Sous les feux de la rampe

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Biodiversité agricole et agroécologie: dialogue paysan, familial, artisanal et indigène avec la nature

Paysans, paysannes, pasteurs, ceux qui cultivent, habitent les forets, pêchent artisanalement, peuples originaires et autres fournisseurs d’aliments ruraux et urbains á petite échelle, se considèrent partie de la biodiversité. Selon beaucoup de cosmovisions ancestrales, la nature, la Terre Mère,  alimente un lien mutuel avec les êtres humains comme famille, nous  ne sommes pas hors d’elle. Cette relation ancestrale d’interaction mutuelle configure l’existence de chacun dans une “co-évolution”. Les pratiques paysannes qui protègent la biodiversité ne déterminent pas seulement les nécessités alimentaires, matérielles, la spiritualité, la culture, la santé et les émotions aussi.

Malgré les pressions associées á la modernisation, où les cosmovisions et pratiquent traditionnelles sont toujours en vigueur, la biodiversité continue á répondre á cette échange mutuel. Dans les endroits où ces pratiques s’étaient perdues et aujourd’hui se récupèrent, la biodiversité se régénère sous de nouvelles formes. Ces pratiques et soins des communautés et familles paysannes (systèmes de savoirs de ceux qui produisent les aliments á petite échelle) sont le noyau de ce que la communauté internationale dénomme la “biodiversité”.

Cette biodiversité agricole soutient les stratégies paysannes ancestrales pour la subsistance, la santé et l’autonomie –  et est le fruit de celles-ci. Elle manifeste la créativité et la relation des savoirs paysans avec l’environnement naturel. Etant un tissu de relations dynamiques, la biodiversité agricole incarne un mosaïque en constant changement entre personnes, plantes, animaux et autres organismes tels que l’eau, la foret, “l’environnement”. La biodiversité agricole peut se considérer comme le résultat de l’interaction – dans tous les écosystèmes et au fil de milliers d’années -, de la diversité culturelle et la diversité biologique.

Certains systèmes de production montrent une extraordinaire diversité de cultures, animaux et espèces associées. Ceux qui produisent les aliments á petite échelle non seulement développent et soutiennent la majeure partie de la biodiversité de la planète, ils lui fournissent aussi la majorité de ses aliments.

Malgré les défis que soulèvent la forte tendance á l’homogénéisation des modes de vie et habitudes alimentaires, et les pressions sur les territoires, d’importantes actions locales de résistances ont vu le jour. Il existe un large éventail d’initiatives afin d’améliorer la diversité de potagers domestiques en zones rurales et urbaines, de lancer des cultures agroécologiques, restaurer les mangroves, développer des protocoles de pêche durable et gérer l’eau. Ces pratiques contribuent á promouvoir la souveraineté alimentaire et nutritionnelle, á conserver et protéger les fonctions des écosystemes.

L’agriculture agroécologique, á la base paysanne, pratiquée par ceux qui produisent des aliments á petite échelle, est un instrument essentiel pour construire la souveraineté alimentaire et défendre la Terre Mère. Les communautés engagés á produire des aliments par elles-mêmes et pour les autres, en mode indépendant, étranger aux corporations, savent que prendre soin de la biodiversité et pratiquer l’agroécologie est une forme de vie et est le langage de la nature. Il ne s’agit pas d’un simple ensemble de technologies et pratiques de production, applicable de la même façon á tous les territoires.

En effet l’agroécologie se base partout sur des principes similaires mais qui requièrent de particularités et soins respectueux et propres á l’environnement et á la culture locale. Ainsi, la biodiversité agricole est fondamentale pour l’autonomie et l’agroécologie. L’autonomie alimentaire que permet l’agroécologie paysanne, déplace le contrôle des marchés globaux et promeut les autogouvernements communautaires.

Ainsi, les peuples originaires et les communautés paysannes diminuent l’usage des intrants achetés, qui viennent du commerce. Etant ceux qui alimentent le monde, contrôler leur semences natives est fondamental pour le souveraineté alimentaire. Les conversations millénaires entre les personnes et les cultures perpétuent l’innovation, l’investigation, la sélection  des cultures et de l’élevage de bétail propres. Les communautés ne produisent pas ainsi des matières premiers et des marchandises pour l’exportation, mais sont en revanche celles qui produisent la majeure partie des aliments, protègent la biodiversité et les territoires.

Pour cela, il est fondamental de:

  • Respecter les droits collectifs de tous ceux qui maintiennent et améliorent la biodiversité agricole et alimentaire paysanne, et défendent leurs savoirs et l’intégrité de leurs cultures á travers l’utilisation des principes agroécologiques et l’échange, la culture et surtout al reproduction propre de leurs semences, races de bétail et poissons.
  • Renforcer nos systèmes et réseaux alimentaires ruraux -urbains interconnectés et collectifs ainsi que les marchés locaux, en promouvant la biodiversité agricole et agroécologique.
  • Promouvoir une réforme agraire intégrale.
  • Le plus important est de fomenter et garantir la libre détermination des peuples, communautés et collectifs ruraux et urbains qui protègent la biodiversité et l’intégrité de leurs territoires, et au final, une vie de justice et dignité.

La souveraineté alimentaire, un environnement sain, mais avant tout notre futur, dépendent de tout cela.

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La spoliation planifiée de la biodiversité

La Révolution Verte impulsa les corporations á contrôler les cultures alimentaires. Elle a inciter les paysannes de différentes parties du monde á chercher “la productivité agricole dans ce qui est aujourd’hui le Sud global”. Les promoteurs disaient être préoccupés de “remplir les estomacs affamés”, et insistaient sur le fait que l’agriculture traditionnelle était redondante.

Les directeurs d’entreprises et les fonctionnaires en charge des politiques publiques gouvernementales ignorèrent l’énorme labeur et la continuité de siècles que suppose la relation attentive et bienveillante que les peuples entretiennent avec al Nature, avec leurs terres, forets et eaux, avec les semences et leur transformation infinie. Cette relation es la responsable de l’incroyable biodiversité et des prouesses culturelles que nous ont apporté les cultures telles que le blé, le mais, le riz et les pommes de terre.”[1]

 La Révolution Verte substitua ce qui l’a précédée par des “types radicalement standardisés, supposés de haut rendement”. Les nouvelles semences, comme l’ont vu les agriculteurs, requéraient un paquet de fertilisants chimiques, de pesticides et  d’irrigation pour bien grandir”.[2]

Cela “a rencontré une profonde résistance de la part des paysans, des communautés locales et de la société civile en général”.[3]

Malgré la résistance, les dommages étaient faits. L’ère où les instituts de recherche assumèrent le rôle de développementalistes internationaux des cultures et des semences agricoles substitua les savoirs et stratégies millénaires des communautés agricoles réelles du monde et impulsa un discours corporatif encore en vigueur: que les paysans ne savent pas ce qu’ils font, que leurs stratégies de culture sont erronées, que leurs rendements sont réellement pauvres. Cela ouvrit un espace pour les hybrides, notamment les OGM. Les effets furent dévastateurs pour les paysans et les petits agriculteurs qui dépendaient des semences natives et des méthodes traditionnelles de culture ou d’élevage d’animaux.

L’agriculture industrielle est alors venue imposer des remèdes technologiques afin d’augmenter les rendements avec une grande quantité de produits agrotoxiques. Elle a diminué les variétés et les espèces impliquées dans la culture d’aliments ou les races de bétail qui avant étaient normales. Selon la FAO, depuis 1900, on a perdu 75% de la diversité phytogénétique “au fur et á mesure que els agriculteurs du monde abandonnent leurs multiples variétés locales et races natives ´pour des variétés génétiquement uniformes de haut rendement…. Aujourd’hui, 75% des aliments mondiaux se génèrent á partir de seulement 12 plantes et cinq espèces animales”.[4]

La Révolution Verte n’est pas l’unique coupable, bien qu’il y ait eu d’énormes pertes soudaines durant son application. Les accords de libre commerce, les droits de propriété intellectuelle, l’attitude incisive de l’agriculture contractuelle, les modes luxueuses des cultures d’exportation (baies et mures, avocats, agaves, tomates et autres variétés de serre) sont aussi responsables. Maintenant la biologie synthétique veut substituer tout le processus agricole. Résister á l’agriculture industrielle et ses monocultures implique d’énormes efforts si les communautés veulent continuer á être indépendantes. Mais il est crucial pour la biodiversité et la souveraineté alimentaire de freiner ces schémas.

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Solutions basées sur la nature: un écran de fumée des entreprises qui n’arrêtera pas la perte de biodiversité

Le concept des solutions basées sur la nature a émergé á partir de longues conversations avec des organisations comme une manière de promouvoir le financement de leur vision des aires protégées. Malgré l’usage de la référence á la nature, la vision des SBN promeut l’idée  de “capital naturel”, c’est-á-dire une perspective capitaliste de payer pour des services fournis par les écosystèmes. Cela va souvent de paire avec la “commodification” et la financialisation de la nature.

Plus récemment, la force motrice des SBN vient de la nécessité que la nature soit une solution pour le climat. Cela est motivé par l’escalade des dites cibles climat “net zéro” où le “net” est le carbone émis moins le carbone enlevé de l’atmosphère. Ainsi, les arbres, les sols et les terres sont nécessaires afin de produire des compensations carbone et des absorptions carbone afin de permettre aux énergies fossiles, á l’agrobusiness et autres corporations d’étendre leurs plans lourds en émissions et extraction. Cela s’accompagne de plusieurs dangers: accaparement des terres, davantage de commodification du carbone et de la nature, enclavement de terre, impossibilité d’arrêter le chaos climatique et la destruction de la nature. Cela peut aussi permettre aux entreprises de profiter des nouveaux schémas de marché basés sur la nature.

