L’écho des campagnes

L’écho des campagnes 1

Fabriquer des aliments ou les produire ? Europe, nouveaux et anciens OGM, une bataille de plus de 30 ans

Antonio Onorati, ECVC, Italia

L’Union européenne, premier exportateur mondial de produits agricoles et premier importateur mondial, possède un système agricole basé sur de petites exploitations, dont 77% ont une taille inférieure à 10 hectares et 69% une taille économique inférieure à 8 000 €. Mais 4 des 6 entreprises qui contrôlent le marché mondial des semences sont européennes, dont la première avec un volume de ventes 3 fois plus important que la seconde. Le pouvoir de marché des entreprises sur le marché des semences – déjà très concentré – augmente lorsqu’on passe du marché des semences conventionnelles à celui des semences OGM, et de celui-ci au marché du contrôle des informations génétiques numérisées (DSI). Dans ce contexte, la stratégie du mouvement paysan, également partagée par de nombreux mouvements environnementaux, ne peut s’articuler que sur plusieurs niveaux. De la mobilisation avec des actions directes de désobéissance, comme le fauchage des champs ensemencés d’OGM – anciens ou nouveaux – à l’action juridique et au recours aux tribunaux, comme l’action à la Cour de justice européenne, qui bloque actuellement toute tentative de ne pas appliquer la législation actuelle sur les “nouveaux” OGM (NGT, produits avec CRISP ou mutagenèse assistée in vitro[1]). Mais aussi la construction d’une législation utile pour protéger le système semencier paysan et empêcher la culture d’ OGM (comme en Italie, pays à l’agriculture “sans OGM” depuis 2000 ou en France).

Il s’agit d’une question purement politique : comment une société veut que sa nourriture soit produite. C’est pourquoi la mobilisation doit se poursuivre.

Plus d’info ici et ici.  

L’écho des campagnes 2

Systèmes semenciers paysans et mise en œuvre des droits des agriculteurs dans la cadre juridique national – Cas du Mali

Alimata Traore, COASP – Mali Comité ouest africain semences paysannes, Mali

Nos semences paysannes sont librement reproductibles et grâce à nos pratiques et savoirs faire, nous les sélectionnons en les ressemant chaque année dans nos champs. Grâce à leur diversité, elles évoluent et s’adaptent à nos besoins, à nos champs, à nos techniques.

Nos semences paysannes sont notre identité, elles sont notre vie.

Nos organisations paysannes ont organisé des espaces d’information et de formation sur les droits des agriculteurs. Après avoir analysé l’état de leur mise en œuvre dans nos lois nationales, nous avons dialogué avec les représentants de notre gouvernement, avec les points focaux TIRPAA (Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture ) et CDB (Convention sur la diversité biologique).

Ensemble, en 2017, nous avons créé un cadre de concertation national dont le mandat est de faire reconnaitre les systèmes semenciers paysans et les droits des agriculteurs dans les lois nationales et en assurer la mise en œuvre. Placé sous la présidence du ministère de l’agriculture, le secrétariat est assuré par la CNOP (Confédération Nationale des Organisations Paysannes). Les bases de nos propositions étaient les suivantes :

1.  Une définition claire des variétés paysannes (y compris traditionnelles et locales).

2.  La reconnaissance des règles spécifiques qui garantissent la qualité de nos systèmes semenciers paysans, et assurent la protection des connaissances paysannes à travers les droits collectifs définis par la communauté selon ses us et coutumes.

3.  Le droit des paysans et paysannes de vendre leurs semences paysannes sans obligation d’enregistrement au catalogue officiel.

4.  Le droit des paysans et de leurs organisations de participer à la prise de décision avec des mécanismes garantissant la transparence.

5.   le soutien et le renforcement des systèmes semenciers paysans, des  maisons de semences paysanne[2], des fêtes et foires de semences paysannes.

L’écho des campagnes 3

Nous avons besoin de races de bétail pour combattre les pandémies á venir

Tammi Jonas –  Alliance australienne pour la souveraineté alimentaire

Les fermiers australiens produisent 93% de la nourriture que nous mangeons, même en exportant quelques 70% de ce qui est cultivé est exporté, et la perspective d’exportation est cadrée sur un discours moralisateur prétendant que l’agriculture australienne “nourrit le monde”. Toutefois, la réalité est que les exportations sont dirigées non pas aux pays souffrant de large insécurité alimentaire, mais plutôt aux marchés á haute valeur dans les économies développées et aux classes moyennes dans les pays en développement”.[3]

Ce paradigme productiviste a conduit á un déclin constant dans la diversité des races d’élevage en Australie et de manière globale, et dans le Nord Global, 90% du bétail provient de seulement 6 races, dont 20% de races en risque d’extinction.[4] Un déclin dans la diversité des races signifie une perte de bétail adapté aux conditions locales et á la vie en pâturage, mais aussi le danger de créer ce que Rob Wallace appelle “de la nourriture á grippe” – parce que “cultiver de vastes monocultures supprime les freins immunogénétiques qui dans les populations plus diverses coupent les hausses en flèche des transmissions.”[5] L’incidence globale du COVID 19, le Virus Japonais d’Encéphalite plus que jamais répandu en Australie du Sud, et á présent la maladie des pieds et de la bouche comme menace régionale croissante rendent encore plus évident l’urgence de stopper cette diminution de la diversité génétique et arrêter d’élever le bétail dans des conditions malsaines aussi intensives.

En Australie, il existe un mouvement croissant de petits exploitants qui élèvent des races de bétail rares et patrimoniales afin d’inverser cette tendance, collectivisé dans l’alliance Australienne pour la souveraineté alimentaire (AFSA) et soutenu dans leurs efforts de conservation in situ par l’alliance des Races Rares d’Australie. Dans un monde de pandémie, les démarches pour conserver et promouvoir la diversité aux niveaux génétique, des espèces et écosystèmes sauveront littéralement des vies.

L’écho des campagnes 4

Agroécologie, agrosylviculture et gestion communautaire des forets: instruments puissants de défense des droits des peuples, des moyens de subsistance et des biens naturels des forets.[6]

Nuie anak Sumok – Asociación de Residentes de Sungai Bur, Sarawak, Malasia

Connue par ses amitiés comme la Femme Merveille, pour son éthique de travail, Nuie anak Sumok lutte pour sa famille, sa communauté et l’environnement en produisant sur sa parcelle á coté de la route Sungai Buri, au nord-est de Sarawak, en Malaisie.

“Avec le groupe de femmes et l’Association des Résidents de Sungai Buri sur la côte nord-est de Sarawak, nous avons consolidé notre résistance face á l’imposition des monoculture de palmiers á huile au travers de l’agroécologie, l’agrosylviculture et la gestion communautaire des forets. Avec ces pratiques nous avons aussi inversé les dommages provoqués par ces monocultures et la coupe des forets, en défiant le modèle de développement destructeur.

Nous en pouvons pas nous donner el luxe de planter seulement une seule culture, nous devons faire en sorte que cela soit plus bénéfique pour nous. Et personne ne peut nous dire que faire.

Nous avons du piment, de l’ananas, les courgettes, bananes, des espèces forestières natives, du daung long, … et la foret nous donne les semences, les arbres fruitiers, d’autres aliments, de l’eau, du bois, du combustible, un refuge, la biodiversité, le miel, les médicaments et les aliments pour les animaux. Aussi des matériaux pour faire notre artisanat. Nous faisons tout notre possible pour aider la communauté á planter des espèces locales d’arbres.

Avec des organisations sœurs de Marudi, Long Miri et Long Pilah nous établissons un schéma d’échange des semences où différents groupes collectent  des semences de leur localité -merbau, jelayan, rattan, engkabang, meranti- et des arbres fruitiers comme le durian et le langsat, et nos viviers s’enrichissent.

Avec ce travail, nous protégeons nos droits et ceux de toutes les communautés, ainsi que nos moyens de subsistance et les biens naturels des forêts.”

L’écho des campagnes 5

Le IALA á construire et le rôle de l’agroécologie

Aldo González, IALA, Mexico

Aujourd’hui toujours plus de jeunes de communautés indigènes et paysannes ont l’opportunité d’étudier. Beaucoup reçoivent des bourses et sortent de leurs communauté pour aller á l’université, dans la majorité des cas l’idée de progrès entre dans leur tête, la ville leur offre la modernité et beaucoup ne reviennent pas, l’école leur a enlevé leur identité.

Face á ce panorama, nos organisations intégrant la Via Campesina au Mexique prenons la décision de construire l’Institut Agroécologique Latino-Américain (IALA –  Mexique), dans l’intérêt de dépasser une simple formation technique. Depuis le IALA ce qui nous intéresse est de contribuer au renforcement des luttes pour la défense des territoires, de l’identité culturelle et de la souveraineté alimentaire.

