Sous les feux de la rampe

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La souveraineté alimentaire au cœur d’un nouveau système

Les politiques néo-libérales n’ont pas tenu leur promesse d’une croissance économique illimitée, alors que les investissements réels ont perdu leur rentabilité. De ce fait, une nouvelle ère de financiarisation et d’accumulation du capital, caractérisée par la dématérialisation de l’économie, les fusions et les acquisitions de grandes entreprises transnationales (TNC), a conduit à une concentration du marché sans précédent, destinée à augmenter les investissements en R&D (Recherche et Développement) et (bio)technologies. Le but est d’étendre les frontières du capitalisme pour s’approprier l’intégralité de la biodiversité mondiale, baisser le coût de la nourriture et du travail et relancer une croissance économique matérielle.

Pour atteindre cet objectif, les TNC influencent de plus en plus les Nations Unies, afin de bénéficier de politiques publiques favorables et de cadres normatifs. Le Forum économique mondial et les TNC essaient de transformer les principes et pratiques de gouvernance des institutions des Nations Unies en « gouvernance multipartite », c’est-à-dire en une gouvernance concentrée entre les mains d’un petit nombre de puissants monopoles privés. La pandémie de la COVID-19 a mis en lumière le pouvoir des TNC ; dans de nombreux pays, de grandes entreprises alimentaires ont été subventionnées, tandis que de petits producteurs faisaient faillite et que des ouvriers du secteur agroalimentaire (dont beaucoup sont des migrants) restaient sans emploi, et donc sans accès à la nourriture.

Le mouvement de souveraineté alimentaire, intégrant l’agroécologie, peut s’afficher comme un acteur de premier plan et offrir une solution pour relancer une croissance économique matérielle qui combatte le changement climatique et pour modeler une nouvelle société basée sur des principes égalitaires. La FAO elle-même a reconnu le rôle des petits producteurs alimentaires pour nourrir le monde, et ceci est au cœur des solutions pour atténuer et inverser les changements climatiques. Jusqu’à présent, toutes les solutions proposées par les entreprises pour réduire les changements climatiques ne sont pas parvenues à remédier aux causes sous-jacentes et continuent de permettre aux plus grands pollueurs de réchauffer notre planète. Les solutions réelles pour arrêter les changements climatiques se trouvent dans l’accès et le contrôle des gens de la terre, des semences et de l’eau et dans la promotion de l’agroécologie, la restauration de la nature et des paysages qui permettent la rétention de l’eau.

Plusieurs étapes du mouvement pour la souveraineté alimentaire se sont ainsi succédées : le Sommet mondial de l’alimentation de Rome de 1996, au cours duquel La Via Campesina (LVC) a lancé le programme de souveraineté alimentaire et pendant lequel a été constitué le Comité international de planification pour la souveraineté alimentaire (IPC) ; le Forum Nyéléni de 2007, au cours duquel les mouvements sociaux se sont rassemblés pour convenir d’un programme commun pour la souveraineté alimentaire ; et le Forum Nyéléni de 2015 où une définition commune de l’agroécologie a été convenue pour la proposer aux Nations Unies. Le mouvement pour la souveraineté alimentaire, par le biais de l’IPC, appelle donc à la tenue d’un nouveau sommet mondial qui permettra au programme pour la souveraineté alimentaire de faire la jonction avec les autres mouvements convergents qui luttent pour une justice climatique et un changement de système.

Ce système, susceptible de proposer des alternatives réelles au système alimentaire et économique actuel, existe en réalité déjà aux niveaux local et international, grâce à l’agroécologie et à un modèle économique qui inclut des marchés territoriaux, des relations directes entre producteurs et consommateurs, des coopératives, des dispositifs et des politiques à gouvernance communautaire participative.

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Communiquer pour alimenter : l’urgence d’informer sur la souveraineté alimentaire

Pour exercer ses droits, il faut d’abord les connaître. Une communication alternative, populaire, basée sur la communauté, est indispensable pour diffuser la connaissance des droits. Elle implique en effet que les organisations et les mouvements sociaux élaborent des messages qui renforcent leurs histoires propres, sans impliquer d’intermédiaires ; qu’ils puissent communiquer au sujet de leurs luttes, de leurs demandes, de leurs plaintes, de leurs idées et de leurs propositions pour une vie digne, y compris en matière de justice sociale, environnementale, économique et de genre, directement à partir des communautés.

Face aux moyens de communications que monopolise l’agrobusiness, qui investit des millions de dollars dans la publicité pour se laver les mains de toute culpabilité et pour “verdir” ses projets d’extraction qui polluent les sols et les eaux – la communication populaire se fait une place.

Grâce à des blogs, des messages sur les réseaux sociaux et des vidéos en ligne, les organisations sociales, environnementales, féministes, paysannes, autochtones et afro font l’expérience d’une explosion sans précédent de l’appropriation médiatique, qui font de ces nouvelles technologies leurs meilleures alliées.

