L’écho des campagnes

L’écho des campagnes 1

Justice Alimentaire 2.0

LaDonna Redmond, Fondatrice et directrice exécutive de The Campaign for Food Justice Now.

Je suis devenue une militante pour la sécurité alimentaire quand mon fils Wayne a commencé à développer des allergies alimentaires de très bonne heure et j’ai voulu lui donner la nourriture la plus saine possible. Je n’étais pas plus différente que la plupart des mères de ma communauté. Je voulais le meilleur pour mon fils. Mais cette nourriture – la meilleure qui soit – n’était pas disponible dans mon quartier ducôté ouest de Chicago. Je vis dans une communauté où il est plus facile de se procurer unearme semi-automatique qu’une tomate. La question de la santé publique de la violence est liée au problème des maladies chroniques alimentaires.

Pour moi, Justice Alimentaire 2.0 est vraiment basée sur le récit des gens de couleur. Le mouvement de la justice alimentaire raconte l’histoire du colonialisme et de l’impact du traumatisme historique sur les communautés de couleur.

Nous comprenons que l’import des esclaves africains aux Etats-Unis a fourni la main d’œuvre pour ce que nous appelons aujourd’hui notre système alimentaire industriel. L’essence même de ce que je crois être les problèmes dans nos communautés, surtout lorsque nous parlons de l’accumulation de richesse et le manque de santé, se trouve vraiment être le débat autour de l’esclavage.Nous n’avons pas réconcilié le résultatmême de l’esclavage ou son impact. Pour nous, la justice alimentaire n’est pas seulement à propos de nutrition. Ce n’est pas seulement cultiver la nourriture. Cela concerne la dignité. C’est d’être visible.

Nous pouvons réussir si nous sommes capables de reconnaitre que nous n’avons jamais eu une justice alimentaire aux Etats-Unis et nous devons nous joindre et créer unrécit où chacun d’entre nous s’assoit autour d’une table et construit le système alimentaire dont nous avons besoin. Réclamez vos cuisines. Réclamez vos chaises et votre table. Cuisiner votre nourriture. Faites à manger. Apprenez d’où vient votre nourriture.

Récit adapté de la présentation sur TEDxManhattan, 2013 “Food + Justice = Democracy”

L’échos des campagnes 2

L’autonomisation communautaire et la résistance à Détroit

Malik Yakini, fondateur et directeur exécutif de la Detroit Black Community Food Security Network

A Détroit, nous avons en ce moment une population d’environ 700 000 personnes, comparée à celle initiale de 1 900,00. La ville s’est dépeuplée de manière considérable à cause du déclin de l’industrie automobile et dans les années 50 et 60, des fuites résidentielles des Blancs, et plus récemment, des fuites résidentielles des Noirs de classe moyenne. Nous connaissons un chômage très élevé, estimé entre 18 et 20%. Il n’y a pas de grandes chaînes de supermarché à Détroit. Cela conduit à la majorité de la population à se procurer de la nourriture dans les stations-services et supérettes. La plupart de cette soi-disant nourriture dans ces endroits est emballée dans du polystyrène, des boîtes et des paquets. Le territoire géographique de la ville est d’environ 143 km². De ces 143 km², environ un tiers de la ville est vide, à cause de sa dépopulation et du désengagement volontaire de la ville de Détroit.

La réalité de ce dernier, est que la ville de Détroit et ses habitants en sont punis. Et l’une des raisons pour laquelle nous sommes punis est celle des 50 ans et plus de la lutte pour l’autonomisation de la population noire dans la ville de Détroit. Environ 80% de la population est Afro-Américaine et nous vivons dans une zone métropole où le racisme est le plus polarisé des Etats-Unis. Nous voyons à présent de plus en plus de zones urbaines à l’intérieur de Détroit s’embourgeoiser. Nous voyons de jeunes blancs à la mode emménager dans le cœur de la ville et nous assistons au déplacement de ses habitants de longue date. Tout cela se déroule sur fond d’une des choses les plus insidieuses jamais arrivées aux Etats-Unis étant celle des élus de la ville privés de leurs pouvoirs par la nomination d’un directeur d’urgence par le gouverneur de l’Etat du Michigan. En réalité, le vote des habitants de Détroit leur a été enlevé.

Notre organisation se focalise autour de l’autonomisation communautaire et de la résistance. Nous nous intéressons également à la démocratie, au type de démocratie ou les habitants prennent réellement des décisions ayant un impact dans leur propre communauté et dans leurs propres vies… Nous combattons toutes les luttes contre ce double maléfique : le capitalisme et la suprématie des blancs, qui se manifestent non seulement dans la domination industrielle du système alimentaire, mais aussi à l’intérieur de notre mouvement pour l’alimentation et la souveraineté alimentaire. Nous sommes soucieux du fait que nous sommes tous engagés dans le but de nous débarrasser de l’oppression raciale intériorisée. En réalité, ce n’est pas auxiliaire à notre but. C’est le but.

Récit adapté de la présentation lors de la conférence “Food Sovereignty: a critical dialogue”à l’université de Yale en 2013. Plus d’information ici.

L’échos des campagnes 3

Les ouvriers agricoles, un nouveau genre d’apartheid

Rosalind Guillen, Directrice exécutif, Community to Community

Je suis une ouvrière agricole qui se rend bien compte que nous somme une toute petite partie d’un système, mais un maillon très important.
Je suis connecté à l’histoire de l’esclavage dans l’industrie agricole de ce pays, parce que nous sommes les nouveaux esclaves. En tant que mexicaine-américaine, je peux affirmer qu’il y a un nouveau groupe d’esclaves qui apportent énormément de richesse à l’industrie agricole du pays. Dans beaucoup des communautés où nous travaillons aux Etats-Unis, nous apprenons à vivre sous un régime de quasi-apartheid, un apartheid économique, un apartheid social et, bien sûr, un apartheid racial. Nous sommes cachés; nous sommes silencieux; nous travaillons.

L’espérance de vie moyenne d’un travailleur agricole aux Etats-Unis reste de 49 ans. C’est le prix à payer afin de maintenir le rythme de production requis par l’industrie agricole pour que vous (les consommateurs) puissiez avoir vos petits fruits et légumes frais. Et il y en a parmi nous ceux qui meurent avant d’atteindre cet âge. A Pasca, Washington, Antonio Zambrano a été tué par la police après avoir lancé une pierre, un geste traduisant sa frustration devant la pauvreté dans laquelle il vivait et le manque de respect que lui et sa famille avaient senti pendant tant d’années.
Pour nous, la politique agricole signifie que nous continuons à utiliser les pesticides. La politique agricole veut dire que le salaire à la pièce est légalisé et institutionnalisé, et que presque tous les travailleurs agricoles doivent obligatoirement accepter afin de recevoir leur paye. Le salaire à la pièce et les pesticides: ce sont les raisons pour lesquelles notre espérance de vie est de 49 ans.

Arrêtez-vous et écoutez-nous, parce que nous sommes des canaris dans la mine de charbon. Dans les champs de Californie, l’industrie agricole est en train de jeter des produits chimiques qui seront ensuite répandus partout dans le pays, ce qui finira par arriver chez vous, le consommateur. Il faut écouter les travailleurs agricoles.
Le chemin se fait en marchant. Nous ignorons à quoi va ressembler ce chemin, mais il faut que nous marchions ensemble et pendant que le chemin se fait il faut que nous vivions bien, ce qui nécessitera l’engagement de tous. Le chemin sur lequel nous marchons ensemble doit mener à la table où on pourra s’asseoir pour manger en famille, tout en sachant que la nourriture sur notre assiette n’a pas été contaminée par l’exploitation des êtres humains et de la Terre Mère.

Article adapté d’une conférence prononcée à l’occasion du 40 anniversaire de Food First en 2015

Encadres

Encadré 1

Définition de la justice alimentaire

La justice alimentaire fait référence à un large spectre d’efforts qui s’attaquent à l’injustice à l’intérieur du système alimentaire des Etats Unis. Les modèles plus faibles de justice alimentaire regardent principalement les effets d’un système alimentaire inéquitable alors que les modèles plus solides se concentrent sur les causes structurelles de ces inégalités. Par exemple, les projets réformistes pour la justice alimentaire travaillent à fournir un accès à la nourriture dans des communautés mal desservies pour réduire l’insécurité alimentaire et/ou s’efforcent d’améliorer la nourriture et les conditions de travail dans le système alimentaire industriel en développant des marchés de niche (par ex. les certifications de commerce équitable ou de production bio).

Les modèles progressistes de justice alimentaire font un pas de plus en produisant de la nourriture (en général avec des méthodes bio, de permaculture et/ou d’agroécologie) et en visant un accès plus équitable aux ressources nécessaires à la production alimentaire comme la terre, le crédit et les marchés et de meilleurs salaires et conditions de travail pour les travailleurs agricoles et les ouvriers du secteur alimentaire (pas seulement ceux qui bénéficient des marchés de niche).

Les modèles plus radicaux de justice alimentaire se concentrent sur les transformations redistributives et structurelles dans le système alimentaire qui construisent un pouvoir politique dans les communautés abandonnées, exploitées et oppressées, en incluant aussi des gens de couleur, des immigrés, des femmes, des LGBTQ. Ces modèles travaillent au démantèlement des lois, des régulations, des institutions, et des normes culturelles qui confortent les privilèges des entreprises, des monopoles et des hommes males blancs dans le système alimentaire.
Les modèles radicaux et progressistes s’imbriquent dans la souveraineté alimentaire, un concept international qui se définit comme le droit des peuples à une nourriture saine et culturellement appropriée, produite selon des méthodes durables et sensibles à l’environnement et le droit des peuples à définir leur propre système alimentaire et agricole.

Encadré 2

L’alliance pour la souveraineté alimentaire aux Etats Unis: nourrissant la justice alimentaire

La résistance à l’héritage du racisme structurel aux Etats Unis est un pilier historique de ce qu’on appelle “la justice alimentaire”. La lutte pour la justice alimentaire prend place dans les milliers de communautés urbaines et rurales abandonnées, communautés qui sont secouées par les effets négatifs du régime alimentaire dominé par le secteur privé.
Les monopoles agroalimentaires de ce régime empoisonnent nos travailleurs et notre environnement avec des produits toxiques pour produire une nourriture industriel bon marché qui nous rend malade.
Plus de 50 millions de personnes aux Etats Unis, principalement des travailleurs du secteur agricole et alimentaire, des femmes, des enfants et des gens de couleurs, souffrent d’insécurité alimentaire et de maladies graves liées à leur régime alimentaire. Aux Etats Unis, les petites exploitations paysannes et familiales représentent moins de 2% de tous les agriculteurs enregistrés dans le pays… Nous avons plus de gens en prison que sur les champs. La justice alimentaire aux Etats Unis utilise différentes formes pour remédier à ces inégalités principales : des communautés abandonnées cultivent sur les toits et sur des terres urbaines délaissées , une nouvelle génération de jeunes agriculteurs cultivent une nourriture bio pour leurs communautés, pour des marchés paysans et des expériences d’agriculture communautaires et des conseils de politiques alimentaires locales bourgeonnent alors que le travail de plaidoyer sur travailleurs migrants, la justice environnemental, l’étiquetage des OGM et la santé publique devient de plus en plus puissant.