L’étendue de terre requise pour que les SBN soient une solution climatique est á elle seule un danger pour la biodiversité. Le document le plus influençant concernant “les solutions climatiques naturelles”[5] a avancé l’argument que “les solutions basées sur la nature”[6] pourraient aider á atténuer jusqu’á 37% des émissions de gaz á effet de serre d’ici 2030. Les calculs présentés dans ce documents au vu d’une analyse plus approfondie, s’avèrent techniquement problématiques, peu plausibles, et politiquement irréalistes.[7]  Par exemple, il est suggéré qu’un espace de 678 millions d’hectares est potentiellement disponible pour la reforestation. Il s’agit d’une superficie égale á  deux fois l’Inde, ou plus de deux tiers des Etats-Unis. Le document suggère jusqu’á 10 million d’hectares de nouvelle plantation d’arbres, pour rendre les SBN profitables et donc une option valide pour les entreprises.

Même si seulement une fraction de ces promesses net zéro des entreprises sont suivies á travers les solutions basées sur la nature, cela approfondira et étendra de manière significative le contrôle des entreprises sur la terre. C’est á cause de l’échelle des émissions libérées par les entreprises et par conséquent leur besoin de trouver des forets et des terres pour prétendre compenser leurs émissions.

Les SBN sont un terme vaguement défini, avec derrière très peu d’analyse politique. Par conséquent, á peu près tout peut être défini comme des solutions basées sur la nature, depuis les plantations de monocultures á l’agroécologie. La compagnie brésilienne Suzano, la plus grosse compagnie productrice de pulpe est juste une de ces compagnies qui tirent profit de ce terme vaguement défini de SBN afin de promouvoir leurs plantations d’ingénierie génétique tout en appliquant des solutions basées sur la nature au changement climatique.

Les organisations de conservation et les entreprises rebaptisent aussi leurs schémas discrédités de REDD+ qui ne valorisent pas le rôle des communautés locales et des Peuples Indigènes dans la gestion des forets et ont causé de fortes divisions, et des déplacement de communautés forestières sous prétexte de SBN.


[1] GRAIN, Financer l’agriculture industrielle ou l’agroécologie : sortir d’une approche binaire,

[2] et [3] Ibidem.

[4] FAO, Que se passe-t’il avec l’agrobiodiversité? (uniquement en anglais).

[5]  Griscom et al, Solutions basées sur le Climat , PNAS. 31 Octobre , 2017. vol. 114. no. 44. 11645–11650 (uniquement en anglais).

[6]  The Nature Conservancy les appelle les Solutions basées sur la Nature  

[7] REDD-Moniteur. Compenser les émissions d’énergies fossiles avec la plantation d’arbres et les “solutions basées sur la nature”: science, pensée magique ou pure RP?, (uniquement en anglais) 2019.

Bulletin n° 49 – Éditorial

Souveraineté alimentaire et agrobiodiversité

Illustration: Dessin en couleur sur papier amate de l’artiste Abraham Mauricio Salazar. Pris dans le but de diffusion du livre Le cycle magique des jours, d’ Abraham Mauricio Salazar. CONAFE, Mexique, 1979.

A un moment où les média tirent l’alarme sur la cherté des prix et la pénurie due á la guerre en Europe, bien qu’il n’y ait pas toujours une corrélation exacte, nous questionnons á nouveau les informations qui situent les grandes corporations comme fournisseurs de la majeure partie de nos aliments. Ancré dans cette image toute faite, le système agroalimentaire industriel lance un nouvel assaut á l’agriculture avec la digitalisation de ses processus. Elle promeut la “capture du carbone” á partir des dites “solutions basées sur la nature.” Elle continue sa poussée en contrôlant et normant les chaines d’approvisionnement en privilégiant ses intérêts, tout en cherchant á supplanter les tentatives de paysan.ne.s dans le monde, finançant une “agroécologie” qui est aujourd’hui promue par les mêmes entreprises et fonds d’investissements qui pendant des siècles ont dépouiller les paysans des possibilités d’exercer une agriculture indépendante.

C’est alors crucial de défendre notre souveraineté alimentaire : la possibilité de pouvoir reproduire nos semences selon nos termes et nos espaces, c’est-á-dire, en pleine liberté et maintenir notre indépendance totale á produire nos propres aliments. Pour cela, défier l’accaparement des terres et insister sur l’autonomie et la défense des territoires paysans, indigènes et les espaces urbains d’autogestion populaire des quartiers continuera d’être crucial.

CIP pour la souveraineté alimentaire, Amis de la Terre International et GRAIN

L’écho des campagnes

Amérique Latine et Caraïbes –  Alianza

Les nuits sont sacrées pour les rencontres de mon peuple Kuna au Panama. La, nous nous nourrissons d’histoire orale, et des luttes pour l’autodétermination d’autres peuples. Là, nous embrassons l’Univers, et nous nous organisons pour la défense de la Terre Mère. Nyéléni est l’Assemblée des Peuples pour la Souveraineté Alimentaire, là où nous partageons des luttes globales, nous nous alimentons de la force des gens et où nous communions avec les frères et sœurs d’autres continents. Les problèmes sont restés les mêmes depuis plus de 500 ans. Les luttes pour la vie, l’eau, le territoire ont d’autres noms et d’autres formes, mais continuent d’être les mêmes problèmes que chaque génération doit affronter avec de nouvelles stratégies et tactiques. Le processus de Nyéléni est une opportunité de coordination entre différentes organisations centrées sur la défense de la Terre Mère et de la Souveraineté Alimentaire des Peuples. A présent, il est extrêmement important de tisser des alliances et d’organiser le travail au vu de la menace des mégaprojets et des projets extractivistes, ainsi que de définir des stratégies pour surmonter els impacts du Covid 19.

comme avec les nuits étoilées, avec ou sans lune, avec la mer agitée et les tempêtes qui approchent, les communautés Kuna discutent comment résoudre les problèmes sociaux, culturels ou spirituels de la même manière que le mouvement Nyéléni est un moment dans le temps pour rassembler les peuples du monde, chanter, danser, rêver et comprendre que nous somme partie intégrante de la Terre Mère, de la Grand-mère Mer, du Grand-père Soleil et ils nous appellent depuis leurs coquillages á commencer une conversation autour du feu, entre mouvements sociaux et Peuples Autochtones, afin de nous organiser pour la défense de la Terre Mère.

Europe et Asie Centrale –  Nyéléni EAC

Notre monde, notamment l’Europe et l’Asie Centrale, traverse une série de crises inter reliées: conflits armés, troubles civils associés á des crises humanitaires causées par la guerre et l’instabilité politique dans différentes zones de notre région. c’est une crise économique qui se manifeste dans l’augmentation des prix de l’alimentation et de l’énergie, et une augmentation des vulnérabilités liées á la perte d’emplois, d’accès á une alimentation saine et accessible, et á la pandémie actuelle de Covid 19, ainsi qu’á la crise climatique en cours. La dernière crise est la guerre en Ukraine, qui affecte les gens et le pays, et a un impact sur les politiques de sécurité alimentaire dans la région et au-delà. cette crise nous a montré le niveau de résilience des communautés locales et l’importance des systèmes alimentaires locaux, ainsi que le rôle central de l’espace Nyéléni, qui permet á différents collectifs de se rassembler en solidarité et de travailler sur des politiques liées á nos combats.

Tout comme Nyéléni, la légendaire paysanne malienne qui cultive et nourrit son peuple, les petits producteurs alimentaires (agriculteurs et pêcheurs) d’Ukraine luttent courageusement pour continuer á nourrir les populations locales, et ce malgré la destruction récente de la banque de semences nationale. Mais peu est écrit sur le sujet, et ils reçoivent aussi peu de soutien.

La guerre contribue aussi á l’aggravation de questions sur le long terme, telles que le changement climatique. La majorité des femmes et enfants dans différentes régions sont soit déplacés á l’intérieur du pays, soit ont cherché refuge dans des pays européens. Alors qu’en Russie, les peuples indigènes et les défenseurs des droits humains sont toujours réprimés.

Le processus Nyéléni implique une dualité en influençant les politiques publiques á tous les niveaux et en construisant un mouvement social indépendant. Les mouvements sociaux de constitutions variées sont rassemblés á travers ce travail de soutien intersectionnel. Le processus inclut aussi une approche plus ample, plus intersectionnelle et vraiment nécessaire afin d’aborder les crises profondes multiples sur les questions économiques, sociales et environnementales á travers le monde.

CIP Région Afrique

Alors que le gouvernement national et le secteur privé continuent de rétrécir l’espace de l’agriculteur familial pour produire ce qu’ils mangent et manger ce qu’ils produisent par l’introduction des fertilisants chimiques, des pesticides, fongicides et herbicides, tout cela détruit l’environnement. Les processus de Nyéléni soutiennent la promotion des approches agroécologiques qui encouragent la production socialement acceptable, économiquement viable et environnementalement durable tout en protégeant aussi l’environnement naturel. Cette approche assure la promotion et la protection de la conservation de la biodiversité. Le processus décourage aussi les pouvoirs corporatifs qui empêchent les familles d’accéder aux marchés territoriaux avec leur alimentation pas chère et qui met en danger notre santé et cause des dommages á l’environnement. La souveraineté alimentaire ne peut pas être atteinte là où l’alimentation, la terre, les semences, le poisson et le bétail sont aux mains du contrôle corporatif. Le processus Nyéléni décourage et aide á prévenir la privatisation et la modification des semences natives par l’introduction et l’utilisation d’anciens et nouveaux OGMs dans notre système agricole et alimentaire. nous faisons toujours face á l’accaparement des terre par les pouvoirs corporatifs, á la capture corporative de nos marchés territoriaux et aux défis créés par le changement climatique et autres facteurs externes tels que le covid 19 et autres conflits.

Nous croyons que le processus Nyéléni peut soutenir les mouvements sociaux sur el terrain dans le renforcement et la promotion de la collaboration et la participation aux dialogues politiques régionaux où les changement dans les politiques publiques nationales ont lieu. La stimulation des mouvements et l’intersectionalité des luttes peut aider á promouvoir la justice pour la terre, l’agroécologie et les marchés territoriaux. ensemble nous pouvons renforcer le plaidoyer pour al terre, les semences et l’eau pour les petits producteurs.