Pour nous, l’agroécologie est une façon de faire la vie, basée sur des principes qui parte de la reconnaissance qu’il existe une diversité de territoires qui génèrent une diversité de relations culturelles entre les êtres humains et la nature. Ces soins, d’origine paysanne ancestrale procurent la survie, ils se fondent sur des principes communs  qui doivent prendre en compte des aspects écologiques, culturels et économiques qui respectent la Terre Mère.

Ces relations ont généré des formes d’organisation familiales et communautaires qui nous permettent de survivre. par exemple, la guelaguetza ou guzun qui se pratique entre les Zapotèques de Oaxaca, a ses semblables dans beaucoup de peuples du Mexique et du monde et se base sur al réciprocité pour faire la milpa (comme on appelle le champ agricole au Mexique), construire une maison, faire la fête familiale ou communautaire, etc. Depuis IALA, cela nous intéresse de renforcer ces formes d’organisation.

Nos systèmes de culture, comme l’agriculture itinérante, mal nommée de “sabrage, abattage et brulis” son des manières de faire l’agriculture qui se construisirent dans le passé et qu’il est important de revendiquer depuis l’agroécologie. Le soutien de la vie dans le sol, le recyclage des nutriments, al conservation de l’énergie depuis le local jusqu’au global son des principes que se sont pratiqués dans l’agriculture traditionnelle et que nous continuerons á impulser.

Nous sommes héritiers, héritières, d’une grande biodiversité ainsi que de multiples savoirs associés á elle. toutefois, la science élaborée par nos peuples est disqualifiée par les centres de recherche; malgré cela, il est urgent d’établir un dialogue depuis nos contrées avec la sciences occidentales qui nous permette de combiner pour le bien de l’humanité les savoirs qui nous conservons et ainsi générer de nouvelles connaissances qui se mettent au service des paysannes et paysans du Mexique et du monde.


[1] Plus d’info sur les “nouveaux” OGM ici.

[2] Les maisons de semences d’Afrique de l’ Ouest sont des endroits où on récupère et sélectionne les semences, on rédige des fiches d’identification, on garde les semences, on améliore les techniques de conservation, on échange des pratiques et on donne aussi des formations.

[3] Muir 2014: 5

[4] FAO 2019

[5] Wallace, et al. 2021: 195

[6] Plus d’information ici.

Encadres

Encadré 1

Gestion communautaire des forêts: pratique historique pour transformer et résister [1]

La gestion communautaire des forets (GCF) est une forme de vie et une pratique culturelle et spirituelle – et pour autant historique – développée par les peuples indigènes et les communautés locales pour contrôler politiquement et gérer de manière organisée et planifiée le territoire et ses biens naturels et ressources. Il s’agit d’un processus politique qui, á travers des mécanismes horizontaux dans la prise de décisions, qui incluent la transparence et la responsabilité au reste de la communauté, arrive á la conservation et usage durable de la nature et des bénéfices sociaux, environnementaux, culturels et économiques.

La GCF implique aussi des aspects de technologie appropriée, des connaissances ancestrales et des pratiques communautaires de planification et usage ordonné des ressources, mais va plus loin qu’une simple gestion technique, contrairement á ce qui se passe dans la dite gestion durable des forets (défendue par la science forestière) qui en général détruit les forets et la biodiversité, en favorisant les corporations.

La GCF est étroitement liée á l’agroécologie. Il s’agit  de perspectives amples, intégrales, dynamiques et diverses qui répondent  et s’adaptent aux conditions géographiques, écologiques et culturelles de chaque territoire, ses biens communs et les connaissances traditionnelles associées. Alors que l’agroécologie se centre sur les éléments centraux de l’alimentation, comme les sols, les semences, les biens dont dépendent les peuples cueilleurs et les pêcheurs artisanaux, les eaux et zones de pêche ou de pâturage, entre autres, la GCF dirige ses actions aux autres biens naturels et culturels gérés, utilisés et protégés dans les forets, comme les arbres, les semences forestières, le bois, les fibres, la faune et notamment la santé de l’écosystème.

Dimensionner l’immense quantité de personnes et familles qui pratiquent l’agroécologie dans la cadre de la GCF est pertinent pour réaffirmer l’importance des forets pour le droit á l’alimentation.

Encadré 2

Digitalisation de l’agriculture et des systèmes alimentaires

Nous entendons de plus en plus que la digitalisation de tous les aspects de la vie est un future inévitable que nous devons accepter avec plaisir. Dans la cas de l’agriculture e l’alimentation, on parle de “Chaine alimentaire Digitale” comme étant l’unique option afin de solutionner la faim et les problèmes de climat. La digitalisation, comme ils disent, développera l’agroécologie, renforcera les communautés et promouvra l’indépendance. En réalité, la digitalisation de l’agriculture ouvre la porte á une commodification encore plus extrême de la nature par le même vieil agrobusiness, á présent en ligue avec les géants de la Big Tech. Cela inclut l’utilisation d’outils digitaux dans la conception de nouvelles récoltes transgéniques, la spéculation financière liée au carbone dans les sols agricoles, et “l’intensification durable”.

La digitalisation des systèmes agroalimentaires est définie comme l’application d’outils digitaux, de stratégies et de modèles commerciaux á l’alimentation et l’agriculture.” Mais cette définition apparemment innocente cache le fait que la dépendance croissante aux instruments digitaux de la Big Tech peut exacerber l’extractivisme corporatif et déplacer le travail humain; que  les stratégies digitales sont construites sur le pillage des informations, l’espionnage de communautés et la manipulation des consommateurs; et que les modèles commerciaux digitaux visent en fait á obtenir plus de contrôle de la biodiversité et des systèmes de production et visent la déqualification humaine, á travers l’accaparement des données et les technologies de traitement automatisées et digitales (des robots á l’intelligence artificielle). L’objectif des entreprises est d’avoir le contrôle sur ce qui est cultivé, comment la récolte est traitée et qui la mange, ainsi que sur ce qui est détruit dans le processus.


[1] Article élaboré á partir de la publication des Amis de la Terre International, Gestion communautaire des forêts et agroécologie. Liens et Implications.

Sous les feux de la rampe

Sous les feux de la rampe 1

Biodiversité agricole et agroécologie: dialogue paysan, familial, artisanal et indigène avec la nature

Paysans, paysannes, pasteurs, ceux qui cultivent, habitent les forets, pêchent artisanalement, peuples originaires et autres fournisseurs d’aliments ruraux et urbains á petite échelle, se considèrent partie de la biodiversité. Selon beaucoup de cosmovisions ancestrales, la nature, la Terre Mère,  alimente un lien mutuel avec les êtres humains comme famille, nous  ne sommes pas hors d’elle. Cette relation ancestrale d’interaction mutuelle configure l’existence de chacun dans une “co-évolution”. Les pratiques paysannes qui protègent la biodiversité ne déterminent pas seulement les nécessités alimentaires, matérielles, la spiritualité, la culture, la santé et les émotions aussi.

Malgré les pressions associées á la modernisation, où les cosmovisions et pratiquent traditionnelles sont toujours en vigueur, la biodiversité continue á répondre á cette échange mutuel. Dans les endroits où ces pratiques s’étaient perdues et aujourd’hui se récupèrent, la biodiversité se régénère sous de nouvelles formes. Ces pratiques et soins des communautés et familles paysannes (systèmes de savoirs de ceux qui produisent les aliments á petite échelle) sont le noyau de ce que la communauté internationale dénomme la “biodiversité”.

Cette biodiversité agricole soutient les stratégies paysannes ancestrales pour la subsistance, la santé et l’autonomie –  et est le fruit de celles-ci. Elle manifeste la créativité et la relation des savoirs paysans avec l’environnement naturel. Etant un tissu de relations dynamiques, la biodiversité agricole incarne un mosaïque en constant changement entre personnes, plantes, animaux et autres organismes tels que l’eau, la foret, “l’environnement”. La biodiversité agricole peut se considérer comme le résultat de l’interaction – dans tous les écosystèmes et au fil de milliers d’années -, de la diversité culturelle et la diversité biologique.

Certains systèmes de production montrent une extraordinaire diversité de cultures, animaux et espèces associées. Ceux qui produisent les aliments á petite échelle non seulement développent et soutiennent la majeure partie de la biodiversité de la planète, ils lui fournissent aussi la majorité de ses aliments.

Malgré les défis que soulèvent la forte tendance á l’homogénéisation des modes de vie et habitudes alimentaires, et les pressions sur les territoires, d’importantes actions locales de résistances ont vu le jour. Il existe un large éventail d’initiatives afin d’améliorer la diversité de potagers domestiques en zones rurales et urbaines, de lancer des cultures agroécologiques, restaurer les mangroves, développer des protocoles de pêche durable et gérer l’eau. Ces pratiques contribuent á promouvoir la souveraineté alimentaire et nutritionnelle, á conserver et protéger les fonctions des écosystemes.

