos communautés, surtout lorsque nous parlons de l’accumulation de richesse et le manque de santé, se trouve vraiment être le débat autour de l’esclavage.Nous n’avons pas réconcilié le résultatmême de l’esclavage ou son impact. Pour nous, la justice alimentaire n’est pas seulement à propos de nutrition. Ce n’est pas seulement cultiver la nourriture. Cela concerne la dignité. C’est d’être visible.

Nous pouvons réussir si nous sommes capables de reconnaitre que nous n’avons jamais eu une justice alimentaire aux Etats-Unis et nous devons nous joindre et créer unrécit où chacun d’entre nous s’assoit autour d’une table et construit le système alimentaire dont nous avons besoin. Réclamez vos cuisines. Réclamez vos chaises et votre table. Cuisiner votre nourriture. Faites à manger. Apprenez d’où vient votre nourriture.

Récit adapté de la présentation sur TEDxManhattan, 2013 “Food + Justice = Democracy”

L’échos des campagnes 2

L’autonomisation communautaire et la résistance à Détroit

Malik Yakini, fondateur et directeur exécutif de la Detroit Black Community Food Security Network

A Détroit, nous avons en ce moment une population d’environ 700 000 personnes, comparée à celle initiale de 1 900,00. La ville s’est dépeuplée de manière considérable à cause du déclin de l’industrie automobile et dans les années 50 et 60, des fuites résidentielles des Blancs, et plus récemment, des fuites résidentielles des Noirs de classe moyenne. Nous connaissons un chômage très élevé, estimé entre 18 et 20%. Il n’y a pas de grandes chaînes de supermarché à Détroit. Cela conduit à la majorité de la population à se procurer de la nourriture dans les stations-services et supérettes. La plupart de cette soi-disant nourriture dans ces endroits est emballée dans du polystyrène, des boîtes et des paquets. Le territoire géographique de la ville est d’environ 143 km². De ces 143 km², environ un tiers de la ville est vide, à cause de sa dépopulation et du désengagement volontaire de la ville de Détroit.

La réalité de ce dernier, est que la ville de Détroit et ses habitants en sont punis. Et l’une des raisons pour laquelle nous sommes punis est celle des 50 ans et plus de la lutte pour l’autonomisation de la population noire dans la ville de Détroit. Environ 80% de la population est Afro-Américaine et nous vivons dans une zone métropole où le racisme est le plus polarisé des Etats-Unis. Nous voyons à présent de plus en plus de zones urbaines à l’intérieur de Détroit s’embourgeoiser. Nous voyons de jeunes blancs à la mode emménager dans le cœur de la ville et nous assistons au déplacement de ses habitants de longue date. Tout cela se déroule sur fond d’une des choses les plus insidieuses jamais arrivées aux Etats-Unis étant celle des élus de la ville privés de leurs pouvoirs par la nomination d’un directeur d’urgence par le gouverneur de l’Etat du Michigan. En réalité, le vote des habitants de Détroit leur a été enlevé.

Notre organisation se focalise autour de l’autonomisation communautaire et de la résistance. Nous nous intéressons également à la démocratie, au type de démocratie ou les habitants prennent réellement des décisions ayant un impact dans leur propre communauté et dans leurs propres vies… Nous combattons toutes les luttes contre ce double maléfique : le capitalisme et la suprématie des blancs, qui se manifestent non seulement dans la domination industrielle du système alimentaire, mais aussi à l’intérieur de notre mouvement pour l’alimentation et la souveraineté alimentaire. Nous sommes soucieux du fait que nous sommes tous engagés dans le but de nous débarrasser de l’oppression raciale intériorisée. En réalité, ce n’est pas auxiliaire à notre but. C’est le but.

Récit adapté de la présentation lors de la conférence “Food Sovereignty: a critical dialogue”à l’université de Yale en 2013. Plus d’information ici.

L’échos des campagnes 3

Les ouvriers agricoles, un nouveau genre d’apartheid

Rosalind Guillen, Directrice exécutif, Community to Community

Je suis une ouvrière agricole qui se rend bien compte que nous somme une toute petite partie d’un système, mais un maillon très important.
Je suis connecté à l’histoire de l’esclavage dans l’industrie agricole de ce pays, parce que nous sommes les nouveaux esclaves. En tant que mexicaine-américaine, je peux affirmer qu’il y a un nouveau groupe d’esclaves qui apportent énormément de richesse à l’industrie agricole du pays. Dans beaucoup des communautés où nous travaillons aux Etats-Unis, nous apprenons à vivre sous un régime de quasi-apartheid, un apartheid économique, un apartheid social et, bien sûr, un apartheid racial. Nous sommes cachés; nous sommes silencieux; nous travaillons.

L’espérance de vie moyenne d’un travailleur agricole aux Etats-Unis reste de 49 ans. C’est le prix à payer afin de maintenir le rythme de production requis par l’industrie agricole pour que vous (les consommateurs) puissiez avoir vos petits fruits et légumes frais. Et il y en a parmi nous ceux qui meurent avant d’atteindre cet âge. A Pasca, Washington, Antonio Zambrano a été tué par la police après avoir lancé une pierre, un geste traduisant sa frustration devant la pauvreté dans laquelle il vivait et le manque de respect que lui et sa famille avaient senti pendant tant d’années.
Pour nous, la politique agricole signifie que nous continuons à utiliser les pesticides. La politique agricole veut dire que le salaire à la pièce est légalisé et institutionnalisé, et que presque tous les travailleurs agricoles doivent obligatoirement accepter afin de recevoir leur paye. Le salaire à la pièce et les pesticides: ce sont les raisons pour lesquelles notre espérance de vie est de 49 ans.

Arrêtez-vous et écoutez-nous, parce que nous sommes des canaris dans la mine de charbon. Dans les champs de Californie, l’industrie agricole est en train de jeter des produits chimiques qui seront ensuite répandus partout dans le pays, ce qui finira par arriver chez vous, le consommateur. Il faut écouter les travailleurs agricoles.
Le chemin se fait en marchant. Nous ignorons à quoi va ressembler ce chemin, mais il faut que nous marchions ensemble et pendant que le chemin se fait il faut que nous vivions bien, ce qui nécessitera l’engagement de tous. Le chemin sur lequel nous marchons ensemble doit mener à la table où on pourra s’asseoir pour manger en famille, tout en sachant que la nourriture sur notre assiette n’a pas été contaminée par l’exploitation des êtres humains et de la Terre Mère.