CIP Région MENA

Dans la région nord africaine, la souveraineté alimentaire est communément comprise comme un outil de démocratisation que peut fournir un soutien majeur aux populations rurales afin d’inclure leurs demandes liées aux différentes menaces identifiées. Dans ce cas, al contamination de l’eau, al privatisation de la terre rurale, et la commodification de notre alimentation. Par contraste, dans la région de Moyen-Orient, la souveraineté alimentaire est davantage vue depuis une perspective politique, particulièrement á cause des aspirations des peuples pour la libération des territoires occupés et/ou semi-occupés. The nouveau contexte actuel appelle, plus que jamais, á une synergie entre le discours et la pratique de la souveraineté alimentaire afin d’implémenter les principes dans le travail quotidien des acteurs impliqués dans la production, la distribution et la consommation de la nourriture.

On devrait noter que la dernière rencontre Nyéléni présentait une vision stratégique pour atteindre la souveraineté alimentaire en reconnaissant la contribution des femmes á l’agriculture paysanne, alors que ces documents ne prennent pas en considération la question des relations de genre.

D’autre part, la souveraineté alimentaire doit être comprise comme un projet politique á différentes facettes et en constante évolution, dont la substance est fortement susceptible de variations selon le type d’acteurs collectifs qui la réclame. En ce sens, el processus Nyéléni peut soutenir des mouvements dans la région MENA afin de renforcer la convergence entre les mouvement de différentes natures. C’est la clé  de la consolidation du développement des capacités des mouvements sociaux via le renforcement des capacités de la jeunesse et des leaders autour de la souveraineté alimentaire.

CIP Asie et Pacifique

Asie et Pacifique, où vit 60% de la population mondiale, font face á une multitude de défis en termes de souveraineté alimentaire.

A travers el monde, plus de 2,5 milliards de petits producteurs, pasteurs, habitants des forêts et pêcheurs artisanaux cultivent, collectent et récoltent de la nourriture pour la consommation humaine. De tels systèmes alimentaires localisés fournissent les fondations d’une nutrition, de revenus, d’économies et de cultures á travers toute l’Asie et le monde.

La pandémie de Covid 19 exacerbe les défis pré-existants á la sécurité alimentaire tels que les impacts du changement climatique, les risques de catastrophe, les ressources naturelles qui s’amenuisent et les environnements qui se dégradent, l’utilisation des OGMs, les démographies changeantes et les profils professionnels, ainsi que les déficits en infrastructure, entre autres. Dans un contexte de populations grandissantes,  d’urbanisation croissante et de changement dans la chaine de valeur alimentaire et dans l’industrie alimentaire, le débat sur la souveraineté alimentaire est plutôt crucial.

La perte de capacité des populations locales pour leur autonomie et autodétermination est une conséquence directe de l’expansion du modèle de développement industriel, hétéronome basé sur la production de commodities. Nous, comme IPC, avons besoin d’affirmer collectivement et de faire progresser les principes et politiques qui constituent la souveraineté alimentaire et rejetons celles qui ont pour but de consolider davantage les intérêts corporatifs dans nos systèmes alimentaires.

La notion de “souveraineté alimentaire” est peut-être mieux comprise comme un processus de  transformation qui cherche á recréer l’espace démocratique et á régénérer une diversité de systèmes alimentaires autonomes basés sur l’équité, la justice sociale et la durabilité écologique.

 L’équité de genre et le respect des voix des plus pauvres et marginalisés restent des défis urgents pour le mouvement de souveraineté alimentaire et la société civile dans son ensemble. Le processus de Nyéléni peut renforcer les organisations de femmes, d’hommes et de jeunes, les peuples indigènes, agriculteurs, pasteurs, habitants des forets, migrants, travailleurs ruraux, pêcheurs et autres.

CIP Région Amérique du Nord

Du 5 au 12 avril, L’Alliance américaine pour la souveraineté alimentaire (USFSA) a organisé deux consultations en ligne pour la région Amérique du Nord (Etats- Unis et Canada) dans le cadre du processus Nyéléni. Les dialogues ont réuni un ensemble diversifié de petits producteurs alimentaires, des organisations de travailleurs ruraux, des peuples indigènes et peuples premiers, des activistes académiques et des organisations de la société civile afin de discuter du futur pour le mouvement de souveraineté alimentaire et construire des priorités communes pour naviguer dans les crises interdépendantes du système alimentaire dans la région.

Durant les deux dernières années, le COVID 19 a mis a nu la fragilité des chaines de valeurs alimentaires corporatives concentrées aux Etats-Unis, avec des fermiers forcés de faire du dumping avec leur lait et de détruire leur récoltes, des travailleurs tombant malades á cause du manque d’équipement de protection et la connivence des corporations, l’augmentation de l’insécurité alimentaire dans les communautés marginalisées. Ces défis, combinés avec les mobilisations contre l’injustice raciale et les impacts de la crise climatique sur les communautés rurales, ont dessinés de nouvelles opportunités pour la solidarité entre fermiers et travailleurs et l’organisation d’une union, d’une plus grande conscientisation et d’investissements dans des systèmes alimentaires locaux résilients, ainsi que des actions politiques concernant l’équité et la justice en agriculture. Dans ce contexte, les participants á la consultation ont souligné les approches anticapitalistes, non racistes, anti-impérialistes et radicalement féministes concernant l’organisation autour de l’accès á la terre, le démantèlement des monopoles corporatifs, l’avancement de l’agro écologie, le droit á l’alimentation et le renforcement de la souveraineté indigène.

Depuis le premier rassemblement au Mali en 2007, les déclarations et relations politiques qui ont émané de Nyéléni ont façonné la direction et la force du mouvement pour al souveraineté alimentaire en Amérique du Nord ainsi que des actions de solidarité au-delà de la région. Alors que ce travail collectif continue, le processus de Nyéléni offre un forum dynamique dans la construction de la force rurale á l’intérieur et autour de nos communautés alors que nous faisons progresser les principes de souveraineté alimentaire dans nos systèmes alimentaires locaux et les espaces politiques internationaux.

Encadres

Encadré 1

Le droit à la souveraineté alimentaire

Le Forum international sur la souveraineté alimentaire à Sélingué, au Mali, en février 2007, a été le début du chemin de Nyéléni pour construire un mouvement mondial pour la souveraineté alimentaire. Le concept de souveraineté alimentaire a été introduit par La Via Campesina (LVC) lors du Sommet international de l’alimentation de 1996, un an après la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), avec ses infâmes accords sur l’agriculture, les droits de propriété intellectuelle, la politique industrielle, les normes, et l’investissement. Les mouvements sociaux, les syndicats, les militants et les universitaires savaient que la « sécurité alimentaire » et le « développement » étaient des écrans de fumée pour camoufler l’expansion du pouvoir des entreprises pour laquelle les règles de l’OMC étaient conçues. L’appel à la souveraineté alimentaire était donc autant un rejet de la domination de l’alimentation, de l’agriculture et de l’économie par les entreprises et les marchés, qu’un cri de ralliement pour que les peuples du monde entier revendiquent leur pouvoir d’action, leur autonomie et leur capacité à construire un paradigme de progrès centrés sur les droits de l’homme, la justice et le respect de la planète.

Alors que le concept gagnait le soutien d’un large réseau d’acteurs, dont le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation, LVC s’est associée à d’autres mouvements sociaux et acteurs de la société civile pour convoquer un forum autonome et international afin de développer le principe de souveraineté alimentaire pour différentes circonscriptions et régions, basé sur des expériences et des contextes divers et vécus.

Le premier forum Nyéléni a réuni plus de 500 représentants de plus de 80 pays et de nombreuses circonscriptions pour partager des connaissances et discuter des multiples dimensions de la souveraineté alimentaire, de la terre et de l’eau aux semences, à l’élevage et au travail, reconnaissant le rôle central des femmes. Ces délibérations sont résumées dans la Déclaration de Nyéléni et la Déclaration des femmes sur la souveraineté alimentaire. A Nyéléni en 2007, nous avons commencé à construire un nouveau droit : le droit à la souveraineté alimentaire.

Encadré 2

L’alliance globale contre l’accaparement des terres

En novembre 2011, nous, paysans, pasteurs, peuples indigènes et leurs alliés nous sommes rassemblés á Nyéléni pour partager nos expériences et combats contre l’accaparement des terres. Nous sommes venus á Nyéléni en réponse á l’Appel de Dakar, qui appelle á une alliance contre l’accaparement des terres parce que nous sommes déterminés á défendre la souveraineté alimentaire, les biens communs et les droits des petits fournisseurs alimentaires aux ressources naturelles.

Lors de cette rencontre, nous avons clairement identifié que l’accaparement des terres est une phénomène global mené par les élites et investisseurs locaux, nationaux et internationaux et des gouvernements qui ont pour but de contrôler les ressources les plus précieuses au monde. Les crises financière, alimentaire et climatique globales ont généré une précipitation chez les investisseurs et gouvernements riches pour acquérir et accaparer la terre et les ressources naturelles, puisque ceux-ci sont les seuls “paradis sûrs” qu’il reste et qui garantissent des retours financiers sûrs.

L’accaparement des terres va au-delà des structures impérialistes traditionnelles Nord-Sud; les transnationales peuvent être basées où que ce soit dans le monde. Il s’agit aussi d’une crise tant dans les zones rurales qu’urbaines. la terre est accaparée en Asie, en Afrique, aux Amériques et en Europe pour l’agriculture industrielle, les plantations de foret, les mines et les projets d’infrastructure, les barrages, le tourisme, les parques de conservation, l’industrie, l’expansion urbaine et des objectifs militaires.

Mais nous ne nous avons pas vaincus. A travers l’organisation, la mobilisation et la cohésion communautaire, nous avons été en mesure d’arrêter l’accaparement des terres dans beaucoup d’endroits. de plus, nos sociétés reconnaissent que la production alimentaire á petite échelle est le modèle le plus durable socialement, économiquement et environnementalement en ce qui concerne l’utilisation des ressources et la garantie du droit á l’alimentation pour tous.