L’agriculture agroécologique, á la base paysanne, pratiquée par ceux qui produisent des aliments á petite échelle, est un instrument essentiel pour construire la souveraineté alimentaire et défendre la Terre Mère. Les communautés engagés á produire des aliments par elles-mêmes et pour les autres, en mode indépendant, étranger aux corporations, savent que prendre soin de la biodiversité et pratiquer l’agroécologie est une forme de vie et est le langage de la nature. Il ne s’agit pas d’un simple ensemble de technologies et pratiques de production, applicable de la même façon á tous les territoires.

En effet l’agroécologie se base partout sur des principes similaires mais qui requièrent de particularités et soins respectueux et propres á l’environnement et á la culture locale. Ainsi, la biodiversité agricole est fondamentale pour l’autonomie et l’agroécologie. L’autonomie alimentaire que permet l’agroécologie paysanne, déplace le contrôle des marchés globaux et promeut les autogouvernements communautaires.

Ainsi, les peuples originaires et les communautés paysannes diminuent l’usage des intrants achetés, qui viennent du commerce. Etant ceux qui alimentent le monde, contrôler leur semences natives est fondamental pour le souveraineté alimentaire. Les conversations millénaires entre les personnes et les cultures perpétuent l’innovation, l’investigation, la sélection  des cultures et de l’élevage de bétail propres. Les communautés ne produisent pas ainsi des matières premiers et des marchandises pour l’exportation, mais sont en revanche celles qui produisent la majeure partie des aliments, protègent la biodiversité et les territoires.

Pour cela, il est fondamental de:

  • Respecter les droits collectifs de tous ceux qui maintiennent et améliorent la biodiversité agricole et alimentaire paysanne, et défendent leurs savoirs et l’intégrité de leurs cultures á travers l’utilisation des principes agroécologiques et l’échange, la culture et surtout al reproduction propre de leurs semences, races de bétail et poissons.
  • Renforcer nos systèmes et réseaux alimentaires ruraux -urbains interconnectés et collectifs ainsi que les marchés locaux, en promouvant la biodiversité agricole et agroécologique.
  • Promouvoir une réforme agraire intégrale.
  • Le plus important est de fomenter et garantir la libre détermination des peuples, communautés et collectifs ruraux et urbains qui protègent la biodiversité et l’intégrité de leurs territoires, et au final, une vie de justice et dignité.

La souveraineté alimentaire, un environnement sain, mais avant tout notre futur, dépendent de tout cela.

Sous les feux de la rampe 2

La spoliation planifiée de la biodiversité

La Révolution Verte impulsa les corporations á contrôler les cultures alimentaires. Elle a inciter les paysannes de différentes parties du monde á chercher “la productivité agricole dans ce qui est aujourd’hui le Sud global”. Les promoteurs disaient être préoccupés de “remplir les estomacs affamés”, et insistaient sur le fait que l’agriculture traditionnelle était redondante.

Les directeurs d’entreprises et les fonctionnaires en charge des politiques publiques gouvernementales ignorèrent l’énorme labeur et la continuité de siècles que suppose la relation attentive et bienveillante que les peuples entretiennent avec al Nature, avec leurs terres, forets et eaux, avec les semences et leur transformation infinie. Cette relation es la responsable de l’incroyable biodiversité et des prouesses culturelles que nous ont apporté les cultures telles que le blé, le mais, le riz et les pommes de terre.”[1]

 La Révolution Verte substitua ce qui l’a précédée par des “types radicalement standardisés, supposés de haut rendement”. Les nouvelles semences, comme l’ont vu les agriculteurs, requéraient un paquet de fertilisants chimiques, de pesticides et  d’irrigation pour bien grandir”.[2]

Cela “a rencontré une profonde résistance de la part des paysans, des communautés locales et de la société civile en général”.[3]

Malgré la résistance, les dommages étaient faits. L’ère où les instituts de recherche assumèrent le rôle de développementalistes internationaux des cultures et des semences agricoles substitua les savoirs et stratégies millénaires des communautés agricoles réelles du monde et impulsa un discours corporatif encore en vigueur: que les paysans ne savent pas ce qu’ils font, que leurs stratégies de culture sont erronées, que leurs rendements sont réellement pauvres. Cela ouvrit un espace pour les hybrides, notamment les OGM. Les effets furent dévastateurs pour les paysans et les petits agriculteurs qui dépendaient des semences natives et des méthodes traditionnelles de culture ou d’élevage d’animaux.

L’agriculture industrielle est alors venue imposer des remèdes technologiques afin d’augmenter les rendements avec une grande quantité de produits agrotoxiques. Elle a diminué les variétés et les espèces impliquées dans la culture d’aliments ou les races de bétail qui avant étaient normales. Selon la FAO, depuis 1900, on a perdu 75% de la diversité phytogénétique “au fur et á mesure que els agriculteurs du monde abandonnent leurs multiples variétés locales et races natives ´pour des variétés génétiquement uniformes de haut rendement…. Aujourd’hui, 75% des aliments mondiaux se génèrent á partir de seulement 12 plantes et cinq espèces animales”.[4]

La Révolution Verte n’est pas l’unique coupable, bien qu’il y ait eu d’énormes pertes soudaines durant son application. Les accords de libre commerce, les droits de propriété intellectuelle, l’attitude incisive de l’agriculture contractuelle, les modes luxueuses des cultures d’exportation (baies et mures, avocats, agaves, tomates et autres variétés de serre) sont aussi responsables. Maintenant la biologie synthétique veut substituer tout le processus agricole. Résister á l’agriculture industrielle et ses monocultures implique d’énormes efforts si les communautés veulent continuer á être indépendantes. Mais il est crucial pour la biodiversité et la souveraineté alimentaire de freiner ces schémas.

Sous les feux de la rampe 3

Solutions basées sur la nature: un écran de fumée des entreprises qui n’arrêtera pas la perte de biodiversité

Le concept des solutions basées sur la nature a émergé á partir de longues conversations avec des organisations comme une manière de promouvoir le financement de leur vision des aires protégées. Malgré l’usage de la référence á la nature, la vision des SBN promeut l’idée  de “capital naturel”, c’est-á-dire une perspective capitaliste de payer pour des services fournis par les écosystèmes. Cela va souvent de paire avec la “commodification” et la financialisation de la nature.

Plus récemment, la force motrice des SBN vient de la nécessité que la nature soit une solution pour le climat. Cela est motivé par l’escalade des dites cibles climat “net zéro” où le “net” est le carbone émis moins le carbone enlevé de l’atmosphère. Ainsi, les arbres, les sols et les terres sont nécessaires afin de produire des compensations carbone et des absorptions carbone afin de permettre aux énergies fossiles, á l’agrobusiness et autres corporations d’étendre leurs plans lourds en émissions et extraction. Cela s’accompagne de plusieurs dangers: accaparement des terres, davantage de commodification du carbone et de la nature, enclavement de terre, impossibilité d’arrêter le chaos climatique et la destruction de la nature. Cela peut aussi permettre aux entreprises de profiter des nouveaux schémas de marché basés sur la nature.

L’étendue de terre requise pour que les SBN soient une solution climatique est á elle seule un danger pour la biodiversité. Le document le plus influençant concernant “les solutions climatiques naturelles”[5] a avancé l’argument que “les solutions basées sur la nature”[6] pourraient aider á atténuer jusqu’á 37% des émissions de gaz á effet de serre d’ici 2030. Les calculs présentés dans ce documents au vu d’une analyse plus approfondie, s’avèrent techniquement problématiques, peu plausibles, et politiquement irréalistes.[7]  Par exemple, il est suggéré qu’un espace de 678 millions d’hectares est potentiellement disponible pour la reforestation. Il s’agit d’une superficie égale á  deux fois l’Inde, ou plus de deux tiers des Etats-Unis. Le document suggère jusqu’á 10 million d’hectares de nouvelle plantation d’arbres, pour rendre les SBN profitables et donc une option valide pour les entreprises.

Même si seulement une fraction de ces promesses net zéro des entreprises sont suivies á travers les solutions basées sur la nature, cela approfondira et étendra de manière significative le contrôle des entreprises sur la terre. C’est á cause de l’échelle des émissions libérées par les entreprises et par conséquent leur besoin de trouver des forets et des terres pour prétendre compenser leurs émissions.

Les SBN sont un terme vaguement défini, avec derrière très peu d’analyse politique. Par conséquent, á peu près tout peut être défini comme des solutions basées sur la nature, depuis les plantations de monocultures á l’agroécologie. La compagnie brésilienne Suzano, la plus grosse compagnie productrice de pulpe est juste une de ces compagnies qui tirent profit de ce terme vaguement défini de SBN afin de promouvoir leurs plantations d’ingénierie génétique tout en appliquant des solutions basées sur la nature au changement climatique.

Les organisations de conservation et les entreprises rebaptisent aussi leurs schémas discrédités de REDD+ qui ne valorisent pas le rôle des communautés locales et des Peuples Indigènes dans la gestion des forets et ont causé de fortes divisions, et des déplacement de communautés forestières sous prétexte de SBN.


[1] GRAIN, Financer l’agriculture industrielle ou l’agroécologie : sortir d’une approche binaire,

[2] et [3] Ibidem.

