Bulletin n° 7 – Éditorial

Pêche et changement climatique

Illustration, Anna Loveday-Brow

La pêche pour leur avenir – de petites communautés de pêcheurs luttent pour leur mode de vie.
Les pays en développement sont généralement plus vulnérables aux effets du changement climatique que les pays développés car ils sont moins capables à s’adapter au changement et à la variabilité climatique. L’augmentation de la température terrestre, la montée des eaux, les changements dans les précipitations moyennes annuelles et dans la variabilité et intensité des événements météorologiques extrêmes constituent une menace majeure pour les communautés côtières et insulaires qui dépendent fortement des ressources halieutiques pour la satisfaction de leurs besoins quotidiens – communautés très pauvres qui n’ont pas de moyens de subsistance alternatifs. Au milieu de la destruction causée par un manque de gouvernance responsable dans l’utilisation des terres et des ressources naturelles, les communautés de pêche artisanale luttent pour faire valoir leurs zones de pêche puisque les gouvernements et les planificateurs de l’utilisation des terres voient dans cette catastrophe l’opportunité d’arrêter les activités de pêche à petite échelle et d’affecter ces zones à la création d’infrastructures touristiques ou d’autre utilisation. La pêche artisanale n’est pas seulement une source d’emploi, de revenu et de nourriture, c’est un mode de vie basé sur l’harmonie sociale et environnemental qui renforce les collectivités et encourage les mesures d’adaptation pour les plus vulnérable, notamment pour les femmes. Les communautés de pêcheurs à petite échelle peuvent renforcer leur capacité à s’adapter si elles sont soutenues, et non contraintes de quitter leurs eaux.

Margaret Nakato, Coprésidente du Forum Mondial des Pêcheurs et des Travailleurs de la Pêche

Bulletin n° 6 – Éditorial

Femmes et souveraineté alimentaire

Illustration, Anna Loveday-Brow

Quelle est la stratégie à adopter afin de changer la situation des femmes dans le monde?
Certaines féministes pensent que nous devons reconnaître ce qui est propre aux femmes et qui est rendu invisible et/ou considéré comme étant inférieur dans une société machiste et patriarcale. D’autres disent que nous devons lutter pour la redistribution de la richesse entre les femmes et les hommes, afin de dépasser le fondement des inégalités, qui résulte d’une division sexuelle du travail et du pouvoir. Mais beaucoup se sont déjà rendues compte qu’il s’agissait en fait d’un faux dilemme: pour aller de l’avant il faut articuler les actions apparemment contradictoires de reconnaissance et de redistribution. Le principe de Souveraineté Alimentaire reconnaît toujours plus la contribution des femmes dans la production des aliments, depuis l’agriculture jusqu’a la préparation des repas pour leur famille, ou dans les cantines scolaires et autres lieux communautaires. Ainsi, il convient de redistribuer les terres et les conditions de production de façon égale entre hommes et femmes. Il faut faire un pas en avant dans la reconnaissance de la nécessite de redistribuer le travail réalisé par les femmes dans les soins apportés à la famille, dont la préparation des repas, pour tous ceux qui cohabitent. Dans le monde entier, dans les campagnes comme dans les villes les femmes et les jeunes filles sont amenées à travailler plus que les hommes si on considère les heures de travail rémunérées et les tâches domestiques. Elles sont les premières à se lever et les dernières à se coucher. Parvenir à la Souveraineté Alimentaire implique non seulement de changer le modèle de production des aliments mais aussi leur consommation. Cela veut dire prendre le temps de préparer le repas, de manger, de partager mais aussi d’avoir du temps pour elles. Ce changement ne peut pas se baser sur l’augmentation du travail des femmes. Pour avoir plus de temps, nous n’avons pas besoin ni de fast-food ni de conserves, nous avons besoin de politiques publiques soutenant la reproduction, comme l’alimentation dans les écoles et les restaurants populaires et surtout… il faut répartir le travail équitablement entre tous et toutes!