En nous rappelant de l’Appel de Dakar, nous réitérons notre engagement á résister á l’accaparement des terres par tous les moyens possibles, en soutenant tous ceux qui luttent contre l’accaparement des terres et en faisant pression sur les gouvernements nationaux et les institutions internationales pour qu’ils remplissent leurs obligations á assurer et défendre les droits des peuples.

Encadré 3

Forum International pour l’Agroécologie –  Nyéléni 2015

A la fin février 2015, les organisations et mouvements sociaux de petits producteurs alimentaires, travailleurs, femmes, peuples indigènes, consommateurs, environnementalistes et organisations des droits humains se sont rencontrés au Forum Nyéléni afin de s’accorder sur une vision commune multisectorielle sur l’agroécologie et les stratégies pour la défendre et la promouvoir.

L’agroécologie, comme nous l’avons convenu, est une manière de vivre, une façon de produire de la nourriture, une science et un mouvement pour transformer les systèmes alimentaires pour la souveraineté alimentaire et la justice sociale, raciale, de genre, économique, intergénérationnelle et environnementale. Elle est basée sur des principes similaires qui sont implémentés de différentes manières sur une grande diversité des territoires.

Il a aussi été accordé que les piliers fondamentaux de l’agroécologie sont: la solidarité, les territoires locaux et le droit des peuples et communautés á préserver les liens spirituels et matériels avec ceux-ci, les droits collectifs et l’accès aux biens communs, l’organisations et les actions collectives, et les différentes connaissances et savoirs de nos peuples, ainsi que le Dialogue des Savoirs comme manière de développer, innover et faire de la recherche.

Le forum a souligné que l’agroécologie cherche á transformer les structures de pouvoir dans la société, de sorte que les gens contrôlent les semences, la biodiversité, les terres et territoires, l’eau, les connaissances, la culture et d’autres biens communs, et garantissent un chemin collectif vers le dépassement des crises.

Le forum es un évènement crucial pour le mouvement, et ses conclusions sont une force orientant l’élargissement des alliances pour la promotion et la défense de l’agroécologie et la souveraineté alimentaire. Plus info ici.

Sous les feux de la rampe

Sous les feux de la rampe 1

La conjoncture politique actuelle : pourquoi avons-nous besoin d’un nouveau Forum Global Nyéléni ?

Au cours des deux dernières décennies, le Comité international de planification pour la souveraineté alimentaire (CIP) a travaillé assidûment aux côtés des communautés de petits producteurs alimentaires, des peuples autochtones, des consommateurs et des citoyens, garantissant les droits de ceux qui produisent et de ceux qui sont marginalisés. Aujourd’hui, les résultats historiques obtenus par le CIP risquent d’être éclipsés par une collision complexe de plusieurs crises profondes et le changement de paysage géopolitique qui en résulte et qui menace les principes et les valeurs que le CIP a toujours défendus et mis en avant dans la quête de la souveraineté alimentaire.

La pandémie de COVID 19 a mis en lumière les liens entre différentes luttes pour la justice mondiale. Elle a exacerbé les inégalités existantes et renforcé les déséquilibres de pouvoir au point que de nombreux pays ont plongé dans une crise sociale et économique profonde où les plus vulnérables souffrent le plus. Les voix de ces communautés appelant à un changement systémique, sur la base des expériences existantes de l’agroécologie et de l’agriculture familiale paysanne, qui nourrissent la grande majorité du monde, doivent être renforcées dans une alliance mondiale avec les mouvements sociaux et les peuples autochtones pour répondre à cette urgence afin qu’elle ne soit pas éclipsée par le problème immédiat de la pandémie de COVID 19.

Dans ce contexte, le CIP organise un nouveau processus de discussion, non seulement au sein des mouvements qui luttent pour la souveraineté alimentaire, mais aussi avec une toute nouvelle série de mouvements de différents secteurs. Ce nouveau processus Nyéléni vise à construire des réponses au niveau mondial, régional et local et à renforcer les alliances avec d’autres mouvements qui partagent la vision et les luttes du CIP, mais qui viennent d’autres domaines : justice du travail, justice climatique, luttes des femmes, par exemple. Le processus, dans lequel l’intersectionnalité est un aspect clé, recueille les luttes locales différentes mais qui se recouvernt sur le terrain et les emmène au niveau mondial et permettra la participation de différents mouvements à différents niveaux.

Si l’intersectionnalité est un aspect innovant dans le processus de Nyéléni, le deuxième aspect déterminant est l’accent mis sur le processus lui-même et non uniquement sur le Forum mondial final : il s’efforce de construire un processus complet qui porte avec lui toute la puissance des mouvements populaires. Dans une première phase du processus, les régions, les groupes de travail et les organisations mondiales du CIP entreprendront un exercice de consultation interne pour réfléchir sur, approfondir et élargir les principes et les concepts de la souveraineté alimentaire dans la nouvelle réalité. Les résultats de ces consultations constitueront les pilliers du processus Nyéléni. Simultanément, de nouvelles alliances seront recherchées avec des mouvements sociaux travaillant sur différentes questions : climat et justice du travail, mouvements féministes, mouvements des peuples autochtones, mouvements Noirs et mouvements anti-guerre, pour créer une convergence intersectionnelle vers des propositions communes de changement systémique.

Finalement, le processus Nyéléni culminera avec le Forum mondial Nyéléni, au cours duquel des centaines de délégués du monde entier discuteront de stratégies et de solutions pour des systèmes alimentaires plus justes, inclusifs, durables et diversifiés, et relanceront une alliance mondiale capable de contrecarrer les forces qui poussent le monde dans une crise multidimensionnelle plus profonde.

Sous les feux de la rampe 2

Nyéléni : territoire, processus et méthodologie

Lors du Forum International pour la Souveraineté Alimentaire: Nyéléni 2007 (voir encadré 1) fut le résultat d’un long processus régional et international d’accumulation politique intersectorielle. Ce fut une étape importante qui nous a fourni des principes, un cadre politique, des méthodologies et un agenda d’initiatives afin de continuer á faire avancer la souveraineté alimentaire et la défense des territoires et des droits des peuples. Nyéléni fut aussi a aussi abrité deux autres processus internationaux importants dans ce voyage: en 2011, pour coordonner la résistance á l’accaparement des terres (voir encadré 2) et en 2015, pour construire une vision multisectorielle commune sur l’agroécologie et accorder des stratégies pour la défendre et promouvoir (voir encadré 3).

Nyéléni est le territoire et la plateforme pour notre processus de convergence multisectorielle, ce qui nous a permis d’approfondir notre analyse et nos positions, de rendre nos combats visibles et de résister á la criminalisation, renforcer les liens de solidarité, construire des accords multisectoriels et se mettre d’accord sur des initiatives pour transformer les systèmes alimentaires et nos sociétés.  Il s’agit d’un programme commun de luttes locales, régionales et globales basées sur l’expérience et les connaissances des mouvements sociaux et des organisations.

C’est un processus dont l’objectif a toujours été d’accumuler des forces pour renforcer la mobilisation populaire de la résistance au capitalisme colonial, patriarcal, impérialiste et raciste, ses fausses solutions et toutes ses formes d’exploitation, d’oppression et de commodification de la vie, mais aussi pour la défense des biens communs, de la souveraineté, des droits et de l’autodétermination des peuples et la justice sociale, raciale, de genre, économique, intergénérationnelle et environnementale.

Notre méthodologie se base sur un principe fondateur de la Solidarité Internationale mettant en pratique le Dialogue des Savoirs et qui, basé sur l’héritage, le patrimoine et la diversité des peuples, cultures et combats, construit l’unité en action, tout en renforçant les processus territoriaux organisationnels, puisque sans organisations fortes et coordonnées, depuis le local jusqu’au global, il n’y aura pas de résistance suffisante au pouvoir du capital et aux forces conservatrices, ni non plus de transformation systémique.

Ces 15 années ont servi á augmenter la visibilité de la souveraineté alimentaire, l’agroécologie et la réforme agraire intégrale, entre autres, dans les institutions et espaces politiques internationaux, régionaux et locaux et ont motivé plusieurs niveaux de gouvernement á implémenter notre agenda. Ces années ont aussi été cruciales pour démasquer et dénoncer les tentatives de cooptation corporative de nos solutions et ont fait de la souveraineté alimentaire un objectif politique de plusieurs mouvements (féministe, justice climatique, justice sociale, entre autres).

Cependant, afin de démanteler le pouvoir de l’agrobusiness et de fournir une réponse globale á la montée des forces conservatrices de droite, il est nécessaire de converger avec les peuples faisant face á différentes formes d’oppression et de s’accorder avec eux sur des programmes et stratégies pour la justice sociale, raciale, de genre, économique, intergénérationnelle et environnementale.

Le processus Nyéléni a donné au mouvement pour la souveraineté alimentaire l’engagement d’être un maillon clé dans la construction d’un front social plus ample avec les mouvements féministes, LGBTQ, syndicalistes, antiracistes, de résistance á l’oppression des classes et coloniaux.

Sous les feux de la rampe 3

Rejoignez le processus Nyéléni vers un nouveau Forum Global Nyéléni pour la Souveraineté Alimentaire!

Le Comité International de Planification pour al Souveraineté Alimentaire (IPC) est l’alliance globale la plus large de petits producteurs alimentaires, incluant les paysans, les pêcheurs artisanaux, pasteurs et bergers, nomades, peuples et organisations indigènes, habitants des forets, paysans sans terre, producteurs urbains et travailleurs ruraux.