[4] FAO, Que se passe-t’il avec l’agrobiodiversité? (uniquement en anglais).

[5]  Griscom et al, Solutions basées sur le Climat , PNAS. 31 Octobre , 2017. vol. 114. no. 44. 11645–11650 (uniquement en anglais).

[6]  The Nature Conservancy les appelle les Solutions basées sur la Nature  

[7] REDD-Moniteur. Compenser les émissions d’énergies fossiles avec la plantation d’arbres et les “solutions basées sur la nature”: science, pensée magique ou pure RP?, (uniquement en anglais) 2019.

Bulletin n° 49 – Éditorial

Souveraineté alimentaire et agrobiodiversité

Illustration: Dessin en couleur sur papier amate de l’artiste Abraham Mauricio Salazar. Pris dans le but de diffusion du livre Le cycle magique des jours, d’ Abraham Mauricio Salazar. CONAFE, Mexique, 1979.

A un moment où les média tirent l’alarme sur la cherté des prix et la pénurie due á la guerre en Europe, bien qu’il n’y ait pas toujours une corrélation exacte, nous questionnons á nouveau les informations qui situent les grandes corporations comme fournisseurs de la majeure partie de nos aliments. Ancré dans cette image toute faite, le système agroalimentaire industriel lance un nouvel assaut á l’agriculture avec la digitalisation de ses processus. Elle promeut la “capture du carbone” á partir des dites “solutions basées sur la nature.” Elle continue sa poussée en contrôlant et normant les chaines d’approvisionnement en privilégiant ses intérêts, tout en cherchant á supplanter les tentatives de paysan.ne.s dans le monde, finançant une “agroécologie” qui est aujourd’hui promue par les mêmes entreprises et fonds d’investissements qui pendant des siècles ont dépouiller les paysans des possibilités d’exercer une agriculture indépendante.

C’est alors crucial de défendre notre souveraineté alimentaire : la possibilité de pouvoir reproduire nos semences selon nos termes et nos espaces, c’est-á-dire, en pleine liberté et maintenir notre indépendance totale á produire nos propres aliments. Pour cela, défier l’accaparement des terres et insister sur l’autonomie et la défense des territoires paysans, indigènes et les espaces urbains d’autogestion populaire des quartiers continuera d’être crucial.

CIP pour la souveraineté alimentaire, Amis de la Terre International et GRAIN

L’écho des campagnes

Amérique Latine et Caraïbes –  Alianza

Les nuits sont sacrées pour les rencontres de mon peuple Kuna au Panama. La, nous nous nourrissons d’histoire orale, et des luttes pour l’autodétermination d’autres peuples. Là, nous embrassons l’Univers, et nous nous organisons pour la défense de la Terre Mère. Nyéléni est l’Assemblée des Peuples pour la Souveraineté Alimentaire, là où nous partageons des luttes globales, nous nous alimentons de la force des gens et où nous communions avec les frères et sœurs d’autres continents. Les problèmes sont restés les mêmes depuis plus de 500 ans. Les luttes pour la vie, l’eau, le territoire ont d’autres noms et d’autres formes, mais continuent d’être les mêmes problèmes que chaque génération doit affronter avec de nouvelles stratégies et tactiques. Le processus de Nyéléni est une opportunité de coordination entre différentes organisations centrées sur la défense de la Terre Mère et de la Souveraineté Alimentaire des Peuples. A présent, il est extrêmement important de tisser des alliances et d’organiser le travail au vu de la menace des mégaprojets et des projets extractivistes, ainsi que de définir des stratégies pour surmonter els impacts du Covid 19.

comme avec les nuits étoilées, avec ou sans lune, avec la mer agitée et les tempêtes qui approchent, les communautés Kuna discutent comment résoudre les problèmes sociaux, culturels ou spirituels de la même manière que le mouvement Nyéléni est un moment dans le temps pour rassembler les peuples du monde, chanter, danser, rêver et comprendre que nous somme partie intégrante de la Terre Mère, de la Grand-mère Mer, du Grand-père Soleil et ils nous appellent depuis leurs coquillages á commencer une conversation autour du feu, entre mouvements sociaux et Peuples Autochtones, afin de nous organiser pour la défense de la Terre Mère.

Europe et Asie Centrale –  Nyéléni EAC

Notre monde, notamment l’Europe et l’Asie Centrale, traverse une série de crises inter reliées: conflits armés, troubles civils associés á des crises humanitaires causées par la guerre et l’instabilité politique dans différentes zones de notre région. c’est une crise économique qui se manifeste dans l’augmentation des prix de l’alimentation et de l’énergie, et une augmentation des vulnérabilités liées á la perte d’emplois, d’accès á une alimentation saine et accessible, et á la pandémie actuelle de Covid 19, ainsi qu’á la crise climatique en cours. La dernière crise est la guerre en Ukraine, qui affecte les gens et le pays, et a un impact sur les politiques de sécurité alimentaire dans la région et au-delà. cette crise nous a montré le niveau de résilience des communautés locales et l’importance des systèmes alimentaires locaux, ainsi que le rôle central de l’espace Nyéléni, qui permet á différents collectifs de se rassembler en solidarité et de travailler sur des politiques liées á nos combats.

Tout comme Nyéléni, la légendaire paysanne malienne qui cultive et nourrit son peuple, les petits producteurs alimentaires (agriculteurs et pêcheurs) d’Ukraine luttent courageusement pour continuer á nourrir les populations locales, et ce malgré la destruction récente de la banque de semences nationale. Mais peu est écrit sur le sujet, et ils reçoivent aussi peu de soutien.

La guerre contribue aussi á l’aggravation de questions sur le long terme, telles que le changement climatique. La majorité des femmes et enfants dans différentes régions sont soit déplacés á l’intérieur du pays, soit ont cherché refuge dans des pays européens. Alors qu’en Russie, les peuples indigènes et les défenseurs des droits humains sont toujours réprimés.

Le processus Nyéléni implique une dualité en influençant les politiques publiques á tous les niveaux et en construisant un mouvement social indépendant. Les mouvements sociaux de constitutions variées sont rassemblés á travers ce travail de soutien intersectionnel. Le processus inclut aussi une approche plus ample, plus intersectionnelle et vraiment nécessaire afin d’aborder les crises profondes multiples sur les questions économiques, sociales et environnementales á travers le monde.

CIP Région Afrique

Alors que le gouvernement national et le secteur privé continuent de rétrécir l’espace de l’agriculteur familial pour produire ce qu’ils mangent et manger ce qu’ils produisent par l’introduction des fertilisants chimiques, des pesticides, fongicides et herbicides, tout cela détruit l’environnement. Les processus de Nyéléni soutiennent la promotion des approches agroécologiques qui encouragent la production socialement acceptable, économiquement viable et environnementalement durable tout en protégeant aussi l’environnement naturel. Cette approche assure la promotion et la protection de la conservation de la biodiversité. Le processus décourage aussi les pouvoirs corporatifs qui empêchent les familles d’accéder aux marchés territoriaux avec leur alimentation pas chère et qui met en danger notre santé et cause des dommages á l’environnement. La souveraineté alimentaire ne peut pas être atteinte là où l’alimentation, la terre, les semences, le poisson et le bétail sont aux mains du contrôle corporatif. Le processus Nyéléni décourage et aide á prévenir la privatisation et la modification des semences natives par l’introduction et l’utilisation d’anciens et nouveaux OGMs dans notre système agricole et alimentaire. nous faisons toujours face á l’accaparement des terre par les pouvoirs corporatifs, á la capture corporative de nos marchés territoriaux et aux défis créés par le changement climatique et autres facteurs externes tels que le covid 19 et autres conflits.

Nous croyons que le processus Nyéléni peut soutenir les mouvements sociaux sur el terrain dans le renforcement et la promotion de la collaboration et la participation aux dialogues politiques régionaux où les changement dans les politiques publiques nationales ont lieu. La stimulation des mouvements et l’intersectionalité des luttes peut aider á promouvoir la justice pour la terre, l’agroécologie et les marchés territoriaux. ensemble nous pouvons renforcer le plaidoyer pour al terre, les semences et l’eau pour les petits producteurs.

CIP Région MENA

Dans la région nord africaine, la souveraineté alimentaire est communément comprise comme un outil de démocratisation que peut fournir un soutien majeur aux populations rurales afin d’inclure leurs demandes liées aux différentes menaces identifiées. Dans ce cas, al contamination de l’eau, al privatisation de la terre rurale, et la commodification de notre alimentation. Par contraste, dans la région de Moyen-Orient, la souveraineté alimentaire est davantage vue depuis une perspective politique, particulièrement á cause des aspirations des peuples pour la libération des territoires occupés et/ou semi-occupés. The nouveau contexte actuel appelle, plus que jamais, á une synergie entre le discours et la pratique de la souveraineté alimentaire afin d’implémenter les principes dans le travail quotidien des acteurs impliqués dans la production, la distribution et la consommation de la nourriture.