Dans la dernière décennie, le mouvement pour la justice alimentaire s’est rapidement développé aux Etats Unis au sein des communautés qui croient que notre système alimentaire devrait servir et non exploiter et empoisonner les gens de couleurs. Beaucoup sont convaincus que la justice alimentaire radicale peut être un chemin vers la libération. Grace au travail militant des organisations de base, la justice alimentaire est aussi adoptée par des consommateurs socialement responsables qui demandent une nourriture sans pesticides, des salaires justes et des conditions dignes pour les travailleurs. Tous croient que nos familles de paysans devraient recevoir un prix plus juste pour la nourriture qu’ils produisent. Beaucoup sont prêts à mettre leurs systèmes alimentaires locaux au service d’une croissance économiques sous le contrôle des communautés délaissées. Tous, nous cherchons à en finir avec le contrôle des entreprises sur notre nourriture, La nourriture doit être pour le peuple et non pour le profit des monopoles.

Il n’est pas étonnant qu’avec la montée du mouvement pour la souveraineté alimentaire, la justice alimentaire a aussi émergé comme un concept, une forme de résistance et une proposition politique au niveau global. La convergence grandissante entre les deux est le résultat d’échanges et de connections internationaux entre des organisations locales et des mouvements sociaux internationaux, spécialement avec la Via Campesina. Ceci est du d’une part au fait que la création de la Via Campesina et la montée de la souveraineté alimentaire ont influencé des chercheurs, des ONGs et des organisations de base. D’autre part, avec la progression de la mondialisation, le racisme s’est aggravé dans le système alimentaire au niveau mondial.

L’ Alliance pour la Souveraineté Alimentaire aux Etats Unis (U.S. Food Sovereignty Alliance-USFSA)

L’Alliance pour la Souveraineté Alimentaire aux Etats Unis (Acronyme en anglais USFSA) est un réseau très large de 33 organisations de base et d’ONG engagées dans la construction du pouvoir collectif des mouvements pour la justice alimentaire et pour la souveraineté alimentaire. La USFSA est née lorsque des groupes de paysans et des organisations communautaires, de travailleurs et de sécurité alimentaire se sont rencontrés pour discuter des actions à long terme afin de souligner les racines de la crise alimentaire mondiale de 2008 (crise qui a été générée largement par des entreprises et des politiques des Etats Unis). Cet été là a vu la première réunion convoquée par ce groupe de travail à Washington D.C. Ils ont accordé un agenda politique fort qui inclut des prix justes pour les paysans et pour les consommateurs, une équité dans le système alimentaire, une agriculture durable, les droits des travailleurs et le droit à l’alimentation.

En 2009, le Groupe de Travail sur la Crise alimentaire Mondiale, a amené, à Washington D.C. , d’avantage de gens qui travaillent dans les organisations de base pour la justice alimentaire. Suite à cette rencontre, les participants ont lancé une série d’initiatives sur deux ans dans la perspective d’appuyer une campagne réclamant la fin de la crise alimentaire.
En octobre 2009, un petit sous-groupe d’alliés a organisé le Premier Prix pour la Souveraineté Alimentaire à Des Moines (Iowa), durant la conférence annuelle de la Coalition Communautaire pour la Sécurité Alimentaire (CFSC). Le Prix de la Sécurité Alimentaire est devenu un élément important de la stratégie de dissémination du concept de souveraineté alimentaire aux Etats Unis en emphatisant le travail des organisations de base. Lors de la conférence de CFSC, les membres du Groupe de Travail ont discuté la vision et la stratégie à long terme basées sur la création d’une alliance très large entre différents secteurs dans le pays.
Ensuite, ce groupe a mobilisé des ressources pour appuyer un leadership paysan dans les audiences nationales antitrust agricoles organisées par le département de la Justice et le ministère de l’agriculture américain. Ensuite, il y a eu une assemblée des mouvements populaires sur la justice alimentaire et la souveraineté alimentaire lors du Forum Social américain à Detroit (Michigan) en 2010.

Le besoin d’une alliance nationale entre les travailleurs migrants, les paysans, les familles urbaines et les ONG pour aborder les aspects de la justice alimentaire et de la souveraineté alimentaire est devenu une évidence lors de cette réunion. Durant deux jours, les organisations de base, les paysans et les ONG de différentes villes des Etats Unis ainsi que les représentants de la Via Campesina du Honduras, de la Palestine, de Haïti et de la République dominicaine se sont rencontre es pour discuter sur la façon dont les organisations locales peuvent se joindre au processus politique pour démocratiser radicalement le système alimentaire, enraciné dans un agenda mondial établi par les mouvements sociaux. Quatre mois après, en Octobre 2010, le USFSA fut lancée lors de la conférence du CFSC à la Nouvelle Orléans.

En perspective
Depuis le lancement de l’Alliance pour la Souveraineté Alimentaire aux Etats Unis (USFSA), la souveraineté et la justice alimentaire dans le pays fait face à de nouveaux défis. Au nom de « l’austérité fiscale », le congrès national menace de suspendre à des milliers de familles le programme de coupons alimentaires et d’autres programmes sociaux.
Sept états dans les États Unis ont passé des lois « bâillon» qui interdisent de documenter et de disséminer les erreurs du secteur de l’agrobusiness. Un état policier toujours plus fort a déclaré la guerre aux jeunes de couleur. Mais par ailleurs, il y a de nombreux signes d’une nouvelle vague émergente et croissante de mouvements populaires de masse pour #BlackLivesMatter (#La vie des personnes noires comptent), la justice climatique, les actions contre Monsanto, etc.
En octobre, l’Alliance pour la Souveraineté Alimentaire aux Etats Unis tiendra la troisième Assemblée Générale de ses membres et attribuera le septième Prix de la Souveraineté Alimentaire à Des Moines (Iowa), du 13 au 15 Octobre. Nous allons atteindre notre étape de cinq ans et maintenons notre mission de mener la lutte mondiale pour la justice alimentaire et la souveraineté alimentaire en construisant petit à petit une confiance et un leadership des familles de la classe ouvrière et des communautés de couleur pour récupérer leur vie et leur corps du contrôle du racisme structurel. En réunissant des ONG et des organisations de base dans une alliance large avec différents secteurs sociaux des Etats Unis et de l’étranger, le USFSA représente un espace essentiel pour la défense de la justice et de la souveraineté.
Pour plus d’information sur le USFSA, contactez Saulo Araújo et Tristan Quinn-Thibodeau, WhyHunger.

Encadré 3

Black Lives Matter (La vie des noirs compte)

Le mouvement pour la justice alimentaire est une réflexion sur la montée de la résistance sociale et politique contre le racisme structurel. Contrairement aux affirmations traditionnelles d’une « société post racisme », une poussée alarmante de violence institutionnelle contre les jeunes Afro-Américains et les gens de couleurs aux Etats Unis a accompagné les crises alimentaire, du pétrole et financière. Les mouvements pour la justice et la libération comme #BlackLivesMatter font qu’il est à présent impossible d’ignorer le problème de racisme, tant à gauche comme à droite.

Le 8 aout, un candidat progressiste à la présidence et sénateur du Vermont, Bernie Sanders venu à Seattle pour parler de la sécurité sociale et de l’assurance santé (Medicare) fut interrompu lorsque deux membres de la cellule locale de #BlackLivesMatter sont montés sur la scène. Le 9 aout est la date anniversaire un an après le meurtre de Michael Brown à Ferguson (Missouri) perpétré par la police et les 2 agitateurs réclamaient 4 minutes et demi de silence en mémoire des 4 heures et demi durant lesquelles la police a laissé sur la rue le corps sans vie de Michael Brown. Ils ont également critiqué Sanders et d’autres progressistes pour ne pas aborder la question du racisme. Beaucoup de gens dans cette assistance principalement blanche sont devenus furieux contre les 2 protestataires et ont demandé de laisser le sénateur continuer son exposé mais Sanders a quitté la scène. Il a, un peu plus tard, diffusé un communiqué écrit déclarant qu’il était « déçu parce que il n’y a pas d’autres candidats qui se battent autant que lui pour la réforme de la justice criminelle et sur la nécessite de combattre le racisme. »

Depuis cet événement, il y a eu de nombreux débats pour savoir si ce fut positif pour #BlackLivesMatter. Certains croient que c’était nécessaire pour amener les progressistes blancs à assumer une responsabilité sur le racisme structurel. D’autres ont exprimé une confusion sur le fait que ce soit Sanders qui était visé alors qu’il a toujours été un défenseur des droits civiques. Cette protestation n’était cependant pas seulement à propos de Sanders : c’était pour le manque d’engagement de tous les progressistes blancs dans la lutte contre le racisme. Alors que Sanders a pu être déçu par les résultats de cette journée, cette expérience pourra finalement être précieuse pour lui. Elle lui a montré ce qui est important pour les gens, tout en lui donnant une opportunité pour aborder ces sujets et pour obtenir des soutiens. #BlackLivesMatter pousse les progressistes à avoir les discussions difficiles sur le racisme et force certaines figures politiques à agir. Ils font clairement comprendre aux candidats et au public que nous ne pouvons pas aller de l’avant sur le plan politique sans aborder la violence du racisme structurel.

Lire la presse sur cette histoire ici.

La perspective d’un homme indigène qui était présent à cet événement ici.

Sous les feux de la rampe

Sous les feux de la rampe 1

Racisme et capitalisme

Notre système alimentaire moderne a évolué, durant les 30 dernières années, parallèlement avec la mondialisation néolibérale qui privatise les biens publics et dérégule toutes les formes de capital financier. Cette évolution a conduit aux niveaux les plus hauts d’inégalités jamais atteints dans l’histoire. Ce sont les populations de couleur qui ont été le plus affectées par les coûts exorbitants au niveau environnemental et social, comme le démontrent les chiffre élevés de faim et de migration massive des paysans appauvris dans les pays du Sud et les niveaux effroyables d’insécurité alimentaire, de maladies liés au régime alimentaire, de chômage, d’incarcérations et de violence dans les communautés de couleur trop mal desservies des pays du Nord.

Le mouvement pour l’alimentation aux Etats Unis est apparu en réponse aux échecs du système alimentaire mondial. Partout, les gens et les organisations travaillent pour contrecarrer les externalités inhérentes au « régime alimentaire imposé par le secteur privé ». Ces organisations vont, bien sûr, se concentrer sur un ou deux aspects comme l’accès à une alimentation saine, les marchés de niche, l’agriculture urbaine, etc. plutôt qu’au système dans son ensemble. Mais les structures qui déterminent le contexte de ces alternatives prometteuses restent solidement sous le contrôle des règles et des instituions du régime alimentaire imposé par le secteur privé.

