Bulletin n° 17 – Éditorial

Jeunesse et agriculture

Sans la participation des jeunes, la souveraineté alimentaire n’a point d’avenir.
Des jeunes sont attachés à la lutte historique pour la libération de notre peuple et la transformation de notre réalité. À l’instar des jeunes de la Via Campesina (LVC), il nous faut reconnaître la dignité et la valeur du travail que nous accomplissons pour maintenir nos luttes.
Au cours de la troisième Assemblée internationale de la jeunesse de la Via Campesina, nous avons identifié les domaines clés de lutte : l’agroécologie, le changement climatique et l’énergie, les migrations, la souveraineté alimentaire,le territoire et les communes, et la santé. Depuis 2004, nous avons traité ces sujets et développé notre feuille de route afin d’élargir notre vision sur l’agriculture, dans le contexte de notre contribution à la construction d’une société radicalement nouvelle.
En notre qualité de paysans et paysannes, migrants, jeunes indigènes, nous reconnaissons qu’il nous est impossible de faire face aux systèmes oppressifs qui détruisent nos populations et notre monde sans faire appel aux jeunes de notre société pour qu’ils se mobilisent à nos côtés. Par conséquent nous, les jeunes de La Via Campesina, présentons cette édition comme notre appel à la jeunesse du monde à s’éduquer, se mobiliser et s’organiser pour la Souveraineté Alimentaire maintenant !

L’articulation internationale de la jeunesse de La Via Campesina

Bulletin n° 16 – Éditorial

Lutte des peuples contre l’OMC

L’OMC tue les paysans!

La nourriture et l’agriculture ont un rôle central dans nos vies de paysans, paysannes et petits producteurs. L’agriculture n’est pas seulement notre moyen d’existence ; c’est aussi notre vie, notre culture et notre relation à Mère Nature.
La logique du libre-échange s’y oppose et transforme la nourriture en une marchandise, un produit qui se vend et s’achète. Le principe du libre-échange est incarné et défendu par l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). L’Accord sur l’Agriculture de l’OMC cherche à orienter les politiques agricoles vers les marchés afin d’augmenter les échanges commerciaux.

C’est pourquoi nous, les membres de Via Campesina, avons été les premiers à lutter contre l’OMC dès sa création en 1995. Depuis le début, nous avons appeler à « L’OMC hors de l’agriculture ». Nous étions dans les rues de Seattle, Cancún, Hong Kong, Genève et serons également à Bali cette année.

La marchandisation de la nourriture et de l’agriculture par l’OMC a causé la mort des paysans et paysannes – leur mode vie a été détruit par les produits agricoles à bas coût bradés sur les marchés à un prix inférieur au prix de production. Le paysan coréen Lee Kyung Hae s’est suicidé sur les barricades lors du sommet de Cancún en brandissant la pancarte « L’OMC tue les paysans ». C’est toujours vrai aujourd’hui lorsque les famines s’intensifient, que les terres sont saisies par les multinationales, que les paysans entrent dans un cercle vicieux de dettes alors qu’ils sont incapables de vendre leurs récoltes, que leurs familles sont déplacées par l’agro-industrie et la nourriture empoisonnée par les organismes génétiquement modifiés.

A Via Campesina, nous pensons que le seul moyen d’avancer est la voie de la souveraineté alimentaire. Tous les peuples devraient avoir droit à une nourriture culturellement adaptée, nutritive et saine. Notre nourriture ne devrait pas être déterminée par les caprices des marchés. Nous devons revendiquer la fin de l’OMC et nous battre pour une économie basée sur la justice et ayant à coeur la souveraineté alimentaire.

Henry Saragih, Président de Serikat Petani Indonesia

Bulletin n° 15 – Éditorial

Investissements

Illustration: Encouragement, Erika Hastings – mudspice.com

200.000 hectares de terre donnés en Côte d’Ivoire à la multinationale Louis Dreyfus pour la culture du riz à l’exportation. 70 millions de £ sterling payées par les contribuables britanniques pour développer les cultures d’OGM. Privatisation des semences dans tous les continents. Voilà juste quelques uns des projets de ces dernières années sous la bannière “investissons dans l’agriculture”.

