Bulletin n° 47 – Éditorial

Artisans pêcheurs : Luttes et mobilisations

Illustration : Cara Penton, @CaraPenton

Les Nations Unies ont déclaré 2022 Année internationale de la pêche artisanale et de l’aquaculture (IYAFA 2022) afin de souligner l’importance de la pêche artisanale et de l’aquaculture.

Au cours des dix dernières années et plus encore depuis la pandémie, les initiatives en faveur de l’économie bleue se sont multipliées. Le Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires de 2021 a fait progresser la notion de « Blue Foods », qui signifie avant tout l’aquaculture. En 2021, le Comité des pêches de la FAO a pris des mesures sans précédent visant à faire progresser l’aquaculture, donnant naissance à la « Déclaration de Shanghai » rédigée par WorldFish, les acteurs de l’industrie et d’autres parties prenantes.

L’IYAFA met désormais en valeur la pêche artisanale. Certains préfèrent le terme de pêche à petite échelle, or, quel que soit le terme utilisé, il s’agit toujours du mode de vie fournissant de la nourriture et des revenus à plus de cent millions de personnes dans le monde. Cependant, les territoires et les ressources des pêcheurs sont de plus en plus accaparés : l’ensemble du programme d’économie bleue allant du déplacement de personnes au nom de la conservation (Aires maritimes protégées – AMP), à des investissements massifs en pisciculture, à l’expansion des ports afin de faciliter davantage le commerce mondial et à des dynamitages et des forages sans précédent pour le pétrole et le gaz, constituent des exemples de développement contemporain qui ont dépossédé et continuent de déposséder les communautés de pêcheurs. Nous espérons que l’IYAFA sera l’année où les pêcheurs du monde entier intensifieront la résistance et mobiliseront les masses pour exiger la restitution et la régénération de la nature.    

Transnational Institute et FIAN International

Encadres

Encadré 1

La gouvernance multipartite : l’industrie s’empare de la gouvernance mondiale*

En 2009, le Forum Économique Mondial (FEM) a convoqué un groupe d’experts international dans le but d’élaborer un nouveau système de gouvernance mondiale, connu sous le nom de Global Redesign Initiative (GRI), un système de gouvernance multipartite comme remplacement partiel de la prise de décision intergouvernementale [Voir la newletter Nyéléni n°22]. Le programme GRI établissait, en 2010, 40 Conseils de l’Agenda Mondial et un organe pour le secteur de l’industrie, mettant en place le cadre du FEM pour un système de gouvernance multipartite.

Par « multipartite », le FEM entend, premièrement, une structure multipartite ne signifiant pas un rôle égal pour toutes les parties ; deuxièmement, l’industrie est au centre du processus ; et troisièmement, la liste des parties prenantes du FEM est principalement constituée de celles ayant des liens avec les entreprises.

Les propositions du FEM pour la gouvernance multipartite sont un rappel opportun au fait qu’il nous faille avoir un regard neuf sur les règles actuelles qui régissent l’engagement dans les affaires internationales. Selon mon analyse, il y a quatre options permettant de contrôler une gouvernance multipartite agissant hors du multilatéralisme.

1. Rendre la participation des multinationales illégale dans l’élaboration des politiques mondiales et les programmes de mise en œuvre, comme cela a été fait pour la Convention-Cadre pour la lutte anti-tabac ;
2. Reconstruire le système des Nations Unies, avec un pouvoir de prise de décision en matière économique, environnementale et sociale, ayant le même caractère légal contraignant que le pouvoir de prise de décision du Conseil de Sécurité ;
3. Reconnaître légalement le de facto statut que la société civile et les multinationales possèdent dans la prise de décision mondiale et concevoir une nouvelle institution mondiale qui engloberait un équilibre politique approprié entre ces acteurs qui supplantent l’actuel gouvernement basé sur les systèmes des Nations Unies ;
4. Les gouvernements doivent adopter une nouvelle Convention de Vienne, spécifiant les règles sur la façon dont cette gouvernance multipartite pourrait fonctionner comme un accessoire complémentaire au multilatéralisme.

Il est temps qu’un éventail plus large de groupes sociaux, et notamment ceux qui sont le plus défavorablement affectés par la mondialisation, puisse repenser la manière dont ils estiment que la gouvernance mondiale devrait fonctionner.

*Ce texte est un court extrait de l’article de Harris Gleckman publié dans le rapport « State of power 2016 » du TNI.

Encadré 2

Système multipartite: un piège pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations*

Plaider pour un système multipartite dans les domaines de l’alimentation et de la nutrition a été l’une des principales stratégies pour faire avancer un agenda agricole pro-industrie qui marginalise les petits exploitants agricoles. L’un des essais les plus avancés de système multipartite dirigé par les entreprises est promu par le Global Redisign Initiative (GRI), le FEM, et l’Initiative visant à redéfinir l’alimentation, l’agriculture et la nutrition mondiales (GFANRI), établi en 2010.

GFANRI a intégré différentes initiatives comprenant l’Alliance mondiale pour l’amélioration de la nutrition (GAIN), l’ Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA), la Nouvelle Alliance du G8 pour la Sécurité Alimentaire et la Nutrition pour l’Afrique, l’Équipe Spéciale de Haut Niveau du Secrétaire Générale sur la Crise Mondiale de la Sécurité Alimentaire (HLTF), le Partenariat Mondiale pour l’Agriculture et la Sécurité Alimentaire, et l’initiative SUN.

Ces différentes parties prenantes font la promotion de politiques basées sur la croyance que la libéralisation du commerce international peut garantir la Sécurité alimentaire et nutritive mondiale et nationale (SAN) sans le recours à une gouvernance mondiale ou nationale spécifique, et elles ont pour but de :
1. Réduire le mandat politique de la FAO qui fournit une assistance technique agricole;
2. Démanteler le Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA); et
3. Mettre fin au Comité permanent de l’Organisation des nations unies sur la nutrition, et à l’organe des nations unies pour l’harmonisation de la nutrition mondiale.

Tout au long de l’année 2015, cette stratégie a progressé d’autant plus qu’elle compte sur de proches alliés au sein du SUN qui cherchent à accroître leur visibilité et leur rôle au sein du CSA ainsi que sur le secrétaire général de l’ONU qui a annoncé qu’il nominera le nouveau coordinateur du SUN. L’idée principale a été de progressivement transférer la gouvernance d’un espace intergouvernemental multipartite, fortement influencé sinon dirigé, par les intérêts et les agendas du secteur des entreprises privées.

La population mondiale doit appeler les États à rejeter la main mise et la logique « d’accord multipartite » et réaffirmer la souveraineté des peuples et des droits humains comme une étape fondamentale pour répondre à toutes les formes d’inégalités, d’oppressions et de discriminations et pour démocratiser les sociétés nationales et mondiales.

*Ce texte est un court résumé de l’article de Flavio Valente publié dans le rapport « Pouvoir d’État » du TNI.