La mondialisation néolibérale a aussi érodé notre capacité de répondre aux problèmes dans le système alimentaire en détruisant beaucoup de la sphère publique. Non seulement la santé, l’éducation et la sécurité sociale ont été retirées des fonctions du gouvernement mais en plus, les réseaux sociaux à l’intérieur de nos communautés ont été affaiblis par l’exacerbation de la violence, l’intensification des tensions raciales et le creusement des divisions culturelles. La population doit faire face aux problèmes de faim, de violence, de pauvreté et de changement climatique dans un environnement où les institutions sociales et politiques ont été restructurées pour servir les marchés mondiaux plutôt que les communautés locales.

Le mouvement pour la justice alimentaire s’est particulièrement intensifié, appuyé largement par le secteur non-marchand, pour fournir des services et améliorer les agences communautaires dans nos systèmes alimentaires. Consciemment ou non, à beaucoup d’égards, le mouvement communautaire pour l’alimentation avec ses projets participatifs pour un système alimentaire équitable, sain et durable, est occupé à reconstruire notre sphère publique depuis la base.

Mais, comme beaucoup d’organisations l’ont expérimenté, nous ne pouvons reconstruire la sphère publique sans faire face à des sujets qui nous divisent. Pour beaucoup de communautés, cela veut dire faire face au racisme dans le système alimentaire. Le mouvement pour l’alimentation lui-même n’est pas à l’abri des injustices structurelles qu’il cherche à dépasser. A cause de l’omniprésence des privilèges blancs et de l’oppression internalisée dans notre société, le racisme dans le system alimentaire peut et, de fait, refait surface dans le mouvement lui-même, même quand les acteurs ont les meilleures intentions. Il est essentiel de comprendre pourquoi, quand et comment le racisme se manifeste dans le système alimentaire : reconnaitre le racisme dans notre mouvement et nos organisations et dans nous-mêmes n’est pas un travail additionnel pour transformer le système alimentaire ; c’est le travail principal.

Comprendre comment le capitalisme fonctionne est aussi une part importante du travail car vouloir changer les structures sous-tendantes du système alimentaire capitalise ne peut se faire sans comprendre d’abord comment le système fonctionne. Par ailleurs, beaucoup de gens qui essaient de changer le système alimentaire n’en connaissent pas suffisamment les fondements capitalistes.

Heureusement, ceci est occupé à changer grâce aux activistes dans le mouvement pour l’alimentation qui approfondissent la compréhension du système au-delà des problèmes auxquels ils sont confrontés. Beaucoup de gens dans les pays du Sud, plus spécialement les paysans, les pêcheurs et les bergers nomades ne peuvent pas ne pas comprendre les forces socio-économiques qui détruisent leurs moyens de subsistance. Des communautés de gens de couleur peu desservies dans les pays du Nord – elles sont là comme le résultat de vagues récentes et historiques de colonisation, de dépossession et d’exploitation- forment la colonne vertébrale du mouvement pour la justice alimentaire. Comprendre pourquoi les gens de couleur ont deux fois plus de chance de souffrir d’insécurité alimentaire et de maladies liées au régime alimentaire – même si ils vivent dans de riches démocraties du Nord – demande une compréhension croisée du capitalisme et du racisme.

Des activistes dans tout le mouvement pour l’alimentation, ont commencé à réaliser que le système alimentaire ne pourra être changé de façon isolée du système économique plus large. Pour évaluer pleinement l’ampleur des défis qui nous attendent et de ce qui sera nécessaire pour construire un nouveau système alimentaire en harmonie avec les besoins des peuples et l’environnement, nous devons comprendre et confronter les fondations sociales, économiques et politiques qui ont créé – et maintiennent – le système alimentaire que nous cherchons à changer.

Sous les feux de la rampe 2

Reforme ou Transformation?

La crise alimentaire mondiale a poussé le mouvement pour l’alimentation aux Etats Unis vers une conjoncture politique particulière. Aujourd’hui, un sixième de la population mondiale souffre de faim, exactement comme un sixième de la population des Etats Unis est dans « l’insécurité alimentaire ». Ces niveaux inquiétants de faim et d’insécurité alimentaire partage les mêmes causes qui se trouvent dans l’économie politique d’un régime alimentaire mondiale dominé par le secteur privé.

Vu les positions politiques entre ceux qui appellent à une reforme en vue de la sécurité alimentaire et ceux, plus radicaux, qui plaident pour la souveraineté alimentaire, la justice alimentaire se trouve a un croisement pour influencer les orientations des changements dans le système alimentaire. La façon de résoudre les questions de race et de classe influencera l’orientation politique des alliances organisationnelles dans le mouvement pour l’alimentation : vers une reforme ou vers une transformation.

En reconnaissant que le système d’alimentation industriel actuel n’est pas durable, le mouvement pour l’alimentation des Etats Unis plaide pour une alimentation saine, de qualité, et durable pour l’environnement tout en réaffirmant les valeurs environnementales et les relations communautaires associées aux jours paisibles d’un passé agricole reconstruit. C’est a cette construction que se référent Alkon et Agyeman (2011a) quand ils parlent du « récit dominant dans le mouvement pour l’alimentation ». Enraciné dans une couche sociale de classes moyennes blanches, ce récit est devenu une référence importante dans les media traditionnels. Toutefois, il tend à rendre invisible les histoires et les réalités de l’alimentation des classes à faible revenus et de la population de couleur.

La sécurité alimentaire communautaire (le « Good Food Mouvement » – Mouvement pour une bonne alimentation) adresse les inégalités du système alimentaire en terme de production et d’accès plus que de pointer une inégalité structurelle. Ceci conduit à une mise en évidence de l’amélioration des compétences au niveau alimentaire et des moyes alternatifs pour l’accès à l’alimentation des ménages à faible revenus, associée à un effort de plaidoyer basé à Washington D.C. pour augmenter les formes d’aide alimentaire et d’appui pour les systèmes alimentaires communautaires. Ce mouvement « Community Food System » (CFS) lutte pour intégrer la sécurité alimentaire dans le système alimentaire existant.

Le mouvement pour la Souveraineté alimentaire cherche à démanteler les marchés mondiaux et le pouvoir monopoliste des entreprises au niveau local, national et international et plaide pour une redistribution et une protection des actifs productifs comme les semences, l’eau, la terre et les installations de transformation et distribution. Alors que les défenseurs de la lutte contre la faim et de la sécurité alimentaire préfèrent souvent un accès abordable à une mauvaise nourriture plutôt que pas de nourriture du tout, ceci les met en porte à faux avec les groupes qui luttent pour la justice et la souveraineté alimentaire qui ne confient en rien dans les grandes compagnies agroalimentaire (Gottlieb and Joshi 2010, 215).

Le mouvement pour la Justice Alimentaire (Food Justice – FJ) se retrouve largement avec le mouvement pour le Système Communautaire pour l’Alimentation (CFS) mais il est en général plus progressif que réformiste car il adresse spécifiquement la manière dont les gens de couleur dans les communautés à faible revenu sont affectés négativement et de façon disproportionnée par le système alimentaire industriel. Pris entre l’urgence d’accéder et l’impératif d’équité, le mouvement pour la justice alimentaire change, chevauche et établit des ponts avec les efforts du CFS et du mouvement pour la souveraineté alimentaire, en essayant de soulever la question du racisme et des classe d’un coté tout en essayant de réparer les défaillances du système alimentaire.

Alors que des réformes modérées du système alimentaire, comme l’augmentation des coupons alimentaires ou la réimplantation d’épiceries, sont nécessaires pour aider les communautés vulnérables à faire face aux crises, ces réformes ne vont pas modifier les relations de pouvoir au sein du système alimentaire et dans certains cas, elles peuvent avoir aidé à renforcer certaines relations inégales de pouvoir. Réparer les disfonctionnements du système alimentaire – dans un sens durable- demande des changements de régime. Un changement dans le système alimentaire viendra d’une pression sociale forte et durable qui poussera les réformistes à faire reculer le néolibéralisme dans le système alimentaire. Une grande partie de cette pression peut venir du mouvement pour l’alimentation, s’il dépasse ses divisions.

Résoudre la crise alimentaire demande un démantèlement du racisme et des classes dans le système alimentaire et une transformation du régime alimentaire. C’est ce qui pousse le mouvement pour la justice alimentaire à forger des alliances qui développent sur le terrain des pratiques équitables et durables tout en se mobilisant au niveau politique pour des réformes structurelles plus largement redistributives. Cette pratique essentielle pourrait fournir au mouvement pour l’alimentation un nouveau et puissant récit pour: le récit de la libération.

Références :
Alkon, Alison Hope, and Julian Agyeman. 2011a. Introduction: The food movement as polyculture. In Cultivating Food Justice: Race, Class, and Sustainability, 1-20. Food, Health, and Environment; series ed. Robert Gottlieb. Cambridge, MA: MIT Press.

Gottlieb, Robert, and Anupama Joshi. 2010. Food Justice. Cambridge, MA: MIT Press.

Bulletin n° 23 – Éditorial

Justice alimentaire et souveraineté alimentaire aux USA

La souveraineté alimentaire est apparue pour la Via Campesina comme la réponse la plus audacieuse aux régimes du libre commerce qui détruisent partout dans le monde les moyens de subsistance. Elle a été reprise largement à travers les pays du Sud par des communautés qui naviguent entre les agro-carburants, l’accaparement des terres et la « privatisation de tout ». Une des raisons de la popularité du concept de souveraineté alimentaire est le fait que la mondialisation néolibérale a concentré presque la moitié de la richesse de la planète dans les mains d’à peine 80 individus. La souveraineté alimentaire est le cri face à cette dépossession.
Une autre raison réside dans le fait que la souveraineté alimentaire reflète la profonde résistance des peuples dans la lutte contre l’exploitation, l’oppression et la colonisation. Quand des communautés qui se battent pour leurs droits découvrent les principes de la souveraineté alimentaire, ils réagissent souvent en s’exclamant ; «Oui ! C’est ce que nous faisons !». Sur les lignes de front, les racines communes de la résistance sont vite identifiées.
La justice alimentaire est une des ces luttes. Les racines radicales de la justice alimentaire aux Etats Unis sont très profondes dans le mouvement de libération noire. Dans les années soixante, en continuité avec les traditions historiques de prise en charge autonome des communautés afro-américaines, les Black Panthers (Les Panthères Noires) ont fourni de la nourriture, des soins de santé, du logement et de l’éducation dans leurs quartiers, en les confiant au contrôle de la communauté. L’alimentation était un des axes parmi une plateforme plus large pour la libération : être libre de famine et de brutalités policières étaient des droits souverains.

Eric Holt-Giménez, Food First

L’écho des campagnes

L’écho des campagnes 1

L’alimentation et la nutrition au Chili suivent le modèle néolibéral

MMM-Chile, www.marchamujereschile.cl

Au Chili, le modèle néolibéral transforme l’économie par le biais d’un système de privatisation de biens et de services comme l’éducation, la santé et la prévoyance sociale, et sépare drastiquement les quartiers riches des quartiers pauvres. Si on ne veut pas voir la pauvreté, on ne la voit jamais car la planification territoriale moderne a entraîné la création de grandes avenues et de tunnels permettant un accès direct de l’aéroport à la ville, et donc le déplacement rapide des entrepreneurs et investisseurs vers les quartiers riches. C’est là le Chili actuel : un pays très extractiviste avec un fossé économique tel qu’il fait partie des sept pays avec les inégalités les plus élevées et une répartition de la richesse des plus injustes.

