L’écho des campagnes

L’écho des campagnes 1

Micherline Islanda, Union des petits producteurs de Haïti (Tet Kole Ti Peyizan Ayisyen), Haïti

Les « systèmes alimentaires » désignent toutes les étapes requises pour nourrir une population : la culture, la récolte, l’emballage, le transport, le marketing, la consommation et le recyclage.

L’accès aux terres est très difficile en Haïti et c’est un obstacle majeur à la souveraineté alimentaire. Le système alimentaire industriel prédominant n’est pas durable car il ne produit pas assez d’aliments nourrissants et adaptés culturellement pour tout le monde. De plus, il est nocif pour la planète. L’agriculture industrielle fait partie des plus gros pollueurs et met en péril la survie des générations à venir. 

Pour répondre à ces défis, nous organisons des sessions de formation suivant les causes pour lesquelles LVC lutte. Nous organisons les jeunes et nous retrouvons pour remonter à l’origine de cette hégémonie et exploitation économiques. Nous analysons les actions de l’État ainsi que les entraves structurelles et systémiques qui empêchent les paysans de posséder ou accéder à nos territoires. Nous travaillons aussi sur les sujets de la domination sociale et culturelle, l’accès au crédit, le marketing, la transformation, l’artisanat, la pêche et la pisciculture, le bétail, les baux, l’environnement, les infrastructures, le tourisme, les ressources minières et énergétiques, l’accès à l’eau potable et l’assainissement. Nous étudions les systèmes agroécologiques locaux nécessaires pour parvenir à la souveraineté alimentaire. Nous pratiquons et partageons une production agricole reposant sur des pratiques d’agriculture familiale.

L’écho des campagnes 2

Chengeto Sandra Muzira, Forum des petits agriculteurs biologiques du Zimbabwe (ZIMSOFF),  Zimbabwe

En Afrique, les jeunes paysans organisés au sein de La Via Campesina sont des acteurs incontournables dans la promotion de l’agenda agroécologique. Nous jouons un rôle déterminant dans la sensibilisation et l’information sur l’agroécologie auprès du grand public à travers divers canaux et événements. Malheureusement, le manque de politiques publiques adéquates ou d’aides financières publiques aux jeunes paysans ainsi que l’appropriation croissante des graines des paysans par l’industrie représentent des obstacles majeurs pour la jeunesse zimbabwéenne.

Plusieurs organisations du sud, de l’ouest et de l’est de l’Afrique se sont considérablement engagées pour répondre à ces difficultés en organisant des ateliers de renforcement des capacités dans les pratiques agroécologiques. Les jeunes paysans sont aussi appelés à interpeller les différents ministères de l’agriculture durant la rédaction des politiques et leur mise en application. Les jeunes paysans de nos organisations suivent également des formations sur les dernières avancées technologiques ainsi que sur les débouchés et les menaces. Par exemple, nos ateliers tournaient autour des dangers causés par les OGM sur le continent africain et la numérisation de l’agriculture. 

Des organisations comme Kenya Peasants’ League, le Forum des Agriculteurs de l’est et du sud de l’Afrique (ESAFF) en Ouganda, le Forum des petits agriculteurs biologiques du Zimbabwe (ZIMSOFF), le Mouvement des sans-terre ; les pays d’Afrique occidentale et centrale, l’União Nacional de Camponeses (UNAC) et la Confédération Paysanne du Congo (COPACO) ont continué à étendre le réseau et échanger des connaissances entre jeunes paysans et agriculteurs par le biais de séminaires, conférences et symposiums sur l’agroécologie.

L’écho des campagnes 3

Marlan Ifantri Lase, Serikat Petani Indonésie

La menace d’une crise alimentaire peut être atténuée en Indonésie car à de nombreux égards nous sommes toujours une société agricole forte. Pourtant, l’Indonésie compte sur des importations alimentaires comme le riz, la viande, le blé ou encore le sucre. En raison d’une application continue de la « sécurité alimentaire » comme approche au développement agricole et rural, les importations alimentaires menacent notre société.

Le gouvernement doit accélérer l’application de la réforme agraire et protéger nos marchés locaux, afin de permettre aux producteurs d’aliments de vivre dignement, pour rendre la paysannerie et l’agriculture/production d’aliments attractives pour les jeunes.

Serikat Pateni Indonesia a permis la création de zones pour la souveraineté alimentaire (KDP) sur nos terres et territoires agricoles. KDP représente une zone où nous utilisons les ressources naturelles de manière agroécologique. Nous nous tournons vers l’agroécologie pour produire des aliments en quantités suffisantes, surs, sains, nourrissants et durables pour et par les personnes. Nous soutenons les moyens de subsistance en associant les récoltes aux marchés paysans dynamiques sur nos territoires. Nous promouvons et pratiquons un système économique de coopératives pour garantir des prix justes pour le bien des paysans et des consommateurs locaux.

L’écho des campagnes 4

Vimukti (Anuka) De Silva, Mouvement pour une réforme nationale foncière et agricole, Sri Lanka

L’instabilité économique, politique et sociale dans des sociétés dépendantes de la dette comme le Sri Lanka anéantit les rêves des jeunes. Les jeunes paysans, déjà vulnérables à bien des égards, sont face à un avenir inquiétant. Beaucoup d’entre nous désespèrent et partent vers les villes ou à l’étranger pour occuper des postes dangereux et instables. Les prêts de microfinance ont enfermé les femmes et les familles rurales dans un cercle vicieux d’endettement et d’indignité. Nous avons créé le Mouvement pour une réforme nationale foncière et agricole, et nous ne cessons d’œuvrer pour un processus politique et économique alternatif en mobilisant les jeunes, pour qu’ils fassent valoir leurs droits. Le modèle capitaliste dominant voit les aliments comme une marchandise qui se vend. La production alimentaire au sein du système capitaliste ne répond en aucun cas à la famine. Aussi, nous nous tournons vers l’agroécologie et la souveraineté alimentaire qui sont des véritables solutions pour la société et la chaîne alimentaire.

Encadres

Encadré 1

Les jeunes paysans africains dans la défense de l’agroécologie

Extrait d’une Déclaration de l’articulation des jeunes de La Via Campesina en Afrique du Sud et de l’Est.

Nous, les jeunes paysan·nes, membres de La Via Campesina en Afrique du Sud et de l’Est sommes persuadés que l’agroécologie a la capacité de restaurer les écosystèmes agricoles dégradés, y compris la perte de biodiversité, et de nourrir durablement les populations en pleine expansion de nombreux pays africains. Les systèmes de production agroécologiques sont diversifiés et améliorent la santé et les services des écosystèmes, ce qui rend les écosystèmes plus résistants aux conditions climatiques changeantes, réduit de manière significative les émissions de gaz à effet de serre et s’attaque aux barrières socio-économiques qui perpétuent les injustices et les inégalités dans nos systèmes alimentaires. En outre, l’approche de l’agroécologie paysanne est transversale, contribuant de manière importante à diverses couches et dimensions des contextes sociaux locaux.

Nous sommes aussi persuadés que l’agroécologie est le meilleur moyen de s’adapter au changement climatique et d’en atténuer les effets. Elle utilise des techniques agricoles telles que la diversification des cultures, le labour de conservation, les engrais verts, les engrais naturels, la lutte biologique contre les parasites, la récupération des eaux de pluie et la production de cultures et de bétail dans des conditions qui permettent de stocker le carbone et protéger durablement les biens communs.

Nous demandons aux gouvernements de prendre des mesures concrètes pour mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysan·nes et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP) qui établit des mécanismes pour que les voix des communautés rurales soient entendues et souligne que les petit·es agriculteur·trices, en particulier les jeunes, ont le droit de protéger et de conserver les ressources de production et la capacité de production de leurs terres. Nos gouvernements doivent soutenir la création des conditions permettant de renforcer le développement des compétences des jeunes afin de créer des opportunités éthiques et profitables dans des domaines et les activités qui protègent et restaurent les écosystèmes. Il est impératif de soutenir les exploitations familiales paysannes de toutes les manières possibles, car elles sont des acteurs clés de l’agroécologie et une voie essentielle pour parvenir à la justice climatique. 

Encadré 2

Les jeunes paysans latino-américains dans la défense de la souveraineté alimentaire

Extrait d’une Déclaration des jeunes représentant·es de 11 pays des régions d’Amérique du Sud, d’Amérique centrale, d’Amérique du Nord et des Caraïbes.

Comme dans d’autres secteurs productifs du monde, les impacts de la pandémie de Covid-19 se sont révélés extrêmement négatifs dans le secteur agricole, générant une grande perte économique pour les paysan·nes. Les petits et moyens producteur·rices ont été touché·es, sans même bénéficier de soutien gouvernemental dans certains des pays. Ceci a aggravé la situation créée par le Covid-19 et augmenté la crise sociale, politique, sanitaire et économique.

Nous réaffirmons notre engagement à défendre l’agroécologie comme un principe fondamental dans la lutte pour la souveraineté alimentaire et les droits des paysan·nes. Nous sommes solidaires avec Cuba, Haïti, Porto Rico, le Nicaragua, le Venezuela ou encore la Colombie pour leur résistance face à l’ingérence des pays capitalistes et néolibéraux, où l’agrobusiness et les sociétés transnationales continuent leur assaut de masse. Nous dénonçons la criminalisation des luttes, qui mine la souveraineté et l’autonomie des peuples, qui provoque des déplacements et force à la migration et, dans certains pays, aggrave la pauvreté. Nous demandons que soient garantis le respect de l’égalité des sexes, les droits fondamentaux de l’ensemble de la population et une vie exempte de violence et d’insécurité. Nous demandons que soit garanti le droit universel à la santé, et dénonçons la concentration des vaccins contre le Covid-19, dont le monopole est détenu par les pays riches, violant ainsi le droit à la santé des pays les plus pauvres.