Le mouvement  pour al souveraineté alimentaire a été une partie dynamique du processus de transformation et d’élaboration de solutions; depuis son émergence comme plateforme globale pour l’interaction de mouvements sociaux des petits producteurs alimentaires et peuples indigènes, il a renforcé et autonomisé le combat pour le droit humain á l’alimentation, contre la dépossession et l’accaparement des terres, et influencé différents processus internationaux et donné une voix au peuple en vue d’une transformation radicale des systèmes alimentaires, tel que l’historique Forum Nyéléni de 2007 pour la Souveraineté alimentaire.

Aujourd’hui, nous faisons face á des crises qui se superposent et ont des racines profondes. économique, sociale, démocratique, environnementale, sanitaire, patriarcale et raciste.

La pandémie de Covid 19 est en train de devenir une crise sociale et économique profonde dans laquelle, les plus vulnérables seront á nouveau les plus durement touchés. manque d’accès aux soins de santé, perte d’emplois et de revenus. Une crise alimentaire majeure se pointe aussi á l’horizon dans beaucoup de régions, alors que les gens ne seront plus en mesure de s’acheter de la nourriture.

Les guerres actuelles sont devenues une opportunité pour de larges corporations, á travers la spéculation, la montée des prix des intrants pour la production alimentaire; les corporations transnationales (CTN) influencent de plus en plus les institutions internationales, inclus les agences et institutions de l’ONU, afin de bénéficier de politiques publiques et régulations favorables. A travers l’influence directe du Forum Economique Mondial (FEM) et d’autres espaces de haut niveau (non gouvernemental) dans les processus politiques, les corporations sont arrivées á transformer lentement les principes et pratiques de gouvernance des institutions onusiennes telles que la FAO, tout comme l’approbation d’aires naturelles protégées sous le prétexte de la protection de la biodiversité, afin de continuer la dépossession des territoires, ressources naturelles et actifs indigènes.

Face á cette situation, les processus de l’IPC de construction d’un espace d’échange et de convergence parmi els mouvements sociaux, puisqu’il est impératif, dans les circonstances actuelles, de faire avancer la lutte par le renforcement d’alliances avec d’autres mouvements globaux. Cela favorise le développement de stratégies collectives,  l’économie sociale, la protection des connaissances indigènes et des ressources génétiques, et l’action de soutien mutuel pour faire avancer notre vision de souveraineté alimentaire comme un pilier pour le changement structurel et le recul du capital global.

C’est pourquoi nous encourageons tous nos peuples, mouvements, organisations, collectifs et groupes de travail pour promouvoir les réunions locales et régionales afin de se préparer pour cette nouvelle étape de cette lutte pour un monde juste, résilient et uni. ceci est la perspective du prochain Forum Global Nyéléni pour la souveraineté alimentaire.

Bulletin n° 48 – Éditorial

Le processus Nyéléni : Vers un forum global pour la souveraineté alimentaire

Illustration: Rosanna Morris

Sous l’œil de Nyéléni, une femme africaine qui a défié les réglementations discriminatoires et brûlé de créativité et de progrès agricole, nous trouverons l’énergie pour transformer le droit à la souveraineté alimentaire comme un phare pour la construction d’un autre monde. Déclaration des femmes pour la Souveraineté Alimentaire

Alors que le monde vacille d’une crise à l’autre, Nyéléni symbolise la convergence de nos luttes et de nos engagements pour construire un monde sans cupidité, faim, exploitation, extractivisme, misogynie, racisme, discrimination et violence. Depuis 2007, Nyéléni est un espace où l’on se réunit pour construire des stratégies collectives pour faire avancer la souveraineté alimentaire, les droits à la terre et aux territoires, l’agroécologie et les droits de tous les petits producteurs. Nos articulations nous ont donné la force de nous organiser contre le capitalisme, le néolibéralisme, le pouvoir des entreprises, le patriarcat et l’écocide.

Les rencontres de Nyéléni en 2007, 2011 et 2015 ont permis au mouvement pour la souveraineté alimentaire d’établir les bases de notre future position dans de nombreuses négociations mondiales. Ces événements et les concepts qui en sont issus ont mené aux Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts, aux Directives volontaires visant à assurer la durabilité de la pêche artisanale dans le contexte de la sécurité alimentaire et de l’éradication de la pauvreté et à la mise en œuvre des droit des agriculteurs dans le contexte du Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture.

Mais dans le contexte mondial actuel, le mouvement pour la souveraineté alimentaire ne peut y arriver seul. Pour démanteler l’agro-industrie et le pouvoir des entreprises, ainsi que pour apporter des réponses globales aux crises systémiques persistantes et à la montée des forces conservatrices de droite, nous devons converger avec les organisations populaires confrontées à différentes formes d’oppression et de menaces. Ensemble, nous pouvons proposer de véritables alternatives pour tous et faire progresser la justice sociale, de genre, raciale, économique, intergénérationnelle et environnementale. Les rencontres Nyéléni sont donc essentielles pour construire des principes, des concepts et des stratégies partagés et renforcés par de nombreux mouvements dans différents secteurs, tout en défendant les plus vulnérables au niveau local.

CIP pour la souveraineté alimentaire,  Focus on the Global South, Les Amis de la Terre International, Crocevia et FIAN

Agroécologie en action

Agroécologie en action 1

Reproduction et échangedes semences

Les pratiques historiques de reproduc- tion des semences sur le site même et d’échange avec les voisines et les voi- sins constituent des stratégies fonda-mentales pour la souveraineté alimen- taire et l’agroécologie. Elles permettent l’élaboration, le développement et la conserva- tion de systèmes alimentaires diversifi és, com- plexes, autonomes et plus résistants. Grâce à la reproduction des semences, il est possible de disposer d’une quantité suffi sante de semences pour chaque famille ou ferme ainsi que de les planter au moment considéré comme le plus opportun. Ceci permet d’intégrer dans le système de reproduction la dynamique familiale et les conditions climatiques. En outre, comme le déclare Blanca, membre de la Red de Semillas Nativas y Criollas (Réseau des semences locales) d’Uruguay: “Lorsque tu produis ta propre semence, la semence vient «garantie», parce que tu sais ce que tu sèmes et quel va en être le comportement.” Comme la semence se développe dans les champs dans un dialogue permanent entre les producteurs/ productrices et l’environnement, sa gestion devient donc plus facile et elle s’adapte mieux aux conditions locales, ce qui la rend plus résistante et moins dépendante des in- trants. Les semences ainsi produites peuvent être utilisées à diverses fi ns: produire des ali- ments pour la famille et la communauté, ou les animaux, et comme engrais vert. Selon Pablo, également membre du Réseau, dans la región de Tacuarembó, en Uruguay: “L’échange est fondamental parce que si, une année, tu les perds, tu sais que ton voisin ou ta voisine en a. Ainsi, la communauté ne les perd jamais entièrement. C’est pourquoi le travail en groupe et en réseau est capital.” Dans le cas de notre réseau, Red Nacional de Semillas Nati-vas y Criollas, l’existence de 24 groupes locaux a permis de récupérer, reproduire et échanger des semences dans diverses conditions, en-richissant par-là les systèmes de production agroécologiques. L’autonomie ne se construit pas au niveau individuel mais au niveau du groupe ou de la communauté et en échangeant avec d’autres groupes et communautés. De plus, la pratique de l’échange enrichit les relations entre voisins et le tissus social tant comunautaire que regional et national. C’est pourquoi il est important pour le réseau d’organiser diverses formes de rencontres tout au long de l’année: rencontres locales de groupes, rencontres nationales et régionales; et tous les deux ans une rencontre nationale de tous les membres du réseau, hommes et femmes. Lors de ces rencontres, une fête est organisée avec des échanges de semences et de savoirs. Afi n de permettre la continuité de ce processus de de coévolution avec les semences, il est im- portant que les personnes puissent rester dans les campagnes. Il faut donc continuer à lutter pour que les gens puissent vivre et produire en se maintenant dans leurs territoires.

Agroécologie en action 2

L’agroécologie comme modèle de production

Ramrati Devi est une petite agricultrice de Gorakhpur dans l’Uttar Pradesh. Son mari était agriculteur mais comme beaucoup en Inde, il a abandonné suite une succession de maigres rendements conduisant à des pertes à chaque récolte. C’est alors que Ramrati à décidé de prendre les choses en main. Elle a rejoint le Laghu Seemant Krishak Mocha ou le Front des petits agriculteurs marginaux du Uttar Pradesh. Là, elle y a appris des pratiques agroécologiques. A l’aide de techniques agricoles biologiques, aujourd’hui, elle a transformé les choses autour de sa famille.
De simples pratiques comme les récoltes multiples sur son exploitation d’environ 0,4 hectare ont produit de bonnes récoltes et une diversité alimentaire. Elle fait pousser jusqu’à trente deux types différents de cultures y compris le blé, la
moutarde, la canne à sucre, l’ail, la coriandre, les épinards et les pommes-de-terre pour les besoins quotidiens de sa famille. Celle-ci composée de douze personnes dépend de cette production vivrière. Ramrati est un exemple à suivre ; à présent, elle prêche pour l’agroécologie.

En plus de son accent sur l’entretien de l’environnement et l’inclusion sociale par le biais d’un encadrement participatif, les modèles agroécologiques ont obtenus des résultats économiques impressionnants en terme de production, productivité, nutrition et efficacité.
Ils contribuent aussi considérablement à la souveraineté et sécurité alimentaire. Les modèles agroécologiques redéfinissent la relation entre les agriculteurs, l’agriculture et la nature où, au lieu de machine, les familles de fermiers sont à l’ouvrage ; au lieu d’intrants extérieurs coûteux, seuls les sous produits de l’exploitation sont utilisés sous forme de biopesticides et biofertilisants ; au lieu de monoculture, la biodiversité ; et où les agricultrices sont à pied d’égalité avec les agriculteurs faisant valoir leur expertise en graine, désherbage, battage et récolte.