Article adapté d’une conférence prononcée à l’occasion du 40 anniversaire de Food First en 2015

Encadres

Encadré 1

Définition de la justice alimentaire

La justice alimentaire fait référence à un large spectre d’efforts qui s’attaquent à l’injustice à l’intérieur du système alimentaire des Etats Unis. Les modèles plus faibles de justice alimentaire regardent principalement les effets d’un système alimentaire inéquitable alors que les modèles plus solides se concentrent sur les causes structurelles de ces inégalités. Par exemple, les projets réformistes pour la justice alimentaire travaillent à fournir un accès à la nourriture dans des communautés mal desservies pour réduire l’insécurité alimentaire et/ou s’efforcent d’améliorer la nourriture et les conditions de travail dans le système alimentaire industriel en développant des marchés de niche (par ex. les certifications de commerce équitable ou de production bio).

Les modèles progressistes de justice alimentaire font un pas de plus en produisant de la nourriture (en général avec des méthodes bio, de permaculture et/ou d’agroécologie) et en visant un accès plus équitable aux ressources nécessaires à la production alimentaire comme la terre, le crédit et les marchés et de meilleurs salaires et conditions de travail pour les travailleurs agricoles et les ouvriers du secteur alimentaire (pas seulement ceux qui bénéficient des marchés de niche).

Les modèles plus radicaux de justice alimentaire se concentrent sur les transformations redistributives et structurelles dans le système alimentaire qui construisent un pouvoir politique dans les communautés abandonnées, exploitées et oppressées, en incluant aussi des gens de couleur, des immigrés, des femmes, des LGBTQ. Ces modèles travaillent au démantèlement des lois, des régulations, des institutions, et des normes culturelles qui confortent les privilèges des entreprises, des monopoles et des hommes males blancs dans le système alimentaire.
Les modèles radicaux et progressistes s’imbriquent dans la souveraineté alimentaire, un concept international qui se définit comme le droit des peuples à une nourriture saine et culturellement appropriée, produite selon des méthodes durables et sensibles à l’environnement et le droit des peuples à définir leur propre système alimentaire et agricole.

Encadré 2

L’alliance pour la souveraineté alimentaire aux Etats Unis: nourrissant la justice alimentaire

La résistance à l’héritage du racisme structurel aux Etats Unis est un pilier historique de ce qu’on appelle “la justice alimentaire”. La lutte pour la justice alimentaire prend place dans les milliers de communautés urbaines et rurales abandonnées, communautés qui sont secouées par les effets négatifs du régime alimentaire dominé par le secteur privé.
Les monopoles agroalimentaires de ce régime empoisonnent nos travailleurs et notre environnement avec des produits toxiques pour produire une nourriture industriel bon marché qui nous rend malade.
Plus de 50 millions de personnes aux Etats Unis, principalement des travailleurs du secteur agricole et alimentaire, des femmes, des enfants et des gens de couleurs, souffrent d’insécurité alimentaire et de maladies graves liées à leur régime alimentaire. Aux Etats Unis, les petites exploitations paysannes et familiales représentent moins de 2% de tous les agriculteurs enregistrés dans le pays… Nous avons plus de gens en prison que sur les champs. La justice alimentaire aux Etats Unis utilise différentes formes pour remédier à ces inégalités principales : des communautés abandonnées cultivent sur les toits et sur des terres urbaines délaissées , une nouvelle génération de jeunes agriculteurs cultivent une nourriture bio pour leurs communautés, pour des marchés paysans et des expériences d’agriculture communautaires et des conseils de politiques alimentaires locales bourgeonnent alors que le travail de plaidoyer sur travailleurs migrants, la justice environnemental, l’étiquetage des OGM et la santé publique devient de plus en plus puissant.

Dans la dernière décennie, le mouvement pour la justice alimentaire s’est rapidement développé aux Etats Unis au sein des communautés qui croient que notre système alimentaire devrait servir et non exploiter et empoisonner les gens de couleurs. Beaucoup sont convaincus que la justice alimentaire radicale peut être un chemin vers la libération. Grace au travail militant des organisations de base, la justice alimentaire est aussi adoptée par des consommateurs socialement responsables qui demandent une nourriture sans pesticides, des salaires justes et des conditions dignes pour les travailleurs. Tous croient que nos familles de paysans devraient recevoir un prix plus juste pour la nourriture qu’ils produisent. Beaucoup sont prêts à mettre leurs systèmes alimentaires locaux au service d’une croissance économiques sous le contrôle des communautés délaissées. Tous, nous cherchons à en finir avec le contrôle des entreprises sur notre nourriture, La nourriture doit être pour le peuple et non pour le profit des monopoles.

Il n’est pas étonnant qu’avec la montée du mouvement pour la souveraineté alimentaire, la justice alimentaire a aussi émergé comme un concept, une forme de résistance et une proposition politique au niveau global. La convergence grandissante entre les deux est le résultat d’échanges et de connections internationaux entre des organisations locales et des mouvements sociaux internationaux, spécialement avec la Via Campesina. Ceci est du d’une part au fait que la création de la Via Campesina et la montée de la souveraineté alimentaire ont influencé des chercheurs, des ONGs et des organisations de base. D’autre part, avec la progression de la mondialisation, le racisme s’est aggravé dans le système alimentaire au niveau mondial.

L’ Alliance pour la Souveraineté Alimentaire aux Etats Unis (U.S. Food Sovereignty Alliance-USFSA)

L’Alliance pour la Souveraineté Alimentaire aux Etats Unis (Acronyme en anglais USFSA) est un réseau très large de 33 organisations de base et d’ONG engagées dans la construction du pouvoir collectif des mouvements pour la justice alimentaire et pour la souveraineté alimentaire. La USFSA est née lorsque des groupes de paysans et des organisations communautaires, de travailleurs et de sécurité alimentaire se sont rencontrés pour discuter des actions à long terme afin de souligner les racines de la crise alimentaire mondiale de 2008 (crise qui a été générée largement par des entreprises et des politiques des Etats Unis). Cet été là a vu la première réunion convoquée par ce groupe de travail à Washington D.C. Ils ont accordé un agenda politique fort qui inclut des prix justes pour les paysans et pour les consommateurs, une équité dans le système alimentaire, une agriculture durable, les droits des travailleurs et le droit à l’alimentation.