Encadré 3

L’avenir de l’agriculture familiale : Parlons du renouvellement générationnel

Participation du Comité international de planification pour la souveraineté alimentaire (CIP).

L’avenir de l’agriculture familiale, notamment l’agriculture, la pêche et l’élevage, est en péril pour de multiples raisons : les conséquences du changement climatique, la perte des savoirs traditionnels et les effets néfastes de politiques alimentaires qui, à différentes échelles, privilégient les grandes entreprises plutôt que les petits exploitants et les profits plutôt que le droit à l’alimentation. La combinaison de ces facteurs mène à une diminution progressive des petites exploitations, mettant ainsi en danger la sécurité alimentaire mondiale. Dans ce contexte déjà tendu, les difficultés pour assurer un renouvellement générationnel constituent un danger supplémentaire pour l’agriculture familiale.

Selon le Plan d’action global de la Décennie des Nations Unies pour l’agriculture familiale, le « renouvellement générationnel » consiste à « faire en sorte que les jeunes restent dans les exploitations et dans les communautés rurales ». Le plan en fait l’une des principales conditions pour que l’agriculture demeure « viable et durable ». Dans son rapport récent sur l’engagement et l’emploi des jeunes dans les systèmes agricoles et alimentaires, le Groupe d’experts de haut niveau du Comité des Nations Unies de la sécurité alimentaire mondiale évoque la notion de « durabilité générationnelle » et la définit comme « la collaboration intergénérationnelle et l’équilibre changeant et dynamique entre les générations ». Dans le rapport, le renouvellement générationnel est lié au degré de participation des jeunes dans les systèmes alimentaires et notamment : « un équilibre intergénérationnel atteint et nourri avec soin, et un échange multidirectionnel de connaissances propres à chaque génération, des stratégies sur les ressources et moyens de subsistance peuvent favoriser le rôle des jeunes à la tête d’une innovation fructueuse venant de l’intérieur pour les systèmes alimentaires, et pour qu’ils contribuent à des transformations agraires, rurales et urbaines durables. »

Quels sont les obstacles au renouvellement des générations dans l’agriculture familiale ? Et quelles approches, politiques et actions sont nécessaires pour surmonter ces obstacles et assurer la durabilité générationnelle tout en répondant aux besoins et aspirations des différentes générations ?

Entre mai et octobre 2022, le groupe de travail Jeunes du Comité international de planification pour la souveraineté alimentaire (CIP) a mené une consultation mondiale ciblée pour répondre à ces questions. Ce fut l’occasion de donner aux Jeunes et autres membres du CIP du monde entier un espace pour se réunir, discuter de leurs besoins et échanger des idées. Même si l’analyse des résultats n’est pas encore terminée, la consultation a mis en lumière l’existence de nombreuses entraves communes à toutes les régions du CIP. Quelques exemples :

    • La marginalisation des agriculteurs familiaux dans les systèmes alimentaires, notamment à cause d’environnements légaux et juridiques peu favorables.

    • Le manque de services légaux appropriés, qui permettraient des politiques et des infrastructures physiques propices au transfert intergénérationnel des ressources naturelles, des actifs agricoles, des connaissances et compétences, en particulier en dehors du domaine familial.

    • La reproduction des obstacles socioculturels ancrés dans le patriarcat et le colonialisme complique voire empêche l’accès aux droits d’héritage pour les jeunes femmes, les minorités de genre et de sexe, et les jeunes indigènes.

    • La faible rentabilité de l’agriculture familiale rend difficile voire impossible pour les jeunes de vivre de leur activité de paysan/producteur alimentaire.

    • Le déclin de l’attractivité de l’agriculture familiale pour les jeunes en raison de la stigmatisation sociale persistante autour de l’activité de paysan et le manque de respect envers le statut social d’agriculteur familial.

    • Le déclin de l’attractivité de l’agriculture familiale pour les jeunes au vu des difficultés émergentes engendrées par le changement climatique sur la production alimentaire.

    • L’exode croissant des jeunes des campagnes vers les zones urbaines dû au manque d’infrastructures et services appropriés pour répondre aux besoins de la jeunesse rurale d’aujourd’hui.

    • La marginalisation des jeunes dans les espaces de prise de décision à différents niveaux (régional, national, international), rendant ainsi leur participation purement symbolique, les prive de la possibilité d’être protagonistes.

    • Le manque d’espaces adéquats pour permettre que les dialogues intergénérationnels sur le renouvellement des générations soient un processus bilatéral et non un transfert unilatéral des plus anciens vers des plus jeunes.

Lors de la consultation, le groupe de travail Jeunes du CIP a souligné l’importance de continuer à travailler en priorité sur le renouvellement des générations dans l’agriculture familiale. Il a également appelé à poursuivre la collaboration étroite avec d’autres groupes de travail, dans toutes les régions et les circonscriptions, car le sujet concerne tout le monde et pas seulement les jeunes. L’objectif pourrait être d’établir une position commune au sein du CIP et une stratégie internationale pour renforcer le renouvellement des générations dans l’agriculture familiale. Les Jeunes ont également évoqué la nécessité de se servir des résultats de la consultation pour continuer à influencer les actions et le travail de la FAO, en particulier dans le contexte de la DNUAF.

Encadré 4

L’estaca

Dans cette vidéo, les jeunes paysans d’Europe, sous l’égide de la Coordination Européenne de La Via Campesina (ECVC) entonnent la chanson populaire de protestation L’estaca du compositeur catalan Lluís Llach, symbole de la résistance contre le franquisme. La chanson compare le fascisme et toutes les formes d’oppression à un poteau (« l’ estaca ») auquel nous sommes tous enchaînés, mais que nous pouvons faire tomber si nous tirons assez fort tous ensemble. Les paroles ont été traduites dans de nombreuses langues, en faisant ainsi un hymne universel de libération de toute forme de régime autoritaire et oppressif. Elles appellent à l’unité pour parvenir à se libérer.

Chanson originale en catalan :

Pour découvrir la traduction de la chanson en français, cliquez ici.

L’avi Siset[1] em parlava
de bon matí al portal
mentre el sol esperàvem
i els carros vèiem passar.

Siset, que no veus l’estaca
on estem tots lligats?
Si no podem desfer-nos-en
mai no podrem caminar!

Si estirem tots, ella caurà
i molt de temps no pot durar,
segur que tomba, tomba, tomba
ben corcada deu ser ja.

Si jo l’estiro fort per aquí
i tu l’estires fort per allà,
segur que tomba, tomba, tomba,
i ens podrem alliberar.

Però, Siset, fa molt temps ja,
les mans se’m van escorxant,
i quan la força se me’n va
ella és més ampla i més gran.

Ben cert sé que està podrida
però és que, Siset, pesa tant,
que a cops la força m’oblida.
Torna’m a dir el teu cant:

Si estirem tots, ella caurà
i molt de temps no pot durar,
segur que tomba, tomba, tomba
ben corcada deu ser ja.

Si jo l’estiro fort per aquí
i tu l’estires fort per allà,
segur que tomba, tomba, tomba,
i ens podrem alliberar.

L’avi Siset ja no diu res,
mal vent que se l’emportà,
ell qui sap cap a quin indret
i jo a sota el portal.

I mentre passen els nous vailets
estiro el coll per cantar
el darrer cant d’en Siset,
el darrer que em va ensenyar.

Si estirem tots, ella caurà
i molt de temps no pot durar,
segur que tomba, tomba, tomba
ben corcada deu ser ja.

Si jo l’estiro fort per aquí
i tu l’estires fort per allà,
segur que tomba, tomba, tomba,
i ens podrem alliberar.

[1] « Siset » est le surnom de « Narcis ». Il pourrait s’agir là d’une référence à Narcís Llansa, un vieil homme avec qui Lluís Llach allait pêcher lorsqu’il était jeune.

Sous les feux de la rampe

Sous les feux de la rampe

Dérèglements climatiques, Covid-19 et conflits armés ont ébranlé toute l’économie mondiale, et ces crises simultanées affectent la sécurité alimentaire mondiale de manière inédite.

La pandémie de Covid-19 a exacerbé la crise alimentaire mondiale actuelle. En 2020, 3,1 milliards de personnes n’avaient pas les moyens de s’offrir une alimentation saine, et en 2021, près de 2,3 milliards de personnes se trouvaient en situation d’insécurité alimentaire modérée à élevée.

L’indice FAO des prix des produits alimentaires par l’ONU a enregistré des records historiques, c’est la preuve que la crise alimentaire mondiale s’est encore aggravée en mars 2022. En cause, des déséquilibres entre l’offre et la demande en céréales, graines oléagineuses, carburants et engrais engendrés par une série de conflits et guerres géopolitiques.

Pourtant, les causes de l’insécurité alimentaire sont étroitement liées à la pauvreté structurelle et les accords commerciaux injustes entre États. À l’instar des crises des prix des produits alimentaires de 2008 et 2011, la crise actuelle est fortement affectée par la spéculation financière et la volatilité des prix sur les marchés mondiaux.