L’agroécologie gagne rapidement en notoriété comme paradigme dominant pour les petits agriculteurs démunis dans le monde. Les agriculteurs adoptent cette technique de production non seulement pour en vivre mais aussi pour résister à la poussée du modèle industriel à travers la révolution verte et ensuite la révolution génétique. A l’heure où les coûts de production ne cessent d’augmenter parallèlement à l’endettement et aux suicides à grande échelle, les agriculteurs doivent changer leurs pratiques agricoles et s’orienter vers des pratiques plus holistiques et écologiques. La diversité des modèles agroécologiques tels qu’ils sont appliqués en Inde leur offre cette option sous forme d’agriculture naturelle, agriculture naturelle zéro budget, permaculture, agriculture biologique, Rishi Kheti.
De nombreux agriculteurs/rices comme Ramrati Devi doivent essaimer le paradigme agroécologique pour vaincre le capitalisme et l’agriculture néolibérale orientée vers l’export qui mettent en péril la survie de million de petits agriculteurs en Inde et dans le monde.

L’écho des campagnes

L’écho des campagnes 1

La lutte pour protéger la planète fait partie de notre lutte de tous les jours pour la vie

María Everarda, Guatemala, CONAVIGUA

Je m’appelle Everarda de León. J’ai 42 ans et je suis née dans la ville de Maya Achí. Je travaille pour le comité de coordination national des veuves du Guatemala (CONAVIGUA), une organisation membre de La Vía Campesina. Nous ne possédons pas de terres. À la place, nous louons des lopins dans lesquels nous semons des haricots, du maïs et des légumes. Aujourd’hui, les changements climatiques compliquent énormément la production. Nous croyons que c’est un résultat de la destruction de notre Terre mère. Depuis l’an 2000, même la production de cultures vivrières est devenue difficile. Le rendement des terres a dégringolé, les rivières se sont asséchées et les barrages hydroélectriques ont détruit nos coteaux.

La lutte pour protéger la planète fait partie de notre lutte de tous les jours pour la vie ; pour les capitalistes, la terre n’est qu’une autre marchandise. La propriété de la terre est de plus en plus concentrée, les fermes de plus en plus grandes. Nous voulons une réforme agraire complète fondée sur des principes et des valeurs. Cette réforme devra être inclusive, pas seulement pour assurer la souveraineté alimentaire, mais aussi la survie des communautés. J’ai deux enfants. La vie est très difficile pour les enfants de nos jours. Je pense que les luttes des femmes ont donné aux nouvelles générations la possibilité d’une vie digne. Elles ont ouvert la voie à la possibilité d’une vie rurale épanouie, en harmonie avec la Terre mère.

L’écho des campagnes 2

Il revient aux jeunes de réaliser le rêve d’une réforme agraire !

Zainal Fuad, Indonésie, SPI

Je m’appelle Zainal Fuad. Ma famille vit au Java oriental. Nous produisons de la cassave, du maïs et des arachides. Je siège au Conseil national de l’Indonesian Peasant Union (SPI, syndicat paysan de l’Indonésie) – lequel est aussi membre de La Via Campesina en Asie de l’Est et du Sud-est.
En Indonésie, avant l’indépendance, les Hollandais se sont emparés de millions d’hectares de terres. Même si après l’indépendance la terre a été nationalisée au moyen de réformes agraires qui ont commencé dans les années 1960, ce fut un échec à cause de la vague de capitalisme qui nous a frappés, que poussaient agressivement les grandes sociétés privées et l’État. Ce processus se poursuit même maintenant.

Le SPI milite en faveur de la réforme agraire en occupant des terres ! Nous avons ciblé l’occupation d’un million d’hectares de terres d’ici 2019, tout en faisant pression sur le gouvernement pour qu’il distribue environ 9 millions d’hectares. Ce mouvement est important pour nos paysans qui ne disposent que de très petites superficies ou sont sans terre. Nous avons besoin de terres pour subvenir à nos besoins. Sur les terres occupées, nous produisons en appliquant les méthodes agroécologiques et distribuons notre production à travers nos coopératives. C’est un grand défi que de mobiliser les jeunes et les garder sur la terre. Nous avons relevé ce défi parce que nous croyons qu’il revient aux jeunes de réaliser le rêve d’une réforme agraire !

L’écho des campagnes 3

Nous maintenons toujours une relation spéciale avec notre terre

Themba Chauke, Afrique du Sud, LPM

Je m’appelle Themba Chauke, membre du mouvement des sans terre (Landless People’s movement) d’Afrique du Sud. En Afrique du Sud, nous connaissons une des pires sécheresses dont on se souvienne. Causée par El Niño, elle fait augmenter de plus en plus le prix des aliments. Il est urgent que le gouvernement mette en œuvre une réforme agraire favorisant une forme d’agriculture que les gens peuvent comprendre. C’est ce que nous appelons l’agriculture paysanne ou l’agroécologie. Nous n’y utilisons pas d’intrants agrochimiques — à la place, nous utilisons ce que nous avons ainsi que les semences en notre possession. Ma famille provient de la région où se trouve maintenant le Parc national Kruger. Elle a été expulsée de ces terres à l’époque de l’apartheid, dans les années 1960. Mais nous maintenons toujours une relation spéciale avec notre terre d’origine et nous y pratiquons nos rituels. Lorsque je grandissais, j’allais souvent aux champs pour voir ce que ma communauté faisait sur les fermes — je voulais aider et apprendre. C’est ainsi que j’ai appris l’agriculture. Je dis même à ma jeune fille de 11 ans qu’elle doit respecter cette forme d’agriculture et qu’elle devrait toujours appuyer les petits paysans. Dans le réseau de La Via Campesina, les paysans et paysannes apprennent les uns des autres de nouvelles techniques d’agroécologie, une activité très importante dans le contexte actuel.

L’écho des campagnes 4

Être paysan signifie être fier!

Attila Szocs, Roumanie, Eco Ruralis

Je m’appelle Attila Szocs. Je suis un producteur de semences de la Roumanie et je suis membre d’une organisation paysanne appelée Eco Ruralis. Je produis des semences paysannes que je distribue dans notre réseau. Des membres d’Eco Ruralis et moi, nous travaillons une ferme collective située à proximité de notre siège social où nous produisons nos semences. À la Conférence internationale sur la réforme agraire, j’ai eu le plaisir de connaître le travail du MST et ses idées à propos de la gestion des terres. La réforme agraire est devenue un besoin urgent en Europe et en Europe de l’Est. En Roumanie, trois paysans disparaissent chaque heure et le pays adopte l’agro-industrie. C’est important de garder les paysans et paysannes sur la terre et aussi de s‘assurer que nos jeunes se passionnent pour l’agriculture. La réforme agraire constitue une alternative. Nous avons besoin de ce concept pour produire de manière agroécologique et les paysans roumains sont les seules personnes qui peuvent le faire dans la société roumaine. C’est aussi important que La Via Campesina soit présente en Roumanie. L’énergie et l’enthousiasme du mouvement sont une inspiration et il est important pour nos membres d’observer cette énergie et de savoir qu’être paysan signifie être fier.

L’écho des campagnes

L’écho des campagnes 1

Les pêcheurs disent non a l’initiative des pêches côtières

Forum mondial des Communautés de Pêcheurs (WFFP) et Forum Mondial des Pêcheurs et des Travailleurs de la Pêche (WFF)

La FAO, la Banque mondiale, la Conservation internationale et d’autres ont lancé en juin 2015 l’initiative de pêche côtière, un vaste programme dont le but est de réformer les politiques en matière de pêche dans le monde. Sur une période de quatre ans, 235 millions de dollars américains seront distribués pour des projets dans les pays d’Amérique latine, d’Afrique, et d’Asie de Sud-est.

Nous, en tant que représentants de plus de 20 millions de pêcheurs, souhaitons exprimer notre opposition ferme à cette initiative, qui est en contradiction flagrante avec l’application de la récente mesure visant à sécuriser la pêche artisanale durable [Disponible ici].

Le document faisant état du cadre du programme [Disponible ici] de cette initiative a été mis sur pied et rédigé par un processus venant d’en haut, impliquant exclusivement les personnes du Fonds pour l’environnement mondial, l’un des plus grands sponsors de cette initiative. L’initiative viole le principe fondamental de participation de la directive évoquée plus haut, qui met l’accent sur le fait que les communautés de pêche artisanale affectées doivent être impliquées dans la décision avant que celle-ci ne soit prise. Nous étions réduits au niveau des autres « parties prenantes », elles-mêmes sur un pied d’égalité avec les représentants du secteur privé, des universitaires, etc., alors que nous représentons ceux qui sont les plus touchés par cette initiative.

Par conséquent, il est désormais évident pour nous que les programmes pour les pays ciblés par l’initiative mettent tous l’accent sur la mise en œuvre d’une approche fondée sur les droits de pêche. Une telle approche ne tient pas compte des systèmes de gestion et de gouvernance locale existant et il ne parvient pas à reconnaître que les problèmes liés à la pêche résultent principalement d’une mauvaise gouvernance ou gestion, ainsi que de l’inefficacité due au manque de propriété privée [Voir « L’accaparement mondial des mers »]. Le processus de privatisation découlant de l’approche fondée sur les droits de pêche sert clairement les intérêts d’une petite élite, tandis qu’elle dépossède fort malheureusement une grande majorité.

L’introduction de cette approche dans les pays ciblés et partout ailleurs serait en contraste direct avec le contenu progressif de la directive susmentionnée, qui souligne la nécessité d’une approche fondée sur les droits de l’homme, un outil essentiel à la réduction de la pauvreté. Dans cette optique, l’initiative introduit des politiques donnant clairement la priorité aux intérêts du secteur privé et/ou ne tenant pas compte des préoccupations environnementales.

Par conséquent, nous avons refusé une invitation à devenir membre du comité de direction de l’initiative. Accepter l’invitation, alors que le contenu de cette initiative est déjà explicitement défini, légitimerait les politiques communes de la pêche et contre lesquelles nous avons passé des années à lutter. Ce serait un énorme coup donné à la mise en œuvre de la directive volontaire visant à assurer la durabilité de la pêche artisanale, pour laquelle nous continuons à nous battre.