Miriam Nobre, Coordinatrice du Secrétariat International de la Marche Mondiale des Femmes

Bulletin n° 5 – Éditorial

Nyéléni Europe

Par la route qui mène à Krems, nous avançons vers la Souveraineté Alimentaire des peuples.
En Europe plus de mille fermes disparaissent chaque jour, et avec elles les gens qui leurs donnent vie. La perte de la biodiversité cultivée n’en finit pas d’augmenter. Les meilleures terres passent aux mains du capital financier qui, en spéculant sur les aliments, déclenche les crises des prix des denrées alimentaires. La population européenne a de moins en moins confiance en un système alimentaire qui menace périodiquement sa santé… Ce sont quelques unes des graves conséquences d’un système alimentaire mondial basé sur un modèle néolibéral non soutenable, dirigé par les transnationales et les marchés financiers. Les politiques agricoles en vigueur en Europe ont été développées en suivant les doctrines de l’Organisation Mondiale du Commerce.

La PAC s’est transformée : d’un mécanisme visant à garantir la sécurité alimentaire sur le continent,c’est devenu un instrument sans vocation politique, laissant la régulation agraire à la merci de la pure concurrence néolibérale, dont les multinationales ressortent toujours gagnantes, tandis que les petits paysans européens et de beaucoup d’autres pays y perdent toujours. Il est temps de changer, il est temps de ramener de la politique au sein de la fausse démocratie dans laquelle nous nous trouvons. La souveraineté alimentaire doit être considérée comme le cadre des politiques agricoles en Europe et dans le monde. Les petits producteurs et productrices, avec leur agriculture paysanne –malgré ce que dit l’industrie agroalimentaire- sont les seuls à pouvoir alimenter la population en préservant la richesse de notre planète pour les générations futures. Alors que la politique et les intérêts économiques persistent sur le mauvais chemin, dans toute l’Europe les citoyens et citoyennes s’organisent pour reprendre le contrôle de leurs systèmes alimentaires et agricoles : mouvements pour la multiplication des semences, organisations contre les OGM, jeunes paysans et paysannes se réinstallant à la campagne, coopératives de production- distribution-consommation… sont quelques unes des nombreuses alternatives qui se construisent en Europe. Le Forum Nyéléni 2011 offrira la possibilité d’une réflexion collective sur ces nouvelles initiatives, et nous permettra d’examiner comment travailler ensemble plus efficacement. En Autriche nous renforcerons les piliers sur lesquels nous construisons le mouvement européen pour la souveraineté alimentaire.

Javier Sanchez, ECVC et Comité de Pilotage de Nyéléni Europe

Bulletin n° 4 – Éditorial

Volatilité des prix et marchés alimentaires

Illustration, Anna Loveday-Brow

Une nouvelle crise des prix alimentaires: le temps est venu de placer les êtres humains au centre du système alimentaire!
Des niveaux de famine chroniques, persistants et en augmentation. Une demande en hausse d’un côté et une base de ressources qui s’effondre de l’autre. Des modes de consommation et de production de déchets non durables. Des denrées alimentaires détournés de leur usage pour en faire du carburant. Une extrême vulnérabilité. Le chaos climatique. Des troubles politiques et des émeutes de la faim. Des marchés biaisés, favorisant un petit nombre contre les intérêts du plus grand nombre. Une augmentation constante des prix des denrées alimentaires… Le système alimentaire dominant ne fonctionne plus. En effet, ce système est régi par les lois d’un marché dans lequel le pouvoir d’achat est plus important que les droits, où la nourriture, la terre, l’eau et les autres ressources ont été réduites à une simple marchandise. C’est un système dans lequel le pouvoir de décision de ce qui doit être produit, comment, par qui et pour qui est détenu par une poignée d’entreprises, et où les politiques publiques de régulation des marchés agricoles ou financiers ont été en grande partie démantelées. Ce système bute aujourd’hui sur ses propres limites. Il piège un milliard de producteurs et de consommateurs dans des situations de pauvreté et ne parvient pas à répondre aux limites écologiques d’un système alimentaire faussé. Les inégalités sont en augmentation, des pans de populations entiers sont privés de leurs droits fondamentaux. Confrontés à la deuxième crise des prix des denrées alimentaires en trois ans, certains gouvernements ont perdu confiance dans la capacité des marchés internationaux à assurer l’alimentation de leurs populations. La communauté internationale doit se confronter à ce problème. Mais elle ne reconnaît toujours pas les causes principales de cette crise persistante et n’élabore pas de réponses coordonnées ni cohérentes allant au-delà de la défense des intérêts à court terme.Le temps est venu de placer les humains au centre du système alimentaire. Dans un tel système la fourniture de denrées alimentaires serait réalisée par une agriculture agroécologique, flexible, pratiquée par des petits exploitants, produisant des aliments en quantité suffisante et accessibles à tous. Les politiques et programmes doivent se fonder sur le droit à l’alimentation et sur la souveraineté alimentaire afin de garantir la sécurité alimentaire, nutritionnelle et écologique de tous. Les petits producteurs et organisations de la société civile appellent à un changement radical à travers la mobilisation de leurs forces et en faisant entendre leurs voix dans les débats politiques au niveau national et international.