Sous l’influence de ce modèle néolibéral, l’alimentation et la nutrition de la population ont lentement changé de manière néfaste au point de modifier le régime équilibré de la cuisine chilienne. Durant le processus de contre-réforme agraire, la transformation agricole des campagnes a mené à une monopolisation de la terre pour la production de fruits et vignobles d’exportation, éliminant les cultures traditionnelles et asphyxiant les paysans qui émigrèrent massivement vers les villes pour se convertir en main d’œuvre ouvrière bon marché. On assiste ainsi à un double effet : d’une part, la diversité des fruits, légumes et céréales dont nous jouissions n’existe plus, et d’autre part, on a cessé de cuisiner à la maison avec des aliments provenant principalement des campagnes pour consommer de la malbouffe. Celle-ci a gagné en gloire avec les grandes corporations et les transnationales qui portent atteinte à la souveraineté alimentaire des peuples.

L’impact négatif du modèle sur les paysans et paysannes s’est particulièrement fait ressentir chez les femmes en les touchant directement depuis des décennies. Ce que l’on a nommé « la féminisation de la pauvreté » a entraîné une augmentation des migrations, un abandon précoce des études, une précarisation et une instabilité professionnelles ainsi que des effets nocifs chroniques en ce qui concerne la santé à cause de l’usage aveugle d’insecticides dans les plantations où les femmes travaillent (malformations congénitales, avortements spontanés, etc.). De nos jours, on diagnostique de manière très courante du diabète gestationnel chez les femmes enceintes, effet direct de la malnutrition chez les femmes en âge de procréer.

La malnutrition a par ailleurs considérablement augmenté, au point d’entraîner un taux d’obésité élevé parmi les adultes, avec un pourcentage atteignant les 20% quant aux enfants de moins de six ans. La relation naturelle qui existait entre la ville et la campagne s’est perdue de manière systématique et la phrase répétée depuis des décennies, « directement du producteur au consommateur », n’a déjà plus lieu d’être. Malheureusement, la population n’a, dans son ensemble, pas pris conscience que c’est cette connexion qui permet un commerce juste et une alimentation saine, sans produits agrotoxiques ni pesticides nocifs pour la santé. Au contraire, la malbouffe est plus coûteuse sur le long terme parce que les glucides et sucres, excessivement présents, ont des effets collatéraux et provoquent des maladies chroniques telles que l’hypertension, le diabète et les maladies cardiovasculaires.

L’écho des campagnes 2

Quand le langage, la frontière et le bétail, la Nation de la Mongolie est prospère! (ZunduinDorj)

Munkhbolor (Bolor) Gungaa, Membre de l´Alliance des Peuple Nomades Mongolien, Mongolie

Un contrôle inadéquat des terres appartenant aux éleveurs nomades en Mongolie a permis les investisseurs étrangers de louer des zones dans des terres significatives pour les objectifs commerciaux, et a fait augmenter la concentration de la terre et les propriétaires de grandes propriétés terriennes dans le pays.

Selon la Banque Mondiale, l´exploitation minière a entrainé une croissance économique rapide en Mongolie, mais la réalité pour les gens habitant près des mines est bien différente. La pollution a eu des impacts sur tout le monde, mais les gens souffrant le plus grand appauvrissement, ce sont les communautés des éleveurs nomades. Leurs pâturages comme soutien de vie, les sources d´eau minérale et les campements saisonniers ont été perdus et remplacés par des mines à ciel ouvert, et par la construction des routes, les déchargement des déchets et l´extraction de l´eau qui accompagnent l´exploitation minière [Réseau Global du Développement Professionnel]. Ils se sont déplacés à travers de longs chemins au dos du cheval et ils ont pris leurs repas pendant qu´ils chevauchaient.. L´exploitation minière a entraîné des pénuries des animaux de pâturage et des ressources d´eau, obligeant les bergers à quitter leur type de vie nomade, à se déplacer vers des zones urbaines pour survivre. La population à la capital Ulaanbaatar a rapidement augmenté comme résultat d´un énorme exode de beaucoup de familles bergères qui se sont établies dans des régions sans un libre consentement préalable dû à la perte de leurs sources habituelles de vie de leurs terres. La migration vers les centres urbains a eu un impact négatif chez les nomades Mongoliens qui ont perdu leurs connaissances traditionnelles concernant la sécurité alimentaire.

La Mongolie, au cœur de l´Asie intérieure, est connue par son histoire spirituelle liée aux richesses de la culture nomade et sa cuisine basée sur le cheval [“Cuisine au dos du cheval ” textes sur l´histoire et la vie du peuple
nomade Mongolien. Ils se sont déplacés à travers de longs chemins au dos du cheval et ils ont pris leurs repas pendant qu´ils chevauchaient.]. Les Mongols, en tant que descendants de Chingis Khan, même s´ils sont des décideurs politiques ou des bergers, ils sont bénis et ils ne sont jamais tombés sur leurs genoux, bien au contraire, ils brillent toujours sur pieds dans leurs chaussures ! Comme des descendants de grandes reines de sagesse, les femmes Mongoliennes et leurs enfants ont des droits historiques pour vivre dans leurs terres et alimenter le monde avec des aliments nutritionnels et soutenables depuis des générations et des générations. Les continuelles exploitations des ressources dans leurs terres habituelles affecte en particulier les femmes, les obligeant à quitter leurs habitudes en sécurité alimentaire en leur provocant des problèmes de santé, en particulier, concernant les naissances et des nourrissons souffrant des malformations.

Encadrés

Encadré 1

Agriculture urbaine et resistance à Gaza

Tout au long des Territoires Palestiniens Occupés, l´agriculture urbaine et la tenue de l´élevage a toujours été une composante importante pour la survie de la communauté et la résistance devant l´occupation [Rami Zurayk, Anne Gough, Ahmad Sourani, et Mariam Al Jaajaa, “Défis et Innovations pour la Sécurité alimentaire: Le Cas de Gaza, ” Expert Haut Niveau du Forum: Insécurité alimentaire aux Crises Prolongées, 2012 – ici]. A la Bande de Gaza, ces petits mais omniprésents toitures-jardins sont devenus un besoin.

A la Bande de Gaza, l´agriculture paysanne traditionnelle est pratiquement impossible. Ce territoire densément peuplé occupe et héberge une vaste population des réfugiés qui perd constamment sa terre productive à cause de beaucoup de raisons. Ayant une population actuelle estimée de 1.8 million de personnes, on constate que la terre est fréquemment perdue à cause d´une nécessité d´expansion des occupations humaines, et la pollution de la terre est due à un non-fonctionnement ou à des systèmes des égouts endommagés. Les conflits et les contrôles de sécurité ont sérieusement endommagé ou restreint l´accès aux terres cultivables. En 2009, la destruction causée par l´opération ‘Cast Lead’ (« Plomb durci ») et l´expansion d´un “périmètre de sécurité” tout au long de la frontière sud-est avec l´Israël, a eu comme conséquence qu´un 46% de la terre consacrée à l´agriculture à la Bande de Gaza est devenue inaccessible ou hors production [FAO et OCHA, Fermiers sans Terre, Pêcheurs sans Eau: Lutte du Secteur de Gaza de l´Agriculture pour la Survie,” Mai 2010]. Le périmètre de sécurité détient un 30% de la terre arable de Gaza, qui était auparavant consacré à beaucoup de productions de l´agriculture pluviale, et à des terres pour le pâturage et l´élevage; beaucoup de producteurs risquent leur vies en essayant d´accéder à ces terres puisqu´ils en ont un besoin désespéré. Des offensives Israélienne récentes en 2012 et 2014 ont endommagé les terres arables et l´infrastructure de l´agriculture, et mêmes les équipements et d´autres entrées, telles que les exportations et importations, ont souffert des sanctions de l´Israël [Secours des Nations Unies Relief et l´ Agence de Travail pour les Refugiés de Palestine au Prochain Est (UNRWA), Rapport 88 de la Situation de Gaza, 16 Avril 2015].

Avec les limitations concernant la production alimentaire traditionnelle, l´agriculture à Gaza est devenue plus urbaine que rurale. Avec l´augmentation des besoins pour l´accès à une alimentation nutritive et salutaire, des revenus entrainant des activités, et une meilleure qualité de l´environnement, les toitures-jardins sont devenus une nécessaire et critique solution, ainsi qu´une manière de résistance pour la population de Gaza. Les toitures-jardins ne sont que quelques espaces ouverts qui restent encore à beaucoup de lieux à Gaza, et beaucoup de familles dépendent de ces jardins afin de garder de petits animaux, et de faire pousser quelques aliments tels que des tomates, concombres et piments. Quand il y a des pénuries aux marchés ou des conflits à long terme, il n´est pas du tout sûr d´aller aux marchés ou de tenter de sortir dans des rues, donc beaucoup de familles et des quartiers dépendent de ce qu´ils peuvent obtenir à partir de leurs toits. Le Comité de Secours pour l´Agriculture Palestinienne (CSAP) a pris la voie du support de l´agriculture urbaine tout au long de Gaza, à partir des cours de formation et en soutenant les familles afin qu´elles construisent des toitures-jardins et des jardins-maison. Beaucoup d´organisations internationales ont reconnu le besoin critique d´une production urbaine alimentaire afin d´assurer les besoins de nutrition, de santé et des aliments, et ces organisations sont aussi maintenant en train d´offrir un support technique afin d´aider les familles de Gaza pour qu´elles puissent faire grandir les ménages et faire pousser les jardins communautaires.

Après chaque attaque de l´Israël contre Gaza, les maisons et les vies sont reconstruites, et les jardins continuent aussi à réapparaitre. Les toits verts caractérisant le paysage surpeuplé de Gaza représentent la ténacité et la résilience de la communauté et ils sont un réel témoignage de la profondeur de la lutte pour la souveraineté alimentaire. Puisque des organismes extérieurs et des états refusent du soutien aux gens, ils doivent donc subvenir à leurs propres besoins [ici].

Encadré 2

Souveraineté alimentaire, droit à l’alimentation et leurs conséquences au travers des conflits d’intérêt

La souveraineté alimentaire au sein de la population est l’une des choses les plus remises en cause, surtout au Mexique. Pour parvenir à la souveraineté alimentaire au sein de la population, il faut une volonté politique de la part du gouvernement, c’est-à-dire que l’État est obligé de mettre en place les mécanismes nécessaires pour garantir ce droit à la population, non seulement en ce qui concerne la consommation, mais aussi les politiques agricoles à la campagne.

Parmi les éléments qui portent profondément atteinte à la population, on compte les violations des droits de l’homme, les conflits d’intérêt et les mauvaises politiques publiques qui « arrachent » aux citoyens le pouvoir de décision quant à leurs choix de consommation et à la qualité des aliments offerts aux familles. Dans les dernières décennies, les intérêts du secteur privé ont été fortement favorisés aux dépens de la santé publique, ce qui a entraîné une grave détérioration de la santé au sein de la population.