En 2009, le Groupe de Travail sur la Crise alimentaire Mondiale, a amené, à Washington D.C. , d’avantage de gens qui travaillent dans les organisations de base pour la justice alimentaire. Suite à cette rencontre, les participants ont lancé une série d’initiatives sur deux ans dans la perspective d’appuyer une campagne réclamant la fin de la crise alimentaire.
En octobre 2009, un petit sous-groupe d’alliés a organisé le Premier Prix pour la Souveraineté Alimentaire à Des Moines (Iowa), durant la conférence annuelle de la Coalition Communautaire pour la Sécurité Alimentaire (CFSC). Le Prix de la Sécurité Alimentaire est devenu un élément important de la stratégie de dissémination du concept de souveraineté alimentaire aux Etats Unis en emphatisant le travail des organisations de base. Lors de la conférence de CFSC, les membres du Groupe de Travail ont discuté la vision et la stratégie à long terme basées sur la création d’une alliance très large entre différents secteurs dans le pays.
Ensuite, ce groupe a mobilisé des ressources pour appuyer un leadership paysan dans les audiences nationales antitrust agricoles organisées par le département de la Justice et le ministère de l’agriculture américain. Ensuite, il y a eu une assemblée des mouvements populaires sur la justice alimentaire et la souveraineté alimentaire lors du Forum Social américain à Detroit (Michigan) en 2010.

Le besoin d’une alliance nationale entre les travailleurs migrants, les paysans, les familles urbaines et les ONG pour aborder les aspects de la justice alimentaire et de la souveraineté alimentaire est devenu une évidence lors de cette réunion. Durant deux jours, les organisations de base, les paysans et les ONG de différentes villes des Etats Unis ainsi que les représentants de la Via Campesina du Honduras, de la Palestine, de Haïti et de la République dominicaine se sont rencontre es pour discuter sur la façon dont les organisations locales peuvent se joindre au processus politique pour démocratiser radicalement le système alimentaire, enraciné dans un agenda mondial établi par les mouvements sociaux. Quatre mois après, en Octobre 2010, le USFSA fut lancée lors de la conférence du CFSC à la Nouvelle Orléans.

En perspective
Depuis le lancement de l’Alliance pour la Souveraineté Alimentaire aux Etats Unis (USFSA), la souveraineté et la justice alimentaire dans le pays fait face à de nouveaux défis. Au nom de « l’austérité fiscale », le congrès national menace de suspendre à des milliers de familles le programme de coupons alimentaires et d’autres programmes sociaux.
Sept états dans les États Unis ont passé des lois « bâillon» qui interdisent de documenter et de disséminer les erreurs du secteur de l’agrobusiness. Un état policier toujours plus fort a déclaré la guerre aux jeunes de couleur. Mais par ailleurs, il y a de nombreux signes d’une nouvelle vague émergente et croissante de mouvements populaires de masse pour #BlackLivesMatter (#La vie des personnes noires comptent), la justice climatique, les actions contre Monsanto, etc.
En octobre, l’Alliance pour la Souveraineté Alimentaire aux Etats Unis tiendra la troisième Assemblée Générale de ses membres et attribuera le septième Prix de la Souveraineté Alimentaire à Des Moines (Iowa), du 13 au 15 Octobre. Nous allons atteindre notre étape de cinq ans et maintenons notre mission de mener la lutte mondiale pour la justice alimentaire et la souveraineté alimentaire en construisant petit à petit une confiance et un leadership des familles de la classe ouvrière et des communautés de couleur pour récupérer leur vie et leur corps du contrôle du racisme structurel. En réunissant des ONG et des organisations de base dans une alliance large avec différents secteurs sociaux des Etats Unis et de l’étranger, le USFSA représente un espace essentiel pour la défense de la justice et de la souveraineté.
Pour plus d’information sur le USFSA, contactez Saulo Araújo et Tristan Quinn-Thibodeau, WhyHunger.

Encadré 3

Black Lives Matter (La vie des noirs compte)

Le mouvement pour la justice alimentaire est une réflexion sur la montée de la résistance sociale et politique contre le racisme structurel. Contrairement aux affirmations traditionnelles d’une « société post racisme », une poussée alarmante de violence institutionnelle contre les jeunes Afro-Américains et les gens de couleurs aux Etats Unis a accompagné les crises alimentaire, du pétrole et financière. Les mouvements pour la justice et la libération comme #BlackLivesMatter font qu’il est à présent impossible d’ignorer le problème de racisme, tant à gauche comme à droite.

Le 8 aout, un candidat progressiste à la présidence et sénateur du Vermont, Bernie Sanders venu à Seattle pour parler de la sécurité sociale et de l’assurance santé (Medicare) fut interrompu lorsque deux membres de la cellule locale de #BlackLivesMatter sont montés sur la scène. Le 9 aout est la date anniversaire un an après le meurtre de Michael Brown à Ferguson (Missouri) perpétré par la police et les 2 agitateurs réclamaient 4 minutes et demi de silence en mémoire des 4 heures et demi durant lesquelles la police a laissé sur la rue le corps sans vie de Michael Brown. Ils ont également critiqué Sanders et d’autres progressistes pour ne pas aborder la question du racisme. Beaucoup de gens dans cette assistance principalement blanche sont devenus furieux contre les 2 protestataires et ont demandé de laisser le sénateur continuer son exposé mais Sanders a quitté la scène. Il a, un peu plus tard, diffusé un communiqué écrit déclarant qu’il était « déçu parce que il n’y a pas d’autres candidats qui se battent autant que lui pour la réforme de la justice criminelle et sur la nécessite de combattre le racisme. »

Depuis cet événement, il y a eu de nombreux débats pour savoir si ce fut positif pour #BlackLivesMatter. Certains croient que c’était nécessaire pour amener les progressistes blancs à assumer une responsabilité sur le racisme structurel. D’autres ont exprimé une confusion sur le fait que ce soit Sanders qui était visé alors qu’il a toujours été un défenseur des droits civiques. Cette protestation n’était cependant pas seulement à propos de Sanders : c’était pour le manque d’engagement de tous les progressistes blancs dans la lutte contre le racisme. Alors que Sanders a pu être déçu par les résultats de cette journée, cette expérience pourra finalement être précieuse pour lui. Elle lui a montré ce qui est important pour les gens, tout en lui donnant une opportunité pour aborder ces sujets et pour obtenir des soutiens. #BlackLivesMatter pousse les progressistes à avoir les discussions difficiles sur le racisme et force certaines figures politiques à agir. Ils font clairement comprendre aux candidats et au public que nous ne pouvons pas aller de l’avant sur le plan politique sans aborder la violence du racisme structurel.