Encadré 3

En voie d’un démantèlement du pouvoir des multinationales

La campagne mondiale « Démantelons le pouvoir des multinationales et mettons fin à l’impunité » ( Campaign to Dismantle Corporate Power and Stop Impunity & for Peoples Sovereignty) a été lancée par un réseau de plus de 100 organisations, mouvements et communautés affectées du monde entier au cours de la Conférence de Rio+20 en 2012 en réponse à l’agenda de l’ONU en faveur des multinationales pour promouvoir la privatisation, marchandisation et financiarisation de la nature.En voie d’un démantèlement du pouvoir des multinationales.

La Campagne a institué un Traité des peuples (Peoples Treaty) qui articule les visions, les stratégies et les propositions prises par divers acteurs sociaux cherchant à démanteler le pouvoir des multinationales.
Le Traité des peuples est divisé en deux sections – la première met l’accent sur la mise en application réussie des alternatives sociales, politiques et économiques ayant libéré les politiques et territoires de l’appât du gain et du pouvoir des multinationales.

La seconde partie présente des propositions concrètes et amples pour un système international juridiquement contraignant en vue de traduire en justice les transnationales au motif de leur violation des droits humains et ont été présentées avant le vote historique du Conseil des droits humains de l’ONU qui a constitué un groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée (IGWG en anglais) pour élaborer un Traité des Nations unies visant à réglementer les transnationales et autres entreprises commerciales.

Ce traité de l’ONU constitue une opportunité pour fixer des obligations dans le cadre du droit international afin que les transnationales respectent tous les droits humains; pour constituer un Tribunal international afin que les victimes aient accès et recours à la justice; pour que la responsabilité des transnationales soit jugée et qu’on leur impose des sanctions en cas de crimes contre l’environnement; enfin pour dénoncer la mainmise des entreprises sur les institutions onusiennes.

Tandis que les transnationales font l’objet du Traité, elles ne sont pas, en tant que contrevenants, en mesure de définir les instruments juridiques ou sanctions qu’elles seraient prêtes à accepter – contrairement aux directives volontaires et aux instruments de la responsabilité sociale des entreprises qu’elles aident à définir lorsqu’elles sont invitées en tant que « partie prenante » par des Nations unies de plus en plus dominées par les intérêts des transnationales.

La reconnaissance des Droits des paysans et paysannes, faisant maintenant partie du langage et de l’agenda de l’ONU –et ayant également besoin d’être maintenue hors de la mainmise des multinationales – est une inspiration pour les mouvements travaillant au contrôle des transnationales et pour mettre fin à leur impunité. La convergence de ces deux luttes nous donne les moyens pour démanteler le pouvoir des multinationales et d’asseoir la souveraineté des peuples sur un monde durable libre de toutes formes d’exploitation.

Sous les feux de la rampe

Déclaration de Marabá

Conférence internationale sur la réforme agraire
Marabá, Pará, Brasil, 13 -17 April 2016
[Version complète ici.]

Il y a toujours plus d’accaparements des terres, des forêts et de l’eau, d’offensives contre la démocratie et la volonté du peuple, de prisonniers politiques, etc., non seulement en Amérique latine, en Asie et en Afrique, mais également en Europe et en Amérique du Nord. Nous sommes témoins, à notre époque, de l’émergence d’une alliance entre le capital financier, les entreprises multinationales, l’impérialisme et de vastes secteurs des États nationaux (leur « idéologie » apparente n’ayant presque aucune importance).

Cette alliance – tout en existant aussi dans d’autres domaines – est particulièrement frappante entre le pouvoir judiciaire, les autorités policières, le secteur privé du système agro-halieutico-alimentaire (agribusiness), l’industrie minière, la construction, l’exploitation forestière, etc. – c’est-à-dire l’extractivisme – et les moyens de communication. Dans son ensemble, cette nouvelle alliance est l’instigatrice d’une avalanche de privatisations, accaparements et concentrations de biens communs et publics, comme la terre, l’eau, les forêts, les semences, les zones de pâturage et de pêche, les glaciers ou des territoires entiers. Elle utilise, pour parvenir à ses fins, la financiarisation et la marchandisation de tout, les traités de libre-échange et d’investissement, la corruption de nos responsables politiques et de nos élites, le contrôle qu’elle exerce sur les moyens de communication ainsi que sur le système financier, et la concentration des entreprises.

Les conséquences de cette offensive du capital mettent en danger la vie rurale, les sociétés tout entières, la santé, la nature, la Terre-mère, le climat, la biodiversité, ainsi que nos peuples et nos cultures. La migration massive, la destruction du tissu social de nos communautés, la croissance effrénée des périphéries urbaines, l’insécurité, les agrotoxiques, les organismes génétiquement modifiés (OGM), la malbouffe et l’homogénéisation des habitudes de consommation, le réchauffement climatique, la destruction des mangroves, l’acidification de la mer, l’épuisement des ressources halieutiques, la perte de tout trait « démocratique » sont autant de symptômes, entre de nombreux autres, de ce qui se passe actuellement.

Toute résistance des populations rurales entraîne les réponses suivantes : diabolisation par les médias, persécution et criminalisation d’organisations, de dirigeant(e)s et de militant(e)s sociaux, répression, assassinat, disparition forcée, incarcération illégale, détention administrative, harcèlement sexuel et viol. Les législations sont modifiées afin de permettre d’intensifier la criminalisation de la résistance des uns et de renforcer l’impunité des autres, impunité presque totale dans de nombreux cas.

Nous posons les questions suivantes. Qu’est-ce qui est mieux ? Des campagnes sans paysans, sans arbres, sans biodiversité, en monoculture et avec de l’élevage confiné, des agrotoxiques et des OGM, qui produisent des marchandises à exporter et des aliments mauvais pour la santé, qui contribuent au changement climatique et compromettent la capacité des communautés à s’y adapter, qui sont source de pollution, de maladies et de migration massive vers les villes ? Ou plutôt des campagnes qui se composent des territoires agroalimentaires des paysans et paysannes, des peuples autochtones, des agriculteurs familiaux, des pêcheurs artisanaux et d’autres populations rurales, qui y vivent dans la dignité et ont des visions du monde et des savoirs variés, des campagnes avec des arbres, de la biodiversité, une production agroécologique d’aliments sains, qui refroidisse la planète, réalise la souveraineté alimentaire et protège la Terre ?

En ce sens, les camarades du Brésil nous ont expliqué leur proposition de réforme agraire populaire, qui ne concerne pas seulement les paysans sans terre, mais l’ensemble de la classe travailleuse et toute la société. La réforme agraire telle qu’ils la conçoivent est associée à l’agroécologie et met en avant le territoire ; elle ne sera obtenue qu’au moyen de la lutte des classes et de l’affrontement direct avec le projet du capital, ses profits, ses moyens de communications et autres avatars au niveau national et international. Il s’agit d’une réforme agraire visant à renforcer l’agriculture, l’économie et les territoires paysans.