La Via Campesina (LVC) et nos alliés du mouvement pour la souveraineté alimentaire dans le monde continuent de s’opposer à l’agro-industrie et aux fausses solutions du néolibéralisme. Nous nous mobilisons et nous organisons pour défendre des mesures réelles et populaires pour un grand changement social. Mettons fin à l’OMC ! Rendons le commerce international respectueux des droits des paysans, de l’agroécologie et de la souveraineté alimentaire !

Les jeunes sont les protagonistes de la transformation sociale 

Les jeunes sont des sujets politiques avec un rôle unique à jouer dans l’exercice du contrôle démocratique des systèmes alimentaires. Tout d’abord, les jeunes ont le devoir d’apprendre du passé. Une analyse historique des difficultés sociales, économiques, et environnementales est nécessaire pour coordonner des stratégies efficaces et des actions concrètes pour traiter les causes à la source.

Il incombe également aux jeunes d’analyser le présent avec clarté et précision, avec la perspective de cette génération en particulier en utilisant des notions comme celle de souveraineté alimentaire et des outils comme l’UNDROP[1] dont nous nous sommes dotés grâce aux processus de formation de LVC.

De plus, les jeunes doivent impérativement continuer à chercher des solutions aux problèmes actuels tout en œuvrant pour garantir les droits et le bien-être des générations à venir. 

Les jeunes sont en première ligne de la lutte pour la souveraineté alimentaire. Ils jouent un rôle majeur dans la mobilisation et l’émergence d’un nouveau leadership. Au cours de la dernière décennie, plusieurs membres de notre mouvement pour la souveraineté alimentaire dans le monde, à l’origine de la rencontre de Nyéléni au Mali en 2007 et présents à l’événement, ont rappelé la nécessité que les jeunes paysans et militants reprennent le flambeau et continuent le combat. Ainsi au fil des années, grâce à des espaces comme le Comité international de planification pour la souveraineté alimentaire (CIP) entre autres, nous avons formé un front unifié et créé des plateformes de formation et pédagogiques pour les jeunes du mouvement issus des communautés paysannes, indigènes, de la pêche et de l’élevage.

Grâce à des occasions pleines de sens pour impliquer les jeunes à tous les niveaux de la lutte pour la souveraineté alimentaire, nous sommes de plus en plus intégrés au mouvement. De plus, grâce à nos espaces organisés de manière autonome nous avons pu définir nos priorités politiques et nos propositions d’action.  

Les jeunes exigent des solutions radicales à la crise alimentaire actuelle

Depuis trois décennies, des mouvements sociaux de la base ont accru la pression sur les gouvernements pour une démocratisation politique et économique des systèmes alimentaires et agricoles. Dès le début, nous avons milité pour une participation directe et efficace des organisations paysannes et indigènes dans l’élaboration, la mise en application et le suivi des politiques agricoles et programmes de développement rural.

Des sujets de fond ayant mené à la création du mouvement pour la souveraineté alimentaire mondiale restent d’actualité et sont au premier rang de nos priorités politiques actuelles, à savoir la dette extérieure, le commerce international, la protection de l’environnement mais aussi l’agroécologie, l’égalité des sexes, et les droits des femmes, de la communauté LGBTTQI+ et des paysans. Les jeunes hissent l’étendard de cette cause lors de mobilisations massives, de campagnes de communication et de processus d’éducation politique. Nous progressons également dans les négociations législatives et nos efforts de militantisme au sein des espaces de l’ONU.

Par exemple, entre mai et octobre 2022, les jeunes de LVC ont pris part à des consultations organisées par le Comité international de planification pour la souveraineté alimentaire (CIP) en collaboration avec la FAO et dans le cadre de la Décennie des Nations unies pour l’agriculture familiale (DNUAF). Les consultations régionales se sont intéressées au Pilier 2 de la Décennie[2] concernant des thèmes comme la migration des jeunes, les inégalités des sexes, l’accès aux terres et au marché et le transfert intergénérationnel des ressources de production et des connaissances. Ce processus a permis d’identifier les défis communs et de discuter des approches politiques sur la question du renouvellement générationnel dans l’agriculture paysanne. Ses résultats doivent participer à la mise en application du Plan d’action mondial de la Décennie. Les consultations ont clairement mis en évidence que les besoins en réformes agraires globales et réelles, formation en agroécologie et plans adéquats d’héritage des exploitations sont pressants pour permettre aux jeunes d’avoir un avenir en zone rurale.

En juin, les jeunes se sont mobilisés contre la 12e Conférence ministérielle de l’OMC organisée à Genève. Nous avons contribué aux débats internes pour l’analyse contextuelle de la crise alimentaire mondiale mais aussi pendant des événements publics dans des espaces militants et universitaires. Les jeunes se sont aussi fortement engagés au sein de la délégation restée à Genève pour défendre la cause des droits des paysans auprès du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Nous avons organisé et participé à des réunions avec des représentants des États membres afin d’évaluer leur volonté politique de soutenir une future résolution du Conseil pour lancer une procédure spéciale pour la mise en application de l’UNDROP, la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales.

Nous avons également été acteurs d’un processus législatif au sein du Comité de la Sécurité Alimentaire Mondiale des Nations Unies (CFS) intitulé « Promouvoir la participation et l’emploi des jeunes dans l’agriculture et les systèmes alimentaires ». Depuis plus de deux ans, nous coordonnons et participons activement au groupe de travail des jeunes du Mécanisme de la Société Civile et des Peuples Autochtones (MSCPA).

Nous avons désormais des possibilités politiques pour organiser au niveau national et pour faire pression sur les États, pour qu’ils appliquent les aspects plutôt positifs du document juridique du CFS, comme les recommandations sur les droits humains, la dignité des moyens de subsistance, les marchés informels, les commandes publiques, l’agriculture urbaine, des politiques transformatrices de genre ainsi que les liens établis entre la DNUAF et les références aux réformes de redistributions dans le cadre des Directives volontaires sur les baux fonciers du CFS.  

La durabilité et l’impact pérennes de notre mouvement collectif pour la souveraineté alimentaire reposent sur la création et l’élargissement de nos alliances avec les secteurs alliés, en unissant nos forces à celles de mouvements urbains et ruraux, et avec des syndicats de travailleurs. Une importance égale doit aussi être accordée à l’organisation de processus qui reposent en grande partie sur des engagements faisant sens et sur la formation des jeunes dans tout le mouvement et dans les secteurs alliés. La continuité, la cohérence et la pertinence actuelle du mouvement pour la souveraineté alimentaire dépendent du renouvellement des générations à travers le renforcement des capacités pour les jeunes, l’ouverture d’un dialogue intergénérationnel et la mobilisation de toutes et tous pour une vraie transformation sociale.

[1]  Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP en anglais).

[2]  Pilier 2 – Transversal. Soutenir les jeunes et veiller à ce que l’agriculture familiale s’inscrive à travers les générations

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Bulletin n° 50 – Éditorial

Jeunesse et démocratisation des systèmes alimentaires

Illustration: Sophie Holin pour LVC, Instagram: @soph.ieholin

Décembre débute. Une année de plus dans le cycle de la vie touche à sa fin, l’occasion de rechercher espoir et solidarité face à des difficultés immenses. La planète est en proie à la hausse des températures, des événements météorologiques imprévisibles, la pauvreté extrême, la faim, des guerres, des conflits et la violence.

Un système qui a placé les intérêts et les bénéfices d’un petit nombre au profit de la majorité a provoqué cette catastrophe. Le système alimentaire industriel mondial en est la preuve. C’est l’une des plus importantes sources de pollution au monde. Il consomme deux tiers des ressources mais ne peut nourrir qu’un quart de la population mondiale, et est l’origine de pratiques destructrices et polluantes à toutes les étapes de la chaîne d’approvisionnement.

À l’inverse, l’agriculture paysanne nourrit encore actuellement 70 % de la population mondiale tout en assurant des cycles de production, distribution et consommation alimentaires sains et harmonieux.

Le temps est venu de rappeler aux institutions de gouvernance alimentaire et aux gouvernements du monde que pour résoudre la crise alimentaire mondiale, les communautés paysannes, les peuples indigènes, les travailleurs migrants, les travailleurs agricoles, les artisans pêcheurs, les éleveurs et bergers doivent jouir du pouvoir et de l’autonomie pour assurer la souveraineté alimentaire sur nos territoires. Rassemblons-nous derrière les systèmes alimentaires conçus par et pour les personnes, d’une manière agroécologique qui respecte le cycle de la vie sous toutes ses formes. Les conditions disponibles pour que les jeunes et futurs producteurs à petite échelle se lancent dans le processus de production seront aussi un élément déterminant pour la protection et la multiplication de ces systèmes alimentaires divers, décentralisés et résilients. Ce numéro de la newsletter Nyéléni s’intéresse à la démocratisation des systèmes alimentaires des personnes et la nécessité impérieuse de protéger le rôle et l’avenir des jeunes agriculteurs dans ce processus.