On devrait noter que la dernière rencontre Nyéléni présentait une vision stratégique pour atteindre la souveraineté alimentaire en reconnaissant la contribution des femmes á l’agriculture paysanne, alors que ces documents ne prennent pas en considération la question des relations de genre.

D’autre part, la souveraineté alimentaire doit être comprise comme un projet politique á différentes facettes et en constante évolution, dont la substance est fortement susceptible de variations selon le type d’acteurs collectifs qui la réclame. En ce sens, el processus Nyéléni peut soutenir des mouvements dans la région MENA afin de renforcer la convergence entre les mouvement de différentes natures. C’est la clé  de la consolidation du développement des capacités des mouvements sociaux via le renforcement des capacités de la jeunesse et des leaders autour de la souveraineté alimentaire.

CIP Asie et Pacifique

Asie et Pacifique, où vit 60% de la population mondiale, font face á une multitude de défis en termes de souveraineté alimentaire.

A travers el monde, plus de 2,5 milliards de petits producteurs, pasteurs, habitants des forêts et pêcheurs artisanaux cultivent, collectent et récoltent de la nourriture pour la consommation humaine. De tels systèmes alimentaires localisés fournissent les fondations d’une nutrition, de revenus, d’économies et de cultures á travers toute l’Asie et le monde.

La pandémie de Covid 19 exacerbe les défis pré-existants á la sécurité alimentaire tels que les impacts du changement climatique, les risques de catastrophe, les ressources naturelles qui s’amenuisent et les environnements qui se dégradent, l’utilisation des OGMs, les démographies changeantes et les profils professionnels, ainsi que les déficits en infrastructure, entre autres. Dans un contexte de populations grandissantes,  d’urbanisation croissante et de changement dans la chaine de valeur alimentaire et dans l’industrie alimentaire, le débat sur la souveraineté alimentaire est plutôt crucial.

La perte de capacité des populations locales pour leur autonomie et autodétermination est une conséquence directe de l’expansion du modèle de développement industriel, hétéronome basé sur la production de commodities. Nous, comme IPC, avons besoin d’affirmer collectivement et de faire progresser les principes et politiques qui constituent la souveraineté alimentaire et rejetons celles qui ont pour but de consolider davantage les intérêts corporatifs dans nos systèmes alimentaires.

La notion de “souveraineté alimentaire” est peut-être mieux comprise comme un processus de  transformation qui cherche á recréer l’espace démocratique et á régénérer une diversité de systèmes alimentaires autonomes basés sur l’équité, la justice sociale et la durabilité écologique.

 L’équité de genre et le respect des voix des plus pauvres et marginalisés restent des défis urgents pour le mouvement de souveraineté alimentaire et la société civile dans son ensemble. Le processus de Nyéléni peut renforcer les organisations de femmes, d’hommes et de jeunes, les peuples indigènes, agriculteurs, pasteurs, habitants des forets, migrants, travailleurs ruraux, pêcheurs et autres.

CIP Région Amérique du Nord

Du 5 au 12 avril, L’Alliance américaine pour la souveraineté alimentaire (USFSA) a organisé deux consultations en ligne pour la région Amérique du Nord (Etats- Unis et Canada) dans le cadre du processus Nyéléni. Les dialogues ont réuni un ensemble diversifié de petits producteurs alimentaires, des organisations de travailleurs ruraux, des peuples indigènes et peuples premiers, des activistes académiques et des organisations de la société civile afin de discuter du futur pour le mouvement de souveraineté alimentaire et construire des priorités communes pour naviguer dans les crises interdépendantes du système alimentaire dans la région.

Durant les deux dernières années, le COVID 19 a mis a nu la fragilité des chaines de valeurs alimentaires corporatives concentrées aux Etats-Unis, avec des fermiers forcés de faire du dumping avec leur lait et de détruire leur récoltes, des travailleurs tombant malades á cause du manque d’équipement de protection et la connivence des corporations, l’augmentation de l’insécurité alimentaire dans les communautés marginalisées. Ces défis, combinés avec les mobilisations contre l’injustice raciale et les impacts de la crise climatique sur les communautés rurales, ont dessinés de nouvelles opportunités pour la solidarité entre fermiers et travailleurs et l’organisation d’une union, d’une plus grande conscientisation et d’investissements dans des systèmes alimentaires locaux résilients, ainsi que des actions politiques concernant l’équité et la justice en agriculture. Dans ce contexte, les participants á la consultation ont souligné les approches anticapitalistes, non racistes, anti-impérialistes et radicalement féministes concernant l’organisation autour de l’accès á la terre, le démantèlement des monopoles corporatifs, l’avancement de l’agro écologie, le droit á l’alimentation et le renforcement de la souveraineté indigène.

Depuis le premier rassemblement au Mali en 2007, les déclarations et relations politiques qui ont émané de Nyéléni ont façonné la direction et la force du mouvement pour al souveraineté alimentaire en Amérique du Nord ainsi que des actions de solidarité au-delà de la région. Alors que ce travail collectif continue, le processus de Nyéléni offre un forum dynamique dans la construction de la force rurale á l’intérieur et autour de nos communautés alors que nous faisons progresser les principes de souveraineté alimentaire dans nos systèmes alimentaires locaux et les espaces politiques internationaux.

Encadres

Encadré 1

Le droit à la souveraineté alimentaire

Le Forum international sur la souveraineté alimentaire à Sélingué, au Mali, en février 2007, a été le début du chemin de Nyéléni pour construire un mouvement mondial pour la souveraineté alimentaire. Le concept de souveraineté alimentaire a été introduit par La Via Campesina (LVC) lors du Sommet international de l’alimentation de 1996, un an après la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), avec ses infâmes accords sur l’agriculture, les droits de propriété intellectuelle, la politique industrielle, les normes, et l’investissement. Les mouvements sociaux, les syndicats, les militants et les universitaires savaient que la « sécurité alimentaire » et le « développement » étaient des écrans de fumée pour camoufler l’expansion du pouvoir des entreprises pour laquelle les règles de l’OMC étaient conçues. L’appel à la souveraineté alimentaire était donc autant un rejet de la domination de l’alimentation, de l’agriculture et de l’économie par les entreprises et les marchés, qu’un cri de ralliement pour que les peuples du monde entier revendiquent leur pouvoir d’action, leur autonomie et leur capacité à construire un paradigme de progrès centrés sur les droits de l’homme, la justice et le respect de la planète.

Alors que le concept gagnait le soutien d’un large réseau d’acteurs, dont le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation, LVC s’est associée à d’autres mouvements sociaux et acteurs de la société civile pour convoquer un forum autonome et international afin de développer le principe de souveraineté alimentaire pour différentes circonscriptions et régions, basé sur des expériences et des contextes divers et vécus.

Le premier forum Nyéléni a réuni plus de 500 représentants de plus de 80 pays et de nombreuses circonscriptions pour partager des connaissances et discuter des multiples dimensions de la souveraineté alimentaire, de la terre et de l’eau aux semences, à l’élevage et au travail, reconnaissant le rôle central des femmes. Ces délibérations sont résumées dans la Déclaration de Nyéléni et la Déclaration des femmes sur la souveraineté alimentaire. A Nyéléni en 2007, nous avons commencé à construire un nouveau droit : le droit à la souveraineté alimentaire.

Encadré 2

L’alliance globale contre l’accaparement des terres

En novembre 2011, nous, paysans, pasteurs, peuples indigènes et leurs alliés nous sommes rassemblés á Nyéléni pour partager nos expériences et combats contre l’accaparement des terres. Nous sommes venus á Nyéléni en réponse á l’Appel de Dakar, qui appelle á une alliance contre l’accaparement des terres parce que nous sommes déterminés á défendre la souveraineté alimentaire, les biens communs et les droits des petits fournisseurs alimentaires aux ressources naturelles.

Lors de cette rencontre, nous avons clairement identifié que l’accaparement des terres est une phénomène global mené par les élites et investisseurs locaux, nationaux et internationaux et des gouvernements qui ont pour but de contrôler les ressources les plus précieuses au monde. Les crises financière, alimentaire et climatique globales ont généré une précipitation chez les investisseurs et gouvernements riches pour acquérir et accaparer la terre et les ressources naturelles, puisque ceux-ci sont les seuls “paradis sûrs” qu’il reste et qui garantissent des retours financiers sûrs.

L’accaparement des terres va au-delà des structures impérialistes traditionnelles Nord-Sud; les transnationales peuvent être basées où que ce soit dans le monde. Il s’agit aussi d’une crise tant dans les zones rurales qu’urbaines. la terre est accaparée en Asie, en Afrique, aux Amériques et en Europe pour l’agriculture industrielle, les plantations de foret, les mines et les projets d’infrastructure, les barrages, le tourisme, les parques de conservation, l’industrie, l’expansion urbaine et des objectifs militaires.