C’est pourquoi les mouvements sociaux se préparent à lancer l’une des plus grandes batailles pour l’avenir de la souveraineté alimentaire – contre la privatisation de l’investissement. Le secteur privé se présente comme étant le sauveur de l’agriculture alors que, comme le démontre cette newsletter, ce sont les petits producteurs d’aliment ou producteurs vivriers qui sont vraiment ceux qui investissent pour nourrir les populations et permettre aux ruraux de disposer de moyens d’existence. Nombreux sont ceux fascinés par l’importance primordiale des moyens de l’investissement privé, pensant par exemple que les “codes de conduite” pour poursuivre l’accaparement des terres doivent être développés, au lieu de mettre en place des règlements pour arrêter cette déprédation.

En examinant de plus près ce qui se passe en Afrique, nous voyons que l’investissement privé des entreprises est une stratégie pour i) vendre plus d’intrants chimiques et de semences aux agriculteurs africains, et ii) assurer un accès à bas prix aux terres et aux ressources pour fournir les chaînes alimentaires mondiales en vue de nourrir les riches – tout en contrôlant les petits producteurs d’aliments. Cette politique va détruire l’environnement, tuer la diversité génétique et pousser des milliers de personnes vers plus de faim.

En octobre, le Comité mondial sur la Sécurité alimentaire va se réunir à Rome pour discuter des principes relatifs aux Investissements responsables en agriculture. Nous devons faire passer haut et fort le message que tous les investissements ne sont pas pareils. Et poser les questions importantes – Des investissements pour quel type d’agriculture? Par qui? Au bénéfice de qui? Des paysans colombiens viennent juste de réussir à annuler la privatisation des semences en posant ce type de question. Et comme l’indiquent les voix en provenance de la base, partout, les petits producteurs vivriers vont poser ces questions.

Kirtana Chandrasekaran, Les Amis de la Terre international

Bulletin n° 14 – Éditorial

Droits et répression

Au Paraguay, onze paysans et six policiers ont été tués; treize paysans ont été poursuivis en justice et plus de cinquante ont été incriminés au cours d’un conflit portant sur la terre, l’un des plus violents de l’histoire récente du pays. En Uganda, femmes,enfants et hommes qui vivent de la pêche et à qui on dénie l’accès au lac Victoria sont menacés par les tirs des gardes de la sécurité privée s’ils traversent les limites établies par les investisseurs. Ces derniers revendiquent avoir acheté le lac. Aux USA, des femmes employées par de grandes chaînes de distribution de produits alimentaires sont placées sous surveillance, victimes d’harassement sexuel sur leur lieu de travail, et sous-payées. En Mongolie, les éleveurs nomades essaient de survivre aux conséquences désastreuses de la destruction de leur habitat par les activités minières. Tels sont quelques uns seulement des témoignages de violations des droits humains et d’abus que ce numéro du bulletin de Nyéléni a rassemblé.

Ils montrent une criminalisation croissante envers les mouvements sociaux qui défendent la souveraineté alimentaire dans le monde entier. Nous ne connaissons pas l’ampleur réelle de cette situation, étant donné que de nombreux abus, de nombreux conflits et violations de droits humains qui touchent l’ensemble du système alimentaire actuel restent invisibles et non détectés. Cependant, ces informations rares et éparses ont été suffisantes pour que les organismes de contrôle des Nations Unies (NU), tels que la Rapporteuse spéciale sur les défenseurs des Droits de l’homme, déclare que le second groupe le plus vulnérable des défenseurs des droits de l’homme est celui constitué par ceux qui s’occupent des problèmes liés à la terre, aux ressources naturelles et à l’environnement. L’Organisation internationale du travail a également rapporté que les faits d’asservissement et d’esclavagisme sont particulièrement fréquents sur certains lieux de travail de la chaîne alimentaire – tels que les grandes plantations, les abattoirs industriels et les chalutiers. La criminalisation croissante des activistes de la souveraineté alimentaire est une des principales menaces à laquelle notre mouvement doit faire face. Suivant le contexte, la criminalisation peut être, par exemple, encouragée par un état autoritaire qui ne permet pas aux gens de s’organiser de manière autonome; ou par l’érosion des institutions et de la culture portant sur les droits de l’homme de pays qui avaient un niveau élevé de protection dans ce domaine. Cette criminalisation peut également être facilitée par des acteurs autres que l’Etat, tels que des sociétés commerciales et des médias, qui font passer des lois compromettant ou rendant illégales les activités économiques des éleveurs nomades, des communautés de pêcheurs, des paysans et des cueilleurs; ou qui privent ces groupes de l’accès aux ressources naturelles; ou qui démantèlent la protection offerte par le droit du travail, les réglementations environnementales et sanitaires.