L’articulation des jeunes de La Via Campesina

L’écho des campagnes

L’écho des campagnes 1

Fabriquer des aliments ou les produire ? Europe, nouveaux et anciens OGM, une bataille de plus de 30 ans

Antonio Onorati, ECVC, Italia

L’Union européenne, premier exportateur mondial de produits agricoles et premier importateur mondial, possède un système agricole basé sur de petites exploitations, dont 77% ont une taille inférieure à 10 hectares et 69% une taille économique inférieure à 8 000 €. Mais 4 des 6 entreprises qui contrôlent le marché mondial des semences sont européennes, dont la première avec un volume de ventes 3 fois plus important que la seconde. Le pouvoir de marché des entreprises sur le marché des semences – déjà très concentré – augmente lorsqu’on passe du marché des semences conventionnelles à celui des semences OGM, et de celui-ci au marché du contrôle des informations génétiques numérisées (DSI). Dans ce contexte, la stratégie du mouvement paysan, également partagée par de nombreux mouvements environnementaux, ne peut s’articuler que sur plusieurs niveaux. De la mobilisation avec des actions directes de désobéissance, comme le fauchage des champs ensemencés d’OGM – anciens ou nouveaux – à l’action juridique et au recours aux tribunaux, comme l’action à la Cour de justice européenne, qui bloque actuellement toute tentative de ne pas appliquer la législation actuelle sur les « nouveaux » OGM (NGT, produits avec CRISP ou mutagenèse assistée in vitro[1]). Mais aussi la construction d’une législation utile pour protéger le système semencier paysan et empêcher la culture d’ OGM (comme en Italie, pays à l’agriculture « sans OGM » depuis 2000 ou en France).

Il s’agit d’une question purement politique : comment une société veut que sa nourriture soit produite. C’est pourquoi la mobilisation doit se poursuivre.

Plus d’info ici et ici.  

L’écho des campagnes 2

Systèmes semenciers paysans et mise en œuvre des droits des agriculteurs dans la cadre juridique national – Cas du Mali

Alimata Traore, COASP – Mali Comité ouest africain semences paysannes, Mali

Nos semences paysannes sont librement reproductibles et grâce à nos pratiques et savoirs faire, nous les sélectionnons en les ressemant chaque année dans nos champs. Grâce à leur diversité, elles évoluent et s’adaptent à nos besoins, à nos champs, à nos techniques.

Nos semences paysannes sont notre identité, elles sont notre vie.

Nos organisations paysannes ont organisé des espaces d’information et de formation sur les droits des agriculteurs. Après avoir analysé l’état de leur mise en œuvre dans nos lois nationales, nous avons dialogué avec les représentants de notre gouvernement, avec les points focaux TIRPAA (Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture ) et CDB (Convention sur la diversité biologique).

Ensemble, en 2017, nous avons créé un cadre de concertation national dont le mandat est de faire reconnaitre les systèmes semenciers paysans et les droits des agriculteurs dans les lois nationales et en assurer la mise en œuvre. Placé sous la présidence du ministère de l’agriculture, le secrétariat est assuré par la CNOP (Confédération Nationale des Organisations Paysannes). Les bases de nos propositions étaient les suivantes :

1.  Une définition claire des variétés paysannes (y compris traditionnelles et locales).

2.  La reconnaissance des règles spécifiques qui garantissent la qualité de nos systèmes semenciers paysans, et assurent la protection des connaissances paysannes à travers les droits collectifs définis par la communauté selon ses us et coutumes.

3.  Le droit des paysans et paysannes de vendre leurs semences paysannes sans obligation d’enregistrement au catalogue officiel.

4.  Le droit des paysans et de leurs organisations de participer à la prise de décision avec des mécanismes garantissant la transparence.

5.   le soutien et le renforcement des systèmes semenciers paysans, des  maisons de semences paysanne[2], des fêtes et foires de semences paysannes.

L’écho des campagnes 3

Nous avons besoin de races de bétail pour combattre les pandémies á venir

Tammi Jonas –  Alliance australienne pour la souveraineté alimentaire

Les fermiers australiens produisent 93% de la nourriture que nous mangeons, même en exportant quelques 70% de ce qui est cultivé est exporté, et la perspective d’exportation est cadrée sur un discours moralisateur prétendant que l’agriculture australienne « nourrit le monde ». Toutefois, la réalité est que les exportations sont dirigées non pas aux pays souffrant de large insécurité alimentaire, mais plutôt aux marchés á haute valeur dans les économies développées et aux classes moyennes dans les pays en développement ».[3]

Ce paradigme productiviste a conduit á un déclin constant dans la diversité des races d’élevage en Australie et de manière globale, et dans le Nord Global, 90% du bétail provient de seulement 6 races, dont 20% de races en risque d’extinction.[4] Un déclin dans la diversité des races signifie une perte de bétail adapté aux conditions locales et á la vie en pâturage, mais aussi le danger de créer ce que Rob Wallace appelle « de la nourriture á grippe » – parce que « cultiver de vastes monocultures supprime les freins immunogénétiques qui dans les populations plus diverses coupent les hausses en flèche des transmissions. »[5] L’incidence globale du COVID 19, le Virus Japonais d’Encéphalite plus que jamais répandu en Australie du Sud, et á présent la maladie des pieds et de la bouche comme menace régionale croissante rendent encore plus évident l’urgence de stopper cette diminution de la diversité génétique et arrêter d’élever le bétail dans des conditions malsaines aussi intensives.

En Australie, il existe un mouvement croissant de petits exploitants qui élèvent des races de bétail rares et patrimoniales afin d’inverser cette tendance, collectivisé dans l’alliance Australienne pour la souveraineté alimentaire (AFSA) et soutenu dans leurs efforts de conservation in situ par l’alliance des Races Rares d’Australie. Dans un monde de pandémie, les démarches pour conserver et promouvoir la diversité aux niveaux génétique, des espèces et écosystèmes sauveront littéralement des vies.

L’écho des campagnes 4

Agroécologie, agrosylviculture et gestion communautaire des forets: instruments puissants de défense des droits des peuples, des moyens de subsistance et des biens naturels des forets.[6]

Nuie anak Sumok – Asociación de Residentes de Sungai Bur, Sarawak, Malasia

Connue par ses amitiés comme la Femme Merveille, pour son éthique de travail, Nuie anak Sumok lutte pour sa famille, sa communauté et l’environnement en produisant sur sa parcelle á coté de la route Sungai Buri, au nord-est de Sarawak, en Malaisie.

« Avec le groupe de femmes et l’Association des Résidents de Sungai Buri sur la côte nord-est de Sarawak, nous avons consolidé notre résistance face á l’imposition des monoculture de palmiers á huile au travers de l’agroécologie, l’agrosylviculture et la gestion communautaire des forets. Avec ces pratiques nous avons aussi inversé les dommages provoqués par ces monocultures et la coupe des forets, en défiant le modèle de développement destructeur.

Nous en pouvons pas nous donner el luxe de planter seulement une seule culture, nous devons faire en sorte que cela soit plus bénéfique pour nous. Et personne ne peut nous dire que faire.

Nous avons du piment, de l’ananas, les courgettes, bananes, des espèces forestières natives, du daung long, … et la foret nous donne les semences, les arbres fruitiers, d’autres aliments, de l’eau, du bois, du combustible, un refuge, la biodiversité, le miel, les médicaments et les aliments pour les animaux. Aussi des matériaux pour faire notre artisanat. Nous faisons tout notre possible pour aider la communauté á planter des espèces locales d’arbres.

Avec des organisations sœurs de Marudi, Long Miri et Long Pilah nous établissons un schéma d’échange des semences où différents groupes collectent  des semences de leur localité -merbau, jelayan, rattan, engkabang, meranti- et des arbres fruitiers comme le durian et le langsat, et nos viviers s’enrichissent.

Avec ce travail, nous protégeons nos droits et ceux de toutes les communautés, ainsi que nos moyens de subsistance et les biens naturels des forêts. »

L’écho des campagnes 5

Le IALA á construire et le rôle de l’agroécologie

Aldo González, IALA, Mexico

Aujourd’hui toujours plus de jeunes de communautés indigènes et paysannes ont l’opportunité d’étudier. Beaucoup reçoivent des bourses et sortent de leurs communauté pour aller á l’université, dans la majorité des cas l’idée de progrès entre dans leur tête, la ville leur offre la modernité et beaucoup ne reviennent pas, l’école leur a enlevé leur identité.

Face á ce panorama, nos organisations intégrant la Via Campesina au Mexique prenons la décision de construire l’Institut Agroécologique Latino-Américain (IALA –  Mexique), dans l’intérêt de dépasser une simple formation technique. Depuis le IALA ce qui nous intéresse est de contribuer au renforcement des luttes pour la défense des territoires, de l’identité culturelle et de la souveraineté alimentaire.

Pour nous, l’agroécologie est une façon de faire la vie, basée sur des principes qui parte de la reconnaissance qu’il existe une diversité de territoires qui génèrent une diversité de relations culturelles entre les êtres humains et la nature. Ces soins, d’origine paysanne ancestrale procurent la survie, ils se fondent sur des principes communs  qui doivent prendre en compte des aspects écologiques, culturels et économiques qui respectent la Terre Mère.

Ces relations ont généré des formes d’organisation familiales et communautaires qui nous permettent de survivre. par exemple, la guelaguetza ou guzun qui se pratique entre les Zapotèques de Oaxaca, a ses semblables dans beaucoup de peuples du Mexique et du monde et se base sur al réciprocité pour faire la milpa (comme on appelle le champ agricole au Mexique), construire une maison, faire la fête familiale ou communautaire, etc. Depuis IALA, cela nous intéresse de renforcer ces formes d’organisation.