Mais nous ne nous avons pas vaincus. A travers l’organisation, la mobilisation et la cohésion communautaire, nous avons été en mesure d’arrêter l’accaparement des terres dans beaucoup d’endroits. de plus, nos sociétés reconnaissent que la production alimentaire á petite échelle est le modèle le plus durable socialement, économiquement et environnementalement en ce qui concerne l’utilisation des ressources et la garantie du droit á l’alimentation pour tous.

En nous rappelant de l’Appel de Dakar, nous réitérons notre engagement á résister á l’accaparement des terres par tous les moyens possibles, en soutenant tous ceux qui luttent contre l’accaparement des terres et en faisant pression sur les gouvernements nationaux et les institutions internationales pour qu’ils remplissent leurs obligations á assurer et défendre les droits des peuples.

Encadré 3

Forum International pour l’Agroécologie –  Nyéléni 2015

A la fin février 2015, les organisations et mouvements sociaux de petits producteurs alimentaires, travailleurs, femmes, peuples indigènes, consommateurs, environnementalistes et organisations des droits humains se sont rencontrés au Forum Nyéléni afin de s’accorder sur une vision commune multisectorielle sur l’agroécologie et les stratégies pour la défendre et la promouvoir.

L’agroécologie, comme nous l’avons convenu, est une manière de vivre, une façon de produire de la nourriture, une science et un mouvement pour transformer les systèmes alimentaires pour la souveraineté alimentaire et la justice sociale, raciale, de genre, économique, intergénérationnelle et environnementale. Elle est basée sur des principes similaires qui sont implémentés de différentes manières sur une grande diversité des territoires.

Il a aussi été accordé que les piliers fondamentaux de l’agroécologie sont: la solidarité, les territoires locaux et le droit des peuples et communautés á préserver les liens spirituels et matériels avec ceux-ci, les droits collectifs et l’accès aux biens communs, l’organisations et les actions collectives, et les différentes connaissances et savoirs de nos peuples, ainsi que le Dialogue des Savoirs comme manière de développer, innover et faire de la recherche.

Le forum a souligné que l’agroécologie cherche á transformer les structures de pouvoir dans la société, de sorte que les gens contrôlent les semences, la biodiversité, les terres et territoires, l’eau, les connaissances, la culture et d’autres biens communs, et garantissent un chemin collectif vers le dépassement des crises.

Le forum es un évènement crucial pour le mouvement, et ses conclusions sont une force orientant l’élargissement des alliances pour la promotion et la défense de l’agroécologie et la souveraineté alimentaire. Plus info ici.

Sous les feux de la rampe

Sous les feux de la rampe 1

La conjoncture politique actuelle : pourquoi avons-nous besoin d’un nouveau Forum Global Nyéléni ?

Au cours des deux dernières décennies, le Comité international de planification pour la souveraineté alimentaire (CIP) a travaillé assidûment aux côtés des communautés de petits producteurs alimentaires, des peuples autochtones, des consommateurs et des citoyens, garantissant les droits de ceux qui produisent et de ceux qui sont marginalisés. Aujourd’hui, les résultats historiques obtenus par le CIP risquent d’être éclipsés par une collision complexe de plusieurs crises profondes et le changement de paysage géopolitique qui en résulte et qui menace les principes et les valeurs que le CIP a toujours défendus et mis en avant dans la quête de la souveraineté alimentaire.

La pandémie de COVID 19 a mis en lumière les liens entre différentes luttes pour la justice mondiale. Elle a exacerbé les inégalités existantes et renforcé les déséquilibres de pouvoir au point que de nombreux pays ont plongé dans une crise sociale et économique profonde où les plus vulnérables souffrent le plus. Les voix de ces communautés appelant à un changement systémique, sur la base des expériences existantes de l’agroécologie et de l’agriculture familiale paysanne, qui nourrissent la grande majorité du monde, doivent être renforcées dans une alliance mondiale avec les mouvements sociaux et les peuples autochtones pour répondre à cette urgence afin qu’elle ne soit pas éclipsée par le problème immédiat de la pandémie de COVID 19.

Dans ce contexte, le CIP organise un nouveau processus de discussion, non seulement au sein des mouvements qui luttent pour la souveraineté alimentaire, mais aussi avec une toute nouvelle série de mouvements de différents secteurs. Ce nouveau processus Nyéléni vise à construire des réponses au niveau mondial, régional et local et à renforcer les alliances avec d’autres mouvements qui partagent la vision et les luttes du CIP, mais qui viennent d’autres domaines : justice du travail, justice climatique, luttes des femmes, par exemple. Le processus, dans lequel l’intersectionnalité est un aspect clé, recueille les luttes locales différentes mais qui se recouvernt sur le terrain et les emmène au niveau mondial et permettra la participation de différents mouvements à différents niveaux.

Si l’intersectionnalité est un aspect innovant dans le processus de Nyéléni, le deuxième aspect déterminant est l’accent mis sur le processus lui-même et non uniquement sur le Forum mondial final : il s’efforce de construire un processus complet qui porte avec lui toute la puissance des mouvements populaires. Dans une première phase du processus, les régions, les groupes de travail et les organisations mondiales du CIP entreprendront un exercice de consultation interne pour réfléchir sur, approfondir et élargir les principes et les concepts de la souveraineté alimentaire dans la nouvelle réalité. Les résultats de ces consultations constitueront les pilliers du processus Nyéléni. Simultanément, de nouvelles alliances seront recherchées avec des mouvements sociaux travaillant sur différentes questions : climat et justice du travail, mouvements féministes, mouvements des peuples autochtones, mouvements Noirs et mouvements anti-guerre, pour créer une convergence intersectionnelle vers des propositions communes de changement systémique.

Finalement, le processus Nyéléni culminera avec le Forum mondial Nyéléni, au cours duquel des centaines de délégués du monde entier discuteront de stratégies et de solutions pour des systèmes alimentaires plus justes, inclusifs, durables et diversifiés, et relanceront une alliance mondiale capable de contrecarrer les forces qui poussent le monde dans une crise multidimensionnelle plus profonde.

Sous les feux de la rampe 2

Nyéléni : territoire, processus et méthodologie

Lors du Forum International pour la Souveraineté Alimentaire: Nyéléni 2007 (voir encadré 1) fut le résultat d’un long processus régional et international d’accumulation politique intersectorielle. Ce fut une étape importante qui nous a fourni des principes, un cadre politique, des méthodologies et un agenda d’initiatives afin de continuer á faire avancer la souveraineté alimentaire et la défense des territoires et des droits des peuples. Nyéléni fut aussi a aussi abrité deux autres processus internationaux importants dans ce voyage: en 2011, pour coordonner la résistance á l’accaparement des terres (voir encadré 2) et en 2015, pour construire une vision multisectorielle commune sur l’agroécologie et accorder des stratégies pour la défendre et promouvoir (voir encadré 3).

Nyéléni est le territoire et la plateforme pour notre processus de convergence multisectorielle, ce qui nous a permis d’approfondir notre analyse et nos positions, de rendre nos combats visibles et de résister á la criminalisation, renforcer les liens de solidarité, construire des accords multisectoriels et se mettre d’accord sur des initiatives pour transformer les systèmes alimentaires et nos sociétés.  Il s’agit d’un programme commun de luttes locales, régionales et globales basées sur l’expérience et les connaissances des mouvements sociaux et des organisations.

C’est un processus dont l’objectif a toujours été d’accumuler des forces pour renforcer la mobilisation populaire de la résistance au capitalisme colonial, patriarcal, impérialiste et raciste, ses fausses solutions et toutes ses formes d’exploitation, d’oppression et de commodification de la vie, mais aussi pour la défense des biens communs, de la souveraineté, des droits et de l’autodétermination des peuples et la justice sociale, raciale, de genre, économique, intergénérationnelle et environnementale.

Notre méthodologie se base sur un principe fondateur de la Solidarité Internationale mettant en pratique le Dialogue des Savoirs et qui, basé sur l’héritage, le patrimoine et la diversité des peuples, cultures et combats, construit l’unité en action, tout en renforçant les processus territoriaux organisationnels, puisque sans organisations fortes et coordonnées, depuis le local jusqu’au global, il n’y aura pas de résistance suffisante au pouvoir du capital et aux forces conservatrices, ni non plus de transformation systémique.

Ces 15 années ont servi á augmenter la visibilité de la souveraineté alimentaire, l’agroécologie et la réforme agraire intégrale, entre autres, dans les institutions et espaces politiques internationaux, régionaux et locaux et ont motivé plusieurs niveaux de gouvernement á implémenter notre agenda. Ces années ont aussi été cruciales pour démasquer et dénoncer les tentatives de cooptation corporative de nos solutions et ont fait de la souveraineté alimentaire un objectif politique de plusieurs mouvements (féministe, justice climatique, justice sociale, entre autres).

Cependant, afin de démanteler le pouvoir de l’agrobusiness et de fournir une réponse globale á la montée des forces conservatrices de droite, il est nécessaire de converger avec les peuples faisant face á différentes formes d’oppression et de s’accorder avec eux sur des programmes et stratégies pour la justice sociale, raciale, de genre, économique, intergénérationnelle et environnementale.