La publicité mensongère et le manque d’étiquettes adéquates, qui orienteraient la population ou qui permettraient de connaître l’origine des aliments de base comme le maïs, y sont pour beaucoup. Les politiques agricoles en faveur des petits producteurs sont abandonnées de manière dévastatrice, et ce au profit des pratiques agroindustrielles.
Au Mexique, à la campagne, les politiques ont été transgressées de manière grave, cependant la société civile continue à résister en exigeant que les droits de l’homme soit pleinement appliqués et respectés. On peut citer comme exemple les exigences de la Alianza por la Salud Alimentaria (Alliance pour la Santé alimentaire) quant à l’impôt sur les boissons sucrées et à l’installation de distributeurs d’eau potable dans les écoles. Ces deux mesures ont été approuvées et constituent de grandes avancées pour l’amélioration de la santé publique, mais il reste beaucoup de choses à faire (budget, suivi, évaluations appropriées) et ces mesures doivent être mises en place de manière totale et sans conflits d’intérêt.

Être parvenu à stopper la culture massive du maïs transgénique dans le pays est une autre grande avancée pour la santé publique. Cette réussite est due à une demande collective citoyenne pour la défense du maïs natif. De la même manière, des initiatives sont apparues pour la défense des territoires et de la vie comme les Journées nationales pour la défense de la terre, du travail, de l’eau et de la vie, et l’Alianza Mexicana contra el Fracking (Alliance mexicaine contre le Fracking) pour ne citer que quelques-unes des luttes sociales les plus importantes [http://www.hoyquecomierontushijos.org/, http://elpoderdelconsumidor.org/, https://www.facebook.com/pages/Encuentro-Nacional-Defensa-de-la-tierra-agua-y-vida/
478188112283948
, http://mexicovsgmo.org/, http://alianzasalud.org.mx/, http://nofrackingmexico.org/].
Il est donc absolument impératif de mettre en place des politiques sans conflits d’intérêts, basées sur les droits de l’homme (en particulier le droit à la santé, à l’alimentation et à l’eau) et qui favorisent les petits producteurs de manière à rendre accessibles à tous les consommateurs des aliments nutritifs, frais et sans produits agrochimiques.

Encadré 3

Construire un système alimentaire alternatif à partir de l´Agriculture Soutenue par la Communauté

URGENCI est le réseau global de l´Agriculture Soutenue par la Communauté (ASC) partout dans le monde. Ainsi, nous sommes tous part du mouvement de souveraineté alimentaire et du processus de Nyéléni Europe. Le réseau est construit selon les principes des risques partagés et des bénéfices et solidarité entre les producteurs et les consommateurs. Il a aujourd´hui près d´un million de membres.
Nos objectifs clés sont ceux de renforcer le rôle des fermiers à petite échelle dans la chaine de l´alimentaire, de relocaliser les chaines alimentaires et l´agriculture paysanne, et de renforcer la solidarité; et les compromis vers les fermiers restent au cœur des chaines de distributions à des qualités limitées.

Un des aspects clé des ASCs, concernant le droit à adapter la perspective sur la nutrition et l´alimentaire, c´est la participation des membres marginalisés de la communauté à partir de la diversité des mécanismes. Un exemple intéressant est la Communauté des Fermiers en Cloughjordan, au célèbre Ecovillage de l´Irlande. Là, il y a une échelle des paiements mobiles, où le plus âgés, les chômeurs et les étudiants paient moins que ceux qui ont un emploi. Et puisque le système est base sur la confiance, les légumes sont tout juste étalées afin que les gens prennent ce dont ils ont besoin. Cela encourage les gens à réfléchir vraiment sur à quel point, en fait, l´alimentaire exige, assure des égalités à l´accès, et décourage tout éventuel gaspillage. La vraie nature de l´ASC implique que tout les produit soient bios – cependant, pas nécessairement certifiés – et que le producteur local des consommations pour le grand public assure des fraicheurs maximales. Ces deux facteurs sont tous les deux très importants afin de préserver une haute valeur nutritionnelle pour les aliments, qui sont aussi libres des chimiques et ils ne sont pas exposés aux voyages entre la ferme et la fourchette et à un taux record.

ASCs couvre une vaste gamme des produits, et les tendances actuelles se penchent vers des multi-producteurs ASCs. La viande provient toujours des animaux nourris à l´herbe, des animaux des pâturages et des poulets fermiers. Les autres productions varient d´un pays à l´autre, et elles sont toujours saisonnières. Dans beaucoup de cas en Europe, il y a aujourd´hui des accords entre les ASCs aux différents pays: au Sud-est de la France, près de Toulouse, quelques ASCs ont une livraison mensuelle directe des oranges et des huiles d´olive par delà la frontière en Espagne [Pour une sélection de cas d´études, voir Projet pour les Droits des Affamés (2015)].

En Chine, où sera organise la prochaine conférence URGENCI, il y a maintenant près de 500 ASCs, avec une adhésion de 750 000 familles. Les fermiers ici, comme dans d´autres pays, sont en général jeunes -des populations néo-rurales qualifiées- qui sont revenues sur les terres afin de s´en approcher et prendre soin de leurs parents âgés, et aussi afin d´assurer à leurs communautés l´accès à une alimentation locale salutaire. Moyennant l´utilisation pas seulement des terres allouées par l´État, mais aussi louant des terres communales, ils ont construit un système alimentaire alternatif par rapport au modèle industriel de l´agro business. Les Chinois et d´autres ASCs fournissent des millions des personnes au niveau global avec des cultures locales, saines, nutritives et des cultures alimentaires organiques, respectant les principes de l´agro écologie. www.urgenci.net

Encadré 4

13 pas à suivre pour une bonne nutrition

1. Toutes les femmes et tous les hommes ont un accès égalitaire et du contrôle aux ressources productives, aux emplois et revenus.
2. Les femmes ont leurs droits garantis concernant les études, le travail, le contrôle total sur leurs corps et leurs vies.
3. Les familles et les communautés garantissent aux femmes les conditions leur permettant d´exercer leur droit à l´allaitement, en tant que le premier acte de souveraineté alimentaire.
4. Les producteurs à petite échelle, les communautés et les consommateurs définissent la politique alimentaire et les politiques nutritionnelles d´une manière participative.
5. La grande production alimentaire et agro-industrielle et le marketing sont réglés selon l´intérêt public.
6. La diversité de la production deviendra une priorité pour les petits producteurs, et selon les principes agro-écologiques.
7. Consommer de préférence des produits locaux, frais et à une une diversité alimentaire, des produits de l´agro-écologie, achetés aux producteurs locaux, aux marchés ou des équivalents.
8. Préparez vos propres aliments, selon les recettes traditionnelles ou en créez des nouvelles.
9. Utilisez l´huile, les graisses, le sel et le sucre dans de petites quantités.
10. Limitez l´utilisation des produits industrialisés et évitez les aliments ultra-industrialisés.
11. Mangez régulièrement, attentivement, prenez votre temps et, de préférence, faites-le en compagnie de votre famille et/ou de vos amis.
12. Soyez critique concernant le marché alimentaire.
13. Faites des sports régulièrement.

Sous les feux de la rampe

Sous les feux de la rampe 1

Le droit de l’homme à une alimentation adéquate ne peut être réalisé pleinement que dans le cadre de la souveraineté alimentaire

Il n’y a rien de plus primaire pour l’être humain que de respirer, se nourrir, et d’étancher sa soif. Ces activités sont fondamentales et sont garanties par l’eau, la nourriture et l’oxygène présents dans notre corps, et dans les aliments, boissons et air que nous consommons. Sans ces éléments, nous ne pouvons grandir, nous devenons faibles, malades et mourons. Les luttes des populations contre l’exploitation, la discrimination, la famine et la malnutrition ont contribué à l’obtention du droit de l’homme à une alimentation adéquate pour tous (parmi d’autres droits), dans le contexte de la souveraineté alimentaire et de celle des peuples.

Manger et nourrir sa famille et les autres sont des actions qui reflètent profondément la richesse et la complexité de la vie de l’homme en société. Nos habitudes alimentaires proviennent de notre nature humaine ; mais elles sont également des produits de l’histoire, ainsi que des luttes et des vies de nos ancêtres. Elles reflètent l’existence de nourriture et d’eau dans notre environnement local, les relations de pouvoir et la capacité à la fois économique et physique d’accéder à la nourriture.

Les débats sur la nourriture sont inséparables de ceux sur l’alimentation et la santé, dans le contexte des droits des femmes et de la souveraineté alimentaire. Ces débats devraient parler de la diversité, quantité, composition nutritionnelle, qualité et type de production alimentaire ; de qui produit quoi, comment et où, et de qui prend ces décisions. On devrait également aborder le sujet de l’accès et du contrôle des ressources productives et de l’accès physique et économique à la nourriture et à l’eau ; ainsi que des méthodes de préparation, de l’information sur la diversité et les régimes alimentaires conseillés ; de la définition d’habitudes alimentaires saines et des risques de consommation de nourritures variées, tels que les aliments ultra-transformés, graisses saturées et aliments génétiquement modifiés, parmi d’autres.

De plus, la définition d’un régime alimentaire sain ne peut être réduite à une ration équilibrée d’aliments de base. La nourriture et la nutrition intègrent de la créativité, de l’amour, de l’attention, de la socialisation, de la culture and de la spiritualité. Ainsi, un régime équilibré est un régime qui répond à toutes ces dimensions et contribue à créer des êtres humains en bonne santé, conscients de leurs droits et responsabilités en tant que citoyens de leur pays et du monde ; conscients de leurs responsabilités environnementales et de la qualité de vie de leurs descendants.

La nourriture pour les Hommes signifie beaucoup plus que l’acte instinctif de rassembler des aliments et de chasser ; acte qui provient exclusivement de la faim. L’idée de nourriture dépasse la simple prise de substances nutritives présentes dans la nature, que nous digérons, et qui se transforme en corps et en vie. A travers son évolution, l’Homme a développé un rapport étroit avec les procédés alimentaires, les transformant en riches rituels qui relient les Hommes à la nature, imprégnés des caractéristiques culturelles de chaque communauté et famille. Lorsqu’ils mangent des plats typiques de leur enfance et de leur culture avec leurs amis et famille, les individus renaissent dans leur dignité humaine, ils réaffirment leur identité, et encore plus à d’autres niveaux qui vont bien au-delà de la consolidation de leur santé physique et mentale.

Le développement de tout être humain dépend du soutien de ses parents, famille, communauté et société depuis le moment de sa conception. Ce soutien se manifeste par de l’amour, de la chaleur, de l’attention, de la stimulation, de l’éducation et de la sécurité, parmi d’autres. Il est inconcevable de séparer la valeur individuelle de chacun de ces facteurs. Les meilleures habitudes alimentaires pour les nourrissons et enfants en bas âge, tel que l’allaitement exclusif jusqu’à l’âge de six mois et encore ensuite jusqu’à l’âge de deux ans ou plus ; combiné à l’introduction opportune de compléments alimentaires adéquats, sont vitales et impliquent toutes ces dimensions. Dans ce sens, il est essentiel de renforcer la responsabilité collective (dans un premier temps au niveau étatique) afin de s’assurer que les conditions appropriées qui permettent aux femmes d’allaiter de façon optimale sans se voir imposer des fardeaux supplémentaires, soient respectées. Dans un tel environnement favorable, les droits des femmes et des enfants sont protégés et respectés, et l’allaitement peut ainsi être accompli comme acte premier de la souveraineté alimentaire.