Il faut que nos mouvements et nos organisations développent leurs stratégies et les améliorent pour faire face à cette criminalisation grandissante. Ce bulletin présente quelques unes de nos expériences et initiatives stratégiques actuelles à ce sujet. Nous rappelons comment la lutte des peuples autochtones pour la reconnaissance, dans la législation nationale et internationale, de leurs droits collectifs à leurs terres, à leur territoire, à leur savoir ancestral, à un consentement libre, préalable et informé, ainsi qu’à une autodétermination concernant leur évolution économique, sociale et culturelle fut un combat précurseur pour la souveraineté alimentaire. D’autres composantes rurales telles que les communautés paysannes et les communautés de pêcheurs demandent également une reconnaissance de leurs droits distinctifs aux ressources naturelles et au développement autodéterminé de leur propre système d’alimentation et de leurs activités économiques. La procédure en cours pour rédiger, dans le cadre des NU, une Déclaration sur les droits des paysans et paysannes et autres personnes travaillant en milieu rural ainsi que les Directives de la FAO sur la pêche artisanale représentent deux initiatives qui visent à donner plus de pouvoirs aux paysans et aux pêcheurs et à bâtir un cadre légal en faveur des producteurs à petite échelle de denrées alimentaires, tout comme en faveur du bien-être et de la santé publics.

Nous avons également besoin d’approfondir nos liens avec le mouvement des droits de l’homme pour défendre les acquis dans ce domaine, pour combler les vides, continuer à développer et renforcer la législation sur les droits humains de manière que cette législation exerce une suprématie sur le droit et les investissements commerciaux. Il nous faut aussi continuer à étendre notre mouvement et à construire une unité entre nos alliances formées des diverses composantes. Aucune de nos composantes, à elle seule, ne sera capable de défendre ses droits et de surmonter de manière efficace les menaces auxquelles nous devons faire face.

Sofia Monsalve, FIAN International

Bulletin n° 13 – Éditorial

Souveraineté alimentaire

Illustration: Anna Loveday-Brown

“Toute lutte, en tout lieu du monde, pour la souveraineté alimentaire, est notre lutte.” Déclaration de Nyéléni

Lors du Sommet mondial de l’alimentation en 1996, La Via Campesina lançait le concept de souveraineté alimentaire avec deux objectifs: s’opposer au modèle de production et de distribution dominé par les intérêts privés, mais aussi soutenir l’économie locale et lutter contre la faim et la pauvreté. Depuis, la souveraineté alimentaire a fait de nombreux adeptes dans le monde entier – y compris des gouvernements et institutions multilatérales – et ce concept a été repris par tous ceux qui défendent les droits sociaux, environnementaux, économiques et politiques.

La souveraineté alimentaire diffère de la sécurité alimentaire, à la fois dans son approche et dans son aspect politique. Quand on parle de sécurité alimentaire, on ne se demande pas d’où viennent les denrées alimentaires, ni comment elles ont été produites et distribuées. Trop souvent, les gouvernements qui atteignent leur objectif en matière de sécurité alimentaire utilisent des denrées produites en exploitant les hommes, en détruisant l’environnement et en ayant recours à des subventions et des politiques qui favorisent les entreprises du secteur agro-alimentaire au détriment des producteurs locaux. La souveraineté alimentaire
favorise des moyens de production, de distribution et de consommation écologiques
et un système d’approvisionnement local qui respecte les droits sociaux et economiques et contribue à la lutte contre la faim et la pauvreté. Elle permet d’atteindre la sécurité alimentaire pour tous et soutient des méthodes commerciales et des investissements qui servent les aspirations de la société. La souveraineté alimentaire se traduit aussi par une gestion collective des ressources productives, des réformes agraires assurant une sécurité foncière aux petits producteurs, une agriculture écologique qui respecte la biodiversité et soutient le savoir-faire local, ainsi que les droits des paysans et paysannes, des femmes et des peuples autochtones. C’est aussi un vecteur de protection sociale et de justice climatique.

En 2001, des délégués représentant des groupes de paysans, de d’artisans pêcheurs, des peuples autochtones, la société civile et le monde universitaire se sont réunis à La Havane à l’occasion du Forum mondial sur la souveraineté alimentaire afin de mettre en place les conditions de la souveraineté alimentaire. A partir de 2000, des militants opposés à l’accord de l’OMC sur l’agriculture ont demandé un soutien public en faveur d’une production agricole familiale et durable. Ils ont appelé à un mouvement donnant la priorité à la souveraineté alimentaire des peuples et s’opposant à une intervention de l’OMC dans les dossiers agricole et alimentaire. Le Forum international sur la souveraineté alimentaire de 2007 qui s’est tenu au Mali a marqué un tournant. Plus de 500 personnes provenant de 80 pays se sont rassemblées pour échanger des idées, mettre en place des stratégies et des actions visant à renforcer le mouvement international de souveraineté alimentaire.