Nos systèmes de culture, comme l’agriculture itinérante, mal nommée de « sabrage, abattage et brulis » son des manières de faire l’agriculture qui se construisirent dans le passé et qu’il est important de revendiquer depuis l’agroécologie. Le soutien de la vie dans le sol, le recyclage des nutriments, al conservation de l’énergie depuis le local jusqu’au global son des principes que se sont pratiqués dans l’agriculture traditionnelle et que nous continuerons á impulser.

Nous sommes héritiers, héritières, d’une grande biodiversité ainsi que de multiples savoirs associés á elle. toutefois, la science élaborée par nos peuples est disqualifiée par les centres de recherche; malgré cela, il est urgent d’établir un dialogue depuis nos contrées avec la sciences occidentales qui nous permette de combiner pour le bien de l’humanité les savoirs qui nous conservons et ainsi générer de nouvelles connaissances qui se mettent au service des paysannes et paysans du Mexique et du monde.


[1] Plus d’info sur les « nouveaux » OGM ici.

[2] Les maisons de semences d’Afrique de l’ Ouest sont des endroits où on récupère et sélectionne les semences, on rédige des fiches d’identification, on garde les semences, on améliore les techniques de conservation, on échange des pratiques et on donne aussi des formations.

[3] Muir 2014: 5

[4] FAO 2019

[5] Wallace, et al. 2021: 195

[6] Plus d’information ici.

Encadres

Encadré 1

Gestion communautaire des forêts: pratique historique pour transformer et résister [1]

La gestion communautaire des forets (GCF) est une forme de vie et une pratique culturelle et spirituelle – et pour autant historique – développée par les peuples indigènes et les communautés locales pour contrôler politiquement et gérer de manière organisée et planifiée le territoire et ses biens naturels et ressources. Il s’agit d’un processus politique qui, á travers des mécanismes horizontaux dans la prise de décisions, qui incluent la transparence et la responsabilité au reste de la communauté, arrive á la conservation et usage durable de la nature et des bénéfices sociaux, environnementaux, culturels et économiques.

La GCF implique aussi des aspects de technologie appropriée, des connaissances ancestrales et des pratiques communautaires de planification et usage ordonné des ressources, mais va plus loin qu’une simple gestion technique, contrairement á ce qui se passe dans la dite gestion durable des forets (défendue par la science forestière) qui en général détruit les forets et la biodiversité, en favorisant les corporations.

La GCF est étroitement liée á l’agroécologie. Il s’agit  de perspectives amples, intégrales, dynamiques et diverses qui répondent  et s’adaptent aux conditions géographiques, écologiques et culturelles de chaque territoire, ses biens communs et les connaissances traditionnelles associées. Alors que l’agroécologie se centre sur les éléments centraux de l’alimentation, comme les sols, les semences, les biens dont dépendent les peuples cueilleurs et les pêcheurs artisanaux, les eaux et zones de pêche ou de pâturage, entre autres, la GCF dirige ses actions aux autres biens naturels et culturels gérés, utilisés et protégés dans les forets, comme les arbres, les semences forestières, le bois, les fibres, la faune et notamment la santé de l’écosystème.

Dimensionner l’immense quantité de personnes et familles qui pratiquent l’agroécologie dans la cadre de la GCF est pertinent pour réaffirmer l’importance des forets pour le droit á l’alimentation.

Encadré 2

Digitalisation de l’agriculture et des systèmes alimentaires

Nous entendons de plus en plus que la digitalisation de tous les aspects de la vie est un future inévitable que nous devons accepter avec plaisir. Dans la cas de l’agriculture e l’alimentation, on parle de « Chaine alimentaire Digitale » comme étant l’unique option afin de solutionner la faim et les problèmes de climat. La digitalisation, comme ils disent, développera l’agroécologie, renforcera les communautés et promouvra l’indépendance. En réalité, la digitalisation de l’agriculture ouvre la porte á une commodification encore plus extrême de la nature par le même vieil agrobusiness, á présent en ligue avec les géants de la Big Tech. Cela inclut l’utilisation d’outils digitaux dans la conception de nouvelles récoltes transgéniques, la spéculation financière liée au carbone dans les sols agricoles, et « l’intensification durable ».

La digitalisation des systèmes agroalimentaires est définie comme l’application d’outils digitaux, de stratégies et de modèles commerciaux á l’alimentation et l’agriculture. » Mais cette définition apparemment innocente cache le fait que la dépendance croissante aux instruments digitaux de la Big Tech peut exacerber l’extractivisme corporatif et déplacer le travail humain; que  les stratégies digitales sont construites sur le pillage des informations, l’espionnage de communautés et la manipulation des consommateurs; et que les modèles commerciaux digitaux visent en fait á obtenir plus de contrôle de la biodiversité et des systèmes de production et visent la déqualification humaine, á travers l’accaparement des données et les technologies de traitement automatisées et digitales (des robots á l’intelligence artificielle). L’objectif des entreprises est d’avoir le contrôle sur ce qui est cultivé, comment la récolte est traitée et qui la mange, ainsi que sur ce qui est détruit dans le processus.


[1] Article élaboré á partir de la publication des Amis de la Terre International, Gestion communautaire des forêts et agroécologie. Liens et Implications.

Sous les feux de la rampe

Sous les feux de la rampe 1

Biodiversité agricole et agroécologie: dialogue paysan, familial, artisanal et indigène avec la nature

Paysans, paysannes, pasteurs, ceux qui cultivent, habitent les forets, pêchent artisanalement, peuples originaires et autres fournisseurs d’aliments ruraux et urbains á petite échelle, se considèrent partie de la biodiversité. Selon beaucoup de cosmovisions ancestrales, la nature, la Terre Mère,  alimente un lien mutuel avec les êtres humains comme famille, nous  ne sommes pas hors d’elle. Cette relation ancestrale d’interaction mutuelle configure l’existence de chacun dans une « co-évolution ». Les pratiques paysannes qui protègent la biodiversité ne déterminent pas seulement les nécessités alimentaires, matérielles, la spiritualité, la culture, la santé et les émotions aussi.

Malgré les pressions associées á la modernisation, où les cosmovisions et pratiquent traditionnelles sont toujours en vigueur, la biodiversité continue á répondre á cette échange mutuel. Dans les endroits où ces pratiques s’étaient perdues et aujourd’hui se récupèrent, la biodiversité se régénère sous de nouvelles formes. Ces pratiques et soins des communautés et familles paysannes (systèmes de savoirs de ceux qui produisent les aliments á petite échelle) sont le noyau de ce que la communauté internationale dénomme la « biodiversité ».

Cette biodiversité agricole soutient les stratégies paysannes ancestrales pour la subsistance, la santé et l’autonomie –  et est le fruit de celles-ci. Elle manifeste la créativité et la relation des savoirs paysans avec l’environnement naturel. Etant un tissu de relations dynamiques, la biodiversité agricole incarne un mosaïque en constant changement entre personnes, plantes, animaux et autres organismes tels que l’eau, la foret, « l’environnement ». La biodiversité agricole peut se considérer comme le résultat de l’interaction – dans tous les écosystèmes et au fil de milliers d’années -, de la diversité culturelle et la diversité biologique.

Certains systèmes de production montrent une extraordinaire diversité de cultures, animaux et espèces associées. Ceux qui produisent les aliments á petite échelle non seulement développent et soutiennent la majeure partie de la biodiversité de la planète, ils lui fournissent aussi la majorité de ses aliments.

Malgré les défis que soulèvent la forte tendance á l’homogénéisation des modes de vie et habitudes alimentaires, et les pressions sur les territoires, d’importantes actions locales de résistances ont vu le jour. Il existe un large éventail d’initiatives afin d’améliorer la diversité de potagers domestiques en zones rurales et urbaines, de lancer des cultures agroécologiques, restaurer les mangroves, développer des protocoles de pêche durable et gérer l’eau. Ces pratiques contribuent á promouvoir la souveraineté alimentaire et nutritionnelle, á conserver et protéger les fonctions des écosystemes.

L’agriculture agroécologique, á la base paysanne, pratiquée par ceux qui produisent des aliments á petite échelle, est un instrument essentiel pour construire la souveraineté alimentaire et défendre la Terre Mère. Les communautés engagés á produire des aliments par elles-mêmes et pour les autres, en mode indépendant, étranger aux corporations, savent que prendre soin de la biodiversité et pratiquer l’agroécologie est une forme de vie et est le langage de la nature. Il ne s’agit pas d’un simple ensemble de technologies et pratiques de production, applicable de la même façon á tous les territoires.

En effet l’agroécologie se base partout sur des principes similaires mais qui requièrent de particularités et soins respectueux et propres á l’environnement et á la culture locale. Ainsi, la biodiversité agricole est fondamentale pour l’autonomie et l’agroécologie. L’autonomie alimentaire que permet l’agroécologie paysanne, déplace le contrôle des marchés globaux et promeut les autogouvernements communautaires.

Ainsi, les peuples originaires et les communautés paysannes diminuent l’usage des intrants achetés, qui viennent du commerce. Etant ceux qui alimentent le monde, contrôler leur semences natives est fondamental pour le souveraineté alimentaire. Les conversations millénaires entre les personnes et les cultures perpétuent l’innovation, l’investigation, la sélection  des cultures et de l’élevage de bétail propres. Les communautés ne produisent pas ainsi des matières premiers et des marchandises pour l’exportation, mais sont en revanche celles qui produisent la majeure partie des aliments, protègent la biodiversité et les territoires.