Le processus Nyéléni a donné au mouvement pour la souveraineté alimentaire l’engagement d’être un maillon clé dans la construction d’un front social plus ample avec les mouvements féministes, LGBTQ, syndicalistes, antiracistes, de résistance á l’oppression des classes et coloniaux.

Sous les feux de la rampe 3

Rejoignez le processus Nyéléni vers un nouveau Forum Global Nyéléni pour la Souveraineté Alimentaire!

Le Comité International de Planification pour al Souveraineté Alimentaire (IPC) est l’alliance globale la plus large de petits producteurs alimentaires, incluant les paysans, les pêcheurs artisanaux, pasteurs et bergers, nomades, peuples et organisations indigènes, habitants des forets, paysans sans terre, producteurs urbains et travailleurs ruraux.

Le mouvement  pour al souveraineté alimentaire a été une partie dynamique du processus de transformation et d’élaboration de solutions; depuis son émergence comme plateforme globale pour l’interaction de mouvements sociaux des petits producteurs alimentaires et peuples indigènes, il a renforcé et autonomisé le combat pour le droit humain á l’alimentation, contre la dépossession et l’accaparement des terres, et influencé différents processus internationaux et donné une voix au peuple en vue d’une transformation radicale des systèmes alimentaires, tel que l’historique Forum Nyéléni de 2007 pour la Souveraineté alimentaire.

Aujourd’hui, nous faisons face á des crises qui se superposent et ont des racines profondes. économique, sociale, démocratique, environnementale, sanitaire, patriarcale et raciste.

La pandémie de Covid 19 est en train de devenir une crise sociale et économique profonde dans laquelle, les plus vulnérables seront á nouveau les plus durement touchés. manque d’accès aux soins de santé, perte d’emplois et de revenus. Une crise alimentaire majeure se pointe aussi á l’horizon dans beaucoup de régions, alors que les gens ne seront plus en mesure de s’acheter de la nourriture.

Les guerres actuelles sont devenues une opportunité pour de larges corporations, á travers la spéculation, la montée des prix des intrants pour la production alimentaire; les corporations transnationales (CTN) influencent de plus en plus les institutions internationales, inclus les agences et institutions de l’ONU, afin de bénéficier de politiques publiques et régulations favorables. A travers l’influence directe du Forum Economique Mondial (FEM) et d’autres espaces de haut niveau (non gouvernemental) dans les processus politiques, les corporations sont arrivées á transformer lentement les principes et pratiques de gouvernance des institutions onusiennes telles que la FAO, tout comme l’approbation d’aires naturelles protégées sous le prétexte de la protection de la biodiversité, afin de continuer la dépossession des territoires, ressources naturelles et actifs indigènes.

Face á cette situation, les processus de l’IPC de construction d’un espace d’échange et de convergence parmi els mouvements sociaux, puisqu’il est impératif, dans les circonstances actuelles, de faire avancer la lutte par le renforcement d’alliances avec d’autres mouvements globaux. Cela favorise le développement de stratégies collectives,  l’économie sociale, la protection des connaissances indigènes et des ressources génétiques, et l’action de soutien mutuel pour faire avancer notre vision de souveraineté alimentaire comme un pilier pour le changement structurel et le recul du capital global.

C’est pourquoi nous encourageons tous nos peuples, mouvements, organisations, collectifs et groupes de travail pour promouvoir les réunions locales et régionales afin de se préparer pour cette nouvelle étape de cette lutte pour un monde juste, résilient et uni. ceci est la perspective du prochain Forum Global Nyéléni pour la souveraineté alimentaire.

Bulletin n° 48 – Éditorial

Le processus Nyéléni : Vers un forum global pour la souveraineté alimentaire

Illustration: Rosanna Morris

Sous l’œil de Nyéléni, une femme africaine qui a défié les réglementations discriminatoires et brûlé de créativité et de progrès agricole, nous trouverons l’énergie pour transformer le droit à la souveraineté alimentaire comme un phare pour la construction d’un autre monde. Déclaration des femmes pour la Souveraineté Alimentaire

Alors que le monde vacille d’une crise à l’autre, Nyéléni symbolise la convergence de nos luttes et de nos engagements pour construire un monde sans cupidité, faim, exploitation, extractivisme, misogynie, racisme, discrimination et violence. Depuis 2007, Nyéléni est un espace où l’on se réunit pour construire des stratégies collectives pour faire avancer la souveraineté alimentaire, les droits à la terre et aux territoires, l’agroécologie et les droits de tous les petits producteurs. Nos articulations nous ont donné la force de nous organiser contre le capitalisme, le néolibéralisme, le pouvoir des entreprises, le patriarcat et l’écocide.

Les rencontres de Nyéléni en 2007, 2011 et 2015 ont permis au mouvement pour la souveraineté alimentaire d’établir les bases de notre future position dans de nombreuses négociations mondiales. Ces événements et les concepts qui en sont issus ont mené aux Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts, aux Directives volontaires visant à assurer la durabilité de la pêche artisanale dans le contexte de la sécurité alimentaire et de l’éradication de la pauvreté et à la mise en œuvre des droit des agriculteurs dans le contexte du Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture.

Mais dans le contexte mondial actuel, le mouvement pour la souveraineté alimentaire ne peut y arriver seul. Pour démanteler l’agro-industrie et le pouvoir des entreprises, ainsi que pour apporter des réponses globales aux crises systémiques persistantes et à la montée des forces conservatrices de droite, nous devons converger avec les organisations populaires confrontées à différentes formes d’oppression et de menaces. Ensemble, nous pouvons proposer de véritables alternatives pour tous et faire progresser la justice sociale, de genre, raciale, économique, intergénérationnelle et environnementale. Les rencontres Nyéléni sont donc essentielles pour construire des principes, des concepts et des stratégies partagés et renforcés par de nombreux mouvements dans différents secteurs, tout en défendant les plus vulnérables au niveau local.

CIP pour la souveraineté alimentaire,  Focus on the Global South, Les Amis de la Terre International, Crocevia et FIAN

Agroécologie en action

Agroécologie en action 1

Reproduction et échangedes semences

Les pratiques historiques de reproduc- tion des semences sur le site même et d’échange avec les voisines et les voi- sins constituent des stratégies fonda-mentales pour la souveraineté alimen- taire et l’agroécologie. Elles permettent l’élaboration, le développement et la conserva- tion de systèmes alimentaires diversifi és, com- plexes, autonomes et plus résistants. Grâce à la reproduction des semences, il est possible de disposer d’une quantité suffi sante de semences pour chaque famille ou ferme ainsi que de les planter au moment considéré comme le plus opportun. Ceci permet d’intégrer dans le système de reproduction la dynamique familiale et les conditions climatiques. En outre, comme le déclare Blanca, membre de la Red de Semillas Nativas y Criollas (Réseau des semences locales) d’Uruguay: “Lorsque tu produis ta propre semence, la semence vient «garantie», parce que tu sais ce que tu sèmes et quel va en être le comportement.” Comme la semence se développe dans les champs dans un dialogue permanent entre les producteurs/ productrices et l’environnement, sa gestion devient donc plus facile et elle s’adapte mieux aux conditions locales, ce qui la rend plus résistante et moins dépendante des in- trants. Les semences ainsi produites peuvent être utilisées à diverses fi ns: produire des ali- ments pour la famille et la communauté, ou les animaux, et comme engrais vert. Selon Pablo, également membre du Réseau, dans la región de Tacuarembó, en Uruguay: “L’échange est fondamental parce que si, une année, tu les perds, tu sais que ton voisin ou ta voisine en a. Ainsi, la communauté ne les perd jamais entièrement. C’est pourquoi le travail en groupe et en réseau est capital.” Dans le cas de notre réseau, Red Nacional de Semillas Nati-vas y Criollas, l’existence de 24 groupes locaux a permis de récupérer, reproduire et échanger des semences dans diverses conditions, en-richissant par-là les systèmes de production agroécologiques. L’autonomie ne se construit pas au niveau individuel mais au niveau du groupe ou de la communauté et en échangeant avec d’autres groupes et communautés. De plus, la pratique de l’échange enrichit les relations entre voisins et le tissus social tant comunautaire que regional et national. C’est pourquoi il est important pour le réseau d’organiser diverses formes de rencontres tout au long de l’année: rencontres locales de groupes, rencontres nationales et régionales; et tous les deux ans une rencontre nationale de tous les membres du réseau, hommes et femmes. Lors de ces rencontres, une fête est organisée avec des échanges de semences et de savoirs. Afi n de permettre la continuité de ce processus de de coévolution avec les semences, il est im- portant que les personnes puissent rester dans les campagnes. Il faut donc continuer à lutter pour que les gens puissent vivre et produire en se maintenant dans leurs territoires.