Lire la presse sur cette histoire ici.

La perspective d’un homme indigène qui était présent à cet événement ici.

Sous les feux de la rampe

Sous les feux de la rampe 1

Racisme et capitalisme

Notre système alimentaire moderne a évolué, durant les 30 dernières années, parallèlement avec la mondialisation néolibérale qui privatise les biens publics et dérégule toutes les formes de capital financier. Cette évolution a conduit aux niveaux les plus hauts d’inégalités jamais atteints dans l’histoire. Ce sont les populations de couleur qui ont été le plus affectées par les coûts exorbitants au niveau environnemental et social, comme le démontrent les chiffre élevés de faim et de migration massive des paysans appauvris dans les pays du Sud et les niveaux effroyables d’insécurité alimentaire, de maladies liés au régime alimentaire, de chômage, d’incarcérations et de violence dans les communautés de couleur trop mal desservies des pays du Nord.

Le mouvement pour l’alimentation aux Etats Unis est apparu en réponse aux échecs du système alimentaire mondial. Partout, les gens et les organisations travaillent pour contrecarrer les externalités inhérentes au « régime alimentaire imposé par le secteur privé ». Ces organisations vont, bien sûr, se concentrer sur un ou deux aspects comme l’accès à une alimentation saine, les marchés de niche, l’agriculture urbaine, etc. plutôt qu’au système dans son ensemble. Mais les structures qui déterminent le contexte de ces alternatives prometteuses restent solidement sous le contrôle des règles et des instituions du régime alimentaire imposé par le secteur privé.

La mondialisation néolibérale a aussi érodé notre capacité de répondre aux problèmes dans le système alimentaire en détruisant beaucoup de la sphère publique. Non seulement la santé, l’éducation et la sécurité sociale ont été retirées des fonctions du gouvernement mais en plus, les réseaux sociaux à l’intérieur de nos communautés ont été affaiblis par l’exacerbation de la violence, l’intensification des tensions raciales et le creusement des divisions culturelles. La population doit faire face aux problèmes de faim, de violence, de pauvreté et de changement climatique dans un environnement où les institutions sociales et politiques ont été restructurées pour servir les marchés mondiaux plutôt que les communautés locales.

Le mouvement pour la justice alimentaire s’est particulièrement intensifié, appuyé largement par le secteur non-marchand, pour fournir des services et améliorer les agences communautaires dans nos systèmes alimentaires. Consciemment ou non, à beaucoup d’égards, le mouvement communautaire pour l’alimentation avec ses projets participatifs pour un système alimentaire équitable, sain et durable, est occupé à reconstruire notre sphère publique depuis la base.

Mais, comme beaucoup d’organisations l’ont expérimenté, nous ne pouvons reconstruire la sphère publique sans faire face à des sujets qui nous divisent. Pour beaucoup de communautés, cela veut dire faire face au racisme dans le système alimentaire. Le mouvement pour l’alimentation lui-même n’est pas à l’abri des injustices structurelles qu’il cherche à dépasser. A cause de l’omniprésence des privilèges blancs et de l’oppression internalisée dans notre société, le racisme dans le system alimentaire peut et, de fait, refait surface dans le mouvement lui-même, même quand les acteurs ont les meilleures intentions. Il est essentiel de comprendre pourquoi, quand et comment le racisme se manifeste dans le système alimentaire : reconnaitre le racisme dans notre mouvement et nos organisations et dans nous-mêmes n’est pas un travail additionnel pour transformer le système alimentaire ; c’est le travail principal.

Comprendre comment le capitalisme fonctionne est aussi une part importante du travail car vouloir changer les structures sous-tendantes du système alimentaire capitalise ne peut se faire sans comprendre d’abord comment le système fonctionne. Par ailleurs, beaucoup de gens qui essaient de changer le système alimentaire n’en connaissent pas suffisamment les fondements capitalistes.

Heureusement, ceci est occupé à changer grâce aux activistes dans le mouvement pour l’alimentation qui approfondissent la compréhension du système au-delà des problèmes auxquels ils sont confrontés. Beaucoup de gens dans les pays du Sud, plus spécialement les paysans, les pêcheurs et les bergers nomades ne peuvent pas ne pas comprendre les forces socio-économiques qui détruisent leurs moyens de subsistance. Des communautés de gens de couleur peu desservies dans les pays du Nord – elles sont là comme le résultat de vagues récentes et historiques de colonisation, de dépossession et d’exploitation- forment la colonne vertébrale du mouvement pour la justice alimentaire. Comprendre pourquoi les gens de couleur ont deux fois plus de chance de souffrir d’insécurité alimentaire et de maladies liées au régime alimentaire – même si ils vivent dans de riches démocraties du Nord – demande une compréhension croisée du capitalisme et du racisme.

Des activistes dans tout le mouvement pour l’alimentation, ont commencé à réaliser que le système alimentaire ne pourra être changé de façon isolée du système économique plus large. Pour évaluer pleinement l’ampleur des défis qui nous attendent et de ce qui sera nécessaire pour construire un nouveau système alimentaire en harmonie avec les besoins des peuples et l’environnement, nous devons comprendre et confronter les fondations sociales, économiques et politiques qui ont créé – et maintiennent – le système alimentaire que nous cherchons à changer.

Sous les feux de la rampe 2

Reforme ou Transformation?

La crise alimentaire mondiale a poussé le mouvement pour l’alimentation aux Etats Unis vers une conjoncture politique particulière. Aujourd’hui, un sixième de la population mondiale souffre de faim, exactement comme un sixième de la population des Etats Unis est dans « l’insécurité alimentaire ». Ces niveaux inquiétants de faim et d’insécurité alimentaire partage les mêmes causes qui se trouvent dans l’économie politique d’un régime alimentaire mondiale dominé par le secteur privé.

Vu les positions politiques entre ceux qui appellent à une reforme en vue de la sécurité alimentaire et ceux, plus radicaux, qui plaident pour la souveraineté alimentaire, la justice alimentaire se trouve a un croisement pour influencer les orientations des changements dans le système alimentaire. La façon de résoudre les questions de race et de classe influencera l’orientation politique des alliances organisationnelles dans le mouvement pour l’alimentation : vers une reforme ou vers une transformation.