De la même manière, dans toute l’Amérique, en Asie, en Afrique, en Europe et au Moyen-Orient, nos organisations, mouvements et convergences défendent des approches territoriales similaires contre ce projet à grande échelle du capital. Ces propositions se nourrissent de notre diversité, de nos visions du monde, de nos savoirs populaires et traditionnels, de l’agroécologie, de la pêche artisanale et du pastoralisme traditionnel, ainsi que de nos différents modes et stratégies de vie. Ces propositions, si elles sont similaires, présentent aussi des différences en fonction de nos réalités respectives.

Là où les terres sont concentrées, nous luttons pour leur redistribution et, dans certains pays, on parle de mener une « révolution agraire ». Là où nos peuples contrôlent encore leurs terres et territoires, nous luttons pour les défendre ; là où la terre a été nationalisée et est désormais accordée en concession par les gouvernements à des entités étrangères, nous luttons pour qu’elle soit rendue à nos communautés et pour les droits coutumiers ; les pêcheurs et pêcheuses parlent quant à eux de la lutte pour les territoires de pêche artisanale. En Europe, nous avons recommencé les occupations de terres et organisé des luttes contre les changements d’utilisation des sols, en réussissant à rendre visibles les problèmes d’accaparement et de concentration des terres, qui, désormais, se posent de plus en plus dans les pays du Nord également. En Palestine, nous luttons contre l’occupation brutale et appelons au boycott des produits israéliens. Partout, la jeunesse lutte activement pour l’accès à la terre et aux autres ressources.

Nous avons remporté de grandes victoires, comme la réforme agraire massive mise en place à la suite des occupations et récupérations populaires de terres au Zimbabwe, l’ « Éducation des campagnes » au Brésil, les annulations de concessions minières et de concessions pour des plantations massives dans certaines parties d’Afrique, la permanence de la réforme agraire cubaine et sa réussite sur le plan de l’agroécologie avec le mouvement « de paysan à paysan », etc. Nous avons aussi remporté des victoires partielles mais prometteuses, comme la promesse d’une grande réforme agraire en Indonésie ; demi-victoires à la suite desquelles nous devons mobiliser les forces nécessaires pour que nos gouvernements tiennent parole.

Nos défis

– Transformer la lutte pour la terre en lutte pour le territoire, tout en construisant un nouveau modèle productif, pour atteindre la souveraineté alimentaire, en développant plus avant l’agroécologie plus « autonome », en se fondant sur nos propres ressources et intrants locaux, ainsi que sur le sauvetage des savoirs ancestraux.

– Organiser la lutte relative aux politiques publiques, en faveur de la production paysanne, de la santé, de l’éducation, de la culture et du sport dans nos communautés.

– Nous proposerons massivement la formation politique et idéologique, nous améliorerons le travail avec nos bases, ainsi que le travail de masses, en vue d’une meilleure organisation interne et d’un meilleur fonctionnement de nos organisations, en incorporant progressivement les femmes et les jeunes, comme participant(e)s et comme dirigeant(e)s.

– Nous combattrons notre diabolisation dans les médias, ainsi que la manière dont les moyens de communication font la promotion d’une culture consumériste et du vide de nos systèmes « démocratiques », et nous travaillerons sans relâche pour mettre en place nos propres moyens de communication, pour dialoguer avec nos bases ainsi qu’avec la société dans son ensemble et la classe travailleuse.

– Nous ferons face plus efficacement à la criminalisation, à la répression, à la militarisation, et nous organiserons la lutte internationale pour soutenir nos prisonniers politiques. Nous instaurerons de façon permanente une journée de solidarité, dont le principe ne sera pas de donner ce que nous avons en trop, mais plutôt de partager ce que nous avons.

– Nous poursuivrons sans cesse notre travail d’établissement d’alliances de classe, sans relation de dépendance, entre les campagnes et les villes, ainsi qu’entre producteurs et consommateurs.

– Nous dénonçons et combattrons les lois « antiterroristes » et leur application contre nos luttes légitimes.

– Nous ferons face à la tendance qu’ont les institutions (Banque mondiale, FAO, universités, ONG, etc.) de vider de leur sens des concepts tels que la « réforme agraire » et l’« agroécologie » en en proposant des versions « allégées » comme l’« accès à la terre », les aliments « biologiques industriels » des monocultures de l’« agribusiness vert » et la « responsabilité sociale des entreprises ».

– Nous lutterons pour obtenir des mécanismes internationaux qui ne soient pas seulement « à titre volontaire », mais contraignants et assortis de sanctions.

– Nous augmenterons la participation des femmes et des jeunes dans tous les mouvements sociaux. Nous mettrons en place des mécanismes afin que davantage de jeunes restent dans les campagnes. Nous lutterons contre le modèle patriarcal qui règne sous le système capitaliste et exigerons le plein respect du droit à la terre, à l’eau et au territoire des femmes paysannes et autochtones.

Encadres

Encadré 1

La Pêche et l’Agro-Écologie

« Nous disons que notre manière de pêcher est réellement de l’agro-écologie en action… en étant très sélectif dans le poisson que nous attrapons et en respectant l’environnement (…) Nous avons toujours éxisté en interconnectivité avec l’océan, et nous avons finalement un terme qui décrit notre connectivité avec le milieu marin. Le terme d’agroécologie nous aide à décrire le genre de pêche que nous pratiquons depuis 5000 ans. »
Christian Adams, Coastal Links Afrique du Sud, membre du WFPP

Un grand nombre des dynamiques structurelles que nous trouvons dans le secteur de la pêche sont identiques à celles de l’agriculture et de l’élevage en ranch, et dans beacoup de cas les pêcheurs sont aussi des paysans. La pêche à petite échelle doit faire face au modèle de la pêche industrielle de la même manière que les paysans et les éleveurs doivent faire face à l’agriculture industrielle. D’autre part, les principes agroécologiques sont suivis dans la pêche artisanale et l’aquaculture à petite échelle: dans le choix de l’équipement adéquat et l’utilisation des techniques spécifiques aux espèces visées; le respect des saisons et du cycle de vie de chaque espèce; les captures limitées selon les stipulations convenues; et la culture et la protection des zones de mangrove afin d’assurer la durabilité de la biodiversité dans la production et l’alimentation.

Les petites entreprises de pêche sont également confrontées à des difficultés similaires aux fermiers-paysans en matière de commercialisation et de distribution. Comme pour l’agriculture, la concentration du pouvoir entre les distributeurs peut créer un goulot d’étranglement qui diminue les avantages pour les petits producteurs. Un système alternatif d’étiquetage où figurent le lieu d’origine, la méthode de production et la mention du système de certification écologique ont été largement utilisés dans le monde agraire, et nous avons appris que cela était nécessaire mais néanmoins souvent insuffisant. Certaines des stratégies qui sont explorées pour combler cette lacune et créer des liens solides entre les producteurs et les consommateurs, tant pour les systèmes alimentaires agraires que maritimes, sont la vente directe, les marchés locaux, ainsi que des formes de distribution nouvelles et traditionnelles. Voilà un terrain fertile pour l’échange d’idées et de leçons apprises.

Ces efforts illustrent le fait que les principes d’agro-écologie doivent s’appliquer non seulement à l’agriculture et à la pêche mais aussi à la distribution et à la vente de façon à court-circuiter les systèmes de certification écologiques qui peuvent être cooptés par de larges entreprises qui se taillent un large bénéfice en présentant les denrées alimentaires écologiques comme des produits de luxe voués à une élite, sans en faire profiter les producteurs.