Cette nouvelle ère inaugure une collaboration entre différentes organisations pour élaborer de nouveaux canaux de communication et leurs propres médias. Cette unité dans la diversité, que nous promouvons afin de faire avancer un programme politique commun, trouve sa place sur ces plateformes transmédiatiques, où l’hégémonie des médias classiques peut être remise en cause. En outre, il existe des personnes qui aspirent à se sentir représentées par ces moyens modernes de communication que nous avons construit depuis la base et à partir de l’aile gauche du champ politique. Elles y trouvent une inspiration et une cause qui les touche.

Grâce aux messages liés au développement et à la pratique de la souveraineté alimentaire, qu’il s’agisse d’articles, de posts, de rapports, de reportages photo ou de podcasts, il est nécessaire de continuer à partager des histoires qui illustrent les projets émancipateurs qui ont lieu tout autour du monde et qui sont confrontés à des persécutions politiques, à la militarisation des terres et à l’imposition de technologies agroindustrielles incorrectement étiquetées comme “durables”.

Dans ce monde capitaliste et patriarcal, les femmes sont celles qui souffrent le plus de la faim et seulement 13 % d’entre elles possèdent leur propre terre. Paradoxalement, elles sont à l’origine de 60 % de la production alimentaire mondiale. Les récits sur la souveraineté alimentaire doivent mettre les femmes au premier plan, montrer leur travail et amplifier leurs voix en tant que sujets politiques de l’agroécologie.

Communiquer autour de la souveraineté alimentaire, expliquer pourquoi il est important de la défendre et de la développer localement, nécessite d’intégrer la stratégie des mouvements pour la souveraineté alimentaire. Ils constituent un élément pivot de la démarche, pas un à-côté.

Bulletin n° 42 – Éditorial

Nyéléni a dix ans – Et bien des choses à fêter !

Illustration – Francisco Daniel, MST de Brasil, www.facebook.com/fcodam/

Il y a dix ans, des mouvements de paysan·ne·s, pêcheur·se·s, berger·e·s, femmes, migrants·e·, travailleur·se·s, jeunes et peuples autochtones ont semé une graine pleine d’avenir pour la défense de la souveraineté alimentaire et le droit à l’alimentation : le bulletin Nyéleni. Pendant la période de germination, nous nous sommes confrontés à des défis, nous avons partagé nos expériences, nos réflexions et nos actions d’unification. Nous nous sommes aussi largement inquiétés de la façon dont le capitalisme d’extraction, l’autoritarisme et l’agrobusiness s’accaparaient la terre et des territoires en toute impunité, mettant des vies en danger, alors même que les gouvernements continuaient de favoriser les entreprises et les systèmes alimentaires industriels par leurs politiques, leurs règlementations et leurs législations. Pour couronner le tout, la pandémie de la COVID-19 est venue réaffirmer le rôle fondamental joué par ceux·lles qui nourrissent les communautés de manière saine, équitable et durable.

Nous avons malgré tout de nombreuses choses à célébrer. Ce bulletin est un instrument de solidarité, d’échange, de formation et de communication incomparable à destination des organisations qui luttent pour mettre fin au système alimentaire industriel et pour le remplacer par la souveraineté alimentaire. Aujourd’hui, nous applaudissons les différentes législations qui promeuvent la souveraineté alimentaire : la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des personnes travaillant dans les zones rurales. Nous nous réjouissons de la large diffusion de l’agroécologie, des milliers d’écoles créées et de la lutte constante pour les semences paysannes que détiennent les petits producteur·rice·s.

Ce bulletin est donc l’occasion de faire la fête, de chérir notre mémoire collective et de cueillir les fruits de notre travail, parce que nous sommes la voix de l’espoir dont le chant s’élève toujours plus fort !

Le comité éditorial du bulletin Nyéléni
au nom du mouvement international pour la souveraineté alimentaire (par ordre alphabétique) :

Erik Hazard, Food First
Margaret Nakato Lubyayi, WFF
Martín Drago, Friends of the Earth International
Million Belay Ali, AFSA
Nadine Nembhard, WFFP
Ramón Vera Herrera, GRAIN
Shalmali Guttal, Focus on the Global South
Sofia Monsalve, FIAN
Viviana Rojas Flores, La Via Campesina
Le secrétariat du Comité international de planification pour la souveraineté alimentaire (CIP)

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De la réforme agraire aux droits des peuples sur les territoires : un bref historique des luttes populaires pour les ressources naturelles

La lutte pour la terre a été un pilier du mouvement pour la souveraineté alimentaire depuis ses débuts dans les années 1990. A cette époque, dans les différentes régions du monde, les organisations paysannes et les paysans sans terre se mobilisaient contre l’extrême concentration des terres et les grandes exploitations agricoles (appelées parfois latifundios) héritées souvent de l’époque coloniales [Dans plusieurs pays, les luttes sociales de la deuxième moitié du 20 ème siècle ont englobé cette organisation contre la concentration des terres et les revendications pour une redistribution des terres. Plusieurs mouvements révolutionnaires en Asie par exemple, même après la décolonisation, se centraient sur la terre.]. En 1999, La Via Campesina a lancé une campagne mondiale pour la Réforme Agraire (GCAR) afin d’impulser des politiques de distribution des terres basées sur les droits humains et s’opposer aux approches qui soutiennent que les marchés sont le meilleur moyen d’attribuer les terres aux usager les plus “efficients” et les plus rentables. Les revendications des mouvements paysans pour une reforme agraire globale ont été soutenues internationalement et se sont concrétisées dans la déclaration finale de la Conférence Internationale sur la Réforme Agraire et le Développement Rural (ICCARD pour su abréviation en anglais) en 2006.