L’écho des campagnes 2

Wilmar : aucune terre a vendre*

Amis de la Terre, États-Unis et Nigéria

Le palmier à huile est originaire d’Afrique de l’Ouest et l’huile de palme, dans sa forme la plus brute, est un aliment de base du régime alimentaire de l’Afrique de l’Ouest. Cependant, ce qui n’est pas originaire de cette région, et qui a des effets néfastes dans la forêt tropicale de l’État nigérian de Cross River, c’est l’expansion à l’échelle industrielle des plantations de palmiers à huile par la plus grande entreprise de commerce d’huile de palme, Wilmar International. Depuis 2010, Wilmar a acquis 30 000 hectares de terres pour les plantations de palmier à huile dans le Sud-Est du Nigéria et l’entreprise a déjà élargi sa banque de terres à des centaines de milliers d’hectares.

Le Nigéria est l’un des dix pays africains signataires de la Nouvelle Alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition, stratégie des pays du G8 visant à mobiliser des investissements étrangers à grande échelle dans le secteur agricole africain. En tant que partenaire de la Nouvelle Alliance, Wilmar pourrait obtenir une « garantie de l’acquisition de terres », tirer profit des « salaires bas » et recevoir des congés fiscaux dans un processus destiné à « facilité les affaires au Nigéria ». Cependant, la Nouvelle Alliance pourrait causer plus de mal que de bien aux petits producteurs, en augmentant les risques d’expropriation de terres et en fragilisant les droits et les régimes fonciers.

Le rapport des Amis de la Terre, « Exploitation et vaines promesses : expropriation de terre nigériane par Wilmar [Disponible ici]» révèle que la récente acquisition de Wilmar dans l’État de Cross River a déplacé la population locale et qu’elle menace désormais les zones forestières protégées abritant la plus grande biodiversité de l’Afrique. Un agriculteur récemment déplacé par les activités de Wilmar au Nigéria a affirmé : « en prenant nos terres, Wilmar nous déclare morts ».

Par conséquent, Wilmar International et ses filiales au Nigéria doivent :
1. Mettre fin à leurs plans d’expansion avec effet immédiat ;
2. Publier tous les plans de concession, les évaluations de l’impact socio-environnemental, les politiques d’emploi, les procès-verbaux des consultations communautaires ;
3. Réviser entièrement et examiner leurs protocoles visant à obtenir un consentement libre, préalable et éclairé en cohérence avec les meilleures pratiques mondiales, et rependre un processus de consultation ouverte avec la population affectée.

Par ailleurs, le gouvernement nigérian doit encourager et favoriser la production agricole des petits exploitants et entamer un processus de réforme de son régime foncier en adéquation avec les Directives volontaires de la FAO sur la gouvernance responsable du régime foncier, de la pêche et de la sylviculture dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale.

Selon les Amis de la Terre Nigéria et le Centre de développement des ressources de la forêt tropicale, si Wilmar n’améliore pas ses activités, l’entreprise ferait mieux de plier bagage et de s’en aller.

*Basé sur « Exploitation et vaines promesses : expropriation de terres nigérianes par Wilmar», résumé, disponible ici.

L’écho des campagnes 3

Accaparement des villes par les industries au Honduras : une menace particulière contre les femmes*

Andrea Nuila et Ismael Moreno

Les « charter cities » (villes à chartes) sont des petites villes dans l’État: il s’agit de territoires attribués à une tierce personne. Pendant la période législative 2010-2013, le Congrès national de Honduras, constitué en majorité par des législateurs ayant soutenu le coup d’État de 2009, a approuvé la loi sur les charters cities. Les citoyens y ont vu un acte de trahison envers le pays et ont contraint la Cour suprême à déclarer cette loi inconstitutionnelle en octobre 2012. Malgré cela, une nouvelle version de la loi a tout de même été approuvée en 2013.

Pour l’élite d’affaires et politique, les villes à chartes ne sont pas inhabituelles. Elles sont une forme élargie de l’industrie de maquila, imposée depuis les années 90 : un véritable paradis fiscal pour le trafic des êtres humains est pratiqué avec l’accord de politiques qui ignorent le Code du travail et licencient des travailleurs arbitrairement.
La soi-disant loi organique pour l’emploi et le développement économique (projet de loi des villes à chartes) permet que des morceaux de territoire soient remis et administrés par un ou plusieurs groupes de pays ou par des sociétés transnationales, créant de villes autonomes destinées à encourager les investissements étrangers.

Une ville à chartes dans le territoire d’un pays avec une société économique, sociale et politique en faillite ne fera qu’approfondir les inégalités et les déséquilibres à l’extrême. Les femmes et les organisations féministes ont particulièrement élevé leur voix contre cela et elles ont fait part de leurs préoccupations concernant les impacts négatifs que ces « zones spéciales »auront inévitablement sur le corps et la vie des femmes à l’échelle nationale.

Il est important de mettre en évidence que les femmes au Honduras vivent déjà dans une société patriarcale extrêmement violente (1 femme est tuée toutes les 16 heures), renforcée par l’impunité, la criminalisation des défenseurs des droits des femmes et la discrimination institutionnelle contre les femmes. Dans les zones rurales, où la majorité des villes à chartes sont prévues, des taux élevés de violence contre les femmes font rage, tout comme une augmentation croissante des expulsions et un accès limité aux soins de santé et aux ressources naturelles.

Les paysans, les femmes autochtones et d’origines africaines seront, sans aucun doute, les groupes les plus touchés de la construction de ces villes. Selon le chef de Garifuna, Miriam Miranda, avec la construction des villes à chartes, le gouvernement hondurien met 70% du territoire Garifuna (des communautés d’origine africaine) à risque.

Un État absent et la possibilité des villes à chartes de fournir des services publics, de décider sur les normes locales et sur la réglementation fiscale ne feront que mettre les femmes dans une position davantage vulnérable.

*Texte basé sur « A Charter City Amidst a Tattered Society » publié dans Le journal du droit à l’alimentation 2015 du FIAN, vol. 10.

L’écho des campagnes 4

Dématérialisation des semences : le cas de « DivSeek »*

Via Campesina

Après une semaine de discussions ardues au siège de la FAO à Rome, le 9 Octobre 2015, le Conseil d’administration du Traité international sur les ressources génétiques des plantes pour l’agriculture alimentaire, le Traité sur les semences, devait choisir à sa sixième session entre la peste et le choléra, c’est-à-dire accepter comme fait accompli ses« arrangements de gouvernance » irréguliers, pour ainsi dire, ou sombrer dans une crise ouverte.

Afin de prévenir un éclatement immédiat, il a été déclaré comme valide:
1. L’engagement de son secrétariat au programme DivSeek qui organise la biopibiopratie au niveau mondial. DivSeek vise à séquencer les génomes de toutes les variétés des ressources génétiques des plantes stockées dans les banques de gènes, en travaillant à la publication électronique de l’information génétique sur les semences confiées à des banques de gènes, dont le Traité sur les semences est responsable. Elle permettra la propriété de toutes les plantes qui contiennent ces séquences et qui ont une caractéristique liée. Tout cela sans prendre en compte l’interdiction de brevets ni le partage des avantages, violant ainsi les règles du traité.
2. Une résolution laissant les agriculteurs sans possibilité de se défendre contre cette violation des droits, qui sont pourtant stipulés dans le traité. Les brevets sur les informations génétiques publiés par DivSeek vont en effet interdire aux agriculteurs de cultiver les semences qu’ils ont données gracieusement aux groupes visés par le traité.
3. Le renouvellement du contrat de son secrétaire général, qui a été effectué secrètement, violant ainsi les règles de procédure.

Depuis la ratification de la Convention sur la diversité biologique en 1992, l’industrie des semences a accumulé une énorme dette en puisant dans l’immense réservoir de semences paysannes dans les champs à travers le monde, sans partager aucun des profits générés. En 2013, à Oman, le Conseil d’administration du traité exigeait à l’industrie des semences de trouver une solution équitable. Jusqu’à présent, aucun progrès n’a été réalisé. Bien au contraire, avec DivSeek, l’industrie organise le pillage en laissant toutes les semences, dans leur forme dématérialisée, échapper au contrôle du Traité, et permettant ainsi le brevetage sans aucune restriction.

Via Campesina attend une réaction forte de la part de tous les gouvernements, qui,à Rome, ont reconnu ces détournements inacceptables au vu des objectifs du traité, afin que ce même traité soit remis sur la bonne voie. Via Campesina espère que la prochaine consultation sur les droits des agriculteurs (article 9 du traité) organisée par l’Indonésie en 2016 donner la priorité à ces droits, en garantissant la souveraineté alimentaire contre le vol de semences par les droits de propriété de l’industrie.

*Article de presse disponible ici.

Encadrés

Encadré 1

Réforme agraire classique vs…

Dans le passé, des réformes agraires ont été gagnées dans de nombreux pays parce que les grandes propriétés étaient perçues comme des entités improductives qui nuisaient à la croissance. Les propriétaires terriens concentraient leurs efforts sur une production élevée n’exigeant que de faibles investissements et en général ne parvenaient même pas à utiliser la moitié des terres en leur possession. C’était clairement injuste : une poignée de propriétaires possédait de grandes étendues de terres sous-travaillées alors que des millions de familles étaient sans terre.

Des alliances de classes ont été forgées entre la paysannerie et le capital industriel national, un processus qui a soutenu le mouvement pour la réforme agraire. C’est ainsi que les paysans ont pu rendre les terres inexploitées des grandes sociétés à nouveau productives et contribuer à la croissance économique nationale. Ces réformes agraires ont été fragmentaires, favorisant les intérêts des paysans au détriment de ceux des bergers, des peuples forestiers et d’autres habitants ruraux. Ce furent des réformes partielles et inadéquates et, qui plus est, les conditions actuelles ont rendu non viables les alliances sur lesquelles reposaient ces réformes. C’est parce que le capital financier transforme maintenant les grandes fermes improductives en agrobusiness et exploitations minières, de sorte qu’il n’y a plus d’argument capitaliste en faveur de la réforme agraire en tant que moyen d’assurer la croissance.