Si nous voulons renforcer ce travail, la collaboration entre les acteurs est nécessaires 1) entre les artisans-pêcheurs— en incluant le nombre croissant de femmes et de jeunes— afin de défendre l’accès et le contrôle des zones de pêches et l’accès aux marchés, ainsi que de promouvoir et de valoriser les pratiques agroécologiques existantes 2) entre les pécheurs et les consommateurs, afin de renforcer les canaux de distribution basés sur la confiance, les produits de qualité, locaux, saisonniers et agro-écologiques et 3) entre les groupements de pêcheurs et de paysans afin de créer un échange de savoirs. Il est intéressant de noter que les organisations de pêcheurs ont déjà emprunté la route de la collaboration, en faisant valoir une voix collective et en articulant de vraies alternatives.

Encadré 2

Renverser la vague du tsunami Supermarché

Au niveau agricole, il est facile d’observer l’emprise des grandes entreprises sur notre system alimentaire. Celle-ci est apparente dans l’expansion des monocultures à grande échelle, les paysans et des communautés indigènes déplacés et l’accaparement des terres et de l’eau. Mais cette croissante main mise s’étend à travers la totalité des chaînes d’approvisionnement alimentaire, des grandes fermes jusqu’aux rayons des supermarchés. De fait, le changement rapide de mode de distribution alimentaire, du marché de produits frais au supermarché, a des implications toutes autant dérangeantes que celles de la mutation d’une agriculture paysanne à une agriculture industrielle.

Pensons, par exemple, que dans de nombreux pays en voie de développement de la région Asie-Pacifique, les marchés de produits frais fournissent un moyen de subsistance à des millions de personnes: les petits paysans qui apportent leurs récoltes aux propriétaires de petits étals, les artisans de l’alimentaire, les vendeurs ambulants, et tout un éventail de travailleurs informels tels que les manutentionnaires qui retirent un maigre revenu du secteur. En Inde, presque 40 millions de personnes comptent sur le secteur informel du commerce et sur les marchés de produits frais; en Indonésie plus de 12 millions de personnes dépendent des marchés de produits frais. Des milliers de vendeurs ambulants, travaillant tous les jours pour fournir de la nourriture aux communautés urbaines, sont au cœur même du fonctionnement de villes comme Bangkok et Hanoï. Une enquête sur le statut des vendeurs ambulants réalisée par le Ministère du Commerce d’ Hanoï indique qu’il y a environ 5000 vendeurs de légumes et 9000 vendeurs de fruits dans les quartiers intra-muros de la ville. Les femmes qui constituent 93 pourcent des vendeurs viennent pour 70-80 pourcent des provinces alentours . Une enquête réalisée en 2010 par l’Administration Métropolitaine de Bangkok indique qu’un nombre stupéfiant de vendeurs (40,000) exercent leurs activités chaque jour dans la ville.

Le rapide virement du marché alimentaire mondial vers la domination du supermarché, qui est facilité par le nombre croissant d’accords financiers et de libre-échange, marginalise et, doucement mais surement, prend la place de millions de personnes dont la subsistance dépend du secteur. L’accès à des aliments appropriés et nutritifs est aussi restreint par la manipulation des prix alimentaires et agricoles. Les supermarchés haussent les prix des produits de base et créent une explosion de malbouffe, inondant les marchés locaux de produits alimentaires transformés et affectant ainsi la santé publique.

Cette évolution vers une prédominance du supermarché n’est pas une solution pour nourrir les populations croissantes. Elle aura plutôt comme effet de transférer le contrôle et l’accès à la nourriture à une poignée de distributeurs mondiaux qui sont étroitement liée à l’industrie agroalimentaire. À travers toute la région Asie-Pacifique, on assiste à une prise de conscience et une résistance grandissante des communautés paysannes, des syndicats de colporteurs et des consommateurs contre les distributeurs mondiaux et les chaînes de supermarchés. Il est important de continuer de former des alliances stratégiques et de construire des alternatives qui défient le phénomène de ‘supermarketisation’.

Encadré 3

Le succés des cooperatives au Nicaragua

Federación de Cooperativas para el Desarrollo (La fédération des Coopératives pour le développement) – FECODESA – travaille pour améliorer la condition des petits exploitants agricoles, réduire les risques et augmenter leurs débouchés. FECODESA est une fédération de petites et moyennes coopératives d’agriculteurs au Nicaragua qui rassemble 6,000 familles de petits exploitants/engagées dans de l’agriculture à petite échelle. Les familles produisent leur propre nourriture, et vendent l’excédent sur les marchés locaux, nationaux et internationaux grâce à leurs coopératives et à FECODESA.

FECODESA a adopté les principes de coopération dans leur travail, plaçant l’accent sur le processus démocratique et l’inclusivité des membres dans toutes les décisions et les opérations.
FECODESA a été fondée en 2006 et est devenue une importante coopérative de petits exploitants formellement insérée dans le secteur des coopératives du Nicaragua. FECODESA offre des financements, des nouveaux débouchés et des renforcements de capacités à leurs membres, se faisant elle contribue à augmenter la productivité du sol ainsi que la qualité des produits. De plus, FECODESA participe activement aux consultations initiées par le gouvernement où sont discuté les politiques agricoles et les supports techniques et financiers. La participation de FECODESA dans ces mécanismes de décisions permet de donner un vote et une voix aux petits exploitants qui sont généralement sous représentés.

Les mécanismes du marché
D’organiser les petits exploitants en coopératives les aide a devenir des acteurs décisifs dans l’espace économique et politique associé au secteur de l’agriculture au Nicaragua. Ceci est accompli en organisant d’abord les fermiers en coopératives et ensuite en organisant en réseaux les coopératives qui partagent les mêmes intérêts pour finalement entrer a part entière dans les instances de décisions pour représenter les intérêts des petits exploitants.

Les Clés du succès:
1. Légitimité. FECODEAS a été fondée, appartient et est opérée par de petits exploitants. Ses actions sont motivées par les intérêts communs de ses membres : améliorer les conditions de vie et la prise en compte de l’environnement.
2. Une organisation forte. Toutes les coopératives de FECODESA travaillent a construire leurs propres structures de gouvernance et mécanismes financiers.
3. Des systèmes de gouvernances et des mécanismes financiers transparents et performants. Les opérations de FECODESA opèrent sur des structures qui permettent à ses membres l’accès rapide à l’argent, à la connaissance et aux solutions techniques.
4. Une forte défense des intérêts des petits exploitants tant au niveau local que national. FECODESA a reconnu que l’influence des petits exploitants dans le processus de décision était absolument essentiel pour changer l’équilibre du pouvoir dans le secteur agricole. Depuis 2013 FECODESA a participe activement aux comités nationaux et a la politique de la sécurité alimentaire, l’agriculture biologique et les réseaux de recherche sur l’agriculture et les problèmes climatiques.