La Déclaration de Nyéléni, qui résume la vision du mouvement, établit que:
La souveraineté alimentaire est le droit des peuples à une alimentation saine, dans le respect des cultures, produite à l’aide de méthodes durables et respectueuses de l’environnement, ainsi que leur droit à définir leurs propres systèmes alimentaires et agricoles. Elle place les producteurs, distributeurs et consommateurs des aliments au coeur des systèmes et politiques alimentaires en lieu et place des exigences des marchés et des transnationales. Elle défend les intérêts et l’intégration de la prochaine génération…La souveraineté alimentaire donne la priorité aux économies et aux marchés locaux et nationaux et fait primer une agriculture paysanne et
familiale, une pêche artisanale traditionnelle, un élevage de pasteurs, ainsi qu’une production, distribution et consommation alimentaires basées sur la durabilité environnementale, sociale et économique… La souveraineté alimentaire implique de nouvelles relations sociales libérées de toute oppression et inégalité entre hommes et femmes, entre les peuples, les groupes raciaux, les classes sociales et les générations.

La souveraineté alimentaire est une solution à la fois pour les habitants de régions rurales et urbanisées, de pays pauvres ou de pays riches. C’est un espace de résistance au néolibéralisme et au capitalisme de libre marché, opposé à des relations commerciales et financières destructrices; c’est un espace pour construire des systèmes d’approvisionnement démocratiques et économiques ainsi qu’un avenir juste et durable. Son pouvoir de transformation a été reconnu par les Rapporteurs spéciaux de l’ONU sur le Droit à l’alimentation, Jean Ziegler et Olivier de Schutter, et ses principes ont été intégrés dans des documents fondamentaux tels que l’IAASTD (Evaluation Internationale des Sciences et des Technologies Agricoles pour le Développement).

La majorité des denrées alimentaires de la planète sont produites par plus d’un milliard de petits producteurs, parmi lesquels beaucoup souffrent eux-mêmes de la faim. Nous ne trouverons pas de solutions à long terme aux conséquences catastrophiques du changement climatique, à la dégradation de l’environnement et aux crises économiques si nous n’amplifions pas la portée de leur voix et de leurs moyens.

L’histoire de la souveraineté alimentaire est faite de luttes et d’espoir. Cette newsletter est consacrée aux luttes qui nous permettent d’espérer un monde meilleur. Aujourd’hui plus que jamais, la souveraineté alimentaire est un impératif.

Focus on the Global South

Bulletin n° 12 – Éditorial

Migration et agriculture

Illustration: “Avec ou sans papiers, travailleurs unis!” Titom

L’alimentation est essentielle à la vie. Elle est aussi une expression de nos cultures et de nos sociétés. Le système alimentaire industriel dominant élimine les valeurs vitales et sociales de l’alimentation pour n’en faire qu’une simple marchandise dont on peut tirer profit à chacune des étapes de sa production intensive, de sa transformation et de sa distribution, jusqu’à la spéculation dont elle fait l’objet sur les marchés financiers. Ce système pousse à séparer les consommateurs des producteurs. Alors que l’agriculture familiale continue de nourrir plus de 70% de la population mondiale, le systeme néolibéral et sa politique commerciale chassent de leurs territoires les paysans, les artisans pêcheurs, les éleveurs et les peuples indigènes, et soutiennent le developpement de monocultures intensives, de fermes-usines, de l’industrie de la transformation et de la distribution, basés sur le labeur des travailleurs de l’agro-alimentaire. Ces travailleurs agricoles et du secteur agro-alimentaire sont de plus en plus souvent des migrants, forcés de quitter leur pays pour échapper à la pauvreté et à la faim. A cause des politiques d’immigration à caractère racial et de la militarisation des frontières, ces migrants risquent de plus en plus souvent leurs vies pour franchir des frontieres sans papiers d’identité. De plus en plus de migrants sans papiers sont persécutés et criminalisés, tout en étant exploités par le système de production alimentaire, auquel ils sont indispensables, voire travaillent pour celui-ci dans des conditions proches de l’esclavage. La lutte contre la mondialisation de la production alimentaire est aussi une lutte pour défendre les droits des migrants. La lutte pour la souveraineté alimentaire est aussi une lutte pour rendre aux individus la liberté de choisir s’ils veulent ou non quitter leurs communautés et leurs territoires.