En reconnaissant que le système d’alimentation industriel actuel n’est pas durable, le mouvement pour l’alimentation des Etats Unis plaide pour une alimentation saine, de qualité, et durable pour l’environnement tout en réaffirmant les valeurs environnementales et les relations communautaires associées aux jours paisibles d’un passé agricole reconstruit. C’est a cette construction que se référent Alkon et Agyeman (2011a) quand ils parlent du « récit dominant dans le mouvement pour l’alimentation ». Enraciné dans une couche sociale de classes moyennes blanches, ce récit est devenu une référence importante dans les media traditionnels. Toutefois, il tend à rendre invisible les histoires et les réalités de l’alimentation des classes à faible revenus et de la population de couleur.

La sécurité alimentaire communautaire (le « Good Food Mouvement » – Mouvement pour une bonne alimentation) adresse les inégalités du système alimentaire en terme de production et d’accès plus que de pointer une inégalité structurelle. Ceci conduit à une mise en évidence de l’amélioration des compétences au niveau alimentaire et des moyes alternatifs pour l’accès à l’alimentation des ménages à faible revenus, associée à un effort de plaidoyer basé à Washington D.C. pour augmenter les formes d’aide alimentaire et d’appui pour les systèmes alimentaires communautaires. Ce mouvement « Community Food System » (CFS) lutte pour intégrer la sécurité alimentaire dans le système alimentaire existant.

Le mouvement pour la Souveraineté alimentaire cherche à démanteler les marchés mondiaux et le pouvoir monopoliste des entreprises au niveau local, national et international et plaide pour une redistribution et une protection des actifs productifs comme les semences, l’eau, la terre et les installations de transformation et distribution. Alors que les défenseurs de la lutte contre la faim et de la sécurité alimentaire préfèrent souvent un accès abordable à une mauvaise nourriture plutôt que pas de nourriture du tout, ceci les met en porte à faux avec les groupes qui luttent pour la justice et la souveraineté alimentaire qui ne confient en rien dans les grandes compagnies agroalimentaire (Gottlieb and Joshi 2010, 215).

Le mouvement pour la Justice Alimentaire (Food Justice – FJ) se retrouve largement avec le mouvement pour le Système Communautaire pour l’Alimentation (CFS) mais il est en général plus progressif que réformiste car il adresse spécifiquement la manière dont les gens de couleur dans les communautés à faible revenu sont affectés négativement et de façon disproportionnée par le système alimentaire industriel. Pris entre l’urgence d’accéder et l’impératif d’équité, le mouvement pour la justice alimentaire change, chevauche et établit des ponts avec les efforts du CFS et du mouvement pour la souveraineté alimentaire, en essayant de soulever la question du racisme et des classe d’un coté tout en essayant de réparer les défaillances du système alimentaire.

Alors que des réformes modérées du système alimentaire, comme l’augmentation des coupons alimentaires ou la réimplantation d’épiceries, sont nécessaires pour aider les communautés vulnérables à faire face aux crises, ces réformes ne vont pas modifier les relations de pouvoir au sein du système alimentaire et dans certains cas, elles peuvent avoir aidé à renforcer certaines relations inégales de pouvoir. Réparer les disfonctionnements du système alimentaire – dans un sens durable- demande des changements de régime. Un changement dans le système alimentaire viendra d’une pression sociale forte et durable qui poussera les réformistes à faire reculer le néolibéralisme dans le système alimentaire. Une grande partie de cette pression peut venir du mouvement pour l’alimentation, s’il dépasse ses divisions.

Résoudre la crise alimentaire demande un démantèlement du racisme et des classes dans le système alimentaire et une transformation du régime alimentaire. C’est ce qui pousse le mouvement pour la justice alimentaire à forger des alliances qui développent sur le terrain des pratiques équitables et durables tout en se mobilisant au niveau politique pour des réformes structurelles plus largement redistributives. Cette pratique essentielle pourrait fournir au mouvement pour l’alimentation un nouveau et puissant récit pour: le récit de la libération.

Références :
Alkon, Alison Hope, and Julian Agyeman. 2011a. Introduction: The food movement as polyculture. In Cultivating Food Justice: Race, Class, and Sustainability, 1-20. Food, Health, and Environment; series ed. Robert Gottlieb. Cambridge, MA: MIT Press.

Gottlieb, Robert, and Anupama Joshi. 2010. Food Justice. Cambridge, MA: MIT Press.

Bulletin n° 23 – Éditorial

Justice alimentaire et souveraineté alimentaire aux USA

La souveraineté alimentaire est apparue pour la Via Campesina comme la réponse la plus audacieuse aux régimes du libre commerce qui détruisent partout dans le monde les moyens de subsistance. Elle a été reprise largement à travers les pays du Sud par des communautés qui naviguent entre les agro-carburants, l’accaparement des terres et la « privatisation de tout ». Une des raisons de la popularité du concept de souveraineté alimentaire est le fait que la mondialisation néolibérale a concentré presque la moitié de la richesse de la planète dans les mains d’à peine 80 individus. La souveraineté alimentaire est le cri face à cette dépossession.
Une autre raison réside dans le fait que la souveraineté alimentaire reflète la profonde résistance des peuples dans la lutte contre l’exploitation, l’oppression et la colonisation. Quand des communautés qui se battent pour leurs droits découvrent les principes de la souveraineté alimentaire, ils réagissent souvent en s’exclamant ; «Oui ! C’est ce que nous faisons !». Sur les lignes de front, les racines communes de la résistance sont vite identifiées.
La justice alimentaire est une des ces luttes. Les racines radicales de la justice alimentaire aux Etats Unis sont très profondes dans le mouvement de libération noire. Dans les années soixante, en continuité avec les traditions historiques de prise en charge autonome des communautés afro-américaines, les Black Panthers (Les Panthères Noires) ont fourni de la nourriture, des soins de santé, du logement et de l’éducation dans leurs quartiers, en les confiant au contrôle de la communauté. L’alimentation était un des axes parmi une plateforme plus large pour la libération : être libre de famine et de brutalités policières étaient des droits souverains.