Encadré 4

Agriculture biologique et l’expérience du marché communautaire de OFBMI

Organic Farmer of Barangay Macabud (OFBMI) – fermiers/exploitants organiques du Barnagay Macabud – est une coopérative de fermiers composée de Presque cent bénéficiaires de la reforme agraire de la province de Rizal au Philippines. Formée après deux décennies de lutte pour la possession du sol, OFBMI cherche à revitaliser la production agricole dans la région à travers des exploitations communales et d’agro écologie.

Depuis sa fondation en 2014, OFBMI ont vigoureusement engagé le gouvernement pour obtenir l’accès aux services de support nécessaires pour développer les capacités et le revenu des fermiers. Ceci dans le contexte de pauvreté généralisée de la région due a une longue bataille juridique pour la possession des terres avec la plupart des familles vivant de leurs récoltes avec moins de $2 par jour. En un an, OFBMI a reçu des semences et du matériel agricole tel que des déchiqueteuses et des tracteurs manuels.

En faisant parti de PARAGOS-PILIPINAS, une organisation nationale de fermiers et une membre de La Via Campesina, certains des membres de OFBMI ont put recevoir une formation en agro écologie. Ceci, associé avec la possibilité d’accéder au marche spécialise dans les produits biologiques a fortement influencé le décision de OFBMI de se consacrer 100 % a l’organique. En très peu de temps, la plupart des membres ont été capable de produire assez de produits biologiques, tel que du wormcast pour leurs propres besoins et pour les fermes communales.

Mais la plupart du marche biologique est maintenant dominé par de larges coopératives/exploitations avec des capacités de production plus importantes et possédant des certifications de produits biologiques accrédités. OFBMI a reconnu que bien que les prix soient plus compétitifs, ils ne peuvent pas suivre l’augmentation de la demande pour les produits biologiques. Le groupe a décidé de retourner à ses bases. « Pourquoi devrions-nous vendre des légumes aux classes moyennes et supérieures quand la plupart des familles du village ont faim?! » Un fermier s’est exclamé.

Maintenant, OFBMI a fondé un « marché communautaire », qui vend des produits biologiques à des prix producteurs pour essayer d’attirer l’attention sur non seulement l’aranéologie mais aussi pour procurer une alimentation saine et sécurisée pour même les plus pauvre dans la communauté. D’autres producteurs et vendeurs venant des marches locaux ont été convaincus de venir participer à des formations à l’agriculture biologique que OFBMI organise régulièrement. Les profits sont rarement élevé dans les marche communautaires, mais suffisant pour soutenir and élargir l’initiative pour une alimentation disponible et sécurisée.

Sous les feux de la rampe

Identification des partenaires et des abus des multinationales*

Les multinationales sont devenues des acteurs leaders dans l’accélération du commerce mondial aux cours de ces dernières décennies, et, de ce fait, dans la redéfinition des moyens de production, des modèles de consommation, ainsi que de la promotion des conséquences sociales et environnementales. Il existe un nombre croissant de cas où les multinationales et les autres entreprises ont sévèrement restreint l’accès à tous les droits. Ces acteurs de la société ont été impliqués dans des affaires de violation des droits sociaux et culturels ainsi que des atteintes aux droits civils et politiques. Malgré le principe d’indivisibilité et d’interdépendance des droits humains ratifié dans la Déclaration Internationale des Droits Humains, les multinationales ont entravé la pleine réalisation des droits à une alimentation et une nutrition adéquate des individus et des communautés, et plus particulièrement de ceux qui sont le plus désavantagés et marginalisés.

Les multinationales menacent et portent atteinte au droit à l’alimentation et à la nutrition

Les multinationales et les autres entreprises ont le pouvoir d’interférer dans la sécurité alimentaire des populations. Les industries extractives, les entreprises agroalimentaires, les programmes de compensation des émissions de CO2 , le tourisme et les mégaprojets sont quelques-unes des principales causes d’expulsion et de déplacement de populations des terrains publics, des forêts, des pâturages et des lignes de mobilité, qu’elles utilisent pour récolter ou produire de la nourriture [Illustré par des cas comme Mubende et Benet en Ouganda, El Hatillo en Colombie, Guarani-Kaiowá au Brésil et Sawhoyamaya au Paraguay. Plus d’information ici.].

De plus, en refusant l’accès aux moyens de production, les activités commerciales s’immiscent également dans l’accès aux ressources naturelles et elles menacent les écosystèmes, essentiels à la nutrition des communautés. L’expansion des produits agrochimiques, en plus de provoquer la destruction des cultures et l’empoisonnement des animaux, met également en danger la santé des travailleurs agricoles et des consommateurs.

Le droit humain à une alimentation et une nutrition adéquates se trouve davantage menacé par les pratiques de travail des multinationales basées sur la sous-traitance à une main d’œuvre bon marché. Les travailleurs agricoles, par exemple, sont victimes d’une forme d’esclavagisme moderne, de travail forcé, de salaires non-payés, de détention illégale et de conditions de travail dangereuses. En plus de cela, les travailleuses rurales sont sévèrement discriminées, elles subissent l’inégalité des salaires, la marginalisation sociale et le harcèlement sexuel. Les défenseurs des droits humains et les syndicats qui élèvent leurs voix contre ces injustices sont physiquement et psychologiquement harcelés et criminalisés par des forces armées privées et ils se voient empêchés d’avoir recours à une application régulière de la loi.

Les pratiques commerciales des multinationales attentent aussi sévèrement au droit à l’alimentation des populations. En inondant les marchés des petits producteurs alimentaires avec leurs propres produits, elles empêchent la subsistance économique des communautés agricoles, incapables de concurrencer les prix des produits importés. Pour maintenir des prix bas et un profit élevé, ces produits peuvent présenter des risques, être source de maladies mentales ou physiques pour les consommateurs comme le diabète, l’obésité et la dépression [Cedeno, Marcos Arana et Xaviera Cabada, sectione 12 dans L’observatoire du droit à l’ alimentation et à la nutrition 2015. Pour des cas sur la dépression liée aux pesticides, rendez-vous ici]. Les substituts au lait maternel hautement industrialisés et présentant un très fort de taux de sucre ajouté sont un exemple parmi tant d’autres de ces produits dangereux.

De plus, l’accès à une alimentation et une nutrition adéquates est également mis à mal par des ententes sur la fixation des prix entre les acheteurs et par tout autre type d’entente, lorsque les entreprises manipulent les prix des denrées alimentaires et agricoles, rendant ainsi les produits alimentaires de base trop chers pour beaucoup de familles [Pour plus d’information, De Schutter, Oliver, « Food Commodities Speculation and Food Prices », septembre 2010]. Les conditions d’octroi de prêt imposées aux petits paysans, ainsi que la spéculation sur la terre et sur d’autres ressources naturelles, qui entraînent une volatilité des prix agricoles, contribuent d’autant plus à l’appauvrissement et au fort taux de suicide des petits paysans. On trouve notamment de tels cas en Inde, en Belgique et en France. Enfin, la complicité des multinationales avec les États dans la mise en place d’embargos alimentaires pendant des conflits armés a des conséquences terribles car elle empêche l’accès à l’alimentation de populations entières, comme ce fut le cas pour certaines communautés en Colombie.