Agroécologie en action 2

L’agroécologie comme modèle de production

Ramrati Devi est une petite agricultrice de Gorakhpur dans l’Uttar Pradesh. Son mari était agriculteur mais comme beaucoup en Inde, il a abandonné suite une succession de maigres rendements conduisant à des pertes à chaque récolte. C’est alors que Ramrati à décidé de prendre les choses en main. Elle a rejoint le Laghu Seemant Krishak Mocha ou le Front des petits agriculteurs marginaux du Uttar Pradesh. Là, elle y a appris des pratiques agroécologiques. A l’aide de techniques agricoles biologiques, aujourd’hui, elle a transformé les choses autour de sa famille.
De simples pratiques comme les récoltes multiples sur son exploitation d’environ 0,4 hectare ont produit de bonnes récoltes et une diversité alimentaire. Elle fait pousser jusqu’à trente deux types différents de cultures y compris le blé, la
moutarde, la canne à sucre, l’ail, la coriandre, les épinards et les pommes-de-terre pour les besoins quotidiens de sa famille. Celle-ci composée de douze personnes dépend de cette production vivrière. Ramrati est un exemple à suivre ; à présent, elle prêche pour l’agroécologie.

En plus de son accent sur l’entretien de l’environnement et l’inclusion sociale par le biais d’un encadrement participatif, les modèles agroécologiques ont obtenus des résultats économiques impressionnants en terme de production, productivité, nutrition et efficacité.
Ils contribuent aussi considérablement à la souveraineté et sécurité alimentaire. Les modèles agroécologiques redéfinissent la relation entre les agriculteurs, l’agriculture et la nature où, au lieu de machine, les familles de fermiers sont à l’ouvrage ; au lieu d’intrants extérieurs coûteux, seuls les sous produits de l’exploitation sont utilisés sous forme de biopesticides et biofertilisants ; au lieu de monoculture, la biodiversité ; et où les agricultrices sont à pied d’égalité avec les agriculteurs faisant valoir leur expertise en graine, désherbage, battage et récolte.

L’agroécologie gagne rapidement en notoriété comme paradigme dominant pour les petits agriculteurs démunis dans le monde. Les agriculteurs adoptent cette technique de production non seulement pour en vivre mais aussi pour résister à la poussée du modèle industriel à travers la révolution verte et ensuite la révolution génétique. A l’heure où les coûts de production ne cessent d’augmenter parallèlement à l’endettement et aux suicides à grande échelle, les agriculteurs doivent changer leurs pratiques agricoles et s’orienter vers des pratiques plus holistiques et écologiques. La diversité des modèles agroécologiques tels qu’ils sont appliqués en Inde leur offre cette option sous forme d’agriculture naturelle, agriculture naturelle zéro budget, permaculture, agriculture biologique, Rishi Kheti.
De nombreux agriculteurs/rices comme Ramrati Devi doivent essaimer le paradigme agroécologique pour vaincre le capitalisme et l’agriculture néolibérale orientée vers l’export qui mettent en péril la survie de million de petits agriculteurs en Inde et dans le monde.

L’écho des campagnes

L’écho des campagnes 1

La lutte pour protéger la planète fait partie de notre lutte de tous les jours pour la vie

María Everarda, Guatemala, CONAVIGUA

Je m’appelle Everarda de León. J’ai 42 ans et je suis née dans la ville de Maya Achí. Je travaille pour le comité de coordination national des veuves du Guatemala (CONAVIGUA), une organisation membre de La Vía Campesina. Nous ne possédons pas de terres. À la place, nous louons des lopins dans lesquels nous semons des haricots, du maïs et des légumes. Aujourd’hui, les changements climatiques compliquent énormément la production. Nous croyons que c’est un résultat de la destruction de notre Terre mère. Depuis l’an 2000, même la production de cultures vivrières est devenue difficile. Le rendement des terres a dégringolé, les rivières se sont asséchées et les barrages hydroélectriques ont détruit nos coteaux.

La lutte pour protéger la planète fait partie de notre lutte de tous les jours pour la vie ; pour les capitalistes, la terre n’est qu’une autre marchandise. La propriété de la terre est de plus en plus concentrée, les fermes de plus en plus grandes. Nous voulons une réforme agraire complète fondée sur des principes et des valeurs. Cette réforme devra être inclusive, pas seulement pour assurer la souveraineté alimentaire, mais aussi la survie des communautés. J’ai deux enfants. La vie est très difficile pour les enfants de nos jours. Je pense que les luttes des femmes ont donné aux nouvelles générations la possibilité d’une vie digne. Elles ont ouvert la voie à la possibilité d’une vie rurale épanouie, en harmonie avec la Terre mère.

L’écho des campagnes 2

Il revient aux jeunes de réaliser le rêve d’une réforme agraire !

Zainal Fuad, Indonésie, SPI

Je m’appelle Zainal Fuad. Ma famille vit au Java oriental. Nous produisons de la cassave, du maïs et des arachides. Je siège au Conseil national de l’Indonesian Peasant Union (SPI, syndicat paysan de l’Indonésie) – lequel est aussi membre de La Via Campesina en Asie de l’Est et du Sud-est.
En Indonésie, avant l’indépendance, les Hollandais se sont emparés de millions d’hectares de terres. Même si après l’indépendance la terre a été nationalisée au moyen de réformes agraires qui ont commencé dans les années 1960, ce fut un échec à cause de la vague de capitalisme qui nous a frappés, que poussaient agressivement les grandes sociétés privées et l’État. Ce processus se poursuit même maintenant.

Le SPI milite en faveur de la réforme agraire en occupant des terres ! Nous avons ciblé l’occupation d’un million d’hectares de terres d’ici 2019, tout en faisant pression sur le gouvernement pour qu’il distribue environ 9 millions d’hectares. Ce mouvement est important pour nos paysans qui ne disposent que de très petites superficies ou sont sans terre. Nous avons besoin de terres pour subvenir à nos besoins. Sur les terres occupées, nous produisons en appliquant les méthodes agroécologiques et distribuons notre production à travers nos coopératives. C’est un grand défi que de mobiliser les jeunes et les garder sur la terre. Nous avons relevé ce défi parce que nous croyons qu’il revient aux jeunes de réaliser le rêve d’une réforme agraire !

L’écho des campagnes 3

Nous maintenons toujours une relation spéciale avec notre terre

Themba Chauke, Afrique du Sud, LPM

Je m’appelle Themba Chauke, membre du mouvement des sans terre (Landless People’s movement) d’Afrique du Sud. En Afrique du Sud, nous connaissons une des pires sécheresses dont on se souvienne. Causée par El Niño, elle fait augmenter de plus en plus le prix des aliments. Il est urgent que le gouvernement mette en œuvre une réforme agraire favorisant une forme d’agriculture que les gens peuvent comprendre. C’est ce que nous appelons l’agriculture paysanne ou l’agroécologie. Nous n’y utilisons pas d’intrants agrochimiques — à la place, nous utilisons ce que nous avons ainsi que les semences en notre possession. Ma famille provient de la région où se trouve maintenant le Parc national Kruger. Elle a été expulsée de ces terres à l’époque de l’apartheid, dans les années 1960. Mais nous maintenons toujours une relation spéciale avec notre terre d’origine et nous y pratiquons nos rituels. Lorsque je grandissais, j’allais souvent aux champs pour voir ce que ma communauté faisait sur les fermes — je voulais aider et apprendre. C’est ainsi que j’ai appris l’agriculture. Je dis même à ma jeune fille de 11 ans qu’elle doit respecter cette forme d’agriculture et qu’elle devrait toujours appuyer les petits paysans. Dans le réseau de La Via Campesina, les paysans et paysannes apprennent les uns des autres de nouvelles techniques d’agroécologie, une activité très importante dans le contexte actuel.

L’écho des campagnes 4

Être paysan signifie être fier!

Attila Szocs, Roumanie, Eco Ruralis

Je m’appelle Attila Szocs. Je suis un producteur de semences de la Roumanie et je suis membre d’une organisation paysanne appelée Eco Ruralis. Je produis des semences paysannes que je distribue dans notre réseau. Des membres d’Eco Ruralis et moi, nous travaillons une ferme collective située à proximité de notre siège social où nous produisons nos semences. À la Conférence internationale sur la réforme agraire, j’ai eu le plaisir de connaître le travail du MST et ses idées à propos de la gestion des terres. La réforme agraire est devenue un besoin urgent en Europe et en Europe de l’Est. En Roumanie, trois paysans disparaissent chaque heure et le pays adopte l’agro-industrie. C’est important de garder les paysans et paysannes sur la terre et aussi de s‘assurer que nos jeunes se passionnent pour l’agriculture. La réforme agraire constitue une alternative. Nous avons besoin de ce concept pour produire de manière agroécologique et les paysans roumains sont les seules personnes qui peuvent le faire dans la société roumaine. C’est aussi important que La Via Campesina soit présente en Roumanie. L’énergie et l’enthousiasme du mouvement sont une inspiration et il est important pour nos membres d’observer cette énergie et de savoir qu’être paysan signifie être fier.