A la fin des années 2000, deux faits importants ont changé le contexte des luttes pour la terre. Premièrement, le mouvement pour la souveraineté alimentaire s’est réuni lors du Forum Mondial pour la Souveraineté Alimentaire à Sélingué( Mali). Différents groupes de petits producteurs alimentaires comme des peuples autochtones, des éleveurs, des pêcheurs artisanaux, ont participé à cette rencontre historique. Ces organisations avaient des histoires et des préoccupations différentes de certaines organisations paysannes et ne centraient pas nécessairement leurs revendications sur une réforme agraire. La notion de « territoires » a alors émergé des débats comme une notion plus holistique englobant à la fois la relation étroite et multiple que les différentes communautés ont avec leur environnement naturel et incluant les terres agricoles, l’eau, la pêche, les parcours et les forêts.

Deuxièmement, les prix alimentaires et les crises financières qui ont débuté en 2008 ont provoqué une nouvelle vague d’accaparement de la terre, qui visait aussi des régions qui, jusque là, n’avaient pas connu de tels niveaux de concentration des terres (par exemple en Afrique de l’Ouest). Cette nouvelle ruée vers la terre a suscité une résistance farouche des communautés et des organisations de petits producteurs alimentaires pour défendre leurs territoires y compris leurs régimes fonciers collectifs et coutumiers.

En 2011, des organisations de par le monde se sont rassemblées à Sélingué pour une Conférence Paysanne Internationale pour Stopper l’Accaparement des Terres. Ceci a marqué un moment important dans la constitution d’un mouvement mondial contre l’accaparement des terres construit sur les revendications d’une réforme agraire mais qui reconnaît aussi davantage les revendications des mouvements et des groupes qui ne se reconnaissaient pas vraiment dans le langage de la réforme agraire. En 2016, les mouvements sociaux et leurs alliés se sont réunis pour une Conférence Internationale sur la Réforme Agraire à Marabá, Brésil au cours de laquelle ils ont adopté le concept de Réforme Agraire Populaire, initié par La Via Campesina Brésil et qui intègre les revendications de distribution de terres dans des politiques plus globales pour transformer l’économie et la société y incluant spécifiquement les travailleurs urbains.

L’accaparement mondial des terres a remis le sujet au top de l’agenda international. Cela a notamment encouragé la FAO (Organisation pour l’Alimentation et l’Agriculture des Nations Unies) à élaborer un document de référence international sur la gouvernance des ressources naturelles. Les organisations de petits producteurs alimentaires rassemblés au sein du Comité de Planning International pour la Souveraineté Alimentaire (CIP) ont mené la participation de la société civile dans les négociations qui eurent lieu au Comité pour la Sécurité Alimentaire Mondiale (CFS). Les Lignes directrices pour une Gouvernance Responsable des Terres, des Pêches et des Forêts (Directives foncières) ont été adoptées en 2012. S’appuyant sur ICARRD, elles clarifient les obligations des états à respecter, protéger et garantir tous droits fonciers légitimes -qu’ils soient reconnus légalement ou pas – en accordant la priorité aux groupes les plus marginaux. Elles comprennent des mesures pour la protection des systèmes fonciers coutumiers de même que pour la restitution et la redistribution [Pour les Directives Foncières: Le Groupe de Travail CIP Terre et Territoire a développé un Manuel pour aider les organisations de base à utiliser cet instrument international]. Les Directives foncières ont été complétées en 2014 par des Directives pour sécuriser la pêche durable à petite échelle, qui mettent aussi l’accent sur la dimension collective des droits de plusieurs communautés.

Ces directives internationales ont donné l’occasion aux organisations sociales d’avancer dans leurs luttes aux niveaux local, national et régional.
Elles ont mené à des avancées importantes dans plusieurs pays et ont contribué à une reconnaissance internationale explicite du droit humain à la terre pour les populations rurales. Ceci a été finalisé avec l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Paysans et des travailleurs en zones rurales en 2018 [Voir en particulier les articles 5 et 17] qui complète la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones et la Convention n° 169 de l’Organisation Internationale du Travail. Cependant les Directives Foncières ont aussi été adoptées par des acteurs qui considèrent tout d’abord la terre et les ressources naturelles connexes comme un actif économique et financier mondialisé. Dans un tel cadre, « garantir les droits fonciers » ou« la sécurité d’occupation » signifie en clair donner des droits de propriété exclusifs, habituellement sous forme de titres fonciers individuels. La Coalition Internationale pour la Terre (ILC, pour su abréviation en anglais) est une des manifestations les plus emblématiques de cette approche, qui considère comme nécessaires les projets d’investissements liés à la terre tout en reconnaissant qu’il faut limiter les effets négatifs sur les populations locales. C’est dans un tel cadre que la terre a été intégrée dans l’Agenda 2030 pour un Développement Durable et dans les Objectifs de Développement Durable (SDGs pour su abréviation en anglais).