Thierry Kesteloot, Oxfam-Solidarité

Bulletin n° 3 – Éditorial

Semences paysannes – droits et pouvoir

Illustration, Anna Loveday-Brow

Le processus séculaire qui a créé et développé la diversité dans les champs a conduit à la mise en place d’une série des bases juridiques visant à garantir l’exercice des droits collectifs, permettant ainsi une coévolution continue. Il est de la responsabilité des Étatsnations de déterminer comment les ressources naturelles doivent être utilisées et réparties. Il leur incombe de décider quels droits doivent être accordés pour l’utilisation, l’accès et le contrôle de ces ressources et quels sont les titulaires de ces droits. Aujourd’hui, l’équilibre des pouvoirs au sein des États-nations et entre les différents États a modifié la nature de ces droits, en imposant, par exemple, des Droits de propriété intellectuelle sur les semences et en tentant de réduire à néant les droits collectifs détenus et codifiés au fil du temps par les collectivités ou les paysans et paysannes. Il est légitime de lutter et de mener des actions d’auto-défense contre la violation de ces droits collectifs, comme par exemple ceux qui garantissaient – ou continuent de garantir – l’accès, l’utilisation et le contrôle de la terre, de l’eau et de la biodiversité. Cette légitimité prime sur les réglementations et législations éventuellement en place, lorsque celles-ci vont à l’encontre de ces droits. La nécessité, pour les petits producteurs d’aliments, de regagner leur autonomie et de recouvrir la souveraineté dans la gestion des ressources génétiques est un outil fondamental en vue d’adapter la production d’aliments aux besoins de la population mondiale ainsi qu’aux changements incessants des écosystèmes. Ceci doit être clairement expliqué dans le cadre du TIRPAA.

Antonio Onorati, Président de Crocevia et point focal international du CIP pour la souveraineté alimentaire

Bulletin n° 2 – Éditorial

L’élevage industriel à la base de la mal-bouffe mondiale

Illustration by Anna Loveday-Brow

Il n’y a pas de symbole plus puissant du contrôle absolu exercé par le système agroalimentaire international (depuis l’accaparement des terres jusqu’à la distribution et la vente au détail), que l’élevage intensif. Ces complexes industriels génèrent une importante pollution et provoquent des maladies dans des régions entières, tout en émettant d’énormes quantités de gaz à effet de serre – tout cela essentiellement afin de produire des aliments destinés aux pauvres: de la viande “bon marché” à la qualité douteuse et dont le coût réel n’est jamais mesuré. Ce mode de production nous est imposé à nous, l’humanité – et englobe, en une seule et même crise, des crises multiples. Dans la liste presque sans fin des calamités engendrées par les élevages intensifs, la monoculture de soja génétiquement modifié – produit à grand renfort de pesticides et ensuite utilisé pour nourrir des animaux captifs dans des parcs industriels – est la garantie pour les grands groupes de l’agro-business de voir tout l’argent de la chaine revenir dans leurs poches, aux dépens des ressources de la planète. Cependant, les gens prennent de plus en plus conscience de ces question et des espaces se créent pour tenter de comprendre ensemble les enjeux de la situation. Ceci est très subversif, étant donne que, à travers notre mémoire collective, la production de notre propre alimentation, selon nos propres traditions paysannes, est l’essence même de la plus primordiale des autonomies – c’est à partir de ce point que nos peuples, avec tous nos moyens et toute notre sagesse, nous avancerons – et que nous parviendrons même à faire reculer le changement climatique, afin de parvenir à une vie de justice et de dignité pour l’avenir.