Les obstacles pour mettre fin à l’impunité

Malheureusement, les victimes de telles violations des droits humains sont souvent laissées sans recours légaux possibles. Entre temps, un grand nombre de multinationales continue d’opérer dans la plus grande impunité. Une série d’obstacles structurels pour mettre fin à l’impunité et trouver des recours pour les victimes a été observée. Parmi ces obstacles, l’on peut citer le manque de réglementation, de suivi, d’investigation et de sanctions prises à l’encontre des entreprises dans les pays où les préjudices ont lieux, dû au manque de volonté ou de capacité des États à y répondre.

Plusieurs États manquent des mécanismes pénaux, civils et administratifs efficaces capables de tenir pour responsable les entreprises nationales et transnationales coupables de violation et d’abus sur les droits humains. Par ailleurs, lorsque ces même mécanismes sont disponibles, la mise en œuvre de décision judiciaire de protection est souvent minée par l’influence indue aux industries sur les autorités en charge de les appliquer.

Les réticences des États d’origines et d’accueils à réglementer les activités des multinationales et autres entreprises à caractère transnationale et à fournir des recours efficaces aux victimes de violations de droits humains ont permis l’élaboration de différents cadres de réglementation internationaux.

Cependant, ces cadres de réglementation n’ont pas réussi à inclure des standards clairs et obligatoires sur les devoirs des États en ce qui concerne les crimes et infractions commises par les multinationales et autres entreprises, ignorant leurs obligations territoriales et extraterritoriales en termes de droits humains.

Voici comment les États échouent

Les États ont échoué pour réglementer, suivre, statuer et appliquer les décisions judiciaires en ce qui concerne les violations perpétrées par les multinationales, pour que les entreprises impliquées prennent leurs responsabilités, ce qui permettrait aux individus et communautés d’avoir recours à des solutions efficaces.

L’influence excessive et le manque de coopération des États où les multinationales ont établi le siège de leurs sociétés mères, empêche les États d’accomplir efficacement leurs obligations quant à la protection des droits humains et la mise en pratique des décisions judiciaires.
Par ailleurs, les États d’origine des multinationales, ou ceux dans lesquels se trouvent les entités légales de contrôle, échouent souvent dans l’accomplissement de leurs obligations extraterritoriales de protection et de respect des droits humains, en influençant l’élaboration de lois favorables aux investissements de leurs « entreprises nationales », ce qui a pour conséquence de mettre en péril les droits humains au-delà de leurs frontières nationales.

Un autre obstacle empêchant de mettre fin à l’impunité et d’obtenir les recours pour les victimes découle de la nature complexe de la chaîne d’approvisionnement mondiale, où l’industrie et les services sont sous-traités à différents niveaux. Actuellement, des difficultés existent à l’heure de déterminer la responsabilité des diverses entités légales impliquées dans les violations des droits humains, telles que les entreprises possédant une relation société mère/filiale, une relation contractuelle, ou encore les entreprises qui ont un lien commercial avec d’autres directement impliquées dans des cas d’abus [Cela a notamment été le cas lors du désastre de la place Rana au Bengladesh. Plus d’information ici].

Enfin, dernier élément et non des moindre, l’inclusion d’une clause d’arbitrage dans les accords d’investissement et de commerce, comme le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États « Investor-State Dispute Settlement – ISDS [C’est le cas, par exemple, de l’accord du partenariat transatlantique (TTIP). Plus d’informations ici] », a donné la possibilité aux entreprises de présenter leurs revendications contre les États lorsque ces derniers décident de suspendre la mise en œuvre de tels accords dans le but de protéger les droits humains de leur citoyens. Les tribunaux d’arbitrages, en tant que mécanisme de justice privés pour lesquels l’application des droits humains et l’accès aux systèmes de justice traditionnels sont totalement exclus, bloquent les États dans l’accomplissement de leurs obligations internationales en matière de droits humains, entraînant des violations systématiques de ces droits, y compris le droit à l’alimentation et la nutrition [Le cas de Chevron contre les citoyens équatoriens à propos de la pollution pétrolière en est une parfaite illustration.].

L’impunité des entreprises et le non-accomplissement de leurs obligations en matière de droits humains de la part des États ont incité la société civile à revendiquer la mise en place d’un instrument international contraignant (un traité [Comme l’Alliance pour un traité, qui rassemble des groupes et réseaux militants, des organisations sur les droits humains, des mouvements sociaux et des communautés touchées venant du monde entier. Plus d’information ici]). Un groupe de travail intergouvernemental au niveau de l’ONU est en charge, depuis 2014, de l’élaboration d’un tel instrument pour réglementer les multinationales et les autres entreprises commerciales en ce qui concerne les droits humains. Cela obligera, on l’espère, les États à réglementer et sanctionner les activités des multinationales et autres entreprises commerciales dans leurs territoires ou dans ceux où ils exercent leurs compétences [Principes de Maastricht relatifs aux obligations extraterritoriales des Etats, Principe 9, « Champ de compétence »]. Avec un tel traité tourné vers les droits humains, les individus et les groupes d’organisation de la société civile visent à mettre fin à l’impunité dont profitent les entreprises et souhaitent assurer des recours adéquats aux individus et communautés victimes de violations de leurs droits.

Sous les feux de la rampe

Sous les feux de la rampe 1

Reconnaître, soutenir et protéger les marchés territoriaux

[Cet article est extrait du document «Etablissement de liens entre les petits exploitants et les marchés. Ce que le MSC préconise».]

(…) La plus grande partie de la nourriture consommée dans le monde (70%) est produite par les petits producteurs et les travailleurs agricoles. La plupart de ces aliments est canalisée à travers ce que nous proposons d’appeler des «marchés territoriaux», comme expliqué ci-dessous. Seulement 10-12% des produits agricoles est négocié sur le marché international et notamment seulement 9% de la production de lait, 9,8% de la production de viande, 8,9% de la production de riz et 12,5% de la production de céréales[1]. En conséquence, le concept de vouloir «établir des liens entre les petits exploitants et les marchés» est trompeur: dans le monde entier, plus de 80% des petits exploitants opèrent déjà sur des marchés territoriaux qui jouent un rôle primordial pour garantir la sécurité alimentaire et la nutrition[2]. Nous voulons que ces marchés soient reconnus, soutenus et défendus par des politiques publiques appropriées.

Nous proposons d’appeler ces marchés «territoriaux» car ils sont situés dans des territoires spécifiques et sont identifiés à travers ces territoires. Ils peuvent opérer au niveau du village mais aller jusqu’à l’échelle du district, du pays, transfrontalier ou régional. En conséquence, ils ne peuvent pas être définis comme étant des marchés «locaux». Leur organisation et leur gestion peuvent incorporer une dimension formelle plus ou moins forte, mais ils conservent toujours un lien avec les autorités compétentes. En conséquence de sorte ils ne peuvent pas être définis comme étant purement «informels». Ils répondent à la demande alimentaire dans différents types de zones: rurales, périurbaines et urbaines. Ils impliquent d’autres acteurs à petite échelle sur le territoire: grossistes, transporteurs, transformateurs, détailants, commerçants… Parfois, ces autres fonctions sont assurées par des petits exploitants ou leurs associations. Les femmes sont les acteurs clés dans ces marchés, ils leurs fournissent une source importante d’autorité et des revenus dont bénéficient également leurs familles.