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Terre et territoires au jour d’aujourd’hui : nouveaux défis et luttes plus larges

Au même moment où la terre et les ressources naturelles ont été mises à l’agenda mondial comme questions cruciales, la dépossession des communautés et des populations a atteint de nouveaux sommets. Aujourd’hui, les mouvements sociaux de lutte pour des territoires doivent faire face à un contexte nouveau marqué par un certain nombre de développements :

Financiarisation : La crise financière qui a démarré en 2008/09 a mis en évidence le pouvoir énorme du capital financier et ce qu’il entraine comme dépossession et destruction des moyens de subsistance pour les communautés de par le monde. Les offres foncières et d’autres types de projets « d’investissement » (agriculture extensive, infrastructure, etc.) sont gérés via des sites d’investissement opaque, des paradis fiscaux et des centres offshore. De nouveaux instruments financiers comme les dérivatifs facilitent de nouvelles formes d’enrichissement et de spéculation par les entreprises et les acteurs financiers [[Pour plus d’information (en anglais)]. Alors que la financiarisation a entrainé des nouveaux niveaux de contrôle sur les territoires des peuples, concentrés dans les mains de quelques acteurs puissants – par exemple, l’entreprise d’agrobusiness Olam basée à Singapour qui possède et gère plus de 3 millions d’hectares de terres et de forêts de par le monde -, cela met en défi les revendications traditionnelles pour une réforme agraire, comme l’appel pour la distribution des terres non utilisées.
Ceci est du au fait que la valeur de la terre comme actif financier est détaché de son usage et la terre qui n’est pas cultivée est utilisée d’une autre manière pour générer des retours financiers. Ceci vaut aussi pour les forêts et les océans qui ont été transformés en actifs dans différents scénarios pour atténuer les changements climatiques et ce, sous l’appellation d’économie « verte » ou « bleue ».
La financiarisation implique que le contrôle effectif sur la terre et les autres ressources naturelles passe de plus en plus aux mains d’acteurs financiers qui ne sont pas nécessairement visibles pour les communautés et les populations concernées. Ceci inclut les fonds de pension, les fonds d’investissement, les banques, les compagnies d’assurances et les sociétés de gestion d’actifs comme BlackRock, la plus grande société financière au monde. Les luttes pour la terre et les territoires impliquent donc aussi de questionner la justice financière et de lutter contre l’évasion fiscale, pour la fermeture des paradis fiscaux et pour en finir avec les flux financiers illicites.

Numérisation : les technologies numériques joue un rôle crucial pour transformer la terre, les pêches et les forêts en actifs mondialisés et constitue donc un élément clé de la financiarisation. La numérisation est encouragée par les gouvernements, les institutions internationales et le monde des entreprises comme une nouvelle « solution miracle » qui rendrait plus efficiente la gouvernance des ressources naturelles et assurerait la sécurité foncière pour les communautés. Alors que le mouvement pour la souveraineté alimentaire et les organisations de petits producteurs alimentaires doivent encore discuter jusqu’à quel point les technologies numériques peuvent être utilisées d’une manière émancipatrice, il est clair que l’agenda de numérisation conduit par les entreprises perpétue des inégalités structurelles et des déséquilibres de pouvoir [Pour plus d’information, voir svp la Nyéléni Newsletter n° 37 sur “La numérisation du système alimentaire”].

Montée de l’autoritarisme et crise de la démocratie : les mouvements sociaux et les luttes des peuples autochtones sont de plus en plus coincés entre des régimes autoritaires, racistes ou chauvinistes qui cherchent d’un côté, à récupérer les revendications de terre pour leurs propres objectifs et de l’autre, des mains-mises d’entreprises sur des espaces de gouvernance. Ces développements ont entraîné un niveau alarmant de détérioration des droits humains et de la démocratie au niveau national et international. En conséquence, les fondamentaux servant de cadre aux revendications et aux campagnes ont changé. Au niveau international, la montée en puissance des entreprises, l’incapacité des institutions des Nations Unies de fournir des conseils utiles et crédibles en temps de crises ainsi que la montée d’un autoritarisme de droite ont entrainé une crise profonde du système multilatéral des Nations Unies, ce qui a de lourdes conséquences pour la mise en œuvre des réalisations citées plus haut [Un exemple en est le Sommet sur les Systèmes Alimentaires planifié pour 2021 et dont le processus conduit par les entreprises, a été dénoncé par 500 organisation de par le monde].