Promouvoir la souveraineté alimentaire, avec pour objectif la pleine réalisation du droit de l’homme à une alimentation adéquate ainsi que l’alimentation pour tous, requiert forcément la pleine réalisation des droits humains des femmes. L’impact de la violence structurelle contre les femmes et jeunes filles, et les violations systématiques de leurs droits à l’alimentation ont été dissimulées par la vision hégémonique de la sécurité alimentaire et de l’alimentation. Les cas de malnutrition chez les femmes et enfants peuvent être largement attribués à une discrimination sexuelle omniprésente en ce qui concerne l’accès à l’éducation et à l’information, le poids disproportionné des tâches ménagères, le mariage des enfants et les grossesses précoces. En tant que la source de soutien principale, les familles et en particulier les mères sont également les premières cibles de la commercialisation malveillante de produits alimentaires malsains, tels que les substituts de lait maternel et les aliments à fort taux de sucre ou graisse ; et donc reçoivent des informations inadéquates et déroutantes à propos de la manière de nourrir leur famille. Enfin, les politiques et programmes de sécurité alimentaire ne s’attaquent pas de manière efficace à ces problèmes structurels et, au nom de la « promotion de l’égalité des sexes », finissent par accroître davantage le fardeau qui pèsent sur les femmes, en leur donnant encore plus de responsabilités qui, en réalité, devraient être partagées de manière collective.

Cette conceptualisation holistique de la nourriture et de l’alimentation nous fait comprendre que la faim et les différentes formes de malnutrition ne sont pas des processus « naturels ». Ils sont en réalité le résultat d’une exclusion et d’une exploitation à la fois économiques et sociales, et en particulier de :

1. L’accaparement de terres et autres ressources naturelles, des connaissances et pratiques humaines, du travail, de la capacité productive et reproductive et des modes de vie.
2. Des salaires peu élevés et inégaux, et de piètres conditions de travail et autres violations des droits des travailleurs.
3. L’expansion sans discrimination (et la promotion publique) du modèle de production agroalimentaire, qui réduit la diversité et la qualité de la nourriture et qui empoisonne le sol, l’eau, les travailleurs, les communautés de paysans et qui encourage le réchauffement climatique.
4. L’accumulation de terres et de richesses entre les mains de quelques-uns.
5. La violence structurelle contre les femmes et les jeunes filles, y compris de leur droit à l’éducation, les limites imposées à leur autonomie et le contrôle de leur vie et de leur corps.
6. Les pratiques non règlementées de commercialisation qui encouragent la consommation d’aliments transformés tels que les substituts de lait maternel, les aliments génétiquement modifiés, les produits nutriceutiques, les suppléments alimentaires et produits enrichis, ainsi que leur distribution de plus en plus large.

Les luttes pour le droit de l’Homme à l’alimentation n’a pas seulement pour but de satisfaire notre faim et nos besoins nutritionnels, mais également de nous nourrir nous, notre famille, nos amis et même les étrangers, pour nous réaffirmer et nous aider les uns les autres en tant qu’êtres humains dans notre dimension physique, intellectuelle, psychologique et spirituelle. Ce n’est pas sans raison que toutes les fêtes familiales et communautaires ainsi que beaucoup de rituels spirituels impliquent la préparation de nourriture et sa communion. En faisant cela, nous réaffirmons notre identité et notre diversité culturelle dans le contexte de l’universalité d’être humains et nous réalisons notre souveraineté alimentaire.

Sous les feux de la rampe 2

L´entreprise prend le contrôle de l´alimentation et des espaces de politique nutritionnelle

Lors des dernières décennies, des politiques de dérèglement ont mené à une immense concentration du pouvoir des entreprises dans les systèmes alimentaires globaux [Voir La Déclaration Berne & EcoNexus (2013)] et ont consolidé l´influence des entreprises sur les politiques des pouvoirs publics, tous les deux au niveau national et international, terrorisant les communautés et les familles concernant leurs compétences pour transformer la nature et l´alimentation et obtenir une nutrition saine et du bien-être. Sous le parapluie des partenariats publics-privés (PPPs) et des initiatives multilatérales, des entreprises privées assument des fonctions de plus en plus importantes en façonnant des politiques publiques, et en prenant ainsi la relève auprès des fonctions des gouvernements élus, tout en sapant le cœur de la gouvernance démocratique. Cette nouvelle tendance entraîne de sérieuses conséquences pour la souveraineté alimentaire. En fait, les politiques et les interventions destinées à l´alimentaire et la nutrition sont de plus en plus orientées vers des intérêts au profit maximum des corporations et leurs actionnaires, au lieu de se voir orientées vers des besoins physiologiques et nutritionnelles de la population en général et plus spécifiquement, vers les communautés affectées par la faim et la malnutrition, qui deviennent encore plus marginalisées.

En 2010, le Forum Economique Mondial (FEM) a lancé le rapport final de son Globale Redesign Initiative (GRI) [Voir Guide des lecteurs pour l’Initiative Global Redesign à l´University of Massachusetts qui résume les
plus importantes propositions du WEF], dans lequel on propose la radicale restructuration de la gouvernance globale vers un accord multipartenariale dans lequel les entreprises privées prennent part lors des négociations et des processus décisionnels avec les représentants du gouvernement. Même si cela ne peut sembler que des promesses, il s´agit d´une malheureuse réalité, avec la nutrition et les aspects de santé placés au premier plan de l´entreprise pour la reprise des espaces de gouvernance publique. Selon la proposition du GRI, l´Organisation pour l´Alimentation et l´Agriculture (FAO) pourrait être remplacée par : “Alimentation Globale, Agriculture et Initiative Nutrition Redesign ” fonctionnant sous la surveillance étatique et non étatique.

En 2008, le Comité Permanant des NU sur la Nutrition (CPNU) -l´organisme d´harmonisation pour des politiques de nutrition associées et des programmes des Nations Unies- a été effectivement arrêté à cause de sa politique relativement forte concernant l´engagement avec le secteur privé et la circonscription de résistance de la société civile afin d´inclure le secteur privé en tant que comité. Au même temps, les mêmes acteurs qui ont (malheureusement) enfoncé pour la participation du secteur privé au CPNU, et par la suite ont préparé la voie vers le discrédit et l´épuisement des financements, faisaient la promotion d´une nouvelle initiative de portée globale – l´Initiative d´élargissement de la Nutrition (IEN). Opposé au CPNU, qui est responsable des gouvernements, SUN ouvre sa porte à un fort compromis avec un secteur privé en nutrition avec la vision du GRI. Parmi ses membres (y compris ceux du Lead Group), on constate de grandes entreprises transnationales de l´alimentation et des boissons et des agro-businesses [Compagnies participant au SUN : PepsiCo, Mars, Unilever, Syngenta et BASF]. Parmi elles, quelques unes ont été concernées dans le passé dans des abus contre les droits humains, et sont connues par leurs résistances aux règlements de la santé publique.

Le compromis des entreprises privées avec la gouvernance de l´alimentaire et la nutrition à travers PPPs –telles que SUN- présente un vrai risque pour la souveraineté alimentaire. Cela introduit un biais vers des solutions techniques, artificielles et à base des produits locaux, telles que des produits alimentaires thérapeutiques et fortifiés, des semences génétiquement modifiées, et des suppléments nutritionnels, et on détourne l´attention concernant les déterminations sociales et les violations aux droits humains, qui sont à la base de la famine et de la malnutrition. D´ailleurs, on ferme les yeux devant le rôle des entreprises, ce qui entraine de la famine et de la malnutrition à travers des marketings inappropriés sur des substituts du lait maternel et des aliments pas salutaires, un travail abusif et des politiques de sous-traitances, sur la terre et les ressources naturelles, sur la pollution et la destruction des écosystèmes et la biodiversité, etc., et le besoin urgent des règlements obligatoires. Il se peut que l´aspect le plus important soit que cette reprise en charge institutionnelle sur les espaces de la gouvernance de l´alimentaire et la nutrition a de négatives implications pour le riche et complexe processus socioculturel concernant les habitudes alimentaires et la nourriture individuelle au niveau des communautés et chez des familles partout dans le monde, à partir de la promotion des méthodes de production non soutenable et le réchauffement global.

En Novembre de la dernière année, la Deuxième Conférence Internationale sur la Nutrition (CIN2) a eu lieu à Rome. Avant et pendant la conférence, des mouvements sociaux et des organisations de la société civile ont crée une vaste alliance pour défendre les politiques de nutrition et des interventions ayant les personnes – et tout en particulier les communautés et les producteurs alimentaires à la petite échelle- au centre et elles se sont appuyées sur la promotion des droits humains afin d´adapter l´alimentaire et la nutrition dans un vaste cadre de souveraineté alimentaire, d´indivisibilité des droits des femmes et des enfants [La société civile et les déclarations du mouvement social avant et au ICN2 peuvent être trouvées ici]. On a demandé aux États de mettre en place un mécanisme de gouvernance cohérent, capable de suivre et d´assurer un responsable rapport entre les obligations et les engagements des États sur la nutrition, et en même temps, qu´il prenne un engagement avec la société civile, et en particulier, avec les groupes affectés par toute forme de malnutrition. Le Comité de Sécurité Alimentaire Mondiale (CSA) devrait jouer un rôle dans le cadre de cette politique assurant la cohérence pour la sécurité alimentaire et la nutrition, et on lui a demandé d´inclure la nutrition dans son plan de travail. Des mouvements Sociaux et des CSOs ont très fortement exprimé leur opposition à la participation du secteur privé au niveau des politiques de l´alimentaire et la nutrition. Et on a demandé au Comité l´adoption d´un solide intérêt pour les garanties devant toute forme d´engagement avec le secteur privé.

Au début de cette année, il y a eu des tentatives provenant de quelques acteurs afin de ciseler un espace proéminent pour SUN dans le CSA, c´est ainsi que l´on examine son rôle futur en nutrition progressive. A manière de réponse à ces tentatives, le groupe de travail du Mécanisme de la Société Civil (MSC) sur la nutrition a appelé l´établissement d´un processus transparent, informé, et participatif au sein du CSA afin de discuter ses engagement sur la nutrition. Le mois dernier, le groupe de travail du Multi Programme Annuel de Travail (MPAT) a décide que la nutrition deviendra un énorme flux de travail du CSA lors des prochaines années. Et cela entrainera à l´avenir la création d´un groupe de travail.