Ces marchés sont extrêmement divers, mais ils se distinguent tous par certaines caractéristiques, par rapport aux systèmes d’approvisionnement alimentaire dans le monde et notamment:
– Ils sont directement liés aux systèmes alimentaires locaux, nationaux et/ou régionaux: l’aliment concerné est produit, transformé, commercialisé et consommé dans un «territoire» donné, réduisant d’autant la distance entre les producteurs et les consommateurs/utilisateurs finaux et raccourcissant la longueur du circuit commercial.
– Ils remplissent des fonctions économiques, sociales et culturelles multiples au sein de leurs territoires respectifs – à commencer par, mais sans s’y limiter, la fourniture de nourriture.
– Ils sont les plus rémunérateurs pour les petits exploitants, étant donné qu’ils permettent un plus grand contrôle des conditions d’accès et des prix par rapport aux chaînes de valeur traditionnelles.
– Ils contribuent à l’économie du territoire, étant donné qu’ils permettent de conserver une plus grande part de la valeur ajoutée et de reverser une plus grande part de revenu dans l’exploitation ainsi que dans les économies locales. Ils représentent donc une contribution importante à la lutte contre la pauvreté rurale et contribuent à la création d’emplois.

Dans le monde entier il existe des marchés liés aux territoires. Dans leur grande majorité, ces espaces sont les plus importantes sources pour l’approvisionnement alimentaire dans des régions comme l’Afrique, l’Asie, l’Amérique latine et le Proche-Orient. Ils gagnent également en importance en Europe et en Amérique du Nord. (…) Malgré cela, jusqu’à présent, ces marchés ont été ignorés par les travaux de recherche, par les enquêtes et collectes de données ainsi que par les politiques publiques ou encore lors de la prise de décision d’investissement, de sorte que leur fonctionnement est insuffisamment compris, soutenu et protégé. Cela explique pourquoi il n’existe pas encore de terme convenu pour les décrire.

L’approche territoriale – dont les marchés sont une composante importante – est utilisée de manière croissante et de plus en plus largement dans le contexte de la gestion des ressources naturelles, de la planification du développement (…).

Sous les feux de la rampe 2

Déclaration de La Via Campesina sur le commerce, les marchés et le développement à la CNUCED 2016

[Nairobi – 19 juillet 2016]

La quatorzième session de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) aura lieu à Nairobi, Kenya, du 17 au 22 juillet 2016. À cette occasion, nous, membres de La Vía Campesina, nous réitérons notre engagement en faveur de la souveraineté alimentaire et du droit à l’alimentation ainsi que notre détermination à mettre fin aux soi-disant projets du néolibéralisme basés sur le « paradigme du libre-échange » et le « développement dicté par le marché », des projets qui ne servent qu’à consolider le contrôle des grandes sociétés sur nos systèmes alimentaires. En tant qu’organe des Nations unies, nous nous attendons à ce que la CNUCED et ses États membres priorisent les processus démocratiques et participatifs visant à obtenir des politiques qui font la promotion de la souveraineté alimentaire. La CNUCED ne doit pas être utilisée pour promouvoir des accords de libre-échange (ALE), y compris les Accords de partenariat économique (APE) de l’Union européenne en Afrique, qui, les uns à la suite des autres, produisent plus de faim, de pauvreté et d’exclusion pour les peuples partout sur la terre.

À propos de la CNUCED

Nous, La Vía Campesina, nous avons chaleureusement accueilli en 2015 la publication du rapport de la CNUCED Smallholder Farmers and Sustainable Commodity Development, qui reconnaît notre rôle vital dans la production d’aliments et les marchés ainsi que le besoin des gouvernements et des institutions multilatérales de travailler directement avec nous pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies. Cependant, nous nous opposons fermement aux nombreuses recommandations du rapport, dont la plupart appuient la marchandisation de notre production agricole. Nous rejetons catégoriquement l’hypothèse sous-jacente du rapport selon laquelle nous ne pourrons être une source d’aliments et de nutrition viable à long terme pour nos populations que si nous devenons des « entreprises commerciales » prospères axées sur la recherche du profit. Nous dénonçons également les tentatives en cours de marchandiser l’alimentation et la nutrition, et nous rappelons à tous les participants réunis à la CNUCED 14 que l’alimentation est un droit humain.

Les actions de la CNUCED que nous observons suivent un paradigme commercial néolibéral dicté par le libre marché qui va totalement à l’encontre du paradigme de la souveraineté alimentaire, un paradigme où les petits paysans sont des acteurs sociaux, culturels et historiques qui prennent des décisions basées sur une diversité de facteurs personnels, éthiques et culturels, non pas exclusivement basées sur le profit, les affaires et le marché. Au lieu d’appuyer les projets de promotion du commerce avancés par les multinationales, nous voulons que la CNUCED nous protège contre les Accords de libre échanges destructeurs et secrets promus par l’antidémocratique Organisation mondiale du commerce (OMC), comme le PTCI (Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement), le PTP (Partenariat transpacifique), l’AECG (Accord économique et commercial global), le TiSA (Accord sur le commerce des services) et les APE et leurs soi-disant mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États (ISDS). Nous, les paysans et paysannes de la planète, nous nourrissons aujourd’hui la majorité de la population mondiale et nous le faisons malgré les nombreux ALE qui visent à déplacer la production et le commerce paysans partout sur la planète.


Production paysanne et marchés locaux

Sur la planète, plus de 80 % des petits paysans évoluent dans les marchés alimentaires locaux et nationaux et la plupart d’entre eux commercent informellement. C’est dans ces marchés hautement diversifiés que transitent la plus grande partie des aliments consommés dans le monde. Ces marchés fonctionnent à l’intérieur d’espaces territoriaux qui vont du local au transfrontalier au régional et ils se trouvent dans des milieux ruraux, périurbains et urbains.

Ces marchés sont directement liés aux systèmes alimentaires locaux, nationaux et/ou régionaux : leurs aliments sont produits, transformés, échangés et consommés dans un espace donné où la valeur ajoutée y est retenue et partagée, tout en contribuant à la création d’emplois. Ils peuvent fonctionner selon des arrangements structurés ou informels qui offrent une plus grande flexibilité aux petits producteurs ; ils imposent moins de barrières à l’entrée et permettent plus de contrôle sur les prix et les conditions du marché. Ces marchés remplissent de multiples fonctions au-delà de l’échange de marchandises et sont des espaces d’interaction sociale et d’échange de connaissances. Ce sont les marchés les plus importants, notamment pour les femmes paysannes, eu égard à l’inclusion et à l’accès, et ils contribuent grandement à la réalisation de notre droit à l’alimentation et à la nutrition.