Convergence des luttes agraires et écologiques : la crise écologique profonde du monde actuel et qui se manifeste encore plus fortement dans le réchauffement climatique causé par les humains et dans les pertes dramatiques de la biodiversité, a des implications fortes sur la souveraineté alimentaire. Les mouvements agraires et les luttes pour la terre et les territoires doivent intégrer ces questions d’une manière globale. Une preuve de la pertinence des questions écologiques se trouve dans le fait que les discussions concernant la terre se sont déplacées des espaces traditionnels de gouvernance de terre pour être abordées de plus en plus dans d’autres forums comme ceux en lien avec le changement climatique, la biodiversité, la dégradation des terres et des sols etc. [Ceci s’est passé en même temps que la FAO a abandonné largement son rôle de leader sur les questions agraires et n’offre pas de stratégie claire pour la mise en œuvre des Directives Foncières en ligne avec l’UNDROP. Ceci a ouvert la porte à ce que d’autres acteurs occupent ce rôle leader comme par exemple la Banque Mondiale et des plateformes de parties prenantes comme l’ILC.] Même si les organisations de petits producteurs alimentaires ont réussi en partie à mettre sur le tapis dans certaines discussions, les Directives Foncières, les Directives SSF et UNDROP, le cadre de ces questions concernant la terre reste très étroit. Certains groupes de la société civile qui ont été actifs sur les plateformes pour le climat et la biodiversité, par exemple, mettent l’accent sur des revendications spécifiques et limitées comme des garanties pour protéger les droits des peuples autochtones ou la formalisation de droits à la terre des communautés. Les organisations de petits producteurs alimentaires luttant pour la souveraineté alimentaire ne sont pas bien représentées (encore) dans ces forums qui sont dominés par des ONG spécialisées et leur « expertise ». Les organisations de petits producteurs alimentaires du CIP se battent actuellement pour une plus grande reconnaissance du rôle des populations rurales comme gardiens des écosystèmes ; ce qui implique qu’elles aient un contrôle effectif sur leurs territoires.

Focus sur le modèle de production : Actuellement, les débats les plus vifs autour de l’alimentation porte sur la nécessaire transformation des systèmes alimentaires et l’agro écologie. A la lumière d’une profonde crise de légitimité du modèle agroindustriel, insoutenable de manière trop évidente, les mouvements sociaux et CSO ont atteint d’importants résultats, spécialement dans le CFS [Le CFS est engagé actuellement dans deux importants processus 1/ la négociation sur des Directives Volontaires pour les Systèmes alimentaires et la Nutrition ; et 2/ le développement de recommandations politiques sur l’Agroécologie et d’autres approches innovantes.] et FAO [Selon deux conférences internationales de la FAO et une série de symposiums régionaux, le Conseil de la FAO (l’organe exécutif de la FAO) a formellement adopté Dix Eléments de l’Agroécologie en Décembre 2019]. La terre et les territoires sont au centre des débats mais ils sont rarement discutés dans ce contexte. De plus, malgré la crise de légitimité de l’agri business, il y a peu de réel changement jusqu’ici. L’agri business a mis en avant l’agriculture climato-intelligente et l’usage de nouvelles technologies (biologique et numérique) comme fausses solutions supposées leur conserver le pouvoir. La pandémie du COVID et les limitations que cela a entrainées pour les mouvements sociaux et les organisations des peuples autochtones en termes de mobilisation, a été utilisée par l’agri business pour étendre son pouvoir dans beaucoup de pays [Parmi les exemples les plus frappants, l’entrée des OGM en Equateur et en Bolivie et la déforestation toujours croissante au Brésil.] et dans le discours dominant internationalement.

La pandémie COVID-19 et les réponses : Bien que la crise causée par la pandémie et les réponses des gouvernements ont mis en évidence les profondes inégalités de nos sociétés et la crise profonde du système alimentaire industriel, les débats et les mesures prises se sont concentrées sur les aspects santé. Malgré le large constat que les activités d’extraction, agri business inclut, sont responsables de la destruction des écosystèmes et que cela entraîne l’émergence de nouveaux agents pathogènes, les réponses internationales et nationales visent le maintien des grandes entreprises et des chaînes de valeur mondiales. Tandis que certaines organisations paysannes faisaient le lien avec la concentration des terres, et évoquaient les reformes redistributives en tant que réponse partielle à la crise, à la récession économique et à l’augmentation des inégalités qui vont suivre [Voir par exemple ” MST’ Plan d Urgence pour la Réforme Agraire Populaire” (en espagnol)], aucune proposition globale n’a été faite encore par le mouvement pour la souveraineté alimentaire sur comment intégrer la terre et les territoires dans l’ordre post-pandémie.

En ce temps de perturbations et de changements majeurs, il est important de raviver et (au moins partiellement) de recentrer les luttes pour la terre et les territoires dans ce nouveau contexte. Cela demandera de s’appuyer sur les « anciennes » stratégies en attendant de trouver de nouvelles voies adaptées aux circonstances actuelles. Ces dernières années, des convergences des luttes émergent : que ce soit pour la souveraineté alimentaire, les droits des femmes ou encore pour la justice environnementale, sociale et financière. Les mouvements et les revendications se connectent de manière nouvelle et pourraient mener à de nouvelles stratégies de pouvoir pour arriver à un changement systémique. Dans plusieurs pays, « l’urgence » COVID a boosté la solidarité et l’organisation locale, en combinant l’aide directe et les actions de soutien avec des revendications politiques pour un réel changement.