Il s´agit d´un moment critique pour faire devenir la nutrition plus forte au CSA et pour mettre en place une organisation globale d´harmonisation pouvant assurer une politique cohérente à travers des secteurs favorables aux droits humains, permettant ainsi d´adapter l´alimentation et la nutrition. Cependant, afin d´y parvenir, le CSA doit développer des garanties adéquates pour protéger leur espace politique devant des entreprises ayant des influences exagérées. C´est donc essentiel que les mouvements sociaux et les organisations des sociétés civiles, à travers les lentilles et un cadre de souveraineté alimentaire, qu´ils placent au cœur de la question la dimension du pouvoir lors des discussions sur l´alimentation et la gouvernance nutritionnelle, qu´ils préconisent afin de renforcer les garanties devant des intérêts opposés au sein du CSA, pour rester alerte et contrôler de très près les développements -au sein et bien au-delà du CSA- dans le secteur de la nutrition ; et finalement, qu´il faut résister devant les tentatives des entreprises d´appropriation de cet espace vital et d´un profond détachement de la nutrition concernant l´alimentation, les humains et la nature.

Bulletin n° 22 – Éditorial

Nutrition et souveraineté alimentaire

Illustration: Alapinta crew in Paris

Cette édition de la newsletter Nyéléni est centrée sur la nutrition en tant qu’élément-clé du droit de l’homme à une alimentation adéquate, dans le cadre de la notion de sécurité alimentaire. Ceci met en valeur la fragmentation artificielle de produits alimentaires et de la nutrition, ainsi que les tentatives du secteur privé de s’approprier l’espace politique nutritionnel. Son auteur décrit l’impact que ceci a sur l’alimentation de la population, de même que sur les façons dont les communautés résistent et construisent des modèles alimentaires alternatifs.

L’alimentation humaine concerne l’interaction entre la nourriture et le corps humain, comme la santé et sensation de bien-être qui en découlent. La meilleure source de nutrition demeure l’allaitement, ainsi qu’une alimentation traditionnelle riche et diversifiée, développée par les cultures tout au long de l’histoire. La nutrition ne représente qu’une des dimensions de l’alimentation liées à la santé humaine. La meilleure manière de garantir une alimentation adéquate est par la mise à disposition de régimes diversifiés, sains et équilibrés ; basés sur des aliments frais et produits localement, de manière agroécologique, et préparés selon les pratiques culturelles. La notion de nutrition ne peut être séparée de celle de nourriture, des modèles de production, ou encore des modèles et habitudes alimentaires.

La malnutrition dans toutes ses formes, notamment l’obésité, est le résultat de la pauvreté, de la famine et du manque de nourriture, ou encore de régimes monotones, avec la consommation d’aliments ultra-transformés. Les interventions concernant la nutrition peuvent être essentielles pour inverser les cas les plus graves et prévenir la malnutrition ; cependant, les suppléments alimentaires ou autres interventions similaires ne peuvent remplacer l’accès régulier à des produits locaux et à des régimes équilibrés, à travers l’accès et le contrôle des ressources productives, de salaires adéquats, d’une protection sociale, de la non-discrimination, de la promotion des droits des femmes et de systèmes alimentaires construits avec des principes agroécologiques et de sécurité alimentaire.

Flavio Luiz SchiekValente, FIAN International

L’échos des campagnes

L’écho des campagnes 1

Accaparement des terres par la Dominion Farms au Nigéria

Les paysans de l’Etat Taraba au Nigériaont été expulsés de leurs terres, qu’ils cultivaient depuis des générations, en vue de permettre à l’entreprise américaine Dominion Farms de s’établir sur 30.000 ha pour cultiver du riz. Le projet est soutenu par le gouvernement du Nigéria et la Nouvelle Alliance du G8 pour la Sécurité et la Nutrition en Afrique.
Les terres attribuées à la Dominion Farms font partie d’un projet d’irrigation public dont dépendent des milliers de familles pour leurs besoins en nourriture et leur subsistance. Les populations locales n’ont pas été consultées concernant l’accord passé avec la Dominion Farms et, bien que l’entreprise ait déjà commencé à occuper les terres, ils ignorent complètement s’il existe un plan pour une compensation ou une réinstallation. Les paysans locaux sont opposés au projet de la Dominion Farms. Ils veulent que leurs terres leur soient rendues afin qu’ils continuent à produire des aliments pour leurs familles et le peuple nigérien (…). Certains de ces paysans sont intervenus au cours de la réunion avec l’ ERA*et le CEED**à Gassol et ont déclaré:

“Nous étions heureux lorsque nous avons appris l’arrivée de Dominion Farms mais nous ne savions pas que c’était dans l’intérêt égoïste de quelques membres de l’Etat, du Gouvernement fédéral et des étrangers en charge de Dominion Farms. Nos terres sont bonnes et très riches. (..)Or, lorsque les employés de Dominion Farms sont arrivés avec leurs machines et leurs équipements de travail on nous a demandé d’arrêter de cultiver et même de quitter nos terres qui avaient été entièrement cédées au projet de Dominion Farms. (…)” – Mallam Danladi K Jallo

“Nous parlons d’une seule voix pour nous opposer à Dominion Farms et à leurs activités. Sur ces terres nous avons des étangs poissonneux hérités de nos ancêtres, or Dominion Farm a déclaré qu’ils allaient tous les combler avec du sable afin de disposer de plus d’espace pour leurs cultures. Lorsqu’ils ont commencé les travaux, ils sont venus avec du personnel de sécurité chargé par Dominion Farms d’expulser les paysans qui travaillaient sur leurs terres.”– Alhaji Mairiga Musa

“Nous n’approuvons pas ce système agricole et de culture étranger que nous ne connaissons pas. Ils viennent chez nous pour cultiver. Mais ce que nous constatons c’est que nos terres nous sont enlevées et leur sont distribuées. Et nous ne sommes pris en compte à aucun niveau. Pour le bien de notre avenir et de celui de nos enfants, nous exigeons des autorités gouvernementales de demander à Dominion Farms de ne pas occuper nos terres ” – Rebecca Sule (Mama Tina)

*Environmental Rights Action (ERA), Amis de la Terre Nigéria, ** Center for Environmental Education and Development (CEED), cf. Article et rapport ici.

L’écho des campagnes 2

Prendre soin de nos territoires traditionnels

Ninawá Inu Pareira Nunes –leader du peuple autochtone HuniKui de l’Etat d’Acre (région amazonienne) au nord du Brésil

“Dieu” a créé tout ce qui existe et a donné la vie. Sur notre planète Terre, il existe des êtres vivants, humains, animaux et végétaux, avec de nombreuses spécificités et diverses relations interconnectées. Or, Dieu a créé un élément commun à tous les êtres vivants, le Territoire et les Traditions.

Nous “peuples autochtones” avons beaucoup de coutumes, croyances et traditions en relation directe avec la forêt, l’air, l’eau, la terre et le soleil, en un lien cosmologique et spirituel unique, très profond et respectueux. Pour nous, la terre a une signification de développement durable et de spiritualité par le biais de nos coutumes exprimant notre identité, élément vital et essentiel pour la reproduction physique, spirituelle et culturelle de nos générations futures.
Depuis des temps immémoriaux, nous, “peuples autochtones”, exerçons des rôles fondamentaux et stratégiques dans la protection de la Terre Mère, en limitant la déforestation, conservant les forêts et la biodiversité, ainsi que d’autres richesses de nos territoires pour soutenir notre communauté ou d’autres communautés qui en dépendent pour leur subsistance, leur indépendance financière, leurs conditions de formation académique ou technique. Tout ceci est possible grâce à nos savoirs ancestraux.

De nos jours, la technologie nous oblige à modifier notre tradition pour garantir un modèle de développement pervers et destructeur. Cependant, pour mon peuple Huni Kui, il s’agit d’une grave erreur des gouvernements. Nous avons la preuve qu’il est possible de vivre sans cette technologie destructive. Il est possible de prendre soin de l’environnement de chaque être vivant en étant en relation avec ses spécificités, en créant des viabilités concrètes et nous estimons que d’autres communautés traditionnelles le pensent aussi.

Pour nous, le territoire traditionnel Huni Kui permet de garantir à 100% nos vies, grâce à une sécurité alimentaire selon des méthodes traditionnelles – avec des aliments provenant des rivières, des lacs et des ruisseaux, avec du gibier de la forêt, avec des pommes de terre et autres légumes sains, qui diffèrent des méthodes techniques de production où 70% des aliments et de la nourriture contiennent des produits agro-toxiques. Nos rituels traditionnels, nous permettent de soigner sans intervention scientifique/technologique, sans utiliser des médicaments de laboratoire, qui soignent soit disant les maladies mais causent des effets secondaires dans d’autres parties du corps. Nous en avons une expérience transmise de génération en génération.

Nous avons donc besoin de maintenir nos territoires traditionnels comme étant le milieu de nos relations matérielles et spirituelles avec la terre et avec notre mère, parce qu’ils produisent tout ce que nous avons besoin pour vivre, en harmonie avec les forêts et les animaux, tout en conservant l’équilibre environnemental comme l’air que nous respirons dans le monde entier. Il est possible de vivre dans un monde meilleur sans pour autant détruire la Nature et nos traditions. Un peuple autochtone sans territoire n’a plus de traditions.

Encadrés

Encadré 1

Quatre lois pour les pauvres en Thaïlande

Si vous postez une image de quatre doigts vus du dos de la main, sur les médias sociaux, c’est un signe de solidarité avec la campagne des quatre lois pour les pauvres. La campagne a commencé en 2008 pour répondre à la concentration continue des terres en Thaïlande. Selon des données datant de 2014, 62% des terres privées du pays sont entre les mains de 10% de la population. La ferme la plus grande appartenant à une seule personne est de 631 263 rai (soit 101 000 hectares). Alors que près de 750 000 familles rurales ne possèdent aucune terre, 70% des terres agricoles ne sont pas cultivées . La campagne des quatre lois pour les pauvres cherche à remédier aux disparités dans la propriété de la terre et aux difficultés auxquelles les populations marginalisées sont confrontées quand elles veulent accéder à la terre.

L’objectif principal de cette campagne est de faire approuver par le parlement les quatre lois proposées par les mouvements sociaux afin d’apporter des solutions aux problèmes fonciers de longue date et au manque de justice. La campagne a utilisé les médias sociaux et a organisé des évènements publics afin de mobiliser l’opinion publique. Selon la Constitution thaïlandaise, tout citoyen a le droit de soumettre un projet de loi au Parlement, et ce projet devient loi s’il recueille au moins 50 000 signatures.

Les quatre lois proposées sont:
1. Impôt foncier progressif – la loi imposerait des taux d’imposition foncière différents – particulièrement élevés pour les terres non cultivée – afin d’encourager une utilisation efficace des terres et éviter la concentration des terres. Ceux qui sont propriétaires de grandes étendues de terre seront amenés à utiliser ou à vendre la terre pour éviter de payer beaucoup d’impôts.
2. Impôt foncier sur les terres publiques – Une banque des terres publiques donnera accès aux terres aux personnes et paysan-nes sans terre qui pour-ront la louer ou l’acquérir bon marché afin d’en vivre et d’y habiter. Des fonds recueillis par l’imposition progressive ajoutés à d’autres soutiens fi-nanciers de l’état seront utilisés pour opérer la banque de terres publiques. Cette banque servira également de fond associatif pour la propriété collective et la gestion de la terre et des ressources naturelles.
3. Lois sur les droits de gestion des ressources naturelles et des terres communales – La loi reconnaitra juridiquement les droits collectifs à la terre et aux ressources naturelles à la fois dans la gestion et dans la propriété. La loi établira également une infrastructure juridique afin que les communautés puissent intenter un procès en recours collectif contre des acteurs étatiques et non–étatiques et afin de déterminer les rôles et responsabilités de l’état dans son soutien aux droits collectifs des populations.
4. Lois pour un fond de soutien juridique – Le gouvernement thaïlandais a déclaré que les terres occupées et habitées, à l’origine, par les populations rurales sont dorénavant des «réserves forestières; il en découle que le nombre de personnes qui empiètent sur ces terres, augmente. La loi établi-rait donc un fond qui soutiendrait financièrement les personnes et les com-munautés qui font l’objet de poursuites pénales. Ce fond couvrira les frais de poursuites judiciaires tels que les cautions, les frais de justice, etc.