Bulletin n° 11 – Éditorial

Alimentation et ville

Quand le prix des denrées naturelles augmente, elles deviennent un produit de luxe que seuls les plus riches peuvent s´offrir. (…) Ces denrées doivent être disponibles localement et à un prix raisonnable.” Masanobu Fukuoka, The One-Straw Revolution

L´agriculture urbaine: vers une souveraineté alimentaire?
Près d´un quart des produits frais sont produits par environ un milliard de personnes qui cultivent des fruits et des légumes dans des jardins et des fermes urbaines ou périurbaines. Bien qu´une partie de ces produits soit consommée par les producteurs et productrices elles-mêmes, une large part est revendue directement sur les marchés urbains, à des prix raisonnables. De nos jours, plus de la moitié des populations défavorisées vivent dans des villes. Face aux dangers de la volatilité des prix alimentaires, cette production locale s´avère de plus en plus vitale pour la sécurité alimentaire urbaine. Cette production urbaine se retrouve essentiellement dans les pays du Sud (ex: Hanoï: 80% des légumes frais, Shanghai: 60% des légumes, 100% du lait, 90% des oeufs, 50% du porc et de la volaille; Dakar, 60% des légumes, 65% de la volaille et 50% du lait; Accra: 90% des légumes frais; La Havane: 2438,7 d´hectares produisent 25000 tonnes de nourriture chaque année). Mais de plus en plus, cette production alimentaire urbaine s´installe dans les villes du Nord au coeur de groupes de populations défavorisés et marginalisés. Grace à la production de leurs produits frais, les communautés urbaines améliorent leur alimentation et leurs revenus. Avec la récurrence des crises des prix des produits alimentaires, l´agriculture urbaine se développe, tout comme le conditionnement et la distribution des denrées. On tend ainsi progressivement vers un contrôle local du système alimentaire.

Eric Holt-Gimenez, Food First

Bulletin n° 10 – Éditorial

Économie « verte »

Illustration: Anna Loveday-Brown

La Conférence des Nations Unies sur le Développement Durable Rio +20, va se tenir au mois de juin, vingt ans après le Sommet de la Terre. Le principal sujet des débats et des discussions sera l’économie « verte ». Derrière ce concept se cache l´objectif de faire de la crise écologique un outil au service de l´accumulation des capitaux. En effet, le système capitaliste considère que ce sont les marchés qui vont permettre de faire face à la crise écologique mondiale. Dans ce cadre, l’économie verte permet de faire passer ce système pour un système durable. Cette édition du bulletin Nyéléni nous invite à réfléchir au concept de l’économie « verte », en apportant divers éléments au débat et en proposant des alternatives. On voit clairement que le capital international est en train de s’organiser pour s’approprier des territoires et transformer la nature en une nouvelle forme de marchandise, accentuant l’exploitation et les privatisations. L’économie « verte » place le commerce et le profit par dessus toute considération sociale et par dessus le renouvellement de la vie elle-même. Notre défi est de continuer à bâtir notre capacité de mobilisation sur nos territoires, en nous basant sur les principes de solidarité, d´internationalisation, et d´intégration des peuples, pour faire aboutir notre combat. Notre tâche essentielle est de mondialiser l´espoir et la résistance.

CLOC-VIA CAMPESINA

Bulletin n° 9 – Éditorial

Accaparement des terres

Illustrations by Anna Loveday-Brown

«Notre détermination à nous tenir debout et à planter nos pieds sur notre terre détermine la force avec laquelle battront les coeurs de nos enfants.» Poolly Koutchak, Unalakleet, Alaska