GRAIN

Bulletin n° 1 – Éditorial

Changement climatique

Illustration by Anna Loveday-Brow

Nous pouvons créer un millier de Cancuns pour changer les choses!
Les discussions internationales sont paralysées par le refus des pays industrialisés à aborder leur responsabilité historique. Mais nos mouvements vont de l’avant en construisant de réelles solutions aux changements climatiques. A travers le monde, des paysans et paysannes, pêcheurs, éleveurs et éleveuses nomades, peuples autochtones, formulent des solutions – des sociétés non dépendantes des carburants fossiles, protégeant les forêts, et mettant en oeuvre la souveraineté alimentaire. Ils sont de plus en plus rejoints par des mouvements populaires et de travailleurs dans les pays industrialisés qui reconnaissent les impacts de la surconsommation et de la domination des entreprises sur leur bien-être. Ces sujets vont maintenant être portés de Cochabamba à Cancun.

Ceci témoigne de la force, de l’intégrité et de l’interconnectivité des mouvements pour une justice climatique et pour la souveraineté alimentaire. Mais il y a aussi des défis à surmonter. Des propositions qui sont sur la table saperaient, si elles étaient retenues, la capacité des populations à mettre en place les changements urgents nécessaires. Les projets de compensation de Réduction des Emissions dues à la Déforestation dans les pays en Développement, le Mécanisme de Développement Propre et la géo-ingénierie sont des solutions viciées à la base. Ils sont le résultat de l’appropriation du débat sur le climat par les grandes entreprises. Ce numéro de la lettre d’information met en lumière la nécessité pour nous de prendre en main le futur de notre planète. Ensemble, nous pouvons créer un millier de Cancuns pour changer les choses!

Kirtana Chandrasekaran, Coordonnatrice du programme pour la souveraineté alimentaire, Les Amis de la Terre International

Bulletin n° 0 – Éditorial

Terre

Illustration, Damien Glez pour Afronline

Bon vent au Bulletin Nyéléni !
A l’issue du forum mondial sur la souveraineté alimentaire tenue au Mali en février 2007 les mouvements sociaux qui porté l’initiative de ce grand rassemblement, ont décidé de créer un outil de communication et de liaison afin de poursuivre le combat pour la souveraineté alimentaire et la défense des intérêts des groupes défavorisés que sont les petits paysans et paysannes, les pêcheurs artisanaux, les peuples autochtones et ceux et celles qui vivent du pastoralisme. La situations de ces groupes ne cesse de dégrader face aux différents assauts d’un capitalisme devenu totalement inhumain. A ces attaques s’ajoute aujourd’hui l’accaparement des terres devenu une réalité que la Banque mondiale dans son dernier rapport entend légitimer. Il est donc urgent et crucial pour les mouvements sociaux de se re-mobiliser et de renforcer les alliances pour faire face à une offensive du néolibéralisme sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Ce bulletin entend apporter une petite pierre à l’édifice de résistance qui sera bâti pour faire échec à aux multinationales, à la banque mondial et leurs alliés. Nous encourageons toutes les organisations et tous les mouvements engagés pour la souveraineté alimentaire à s’embarquer avec nous pour ce grand voyage.

Ibrahim Coulibali, président de la Coordination Nataionales des Organisations Paysannes du Mali (CNOP) et membre du Comité International de Coordination de la Via Campesina