Pour cela, il est fondamental de:

  • Respecter les droits collectifs de tous ceux qui maintiennent et améliorent la biodiversité agricole et alimentaire paysanne, et défendent leurs savoirs et l’intégrité de leurs cultures á travers l’utilisation des principes agroécologiques et l’échange, la culture et surtout al reproduction propre de leurs semences, races de bétail et poissons.
  • Renforcer nos systèmes et réseaux alimentaires ruraux -urbains interconnectés et collectifs ainsi que les marchés locaux, en promouvant la biodiversité agricole et agroécologique.
  • Promouvoir une réforme agraire intégrale.
  • Le plus important est de fomenter et garantir la libre détermination des peuples, communautés et collectifs ruraux et urbains qui protègent la biodiversité et l’intégrité de leurs territoires, et au final, une vie de justice et dignité.

La souveraineté alimentaire, un environnement sain, mais avant tout notre futur, dépendent de tout cela.

Sous les feux de la rampe 2

La spoliation planifiée de la biodiversité

La Révolution Verte impulsa les corporations á contrôler les cultures alimentaires. Elle a inciter les paysannes de différentes parties du monde á chercher « la productivité agricole dans ce qui est aujourd’hui le Sud global ». Les promoteurs disaient être préoccupés de « remplir les estomacs affamés », et insistaient sur le fait que l’agriculture traditionnelle était redondante.

Les directeurs d’entreprises et les fonctionnaires en charge des politiques publiques gouvernementales ignorèrent l’énorme labeur et la continuité de siècles que suppose la relation attentive et bienveillante que les peuples entretiennent avec al Nature, avec leurs terres, forets et eaux, avec les semences et leur transformation infinie. Cette relation es la responsable de l’incroyable biodiversité et des prouesses culturelles que nous ont apporté les cultures telles que le blé, le mais, le riz et les pommes de terre. »[1]

 La Révolution Verte substitua ce qui l’a précédée par des « types radicalement standardisés, supposés de haut rendement ». Les nouvelles semences, comme l’ont vu les agriculteurs, requéraient un paquet de fertilisants chimiques, de pesticides et  d’irrigation pour bien grandir ».[2]

Cela « a rencontré une profonde résistance de la part des paysans, des communautés locales et de la société civile en général ».[3]

Malgré la résistance, les dommages étaient faits. L’ère où les instituts de recherche assumèrent le rôle de développementalistes internationaux des cultures et des semences agricoles substitua les savoirs et stratégies millénaires des communautés agricoles réelles du monde et impulsa un discours corporatif encore en vigueur: que les paysans ne savent pas ce qu’ils font, que leurs stratégies de culture sont erronées, que leurs rendements sont réellement pauvres. Cela ouvrit un espace pour les hybrides, notamment les OGM. Les effets furent dévastateurs pour les paysans et les petits agriculteurs qui dépendaient des semences natives et des méthodes traditionnelles de culture ou d’élevage d’animaux.

L’agriculture industrielle est alors venue imposer des remèdes technologiques afin d’augmenter les rendements avec une grande quantité de produits agrotoxiques. Elle a diminué les variétés et les espèces impliquées dans la culture d’aliments ou les races de bétail qui avant étaient normales. Selon la FAO, depuis 1900, on a perdu 75% de la diversité phytogénétique « au fur et á mesure que els agriculteurs du monde abandonnent leurs multiples variétés locales et races natives ´pour des variétés génétiquement uniformes de haut rendement…. Aujourd’hui, 75% des aliments mondiaux se génèrent á partir de seulement 12 plantes et cinq espèces animales ».[4]

La Révolution Verte n’est pas l’unique coupable, bien qu’il y ait eu d’énormes pertes soudaines durant son application. Les accords de libre commerce, les droits de propriété intellectuelle, l’attitude incisive de l’agriculture contractuelle, les modes luxueuses des cultures d’exportation (baies et mures, avocats, agaves, tomates et autres variétés de serre) sont aussi responsables. Maintenant la biologie synthétique veut substituer tout le processus agricole. Résister á l’agriculture industrielle et ses monocultures implique d’énormes efforts si les communautés veulent continuer á être indépendantes. Mais il est crucial pour la biodiversité et la souveraineté alimentaire de freiner ces schémas.

Sous les feux de la rampe 3

Solutions basées sur la nature: un écran de fumée des entreprises qui n’arrêtera pas la perte de biodiversité

Le concept des solutions basées sur la nature a émergé á partir de longues conversations avec des organisations comme une manière de promouvoir le financement de leur vision des aires protégées. Malgré l’usage de la référence á la nature, la vision des SBN promeut l’idée  de « capital naturel », c’est-á-dire une perspective capitaliste de payer pour des services fournis par les écosystèmes. Cela va souvent de paire avec la « commodification » et la financialisation de la nature.

Plus récemment, la force motrice des SBN vient de la nécessité que la nature soit une solution pour le climat. Cela est motivé par l’escalade des dites cibles climat « net zéro » où le « net » est le carbone émis moins le carbone enlevé de l’atmosphère. Ainsi, les arbres, les sols et les terres sont nécessaires afin de produire des compensations carbone et des absorptions carbone afin de permettre aux énergies fossiles, á l’agrobusiness et autres corporations d’étendre leurs plans lourds en émissions et extraction. Cela s’accompagne de plusieurs dangers: accaparement des terres, davantage de commodification du carbone et de la nature, enclavement de terre, impossibilité d’arrêter le chaos climatique et la destruction de la nature. Cela peut aussi permettre aux entreprises de profiter des nouveaux schémas de marché basés sur la nature.

L’étendue de terre requise pour que les SBN soient une solution climatique est á elle seule un danger pour la biodiversité. Le document le plus influençant concernant « les solutions climatiques naturelles »[5] a avancé l’argument que « les solutions basées sur la nature »[6] pourraient aider á atténuer jusqu’á 37% des émissions de gaz á effet de serre d’ici 2030. Les calculs présentés dans ce documents au vu d’une analyse plus approfondie, s’avèrent techniquement problématiques, peu plausibles, et politiquement irréalistes.[7]  Par exemple, il est suggéré qu’un espace de 678 millions d’hectares est potentiellement disponible pour la reforestation. Il s’agit d’une superficie égale á  deux fois l’Inde, ou plus de deux tiers des Etats-Unis. Le document suggère jusqu’á 10 million d’hectares de nouvelle plantation d’arbres, pour rendre les SBN profitables et donc une option valide pour les entreprises.

Même si seulement une fraction de ces promesses net zéro des entreprises sont suivies á travers les solutions basées sur la nature, cela approfondira et étendra de manière significative le contrôle des entreprises sur la terre. C’est á cause de l’échelle des émissions libérées par les entreprises et par conséquent leur besoin de trouver des forets et des terres pour prétendre compenser leurs émissions.

Les SBN sont un terme vaguement défini, avec derrière très peu d’analyse politique. Par conséquent, á peu près tout peut être défini comme des solutions basées sur la nature, depuis les plantations de monocultures á l’agroécologie. La compagnie brésilienne Suzano, la plus grosse compagnie productrice de pulpe est juste une de ces compagnies qui tirent profit de ce terme vaguement défini de SBN afin de promouvoir leurs plantations d’ingénierie génétique tout en appliquant des solutions basées sur la nature au changement climatique.

Les organisations de conservation et les entreprises rebaptisent aussi leurs schémas discrédités de REDD+ qui ne valorisent pas le rôle des communautés locales et des Peuples Indigènes dans la gestion des forets et ont causé de fortes divisions, et des déplacement de communautés forestières sous prétexte de SBN.


[1] GRAIN, Financer l’agriculture industrielle ou l’agroécologie : sortir d’une approche binaire,

[2] et [3] Ibidem.

[4] FAO, Que se passe-t’il avec l’agrobiodiversité? (uniquement en anglais).

[5]  Griscom et al, Solutions basées sur le Climat , PNAS. 31 Octobre , 2017. vol. 114. no. 44. 11645–11650 (uniquement en anglais).

[6]  The Nature Conservancy les appelle les Solutions basées sur la Nature  

[7] REDD-Moniteur. Compenser les émissions d’énergies fossiles avec la plantation d’arbres et les « solutions basées sur la nature »: science, pensée magique ou pure RP?, (uniquement en anglais) 2019.

Bulletin n° 49 – Éditorial

Souveraineté alimentaire et agrobiodiversité

Illustration: Dessin en couleur sur papier amate de l’artiste Abraham Mauricio Salazar. Pris dans le but de diffusion du livre Le cycle magique des jours, d’ Abraham Mauricio Salazar. CONAFE, Mexique, 1979.

A un moment où les média tirent l’alarme sur la cherté des prix et la pénurie due á la guerre en Europe, bien qu’il n’y ait pas toujours une corrélation exacte, nous questionnons á nouveau les informations qui situent les grandes corporations comme fournisseurs de la majeure partie de nos aliments. Ancré dans cette image toute faite, le système agroalimentaire industriel lance un nouvel assaut á l’agriculture avec la digitalisation de ses processus. Elle promeut la « capture du carbone » á partir des dites « solutions basées sur la nature. » Elle continue sa poussée en contrôlant et normant les chaines d’approvisionnement en privilégiant ses intérêts, tout en cherchant á supplanter les tentatives de paysan.ne.s dans le monde, finançant une « agroécologie » qui est aujourd’hui promue par les mêmes entreprises et fonds d’investissements qui pendant des siècles ont dépouiller les paysans des possibilités d’exercer une agriculture indépendante.