Eric Holt-Giménez, Food First

L’écho des campagnes

L’écho des campagnes 1

L’alimentation et la nutrition au Chili suivent le modèle néolibéral

MMM-Chile, www.marchamujereschile.cl

Au Chili, le modèle néolibéral transforme l’économie par le biais d’un système de privatisation de biens et de services comme l’éducation, la santé et la prévoyance sociale, et sépare drastiquement les quartiers riches des quartiers pauvres. Si on ne veut pas voir la pauvreté, on ne la voit jamais car la planification territoriale moderne a entraîné la création de grandes avenues et de tunnels permettant un accès direct de l’aéroport à la ville, et donc le déplacement rapide des entrepreneurs et investisseurs vers les quartiers riches. C’est là le Chili actuel : un pays très extractiviste avec un fossé économique tel qu’il fait partie des sept pays avec les inégalités les plus élevées et une répartition de la richesse des plus injustes.

Sous l’influence de ce modèle néolibéral, l’alimentation et la nutrition de la population ont lentement changé de manière néfaste au point de modifier le régime équilibré de la cuisine chilienne. Durant le processus de contre-réforme agraire, la transformation agricole des campagnes a mené à une monopolisation de la terre pour la production de fruits et vignobles d’exportation, éliminant les cultures traditionnelles et asphyxiant les paysans qui émigrèrent massivement vers les villes pour se convertir en main d’œuvre ouvrière bon marché. On assiste ainsi à un double effet : d’une part, la diversité des fruits, légumes et céréales dont nous jouissions n’existe plus, et d’autre part, on a cessé de cuisiner à la maison avec des aliments provenant principalement des campagnes pour consommer de la malbouffe. Celle-ci a gagné en gloire avec les grandes corporations et les transnationales qui portent atteinte à la souveraineté alimentaire des peuples.

L’impact négatif du modèle sur les paysans et paysannes s’est particulièrement fait ressentir chez les femmes en les touchant directement depuis des décennies. Ce que l’on a nommé « la féminisation de la pauvreté » a entraîné une augmentation des migrations, un abandon précoce des études, une précarisation et une instabilité professionnelles ainsi que des effets nocifs chroniques en ce qui concerne la santé à cause de l’usage aveugle d’insecticides dans les plantations où les femmes travaillent (malformations congénitales, avortements spontanés, etc.). De nos jours, on diagnostique de manière très courante du diabète gestationnel chez les femmes enceintes, effet direct de la malnutrition chez les femmes en âge de procréer.

La malnutrition a par ailleurs considérablement augmenté, au point d’entraîner un taux d’obésité élevé parmi les adultes, avec un pourcentage atteignant les 20% quant aux enfants de moins de six ans. La relation naturelle qui existait entre la ville et la campagne s’est perdue de manière systématique et la phrase répétée depuis des décennies, « directement du producteur au consommateur », n’a déjà plus lieu d’être. Malheureusement, la population n’a, dans son ensemble, pas pris conscience que c’est cette connexion qui permet un commerce juste et une alimentation saine, sans produits agrotoxiques ni pesticides nocifs pour la santé. Au contraire, la malbouffe est plus coûteuse sur le long terme parce que les glucides et sucres, excessivement présents, ont des effets collatéraux et provoquent des maladies chroniques telles que l’hypertension, le diabète et les maladies cardiovasculaires.

L’écho des campagnes 2

Quand le langage, la frontière et le bétail, la Nation de la Mongolie est prospère! (ZunduinDorj)

Munkhbolor (Bolor) Gungaa, Membre de l´Alliance des Peuple Nomades Mongolien, Mongolie

Un contrôle inadéquat des terres appartenant aux éleveurs nomades en Mongolie a permis les investisseurs étrangers de louer des zones dans des terres significatives pour les objectifs commerciaux, et a fait augmenter la concentration de la terre et les propriétaires de grandes propriétés terriennes dans le pays.

Selon la Banque Mondiale, l´exploitation minière a entrainé une croissance économique rapide en Mongolie, mais la réalité pour les gens habitant près des mines est bien différente. La pollution a eu des impacts sur tout le monde, mais les gens souffrant le plus grand appauvrissement, ce sont les communautés des éleveurs nomades. Leurs pâturages comme soutien de vie, les sources d´eau minérale et les campements saisonniers ont été perdus et remplacés par des mines à ciel ouvert, et par la construction des routes, les déchargement des déchets et l´extraction de l´eau qui accompagnent l´exploitation minière [Réseau Global du Développement Professionnel]. Ils se sont déplacés à travers de longs chemins au dos du cheval et ils ont pris leurs repas pendant qu´ils chevauchaient.. L´exploitation minière a entraîné des pénuries des animaux de pâturage et des ressources d´eau, obligeant les bergers à quitter leur type de vie nomade, à se déplacer vers des zones urbaines pour survivre. La population à la capital Ulaanbaatar a rapidement augmenté comme résultat d´un énorme exode de beaucoup de familles bergères qui se sont établies dans des régions sans un libre consentement préalable dû à la perte de leurs sources habituelles de vie de leurs terres. La migration vers les centres urbains a eu un impact négatif chez les nomades Mongoliens qui ont perdu leurs connaissances traditionnelles concernant la sécurité alimentaire.

La Mongolie, au cœur de l´Asie intérieure, est connue par son histoire spirituelle liée aux richesses de la culture nomade et sa cuisine basée sur le cheval [“Cuisine au dos du cheval ” textes sur l´histoire et la vie du peuple
nomade Mongolien. Ils se sont déplacés à travers de longs chemins au dos du cheval et ils ont pris leurs repas pendant qu´ils chevauchaient.]. Les Mongols, en tant que descendants de Chingis Khan, même s´ils sont des décideurs politiques ou des bergers, ils sont bénis et ils ne sont jamais tombés sur leurs genoux, bien au contraire, ils brillent toujours sur pieds dans leurs chaussures ! Comme des descendants de grandes reines de sagesse, les femmes Mongoliennes et leurs enfants ont des droits historiques pour vivre dans leurs terres et alimenter le monde avec des aliments nutritionnels et soutenables depuis des générations et des générations. Les continuelles exploitations des ressources dans leurs terres habituelles affecte en particulier les femmes, les obligeant à quitter leurs habitudes en sécurité alimentaire en leur provocant des problèmes de santé, en particulier, concernant les naissances et des nourrissons souffrant des malformations.