Encadré 2

… Réforme agraire populaire

La réforme agraire classique est inadéquate et de toute façon ne peut plus se réaliser ; ainsi, il faut lancer un nouvel appel : pour une « Réforme agraire populaire. » L’idée derrière cet appel est que les paysans, les peuples autochtones, les bergers, les pêcheurs et d’autres groupes sociaux du monde rural luttent ensemble pour le contrôle collectif de la terre, pour la production d’aliments sains en harmonie avec la nature, en harnachant l’agroécologie et en puisant dans les enseignements et pratiques populaires anciens.

Ce type de réforme agraire exige ses propres alliances de classe, mais à l’exclusion des secteurs capitalistes nationaux. À la place, il faut forger des alliances entre les populations rurales et urbaines. Pour y parvenir, il faut produire durablement au plan environnemental. Il faut montrer que la gestion collective des terres en vue de produire des aliments sains dans le respect de l’environnement donne de meilleurs résultats pour la société et la Terre mère que l’exploitation par le capital. La gestion collective des terres constitue une manière d’assurer une vie digne, la production d’aliments sains, le respect d’atouts naturels comme le sol, l’eau, les forêts et la biodiversité. De plus, elle contribue à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Les vastes étendues de monocultures, les mines à ciel ouvert, les pesticides, les OGM, les déchets toxiques, la misère, la migration et les changements climatiques sont des marques des terres du capital.

Encadré 3

La Caravane ouest africaine pour le droit des paysans à la terre, à l’eau et aux semences

Plus de 400 représentants et représentantes de 15 pays africains [Le Niger, le Nigeria, le Togo et le Bénin ont rejoint la Caravane à Ouagadougou, Burkina Faso. Le Ghana l’a rejoint à Bobo-Dioulasso, Burkina Faso. La Côte d’Ivoire l’a rejoint à Sikasso, Mali ; la Mauritanie à Rosso, au nord du Sénégal, la Guinée Conakry à Tambacounda (Sénégal). La Gambie, la Guinée Bissau, la Sierra Léone l’ont rejoint à Kaolack, Sénégal.] ont participé à la Caravane qui a parcouru et traversé trois pays d’Afrique de l’Ouest (Burkina Faso, Mali et Sénégal) pour dénoncer l’accaparement massif de terres, d’eau et de territoires paysans par l’agrobusiness international.

L’idée d’une caravane pour dénoncer l’accaparement des terres a d’abord été soulevée lors du Forum social africain de 2014 à Dakar. Le dialogue s’est poursuivi en mars 2015 lors du Forum social mondial à Tunis et en juin 2015, plusieurs organisations de 11 pays ouest-africains ont fondé la Convergence globale des luttes pour la terre et l’eau [En Afrique de l’Ouest, plus de 300 organisations et réseaux représentent les victimes de l’accaparement des terres et de l’eau dans les zones rurales, périurbaines et urbaines ; des expulsés des districts populaires, des jeunes, des femmes et des ONG des 15 pays de la CÉDÉAO et de l’Union économique et monétaire ouest-africaine.].

La Caravane veut sensibiliser et mobiliser les collectivités pour faire avancer les luttes pour le droit à l’alimentation, à la terre, à l’eau et aux semences paysannes et interpeller les autorités pour qu’elles respectent les conventions, les mécanismes et les lignes directrices régionaux et internationaux relatifs à la terre et au développement agricole.
La Caravane a commencé au Burkina Faso le 3 mars, a traversé le Mali et a terminé à Dakar, Sénégal, le 19 mars. Au cours du trajet de 2 300 km et de 17 jours, il y a eu environ 3 arrêts par pays où la Caravane a recueilli les préoccupations des paysans et paysannes, a pris connaissance des problèmes liés à l’accès à la terre, à l’eau et à la préservation des semences paysannes et a également rencontré des dirigeants politiques et administratifs. Tout au long de son parcours, la Caravane a été témoin de plusieurs cas de violation des droits des paysans ; la plupart de ces cas concernaient des accaparements de terres impulsés par les institutions de Bretton Woods avec la complicité de gouvernements.

Des bannières et des affiches exprimaient clairement les messages d’opposition « Halte au projet Jatropha, mettons fin au silence et à l’indifférence des autorités, » « souveraineté alimentaire = souveraineté des peuples, » « La terre, l’eau et les semences paysannes sont ma vie »… « Ne touchez pas à ma terre, ma terre, ma vie. »
Ibrahim Coulibaly du ROPPA (Réseau des organisations paysannes et des producteurs agricoles de l’Afrique de l’Ouest) a déclaré : « Chaque jour, nous rencontrons des paysans dépossédés de leurs terres. Des élus locaux et des chefs de village… qui concluent des marchés corrompus avec l’agro-industrie et bloquent par la suite l’accès des gens à l’eau et aux semences. Ces projets sonnent le glas de notre région. »
La terre et l’eau sont des biens communs, pas des marchandises, et notre patrimoine commun. Il faut que chaque collectivité les protège, les conserve et les gère pour le bien commun de tous et de toutes. En Afrique de l’Ouest, plus de 70 % de la population dépend de l’agriculture paysanne, laquelle nourrit près de 80 % de la population de la région. L’accès des collectivités à la terre, à l’eau, aux forêts, à la pêche et aux semences, et leur contrôle sur ceux-ci, sont donc vitaux et doivent être protégés et appliqués en tant que droits.

Le 8 mars, les femmes rurales partout en Afrique de l’Ouest se sont également prononcées en faveur de leur droit à la terre. Elles n’ont pas un accès adéquat et garanti à la terre ni à l’appui financier ; elles sont les premières victimes de l’accaparement des terres et des autres ressources naturelles.
De manière plus importante, la Caravane a renforcé la construction d’un fort mouvement de lutte pour les droits des peuples basés sur la souveraineté alimentaire.
Le dernier jour, à Dakar, le livre vert de la Convergence, une synthèse qui énumère tant les revendications que les propositions concernant la terre, l’eau et les semences, a été remis au président du Sénégal, Macky Sall, président de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CÉDÉAO).

Pour en savoir plus sur la Caravane, veuillez consulter la page www.caravaneterreeau.info

Encadré 4

Nouvelles d’une lutte emblématique pour la terre : la ZAD de Notre dame des Landes

En Europe, le terme de « réforme agraire » est peu utilisé. Certes, des voix s’élèvent pour parler d’accès à la terre pour les jeunes, de droits d’usage du sol et de droits collectifs par opposition à la propriété privée. Mais, l’habitude n’est pas aux grands mouvements de masse d’occupation de terres, comme au Brésil ou au Honduras pour demander une redistribution des cartes. Dans ce contexte, la résistance au projet d’aéroport de Notre Dame des Landes, en France à quelques kilomètres de Nantes sort de l’ordinaire. Il s’agit d’une vraie lutte pour la terre qui va bien au-delà du classique « not in my backyard [« pas dans mon jardin »]».
En 1974, la ZAD, pour les porteurs du projet d’aéroport veut dire Zone d’Aménagement Différé. Elle s’étend sur une surface de 1200 Hectares et une association de défense des exploitants concernés par l’aéroport est constituée. En 40 Ans, le projet évolue à maintes reprises.

Aujourd’hui, il s’agit de la construction d’une plate-forme économique d’envergure internationale allant de Nantes à Saint-Nazaire. L’acronyme ZAD a été rebaptisé par les opposants au projet en « Zone À Défendre ». Soixante lieux de vie (maisons occupées collectivement, cabanes, roulottes et autres habitats de toute sorte) ont vu le jour et des centaines d’hectares de terres ont été repris à l’entreprise privée porteuse du projet pour être cultivés (parcelles de maraîchage, pâtures, champs de céréales…). La ZAD aujourd’hui, est un lieu d’expérimentations multiples, un lieu pour apprendre à vivre ensemble, à cultiver la terre, à être plus autonomes. Elle est connue dans plusieurs pays d’Europe. En France, de nombreux collectifs locaux de soutien existent et sont prêts à se mobiliser en cas de menace imminente d’expulsions des zadistes.

A l’automne 2015, malgré l’interpellation de la Commission Européenne qui stipule qu’aucun travaux ne devraient être entamés avant qu’une réponse satisfaisante, de la part de la France n’aie été donnée sur la mise en place des mesures de compensations environnementale, le premier ministre français a réaffirmé sa volonté de mener à bout le projet. En pleine COP21, alors que d’un côté, la diplomatie française se targuait de mener des négociations d’envergure pour obtenir un engagement de tous les pays de la planète à réduire leur émissions de CO2 , des procédures d’expulsion des locataires et agriculteurs restés sur la ZAD étaient relancées. En réponse, de fortes mobilisations citoyennes ont eu lieu à Nantes et dans plusieurs villes de France début 2016. Le gouvernement a alors annoncé la tenue d’un référendum, rapidement renommé « consultation », et limitée géographiquement à un seul département français, celui de la Loire-Atlantique.

Pour le moment, la Coordination des opposants (plus de 50 groupes – associations, collectifs, syndicats et mouvements politiques) tout en dénonçant ce simulacre de démocratie, a décidé d’appeler les citoyens à aller voter massivement NON pour ne pas laisser le champ libre aux porteurs du projet. Une telle consultation ne peut en effet pas à elle seule légitimer un projet d’aéroport ruineux, destructeur de terres nourricières, et de zones humides d’une grande richesse biologique.

En décembre 2015, une quarantaine de paysan.ne.s de la Via Campesina s’était rendue sur la ZAD pour apporter son soutien à cette lutte emblématique pour la terre. Souhaitons que la consultation des semaines à venir ne soit qu’une étape supplémentaire dans ce long combat pour l’arrêt définitif d’un projet de bétonnage inutile. Une étape de plus pour qu’en Europe, comme partout dans le monde, la conscience de l’importance de la terre pour produire notre alimentation continue de grandir.