Le moment actuel offre l’opportunité d’une profonde réflexion collective orientée vers l’action parce qu’il a démontré plus que jamais les énormes injustices et inégalités du système alimentaire et du système économique. C’est aussi un moment qui permet de reconfigurer les relations de pouvoir qui vont déterminer jusqu’où les mouvements sociaux et la mobilisation des citoyens vont pouvoir faire avancer l’agenda de la souveraineté alimentaire.

Bulletin n° 41 – Éditorial

Au-delà de la terre – Territoire et souveraineté alimentaire

Illustration de Luisa Rivera / www.luisarivera.cl

La terre a toujours été un bien très contesté. Le contrôle des terres et des ressources liées reflète les relations de pouvoir d’une région, d’un pays et constitue un indicateur des injustices sociales existantes. En même temps, ces ressources sont centrales dans la question des droits, des moyens d’existence et de l’identité de petits producteurs alimentaires. Depuis le début, elles ont été au cœur du mouvement pour la souveraineté alimentaire.

Ce numéro de la Nyéléni Newsletter est la seconde édition de cette année consacrée au thème de la terre. D’un point de vue historique, nous examinons l’évolution des luttes liées à la terre dans les dernières décades en commençant par les demandes pour une réforme agraire et aller vers un cadre plus global qui affirme les relations multiples et étroites que les gens et les communautés ont avec leurs territoires.

Malgré les défis persistants dans les luttes des peuples pour la terre, ce numéro célèbre des victoires importantes et démontre l’ingéniosité des communautés de par le monde pour affirmer leurs droits et gérer leurs territoires.
Les organisations sociales trouvent des moyens d’intégrer dans leurs luttes les questions émergentes telles que les défis du changement climatique et des technologies numériques. A la lumière de la numérisation agressive, la financiarisation et l’autoritarisme et au vu du chevauchement croissant des questions agraires et écologiques, nous soulignons la nécessité pour ces mouvements de relancer et recentrer leurs stratégies.

FIAN International

Bulletin n° 40 – Éditorial

Accaparement des terres et justice foncière

Illustration: Boy Dominguez, Journal of Peasant Studies édition sur Green Grabbing (l’ Accaparement Verte), 2012

La terre est la base de la vie sociale. Elle est non seulement le fondement de la production agricole, mais elle façonne et est également façonnée par les dynamiques politiques, économiques et culturelles des sociétés : le pouvoir affecte l’accès à la terre, et l’accès à la terre donne le pouvoir.

Étant donné le rôle central de la terre dans la société humaine, il n’est pas surprenant qu’elle ait également joué un rôle central dans l’accumulation des profits dans l’expansion du capitalisme mondial. L’accaparement de terres à longue distance – l’expropriation, la marchandisation et la privatisation de terres lointaines – est un élément central de l’histoire du monde depuis 500 ans. Les gouvernements ont toujours cherché à contrôler la terre, mais depuis la fermeture des terres des paysans en Angleterre et les conquêtes européennes des terres indigènes à partir de 1492, l’accaparement des terres a été lié aux intérêts coloniaux et impériaux du capital privé aux côtés des États. Le résultat : des vagues continues de dépossession, de génocide et d’asservissement des peuples indigènes, noirs et bruns. Ainsi, si les récents accaparements de terres reflètent une continuité, les moteurs et les impacts contemporains doivent également être compris dans leur contexte actuel.

Ce numéro de Nyéléni est la première partie de deux éditions (juin et septembre) consacrées au thème de la terre. Ce numéro examine les défis de la ruée actuelle sur la terre par des acteurs financiers et des entreprises, du local au global. Il évalue les opportunités actuelles et propose des stratégies et des solutions pour promouvoir le changement. La terre est un lieu de contestation et d’injustice ; c’est aussi un lieu de lutte, et de progrès, pour la souveraineté alimentaire et la justice.

Food First

Bulletin n° 39 – Éditorial

La souveraineté alimentaire à l’ère de la résurgence autoritaire et fasciste

Illustration: Rosanna Morris, rosannamorris.com

Dans toutes les régions du globe, nous assistons à l’émergence et à la consolidation de forces sociales, politiques et culturelles à la fois racistes, xénophobes, misogynes, machistes, homo-lesbo-transphobes, anti-pacifistes, antidémocratiques et totalitaires. Qualifiées de fascistes, de populistes autoritaires, de dictatoriales, voire de démocratiques, ces forces sont identifiables par le fait qu’elles s’opposent au pluralisme, à la diversité raciale, religieuse et culturelle, à l’égalité sociale, à l’autonomie des femmes et à la laïcité. Elles influencent et contrôlent l’opinion publique à l’aide de discours construits à partir de fragments d’informations habilement assemblés pour établir leurs propres versions de la réalité. Elles diabolisent les vérités embarrassantes en les qualifiant de « fausses nouvelles » et génèrent leurs propres faits en se basant non pas sur la réalité objective, mais sur les valeurs idéologiques de leurs mouvements respectifs.