Encadrés

Encadré 1

Agriculture urbaine et resistance à Gaza

Tout au long des Territoires Palestiniens Occupés, l´agriculture urbaine et la tenue de l´élevage a toujours été une composante importante pour la survie de la communauté et la résistance devant l´occupation [Rami Zurayk, Anne Gough, Ahmad Sourani, et Mariam Al Jaajaa, “Défis et Innovations pour la Sécurité alimentaire: Le Cas de Gaza, ” Expert Haut Niveau du Forum: Insécurité alimentaire aux Crises Prolongées, 2012 – ici]. A la Bande de Gaza, ces petits mais omniprésents toitures-jardins sont devenus un besoin.

A la Bande de Gaza, l´agriculture paysanne traditionnelle est pratiquement impossible. Ce territoire densément peuplé occupe et héberge une vaste population des réfugiés qui perd constamment sa terre productive à cause de beaucoup de raisons. Ayant une population actuelle estimée de 1.8 million de personnes, on constate que la terre est fréquemment perdue à cause d´une nécessité d´expansion des occupations humaines, et la pollution de la terre est due à un non-fonctionnement ou à des systèmes des égouts endommagés. Les conflits et les contrôles de sécurité ont sérieusement endommagé ou restreint l´accès aux terres cultivables. En 2009, la destruction causée par l´opération ‘Cast Lead’ (« Plomb durci ») et l´expansion d´un “périmètre de sécurité” tout au long de la frontière sud-est avec l´Israël, a eu comme conséquence qu´un 46% de la terre consacrée à l´agriculture à la Bande de Gaza est devenue inaccessible ou hors production [FAO et OCHA, Fermiers sans Terre, Pêcheurs sans Eau: Lutte du Secteur de Gaza de l´Agriculture pour la Survie,” Mai 2010]. Le périmètre de sécurité détient un 30% de la terre arable de Gaza, qui était auparavant consacré à beaucoup de productions de l´agriculture pluviale, et à des terres pour le pâturage et l´élevage; beaucoup de producteurs risquent leur vies en essayant d´accéder à ces terres puisqu´ils en ont un besoin désespéré. Des offensives Israélienne récentes en 2012 et 2014 ont endommagé les terres arables et l´infrastructure de l´agriculture, et mêmes les équipements et d´autres entrées, telles que les exportations et importations, ont souffert des sanctions de l´Israël [Secours des Nations Unies Relief et l´ Agence de Travail pour les Refugiés de Palestine au Prochain Est (UNRWA), Rapport 88 de la Situation de Gaza, 16 Avril 2015].

Avec les limitations concernant la production alimentaire traditionnelle, l´agriculture à Gaza est devenue plus urbaine que rurale. Avec l´augmentation des besoins pour l´accès à une alimentation nutritive et salutaire, des revenus entrainant des activités, et une meilleure qualité de l´environnement, les toitures-jardins sont devenus une nécessaire et critique solution, ainsi qu´une manière de résistance pour la population de Gaza. Les toitures-jardins ne sont que quelques espaces ouverts qui restent encore à beaucoup de lieux à Gaza, et beaucoup de familles dépendent de ces jardins afin de garder de petits animaux, et de faire pousser quelques aliments tels que des tomates, concombres et piments. Quand il y a des pénuries aux marchés ou des conflits à long terme, il n´est pas du tout sûr d´aller aux marchés ou de tenter de sortir dans des rues, donc beaucoup de familles et des quartiers dépendent de ce qu´ils peuvent obtenir à partir de leurs toits. Le Comité de Secours pour l´Agriculture Palestinienne (CSAP) a pris la voie du support de l´agriculture urbaine tout au long de Gaza, à partir des cours de formation et en soutenant les familles afin qu´elles construisent des toitures-jardins et des jardins-maison. Beaucoup d´organisations internationales ont reconnu le besoin critique d´une production urbaine alimentaire afin d´assurer les besoins de nutrition, de santé et des aliments, et ces organisations sont aussi maintenant en train d´offrir un support technique afin d´aider les familles de Gaza pour qu´elles puissent faire grandir les ménages et faire pousser les jardins communautaires.

Après chaque attaque de l´Israël contre Gaza, les maisons et les vies sont reconstruites, et les jardins continuent aussi à réapparaitre. Les toits verts caractérisant le paysage surpeuplé de Gaza représentent la ténacité et la résilience de la communauté et ils sont un réel témoignage de la profondeur de la lutte pour la souveraineté alimentaire. Puisque des organismes extérieurs et des états refusent du soutien aux gens, ils doivent donc subvenir à leurs propres besoins [ici].

Encadré 2

Souveraineté alimentaire, droit à l’alimentation et leurs conséquences au travers des conflits d’intérêt

La souveraineté alimentaire au sein de la population est l’une des choses les plus remises en cause, surtout au Mexique. Pour parvenir à la souveraineté alimentaire au sein de la population, il faut une volonté politique de la part du gouvernement, c’est-à-dire que l’État est obligé de mettre en place les mécanismes nécessaires pour garantir ce droit à la population, non seulement en ce qui concerne la consommation, mais aussi les politiques agricoles à la campagne.

Parmi les éléments qui portent profondément atteinte à la population, on compte les violations des droits de l’homme, les conflits d’intérêt et les mauvaises politiques publiques qui « arrachent » aux citoyens le pouvoir de décision quant à leurs choix de consommation et à la qualité des aliments offerts aux familles. Dans les dernières décennies, les intérêts du secteur privé ont été fortement favorisés aux dépens de la santé publique, ce qui a entraîné une grave détérioration de la santé au sein de la population.

La publicité mensongère et le manque d’étiquettes adéquates, qui orienteraient la population ou qui permettraient de connaître l’origine des aliments de base comme le maïs, y sont pour beaucoup. Les politiques agricoles en faveur des petits producteurs sont abandonnées de manière dévastatrice, et ce au profit des pratiques agroindustrielles.
Au Mexique, à la campagne, les politiques ont été transgressées de manière grave, cependant la société civile continue à résister en exigeant que les droits de l’homme soit pleinement appliqués et respectés. On peut citer comme exemple les exigences de la Alianza por la Salud Alimentaria (Alliance pour la Santé alimentaire) quant à l’impôt sur les boissons sucrées et à l’installation de distributeurs d’eau potable dans les écoles. Ces deux mesures ont été approuvées et constituent de grandes avancées pour l’amélioration de la santé publique, mais il reste beaucoup de choses à faire (budget, suivi, évaluations appropriées) et ces mesures doivent être mises en place de manière totale et sans conflits d’intérêt.