C’est alors crucial de défendre notre souveraineté alimentaire : la possibilité de pouvoir reproduire nos semences selon nos termes et nos espaces, c’est-á-dire, en pleine liberté et maintenir notre indépendance totale á produire nos propres aliments. Pour cela, défier l’accaparement des terres et insister sur l’autonomie et la défense des territoires paysans, indigènes et les espaces urbains d’autogestion populaire des quartiers continuera d’être crucial.

CIP pour la souveraineté alimentaire, Amis de la Terre International et GRAIN

L’écho des campagnes

Amérique Latine et Caraïbes –  Alianza

Les nuits sont sacrées pour les rencontres de mon peuple Kuna au Panama. La, nous nous nourrissons d’histoire orale, et des luttes pour l’autodétermination d’autres peuples. Là, nous embrassons l’Univers, et nous nous organisons pour la défense de la Terre Mère. Nyéléni est l’Assemblée des Peuples pour la Souveraineté Alimentaire, là où nous partageons des luttes globales, nous nous alimentons de la force des gens et où nous communions avec les frères et sœurs d’autres continents. Les problèmes sont restés les mêmes depuis plus de 500 ans. Les luttes pour la vie, l’eau, le territoire ont d’autres noms et d’autres formes, mais continuent d’être les mêmes problèmes que chaque génération doit affronter avec de nouvelles stratégies et tactiques. Le processus de Nyéléni est une opportunité de coordination entre différentes organisations centrées sur la défense de la Terre Mère et de la Souveraineté Alimentaire des Peuples. A présent, il est extrêmement important de tisser des alliances et d’organiser le travail au vu de la menace des mégaprojets et des projets extractivistes, ainsi que de définir des stratégies pour surmonter els impacts du Covid 19.

comme avec les nuits étoilées, avec ou sans lune, avec la mer agitée et les tempêtes qui approchent, les communautés Kuna discutent comment résoudre les problèmes sociaux, culturels ou spirituels de la même manière que le mouvement Nyéléni est un moment dans le temps pour rassembler les peuples du monde, chanter, danser, rêver et comprendre que nous somme partie intégrante de la Terre Mère, de la Grand-mère Mer, du Grand-père Soleil et ils nous appellent depuis leurs coquillages á commencer une conversation autour du feu, entre mouvements sociaux et Peuples Autochtones, afin de nous organiser pour la défense de la Terre Mère.

Europe et Asie Centrale –  Nyéléni EAC

Notre monde, notamment l’Europe et l’Asie Centrale, traverse une série de crises inter reliées: conflits armés, troubles civils associés á des crises humanitaires causées par la guerre et l’instabilité politique dans différentes zones de notre région. c’est une crise économique qui se manifeste dans l’augmentation des prix de l’alimentation et de l’énergie, et une augmentation des vulnérabilités liées á la perte d’emplois, d’accès á une alimentation saine et accessible, et á la pandémie actuelle de Covid 19, ainsi qu’á la crise climatique en cours. La dernière crise est la guerre en Ukraine, qui affecte les gens et le pays, et a un impact sur les politiques de sécurité alimentaire dans la région et au-delà. cette crise nous a montré le niveau de résilience des communautés locales et l’importance des systèmes alimentaires locaux, ainsi que le rôle central de l’espace Nyéléni, qui permet á différents collectifs de se rassembler en solidarité et de travailler sur des politiques liées á nos combats.

Tout comme Nyéléni, la légendaire paysanne malienne qui cultive et nourrit son peuple, les petits producteurs alimentaires (agriculteurs et pêcheurs) d’Ukraine luttent courageusement pour continuer á nourrir les populations locales, et ce malgré la destruction récente de la banque de semences nationale. Mais peu est écrit sur le sujet, et ils reçoivent aussi peu de soutien.

La guerre contribue aussi á l’aggravation de questions sur le long terme, telles que le changement climatique. La majorité des femmes et enfants dans différentes régions sont soit déplacés á l’intérieur du pays, soit ont cherché refuge dans des pays européens. Alors qu’en Russie, les peuples indigènes et les défenseurs des droits humains sont toujours réprimés.

Le processus Nyéléni implique une dualité en influençant les politiques publiques á tous les niveaux et en construisant un mouvement social indépendant. Les mouvements sociaux de constitutions variées sont rassemblés á travers ce travail de soutien intersectionnel. Le processus inclut aussi une approche plus ample, plus intersectionnelle et vraiment nécessaire afin d’aborder les crises profondes multiples sur les questions économiques, sociales et environnementales á travers le monde.

CIP Région Afrique

Alors que le gouvernement national et le secteur privé continuent de rétrécir l’espace de l’agriculteur familial pour produire ce qu’ils mangent et manger ce qu’ils produisent par l’introduction des fertilisants chimiques, des pesticides, fongicides et herbicides, tout cela détruit l’environnement. Les processus de Nyéléni soutiennent la promotion des approches agroécologiques qui encouragent la production socialement acceptable, économiquement viable et environnementalement durable tout en protégeant aussi l’environnement naturel. Cette approche assure la promotion et la protection de la conservation de la biodiversité. Le processus décourage aussi les pouvoirs corporatifs qui empêchent les familles d’accéder aux marchés territoriaux avec leur alimentation pas chère et qui met en danger notre santé et cause des dommages á l’environnement. La souveraineté alimentaire ne peut pas être atteinte là où l’alimentation, la terre, les semences, le poisson et le bétail sont aux mains du contrôle corporatif. Le processus Nyéléni décourage et aide á prévenir la privatisation et la modification des semences natives par l’introduction et l’utilisation d’anciens et nouveaux OGMs dans notre système agricole et alimentaire. nous faisons toujours face á l’accaparement des terre par les pouvoirs corporatifs, á la capture corporative de nos marchés territoriaux et aux défis créés par le changement climatique et autres facteurs externes tels que le covid 19 et autres conflits.

Nous croyons que le processus Nyéléni peut soutenir les mouvements sociaux sur el terrain dans le renforcement et la promotion de la collaboration et la participation aux dialogues politiques régionaux où les changement dans les politiques publiques nationales ont lieu. La stimulation des mouvements et l’intersectionalité des luttes peut aider á promouvoir la justice pour la terre, l’agroécologie et les marchés territoriaux. ensemble nous pouvons renforcer le plaidoyer pour al terre, les semences et l’eau pour les petits producteurs.

CIP Région MENA

Dans la région nord africaine, la souveraineté alimentaire est communément comprise comme un outil de démocratisation que peut fournir un soutien majeur aux populations rurales afin d’inclure leurs demandes liées aux différentes menaces identifiées. Dans ce cas, al contamination de l’eau, al privatisation de la terre rurale, et la commodification de notre alimentation. Par contraste, dans la région de Moyen-Orient, la souveraineté alimentaire est davantage vue depuis une perspective politique, particulièrement á cause des aspirations des peuples pour la libération des territoires occupés et/ou semi-occupés. The nouveau contexte actuel appelle, plus que jamais, á une synergie entre le discours et la pratique de la souveraineté alimentaire afin d’implémenter les principes dans le travail quotidien des acteurs impliqués dans la production, la distribution et la consommation de la nourriture.

On devrait noter que la dernière rencontre Nyéléni présentait une vision stratégique pour atteindre la souveraineté alimentaire en reconnaissant la contribution des femmes á l’agriculture paysanne, alors que ces documents ne prennent pas en considération la question des relations de genre.

D’autre part, la souveraineté alimentaire doit être comprise comme un projet politique á différentes facettes et en constante évolution, dont la substance est fortement susceptible de variations selon le type d’acteurs collectifs qui la réclame. En ce sens, el processus Nyéléni peut soutenir des mouvements dans la région MENA afin de renforcer la convergence entre les mouvement de différentes natures. C’est la clé  de la consolidation du développement des capacités des mouvements sociaux via le renforcement des capacités de la jeunesse et des leaders autour de la souveraineté alimentaire.

CIP Asie et Pacifique

Asie et Pacifique, où vit 60% de la population mondiale, font face á une multitude de défis en termes de souveraineté alimentaire.

A travers el monde, plus de 2,5 milliards de petits producteurs, pasteurs, habitants des forêts et pêcheurs artisanaux cultivent, collectent et récoltent de la nourriture pour la consommation humaine. De tels systèmes alimentaires localisés fournissent les fondations d’une nutrition, de revenus, d’économies et de cultures á travers toute l’Asie et le monde.

La pandémie de Covid 19 exacerbe les défis pré-existants á la sécurité alimentaire tels que les impacts du changement climatique, les risques de catastrophe, les ressources naturelles qui s’amenuisent et les environnements qui se dégradent, l’utilisation des OGMs, les démographies changeantes et les profils professionnels, ainsi que les déficits en infrastructure, entre autres. Dans un contexte de populations grandissantes,  d’urbanisation croissante et de changement dans la chaine de valeur alimentaire et dans l’industrie alimentaire, le débat sur la souveraineté alimentaire est plutôt crucial.