Tous les régimes politiques sont autoritaires selon divers degrés. Néanmoins, les régimes autoritaires/fascistes apparus au cours de la dernière décennie sont particulièrement dangereux en raison du soutien que leur apportent diverses sections étonnamment importantes de leurs populations ainsi que celui du capital transnational. Cet appui leur donne le pouvoir de polariser et de diviser les sociétés, et de démanteler des acquis importants et durement obtenus en matière de droit fondamentaux, de libertés civiles ainsi que de gouvernance laïque et démocratique.

Dans cette édition du bulletin Nyéléni, nous examinons ce que ces configurations politico-sociales signifient pour le mouvement en faveur de la souveraineté alimentaire. Nous mettons en particulier l’accent sur la manière dont la souveraineté alimentaire constitue elle-même une stratégie de résistance face à la dangereuse vague d’autoritarisme radical qui balaye le monde.

Les Amis de la Terre International et Focus on the Global South

Bulletin n° 38 – Éditorial

Les semences paysannes, le cœur de la lutte pour la souveraineté alimentaire

En 2018, l’Organisation des Nations Unies (ONU) a adopté la Déclaration sur les droits des paysans, reconnaissant, au plus haut niveau de gouvernance internationale, le rôle stratégique joué par les paysans et les paysannes dans le monde. La Déclaration complète également les mesures et les politiques nécessaires à la Décennie de l’agriculture familiale, paysanne et autochtone (2019-2028) et à la mise en œuvre de l’article 9 du TIRPAA (Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture), en soulignant le rôle des semences paysannes en vue d’obtenir la souveraineté alimentaire et dans le développement des politiques agricoles en faveur des paysans.

Ces instruments politiques stipulent qu’il est crucial de garantir le droit des peuples à « maintenir, contrôler, protéger et développer leurs propres semences et savoirs traditionnels ». Dans le cadre des différentes actions de lutte, La Via Campesina a lancé, il y a 20 ans, la Campagne mondiale « Semences paysannes, patrimoine des peuples au service de l’humanité », qui cherche à transcender le monde rural, implique et rassemble d’autres secteurs populaires dans cette affirmation pour la vie.

Dans cette nouvelle édition, nous vous invitons à reprendre le débat sur les Semences paysannes au cœur de la lutte pour la souveraineté alimentaire, qui garantit les droits des paysans. De plus, nous partageons une série d’articles qui cherchent à augmenter le niveau de sensibilisation et le degré d’organisation pour les Semences paysannes à travers tous les territoires. Nous fournissons également des informations sur la façon de participer à l’action “Adoptez une semence”, tout en recueillant des témoignages de résistance qui cherchent à garder les semences paysannes entre les mains de ceux qui nourrissent les peuples d’une manière saine et juste.

La Via Campesina et GRAIN

Bulletin n° 37 – Éditorial

La numérisation du système alimentaire

Illustration: Marc Rosenthal – www.marc-rosenthal.com

Aujourd’hui, plus de 820 millions de personnes souffrent de la faim, alors même que le surpoids et l’obésité continuent d’augmenter dans le monde entier. La destruction des écosystèmes altère de façon alarmante la biodiversité de la nourriture et de l’agriculture. Le changement climatique s’accélère : les températures de ce mois de juillet ont été les plus hautes jamais enregistrées, les glaciers fondent encore plus rapidement que prévu et des millions de jeunes gens réclament une action d’urgence pour faire face à la crise du climat.

Les gouvernements ne font cependant guère preuve d’initiatives lorsqu’il s’agit de changer le système agricole et alimentaire industriel reposant sur les énergies fossiles. En lieu et place d’un tel changement, les entreprises, les gouvernements et les institutions internationales proposent une nouvelle solution miracle pour remédier à la faim, à la malnutrition et au changement climatique : la numérisation, c’est-à-dire l’adoption des technologies de l’information-communication (TIC) et de l’intelligence artificielle (IA) dans la vie quotidienne et dans les différentes activités sociales.

Les technologies numériques peuvent s’avérer bénéfiques ou dangereuses selon les contextes. Les producteurs de nourriture à petite échelle utilisent leurs propres technologies, leurs propres innovations et leurs propres connaissances [Voir le bulletin 36 de Nyéléni, L’agroécologie : véritable innovation réalisée par et pour les peuples]. Mais c’est également le cas des entreprises, qui cherchent à imposer un monopole sur ces technologies. En outre, la numérisation apparait à une époque où les inégalités, l’autoritarisme et l’oppression augmentent.

Ce bulletin présente un aperçu de la numérisation de la nourriture et exemplifie la manière dont les communautés reçoivent et utilisent cette numérisation de par le monde. Nous espérons que ces articles aideront les mouvements sociaux à s’impliquer dans une discussion collective sur les technologies numériques et en particulier sur les manières d’en bénéficier sans les subir.