Être parvenu à stopper la culture massive du maïs transgénique dans le pays est une autre grande avancée pour la santé publique. Cette réussite est due à une demande collective citoyenne pour la défense du maïs natif. De la même manière, des initiatives sont apparues pour la défense des territoires et de la vie comme les Journées nationales pour la défense de la terre, du travail, de l’eau et de la vie, et l’Alianza Mexicana contra el Fracking (Alliance mexicaine contre le Fracking) pour ne citer que quelques-unes des luttes sociales les plus importantes [http://www.hoyquecomierontushijos.org/, http://elpoderdelconsumidor.org/, https://www.facebook.com/pages/Encuentro-Nacional-Defensa-de-la-tierra-agua-y-vida/
478188112283948
, http://mexicovsgmo.org/, http://alianzasalud.org.mx/, http://nofrackingmexico.org/].
Il est donc absolument impératif de mettre en place des politiques sans conflits d’intérêts, basées sur les droits de l’homme (en particulier le droit à la santé, à l’alimentation et à l’eau) et qui favorisent les petits producteurs de manière à rendre accessibles à tous les consommateurs des aliments nutritifs, frais et sans produits agrochimiques.

Encadré 3

Construire un système alimentaire alternatif à partir de l´Agriculture Soutenue par la Communauté

URGENCI est le réseau global de l´Agriculture Soutenue par la Communauté (ASC) partout dans le monde. Ainsi, nous sommes tous part du mouvement de souveraineté alimentaire et du processus de Nyéléni Europe. Le réseau est construit selon les principes des risques partagés et des bénéfices et solidarité entre les producteurs et les consommateurs. Il a aujourd´hui près d´un million de membres.
Nos objectifs clés sont ceux de renforcer le rôle des fermiers à petite échelle dans la chaine de l´alimentaire, de relocaliser les chaines alimentaires et l´agriculture paysanne, et de renforcer la solidarité; et les compromis vers les fermiers restent au cœur des chaines de distributions à des qualités limitées.

Un des aspects clé des ASCs, concernant le droit à adapter la perspective sur la nutrition et l´alimentaire, c´est la participation des membres marginalisés de la communauté à partir de la diversité des mécanismes. Un exemple intéressant est la Communauté des Fermiers en Cloughjordan, au célèbre Ecovillage de l´Irlande. Là, il y a une échelle des paiements mobiles, où le plus âgés, les chômeurs et les étudiants paient moins que ceux qui ont un emploi. Et puisque le système est base sur la confiance, les légumes sont tout juste étalées afin que les gens prennent ce dont ils ont besoin. Cela encourage les gens à réfléchir vraiment sur à quel point, en fait, l´alimentaire exige, assure des égalités à l´accès, et décourage tout éventuel gaspillage. La vraie nature de l´ASC implique que tout les produit soient bios – cependant, pas nécessairement certifiés – et que le producteur local des consommations pour le grand public assure des fraicheurs maximales. Ces deux facteurs sont tous les deux très importants afin de préserver une haute valeur nutritionnelle pour les aliments, qui sont aussi libres des chimiques et ils ne sont pas exposés aux voyages entre la ferme et la fourchette et à un taux record.

ASCs couvre une vaste gamme des produits, et les tendances actuelles se penchent vers des multi-producteurs ASCs. La viande provient toujours des animaux nourris à l´herbe, des animaux des pâturages et des poulets fermiers. Les autres productions varient d´un pays à l´autre, et elles sont toujours saisonnières. Dans beaucoup de cas en Europe, il y a aujourd´hui des accords entre les ASCs aux différents pays: au Sud-est de la France, près de Toulouse, quelques ASCs ont une livraison mensuelle directe des oranges et des huiles d´olive par delà la frontière en Espagne [Pour une sélection de cas d´études, voir Projet pour les Droits des Affamés (2015)].

En Chine, où sera organise la prochaine conférence URGENCI, il y a maintenant près de 500 ASCs, avec une adhésion de 750 000 familles. Les fermiers ici, comme dans d´autres pays, sont en général jeunes -des populations néo-rurales qualifiées- qui sont revenues sur les terres afin de s´en approcher et prendre soin de leurs parents âgés, et aussi afin d´assurer à leurs communautés l´accès à une alimentation locale salutaire. Moyennant l´utilisation pas seulement des terres allouées par l´État, mais aussi louant des terres communales, ils ont construit un système alimentaire alternatif par rapport au modèle industriel de l´agro business. Les Chinois et d´autres ASCs fournissent des millions des personnes au niveau global avec des cultures locales, saines, nutritives et des cultures alimentaires organiques, respectant les principes de l´agro écologie. www.urgenci.net

Encadré 4

13 pas à suivre pour une bonne nutrition

1. Toutes les femmes et tous les hommes ont un accès égalitaire et du contrôle aux ressources productives, aux emplois et revenus.
2. Les femmes ont leurs droits garantis concernant les études, le travail, le contrôle total sur leurs corps et leurs vies.
3. Les familles et les communautés garantissent aux femmes les conditions leur permettant d´exercer leur droit à l´allaitement, en tant que le premier acte de souveraineté alimentaire.
4. Les producteurs à petite échelle, les communautés et les consommateurs définissent la politique alimentaire et les politiques nutritionnelles d´une manière participative.
5. La grande production alimentaire et agro-industrielle et le marketing sont réglés selon l´intérêt public.
6. La diversité de la production deviendra une priorité pour les petits producteurs, et selon les principes agro-écologiques.
7. Consommer de préférence des produits locaux, frais et à une une diversité alimentaire, des produits de l´agro-écologie, achetés aux producteurs locaux, aux marchés ou des équivalents.
8. Préparez vos propres aliments, selon les recettes traditionnelles ou en créez des nouvelles.
9. Utilisez l´huile, les graisses, le sel et le sucre dans de petites quantités.
10. Limitez l´utilisation des produits industrialisés et évitez les aliments ultra-industrialisés.
11. Mangez régulièrement, attentivement, prenez votre temps et, de préférence, faites-le en compagnie de votre famille et/ou de vos amis.
12. Soyez critique concernant le marché alimentaire.
13. Faites des sports régulièrement.