En ce mois d’avril, la Banque Mondiale organise sa conférence annuelle sur les terres et la pauvreté. C’est un événement de taille importante rassemblant des bureaucrates internationaux, des représentants gouvernementaux, des personnels académiques orthodoxes, quelques grosses ONG et le secteur privé. Sous le titre Gouvernance des terres dans un environnement en mutation rapide ils discuteront, parmi d’autres sujets, de la manière de gérer les défis de gouvernance soulevés par les gros investissements agricoles. Soit plus clairement comment continuer l’accaparement par les investisseurs privés des terres et de l’eau des populations locales, en prétendant aider les pauvres. En avril également se tiendra un processus de consultation du Fonds Monétaire International (FMI) sur la meilleure utilisation des ressources naturelles pour améliorer les niveaux de vie dans les pays en développement. Le FMI cherche à réexaminer ses recommandations sur l’usage des ressources naturelles dans le développement, en raison de l’augmentation de l’importance des ressources naturelles dans de nombreuses économies. En dépit des conséquences désastreuses, les Institutions Financières Internationales (IFI) continuent à exercer une influence réglementaire de fait dans la gouvernance internationale des terres et des ressources naturelles. Cette position est profondément illégitime. Un petit groupe de pays riches défendant les intérêts privés du monde des affaires, de la finance et de leurs technocrates pensent avoir le droit de prendre des décisions concernant nos terres et nos territoires. Mais cette influence réglementaire a commencé à être remise en cause : le 9 mars dernier, le Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA) a achevé les négociations intergouvernementales sur les Directives volontaires de la FAO pour améliorer la gouvernance des régimes fonciers applicables aux terres, pêches et forêts, dans le cadre de la Sécurité Alimentaire Nationale. Avec le succès de ces négociations, suite à un processus participatif qui a duré presque trois ans, le CSA a montré sa capacité à mener des négociations multilatérales avec une large participation sociale pour discuter et proposer des solutions à l’un des plus urgents problèmes de notre temps. Les Directives contiennent des points importants qui serviront de support aux organisations dans leur lutte pour assurer la prise en compte et l’utilisation des ressources naturelles pour produire une alimentation de meilleure qualité, et aider ainsi à réduire la faim en s’attaquant aux racines du problème. Le CSA est un nouvel espace international avec des règles plus démocratiques qui permettent aux organisations représentants les populations de contester les recettes et les lois des IFI. Ceci est une première étape vers la démocratisation des processus de prise de décision liés à l’alimentation et à l’agriculture au niveau international. Avril est aussi le mois de la lutte paysanne internationale. La Via Campesina a appelé tous ses membres et alliés, mouvements de pêcheurs, organisations de travailleurs agricoles, groupes environnementaux, organisations de femmes et mouvements de justice sociale à opposer une résistance populaire massive à l’accaparement des terres, au contrôle des entreprises sur les terres et les ressources naturelles, et à défendre l’agriculture familiale et la production alimentaire à petite échelle en tant modèle le plus soutenable socialement, économiquement et environnementalement pour l’utilisation des ressources et la garantie d’un droit à l’alimentation pour tous. Agissons !

Sofia Monsalve, FIAN International

Bulletin n° 8 – Éditorial

Eau

Le bruit de l’eau
Le vieil étang
une grenouille y plonge
le bruit de l’eau !
Frog Haiku par Matsuo Bashô, traduit par Henri Brunel

L’eau pour la vie, non pas pour la mort!
Mouvement international des Peuples Affectés par les Barrages

Illustration, Anna Loveday-Brow

Pendant des siècles, de part le monde, l’eau a joué un rôle clé pour la civilisation, la culture et le progrès. La proximité de sources d’eau a déterminé les itinéraires des peuples nomades et autres voyageurs, et déterminé où les communautés et nations se sont établies. L’eau a inspiré la poésie, la musique, l’art et la littérature, et a déterminé le régime alimentaire, la cuisine et la santé de nos familles et sociétés. À l’instar de l’air que nous respirons, l’eau est l’essence même de la vie et pour cette raison probablement, son usage et sa gestion est fondé sur des conflits et des intérêts particuliers. L’eau a été retenue par barrage, détournée, canalisée, embouteillée, transportée, contaminée,
empoisonnée et purifiée, et de ce fait, elle a été tant un facteur de vie que de mort.
Cette édition du bulletin Nyéléni décrit les pressions et demandes exercées sur les sources d’eau de notre planète, les tentatives de contrôle de l’accès au moyen de privatisation et de commercialisation, et les luttes intensifiées de gens extraordinaire de part le monde pour défendre leur droit sur l’eau et pour protéger l’eau de l’accaparement
de l’élite. Les gouvernements ne peuvent être autorisé à donné un accès préférentiel et le contrôle de l’eau à des sociétés et classes aisées. Il est impératif et urgent que nous joignions nos forces pour protéger l’eau en tant que bien commun, en tant que patrimoine partagé, collectif des générations présentes et futures.

Shalmali Guttal, Focus on the Global South