La perte de capacité des populations locales pour leur autonomie et autodétermination est une conséquence directe de l’expansion du modèle de développement industriel, hétéronome basé sur la production de commodities. Nous, comme IPC, avons besoin d’affirmer collectivement et de faire progresser les principes et politiques qui constituent la souveraineté alimentaire et rejetons celles qui ont pour but de consolider davantage les intérêts corporatifs dans nos systèmes alimentaires.

La notion de « souveraineté alimentaire » est peut-être mieux comprise comme un processus de  transformation qui cherche á recréer l’espace démocratique et á régénérer une diversité de systèmes alimentaires autonomes basés sur l’équité, la justice sociale et la durabilité écologique.

 L’équité de genre et le respect des voix des plus pauvres et marginalisés restent des défis urgents pour le mouvement de souveraineté alimentaire et la société civile dans son ensemble. Le processus de Nyéléni peut renforcer les organisations de femmes, d’hommes et de jeunes, les peuples indigènes, agriculteurs, pasteurs, habitants des forets, migrants, travailleurs ruraux, pêcheurs et autres.

CIP Région Amérique du Nord

Du 5 au 12 avril, L’Alliance américaine pour la souveraineté alimentaire (USFSA) a organisé deux consultations en ligne pour la région Amérique du Nord (Etats- Unis et Canada) dans le cadre du processus Nyéléni. Les dialogues ont réuni un ensemble diversifié de petits producteurs alimentaires, des organisations de travailleurs ruraux, des peuples indigènes et peuples premiers, des activistes académiques et des organisations de la société civile afin de discuter du futur pour le mouvement de souveraineté alimentaire et construire des priorités communes pour naviguer dans les crises interdépendantes du système alimentaire dans la région.

Durant les deux dernières années, le COVID 19 a mis a nu la fragilité des chaines de valeurs alimentaires corporatives concentrées aux Etats-Unis, avec des fermiers forcés de faire du dumping avec leur lait et de détruire leur récoltes, des travailleurs tombant malades á cause du manque d’équipement de protection et la connivence des corporations, l’augmentation de l’insécurité alimentaire dans les communautés marginalisées. Ces défis, combinés avec les mobilisations contre l’injustice raciale et les impacts de la crise climatique sur les communautés rurales, ont dessinés de nouvelles opportunités pour la solidarité entre fermiers et travailleurs et l’organisation d’une union, d’une plus grande conscientisation et d’investissements dans des systèmes alimentaires locaux résilients, ainsi que des actions politiques concernant l’équité et la justice en agriculture. Dans ce contexte, les participants á la consultation ont souligné les approches anticapitalistes, non racistes, anti-impérialistes et radicalement féministes concernant l’organisation autour de l’accès á la terre, le démantèlement des monopoles corporatifs, l’avancement de l’agro écologie, le droit á l’alimentation et le renforcement de la souveraineté indigène.

Depuis le premier rassemblement au Mali en 2007, les déclarations et relations politiques qui ont émané de Nyéléni ont façonné la direction et la force du mouvement pour al souveraineté alimentaire en Amérique du Nord ainsi que des actions de solidarité au-delà de la région. Alors que ce travail collectif continue, le processus de Nyéléni offre un forum dynamique dans la construction de la force rurale á l’intérieur et autour de nos communautés alors que nous faisons progresser les principes de souveraineté alimentaire dans nos systèmes alimentaires locaux et les espaces politiques internationaux.

Encadres

Encadré 1

Le droit à la souveraineté alimentaire

Le Forum international sur la souveraineté alimentaire à Sélingué, au Mali, en février 2007, a été le début du chemin de Nyéléni pour construire un mouvement mondial pour la souveraineté alimentaire. Le concept de souveraineté alimentaire a été introduit par La Via Campesina (LVC) lors du Sommet international de l’alimentation de 1996, un an après la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), avec ses infâmes accords sur l’agriculture, les droits de propriété intellectuelle, la politique industrielle, les normes, et l’investissement. Les mouvements sociaux, les syndicats, les militants et les universitaires savaient que la « sécurité alimentaire » et le « développement » étaient des écrans de fumée pour camoufler l’expansion du pouvoir des entreprises pour laquelle les règles de l’OMC étaient conçues. L’appel à la souveraineté alimentaire était donc autant un rejet de la domination de l’alimentation, de l’agriculture et de l’économie par les entreprises et les marchés, qu’un cri de ralliement pour que les peuples du monde entier revendiquent leur pouvoir d’action, leur autonomie et leur capacité à construire un paradigme de progrès centrés sur les droits de l’homme, la justice et le respect de la planète.

Alors que le concept gagnait le soutien d’un large réseau d’acteurs, dont le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation, LVC s’est associée à d’autres mouvements sociaux et acteurs de la société civile pour convoquer un forum autonome et international afin de développer le principe de souveraineté alimentaire pour différentes circonscriptions et régions, basé sur des expériences et des contextes divers et vécus.

Le premier forum Nyéléni a réuni plus de 500 représentants de plus de 80 pays et de nombreuses circonscriptions pour partager des connaissances et discuter des multiples dimensions de la souveraineté alimentaire, de la terre et de l’eau aux semences, à l’élevage et au travail, reconnaissant le rôle central des femmes. Ces délibérations sont résumées dans la Déclaration de Nyéléni et la Déclaration des femmes sur la souveraineté alimentaire. A Nyéléni en 2007, nous avons commencé à construire un nouveau droit : le droit à la souveraineté alimentaire.

Encadré 2

L’alliance globale contre l’accaparement des terres

En novembre 2011, nous, paysans, pasteurs, peuples indigènes et leurs alliés nous sommes rassemblés á Nyéléni pour partager nos expériences et combats contre l’accaparement des terres. Nous sommes venus á Nyéléni en réponse á l’Appel de Dakar, qui appelle á une alliance contre l’accaparement des terres parce que nous sommes déterminés á défendre la souveraineté alimentaire, les biens communs et les droits des petits fournisseurs alimentaires aux ressources naturelles.

Lors de cette rencontre, nous avons clairement identifié que l’accaparement des terres est une phénomène global mené par les élites et investisseurs locaux, nationaux et internationaux et des gouvernements qui ont pour but de contrôler les ressources les plus précieuses au monde. Les crises financière, alimentaire et climatique globales ont généré une précipitation chez les investisseurs et gouvernements riches pour acquérir et accaparer la terre et les ressources naturelles, puisque ceux-ci sont les seuls « paradis sûrs » qu’il reste et qui garantissent des retours financiers sûrs.

L’accaparement des terres va au-delà des structures impérialistes traditionnelles Nord-Sud; les transnationales peuvent être basées où que ce soit dans le monde. Il s’agit aussi d’une crise tant dans les zones rurales qu’urbaines. la terre est accaparée en Asie, en Afrique, aux Amériques et en Europe pour l’agriculture industrielle, les plantations de foret, les mines et les projets d’infrastructure, les barrages, le tourisme, les parques de conservation, l’industrie, l’expansion urbaine et des objectifs militaires.

Mais nous ne nous avons pas vaincus. A travers l’organisation, la mobilisation et la cohésion communautaire, nous avons été en mesure d’arrêter l’accaparement des terres dans beaucoup d’endroits. de plus, nos sociétés reconnaissent que la production alimentaire á petite échelle est le modèle le plus durable socialement, économiquement et environnementalement en ce qui concerne l’utilisation des ressources et la garantie du droit á l’alimentation pour tous.

En nous rappelant de l’Appel de Dakar, nous réitérons notre engagement á résister á l’accaparement des terres par tous les moyens possibles, en soutenant tous ceux qui luttent contre l’accaparement des terres et en faisant pression sur les gouvernements nationaux et les institutions internationales pour qu’ils remplissent leurs obligations á assurer et défendre les droits des peuples.

Encadré 3

Forum International pour l’Agroécologie –  Nyéléni 2015

A la fin février 2015, les organisations et mouvements sociaux de petits producteurs alimentaires, travailleurs, femmes, peuples indigènes, consommateurs, environnementalistes et organisations des droits humains se sont rencontrés au Forum Nyéléni afin de s’accorder sur une vision commune multisectorielle sur l’agroécologie et les stratégies pour la défendre et la promouvoir.

L’agroécologie, comme nous l’avons convenu, est une manière de vivre, une façon de produire de la nourriture, une science et un mouvement pour transformer les systèmes alimentaires pour la souveraineté alimentaire et la justice sociale, raciale, de genre, économique, intergénérationnelle et environnementale. Elle est basée sur des principes similaires qui sont implémentés de différentes manières sur une grande diversité des territoires.

Il a aussi été accordé que les piliers fondamentaux de l’agroécologie sont: la solidarité, les territoires locaux et le droit des peuples et communautés á préserver les liens spirituels et matériels avec ceux-ci, les droits collectifs et l’accès aux biens communs, l’organisations et les actions collectives, et les différentes connaissances et savoirs de nos peuples, ainsi que le Dialogue des Savoirs comme manière de développer, innover et faire de la recherche.

Le forum a souligné que l’agroécologie cherche á transformer les structures de pouvoir dans la société, de sorte que les gens contrôlent les semences, la biodiversité, les terres et territoires, l’eau, les connaissances, la culture et d’autres biens communs, et garantissent un chemin collectif vers le dépassement des crises.

Le forum es un évènement crucial pour le mouvement, et ses conclusions sont une force orientant l’élargissement des alliances pour la promotion et la défense de l’agroécologie et la souveraineté alimentaire. Plus info ici.