FIAN International et Focus on the Global South

Bulletin n° 36 – Éditorial

L’Agroécologie, véritable innovation réalisée par et pour les peuples

Ilustration: Institut latino-américain d’Agroécologie – “Tierra del maíz”.

Il est impossible d’ignorer la crise qui frappe le système alimentaire industriel. Pendant plus de dix ans, études après études ont confirmé les résultats avancés en 2007 par le mouvement pour la Souveraineté Alimentaire, à savoir, que le système alimentaire industriel détruit la vie. Désormais, les gouvernements s’attachent à trouver des « innovations » dans le secteur agricole capables de remédier à la crise. Ils espèrent que le salut viendra d’une nouvelle Révolution Verte : des innovations scientifiques et technologiques permettant d’accroître la production sans épuiser les ressources ou polluer notre environnement. Il est évident que ce genre d’innovations permettra aux entreprises de l’agroindustrie de conserver la mainmise sur les ressources naturelles, génétiques et économiques, et de préserver le statu quo dans les discours officiels sans admettre que la faim tire son origine non pas d’une production alimentaire insuffisante mais plutôt de la pauvreté, de l’absence de démocratie, de l’exclusion des groupes vulnérables, d’obstacles physiques ou inégaux (par ex. lors de situations de conflit ou pour les populations déplacées) entravant l’accès à l’alimentation, aux ressources naturelles et aux infrastructures.

À l’opposé, l’Agroécologie, inscrite dans la Souveraineté Alimentaire, gagne, aussi, rapidement du terrain et est de plus en plus mise en avant comme approche permettant de transformer l’agriculture et les systèmes alimentaires ainsi que de répondre aux défis qui nous font face. Le mouvement pour la Souveraineté Alimentaire révèle comment l’argumentaire sur l’innovation est en fait un moyen visant à dépolitiser le débat sur ce que devrait être un nouveau système alimentaire, car ce discours omet de fixer les critères auxquels doit répondre l’innovation. Ainsi, l’Agroécologie se retrouve sur le même plan que les OGM, les nouvelles technologies de sélection génétique, « l’agriculture intelligente face au climat » et « l’intensification durable ». Or, ces modèles s’approprient certaines pratiques agroécologiques et les associent aux semences brevetées, aux plantes et animaux transgéniques, aux monocultures destinées au commerce international, et, plus important encore, au projet inchangé d’accumulation des fruits issus de notre planète et des travailleuses et des travailleurs. Dans ce numéro, nous examinons les éléments de l’Agroécologie telle que définie par les femmes et les hommes engagé-e-s dans la production vivrière à petite échelle qui font d’elle la seule véritable innovation en mesure de transformer notre alimentation et l’agriculture.

Amis de la Terre international
[La présente édition a été réalisée en collaboration avec le CIP et LVC]

Bulletin n° 35 – Éditorial

Souveraineté alimentaire à l’interface entre le rural et l’urbain

Illustration: Lucy Everitt for the Australian City Farms and Community Gardens Network – communitygarden.org.au

L’interface entre le rural et l’urbain est un espace social complexe où la politique et la culture fluent et refluent constamment. Il peut aussi s’agir d’un endroit physique, où sont disputées les richesses et les ressources des villages, des villes, des banlieues périurbaines et des zones rurales « banlieuardisées ». Prise à l’échelle mondiale, cette interface constitue un vaste territoire où il est possible de faire croître la souveraineté alimentaire.

Ce numéro de la newsletter de Nyéléni se penche sur les défis et les opportunités que pose la construction de la souveraineté alimentaire dans les zones périurbaines, ainsi que sur les différentes techniques qu’utilisent les producteurs et les consommateurs des communautés urbaines et rurales pour créer des alliances destinées à transformer le système alimentaire.

De nombreux exemples emblématiques de la souveraineté alimentaire sont localisés à l’interface des zones rurales et urbaines, comme les fermes périurbaines de la Havane, à Cuba, les expériences d’approvisionnement institutionnel à Belo Horizonte, au Brésil, ou encore les innombrables marchés paysans, systèmes agricoles soutenus par la communauté et autres coopératives du monde entier. Toutes ces initiatives évoluent au milieu d’un flux constant de personnes, de politiques, de marchandises et d’idées liées aux processus mondiaux qui abolissent et restaurent successivement la paysannerie.

Les contributeurs de ce numéro de la newsletter de Nyéléni cherchent à engager un dialogue sur cette interface, en posant les questions suivantes :
Que se passe-t-il au niveau des relations entre le rural et l’urbain ? Comment construisent-elles ou peuvent-elles élaborer la souveraineté alimentaire ?
Quels sont les liens (politiques, économiques, sociaux et culturels) tissés entre la ville et la campagne ?
Quels sont les principaux acteurs qui construisent ce lien ?
Quels sont les obstacles et les opportunités auxquels est confrontée la mise en place d’une souveraineté alimentaire à la fois rurale et urbaine ?
Quels sont les buts et les objectifs de la souveraineté alimentaire à l’interface entre zones urbaine et rurale ?

Eric Holt-Gimenez, Food First