Les quatre lois sont clairement interdépendantes: elles veulent remédier à l’inégalité foncière et répondre, à la fois aux besoins urgents des populations rurales et aux nécessités de plus long terme. La campagne des quatre lois pour les pauvres est l’une des plus grandes campagnes sur les questions foncières en Thaïlande, elle est dirigée et appuyée par différents mouvements sociaux, des associations et des réseaux de sans terre de différentes régions du pays.

Encadré 2

Réseau Reclaim the Fields en Europe

Reclaim the Fields (RtF) est une myriade de personnes et de projets collectifs dont le but est de reprendre le contrôle de la production d’aliments. Nous sommes déterminés à créer des alternatives au capitalisme par le biais d’une production à petite échelle, coopérative, autonome et qui réponde aux besoins réels, mettant ainsi la théorie en pratique.
Un rôle important du réseau RtF consiste à assurer le lien entre l’action pratique des différents groupes et les luttes politiques mondiales. L’accès à la terre est une question-clé sur laquelle nous travaillons. Le réseau s’étend à toute l’Europe avec une variété de démarches – des fermes collectives, des occupations de terre, des campements de protestation, des projets d’agriculture urbaine, un militantisme contre les OGM, etc. Se retrouver dans un réseau européen permet aux initiatives locales de partager idées et expériences, d’attirer l’attention publique sur des actions concertées et de se soutenir les uns les autres directement.

Les processus d’accaparement de terre – qui existent en Europe comme dans d’autres parties du monde – placent la terre sous contrôle des intérêts d’accumulation du capital. Les personnes et les groupes engagés dans ce réseau résistent contre ces pratiques d’accaparement de terre dans plusieurs endroits, dans différentes circonstances et à l’aide de stratégies diverses. L’occupation réussie et la défense des terres agricoles et des forêts de Notre-Dame des Landes en est un exemple bien connu. Un projet de construction d’aéroport par la société Vinci a été arrêté grâce à la résistance déterminée des paysans locaux et des militants. Maintenant, de nombreux jeunes se sont installés dans cette zone qu’ils nomment la « ZAD » (Zone à Défendre), divers collectifs ont entrepris de redonner vie aux fermes abandonnées et y produisent de la nourriture.

Cette année, la rencontre annuelle de RtF s’est tenue en janvier, à Nottingham au Royaume-Uni et a donné aux militants l’occasion de s’engager dans des débats théoriques et de réorganiser le travail thématique en différents groupes. Pour l’année à venir, un campement a été prévu au Royaume-Uni sur le site d’un projet de méga-prison. Les campements de RtF offrent un programme d’ateliers, permettent de partager les idées avec un plus grand public et de soutenir les luttes locales de la région. En outre, des membres de RtF prévoient une visite en Grèce pour établir des liens avec différents projets.

Ces exemples démontrent l’importance de bâtir des alliances avec d’autres mouvements sociaux car dans nos efforts pour reprendre le contrôle de nos vies, l’agriculture – bien que très importante – n’est qu’une facette de nos luttes.

De plus amples informations sur le réseau et les groupes qui le composent, sont disponibles à www.reclaimedfields.org ou contactez-nous à contact@reclaimthefields.org.

Encadré 3

Le paradigme de Bukittinggi: Vers une révolution agraire*

Les réformes agraires et hydriques du 21ème siècle doivent être des luttes pour la justice visant à démocratiser les structures agraires et bâtir de nouvelles relations sociales, économiques et politiques. Elles intègrent l’espace, le territoire, l’eau et la biodiversité. Afin de remédier à plusieurs décennies de néo-libéralisme, les nouvelles réformes agraires et hydriques doivent être révolutionnaires et transformatives, elles doivent mettre fin à la concentration des terres et de l’eau et résister aux contre-réformes agraires. Cette vision inclut les éléments suivants:

La souveraineté alimentaire: La souveraineté alimentaire doit être le fondement des réformes agraires et hydriques, et le concept de territoire, le pilier central. La souveraineté alimentaire exige que les paysan-nes, les pêcheurs, les éleveurs nomades, les peuples autochtones et les travailleurs ruraux aient accès aux terres agricoles, aux semences, aux races d’élevage, aux forêts, aux pâturages, aux chemins de transhumance, aux zones de pêche, aux étendues d’eau, aux mers, au littoral et aux écosystèmes et qu’ils les contrôlent. Elle ne peut être concrétisée sans la souveraineté sur la terre, les ressources et le droit des producteurs d’aliments de gouverner leurs territoires / leurs domaines, en prenant en compte les coutumes, les règles et accords de protection, d’utilisation et de partage des territoires au-delà des frontières géopolitiques.

Redistribution des pouvoirs: En expropriant et en distribuant des terres privées qui n’ont aucun rôle social, aux familles pauvres sans terre, il s’agit de redistribuer le pouvoir et de modifier les relations de pouvoir en faveur des producteurs d’aliments à petite échelle, de leurs organisations et de leurs mouvements ; c’est l’objectif global de cette redistribution. Une telle redistribution ne peut être effectuée par les mécanismes du marché. Une réforme agraire doit prendre en compte les priorités des paysan-nes, des agriculteurs familiaux, des pêcheurs, des peuples autochtones, des sans terre, des éleveurs nomades et des autres populations rurales, avec une attention particulière aux besoins spécifiques des femmes et des jeunes.

Le droit aux ressources, au territoire et à l’auto-détermination: Les réformes agraires et hydriques doivent garantir aux populations rurales un accès sûr à leurs terres et territoires et le contrôle de ces derniers; elles doivent restaurer la dignité des paysan-nes, des peuples autochtones, des pêcheurs, des éleveurs nomades, des travailleurs et des femmes ainsi que la fierté de leur origine. Elles doivent respecter les droits de la Terre mère, la cosmovision des différentes cultures ainsi qu’une autonomie et une gouvernance locale qui confèrent des droits égaux aux femmes et aux hommes. Les communautés de producteurs d’aliments doivent pouvoir prendre les décisions relatives à l’utilisation, la gestion et la conservation de leurs terres, territoires et ressources en accordant la priorité aux droits des femmes, des jeunes et des groupes historiquement marginalisés.

Défense des terres et territoires: Toutes les mesures possibles qu’elles soient d’ordre juridique, réglementaire ou l’action directe – doivent être utilisées pour défendre les terres, les étendues d’eau, les minéraux et la biodiversité contre les expropriations, les accaparements du capital, la marchandisation et la destruction. La terre et le territoire constituent une richesse collective/sociale et non une propriété individuelle et doivent être défendus en tant que tel, tout en respectant les droits de la Terre mère. La spéculation foncière doit être interdite et il faut empêcher les entreprises privées et publiques d’acquérir de grandes étendues de terre. Plusieurs moyens sont possibles: la propriété collective ou sociale des terres afin d’éviter la parcellisation qui facilite l’entrée sur le marché foncier; l’opposition aux mécanismes du marché dans la gouvernance des terres; des contre accaparement tels que les occupations de terre et les mobilisations dans les espaces et les forums publics visant à apporter un soutien populaire à nos luttes.


Remédier à la pauvreté, au chômage, à la faim et aux migrations de détresse:
La réforme agraire doit créer des conditions favorables à l’amélioration du niveau de vie pour la majorité et à la renaissance et la reconstruction des économies rurales, avec des prestations de services de bonne qualité dans les domaines de la santé de l’éducation, dans l’approvisionnement en électricité, eau, assainissement, transport, loisirs, crédit, banque, marché, etc. Il faut inverser les migrations de détresse des populations rurales, permettre la réinsertion des paysan-nes sur leur terre et assurer un avenir aux jeunes en zones rurales.

Souveraineté foncière rurale-urbaine: Une nouvelle vision doit régir les réalités des zones urbaines dans les domaines de la terre, de l’eau, du logement, de l’alimentation et des services essentiels. Les mêmes forces du capitalisme spéculatif qui accaparent les terres dans les zones rurales sont à l’origine de la spéculation immobilière qui expulse nombre de pauvres urbains. Une forte alliance rurale–urbaine requiert de reconstruire l’interdépendance entre producteurs et consommateurs et de reconsidérer les concepts de justice sociale, politique et environnementale.

Modèles de production, distribution et consommation: Ces modèles doivent refuser l’exploitation, assumer la responsabilité de l’environnement et ralentir le changement climatique. La politique énergétique est de grande importance car les terres, les forêts, les fleuves, les mers et le fond des océans sont utilisés pour alimenter des industries et des modes de vie énergivores. Les modèles de production devraient contribuer à autonomiser et à enrichir les producteurs d’aliments à petite échelle et non les forcer dans le surendettement et dans des chaines de valeur qu’ils ne peuvent contrôler. Les modèles de production et de distribution doivent être fondés sur la souveraineté alimentaire et l’agroécologie et promouvoir la récupération des semences et des races locales, la collecte de l’eau, l’énergie renouvelable générée localement, la renaissance d’une alimentation locale et la reconstruction de systèmes d’alimentation locaux.

Paix, justice et dignité: La souveraineté alimentaire, la réforme agraire et la défense des terres et des territoires sont des luttes pour la paix, la justice, la dignité et la vie. Une nouvelle réforme agraire doit mobiliser des forces qui mettent fin à la guerre et la militarisation de nos systèmes économiques et conteste la criminalisation de nos luttes.

Pour consulter le rapport de synthèse sur la rencontre de Bukit Tinggi, y compris les étapes de concrétisation de la «vision», voir Keeping Land Local, Chapitre 9.

*La rencontre internationale « Réforme agraire et Défense de la terre et des territoires au 21ème siècle, Défi et Avenir » était organisée par La Via Campesina et l’organisation Global Campaign on Agrarian Reform (GCAR) afin de discuter de la conjoncture mondiale et d’identifier les éléments-clés d’une stratégie commune vers une réforme agraire, la souveraineté alimentaire et la défense des terres et des territoires. Plus de 150 représentants des paysan-nes, des pêcheurs, des peuples autochtones, des jeunes, des travailleurs, des femmes, des travailleurs sans terre, des organisations de droits humains et de recherches ont participé à cette rencontre qui a eu lieu à BUKIT Tinggi, Sumatra de l’Ouest, Indonésie, du 10 au 13 juillet, 2012.