Les systèmes de récolte de données ignorent souvent les marchés informels malgré leur grande importance. Ainsi, ces marchés ne sont même pas pris en compte dans les processus de définition des politiques publiques. Puisque la plupart des femmes paysannes vendent leurs produits sur les marchés informels, leur contribution essentielle aux systèmes alimentaires, y compris la distribution d’aliments, et à la croissance économique est largement ignorée au moment d’établir les politiques relatives au commerce et au développement. Et ces femmes sont confrontées à des barrières socio-économiques spécifiques dans l’accès aux ressources et aux opportunités de commercialisation, ce qui les marginalise et viole leurs droits encore plus. Étant donné l’importance de la sécurité alimentaire et des moyens de subsistance des petits paysans, les politiques et les investissements publics devraient être orientés pour renforcer, accroître et protéger les marchés locaux et nationaux approvisionnés par les paysans.

Nous appelons la CNUCED et ses États membres à appuyer la collecte de données complètes sur les marchés locaux, nationaux et informels — tant ruraux qu’urbains — liés aux territoires pour améliorer les corpus de données utilisées comme base dans la définition des politiques, y compris des données ventilées par sexe, et à les intégrer en tant qu’élément régulier des systèmes de collecte de données nationaux et internationaux.

Nous recommandons des politiques tarifaires transparentes et équitables pour tous les produits agricoles qui fournissent une rémunération complète du travail et des investissements des petits paysans, y compris les femmes rurales. Les politiques tarifaires doivent donner aux petits paysans un accès opportun et abordable aux informations du marché de manière à leur permettre de prendre des décisions éclairées quant au moment et au lieu de la vente des produits, afin de les protéger contre les abus des acheteurs, notamment dans les marchés concentrés.

Nous demandons que des programmes d’achat publics et institutionnels soient mis en place pour permettre aux petits paysans de compter sur une demande régulière et stable en produits agricoles à des prix équitables et aux consommateurs d’avoir accès à des aliments sains, nutritifs, diversifiés, frais et produits localement, y compris durant les crises et les conflits. Nous voulons que ces programmes d’achat soient utilisés par les institutions publiques comme les écoles, les hôpitaux, les prisons, les maisons de retraites et les administrations. Les cantines de ces institutions pourraient alors être approvisionnées par des aliments produits par les petits paysans; Des mécanismes participatifs doivent être définis pour que les producteurs prennent part au schéma d’approvisionnement. Etant donné les déséquilibres dans les fonds de soutien nationaux des pays développés, nous réitérons notre appel à ce qu’une solution durable soit trouvée au problème du stockage public. Nous redisons notre engagement à construire des programmes d’achat publics et institutionnels robustes.

Pour y parvenir, nous rappelons aux gouvernements nationaux qu’ils doivent garantir un accès juste et équitable à la terre, à l’eau, aux territoires et à la biodiversité et nous les invitons à se référer aux Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale.

L’alimentation est un droit humain et elle ne doit pas être traitée comme une simple marchandise. Nous appelons la Conférence de la CNUCED de 2016 à repenser son approche de la question de l’alimentation et son lien avec le commerce et le développement. Les paysans sont au cœur de la production alimentaire. Nous avons besoin de toute urgence de la souveraineté alimentaire et ceci nécessite la protection et la renationalisation des marchés alimentaires nationaux, la promotion de circuits locaux de production et de consommation, la lutte pour la terre, la défense des territoires des peuples autochtones et des réformes agraires en profondeur. Il est nécessaire de s’éloigner des fausses promesses que portent les systèmes de production promus par la révolution verte. Ces systèmes dépendent de volumes importants d’intrants et de capitaux et fonctionnent sur la base de la hypothèse biaisée de la concurrence. La concurrence ne connaît du succès en effet que lorsqu’elle détruit les moyens de subsistance des paysans partout sur la planète.

Nous rappelons aux gouvernements qu’ils ont des obligations en ce qui concerne la prestation de services publics de qualité, indispensables pour assurer une vie digne à la campagne (santé, éducation, etc.). Ces obligations ne peuvent être remplies sans des prix justes qui protègent les paysans locaux contre les sociétés transnationales avides de profits et contre un système d’échange international qui aujourd’hui ne sert que les intérêts de l’agrobusiness et des autres élites privées. En tant qu’organe des Nations unies, la CNUCED devrait s’efforcer d’être cohérente avec ses autres efforts continus, y compris notamment la réalisation effective de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Avec nos alliés à Nairobi et partout sur la planète, nous invitons tout le monde à se joindre à nous dans la lutte pour la souveraineté alimentaire, et pour la fin du « libre échange » que les grandes sociétés privées promeuvent à travers des institutions non démocratiques comme l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

[1] FAO (2015) La situation des marchés des produits agricoles 2015–16, FAO (2015) Perspectives de l’alimentation. Les marchés en bref.

[2] T.Reardon et J. Berdequé (à publier), «Agrifood markets and value chains» dans FIDA, Rural Development Report; E. Del Pozo-Vergnes (2013) From survival to competition: informality in agrifood markets in countries under transition. The case of Peru, IIED.

Agroécologie dans la pratique

Agroécologie dans la pratique 1

Diffuser l’agroécologie et construire la résistance en faveur de la souveraineté alimentaire

L’école d’agroécologie de Shashe

Le Forum des paysans biologiques du Zimbabwe (ZIMSOFF), membre de La Via Campesina (LVC), dirige une école d’agroécologie à Shashe, où l’échange d’expériences issues de l’agriculture paysanne agroécologique est encouragé par le biais d’un apprentissage horizontal entre paysannes et paysans du Zimbabwe et des pays voisins.

Affiliée au réseau LVC d’écoles d’agroécologie, lequel en compte plus de cinquante dans le monde, l’école de Shashe forme la pierre angulaire de l’élaboration collective de stratégies pour lutter contre la dépendance aux engrais et aux produits agrochimiques, et pour survivre au changement climatique. À Shashe, les paysans mettent en œuvre différentes pratiques agroécologiques pour garantir la souveraineté alimentaire, atténuer le changement climatique et réduire la dépendance aux achats d’intrants agricoles, conservant ainsi le revenu agricole dans les mains de la famille. Ces pratiques incluent, notamment, l’utilisation du fumier, le paillage, un labour de terres minimum, la polyculture, ainsi que l’échange et l’utilisation de semences traditionnelles. De telles pratiques constituent les fondations sur lesquelles bâtir un nouvel avenir pour les paysans, au niveau du ZIMSOFF et aussi partout ailleurs dans le monde. En plus des cultures de végétaux, la plupart des paysans élèvent une large variété d’animaux. Nos systèmes agroécologiques sont conçus pour qu’il n’y ait pas de concurrence entre les animaux d’élevage et les hommes concernant la nourriture, mais que les animaux mangent ce que les hommes ne consomment pas, comme les mauvaises herbes et les insectes.

Les familles paysannes du ZIMSOFF explorent également la transformation, le stockage et la conservation des aliments à l’échelle locale. Il s’agit d’activités capitales non seulement pour diminuer les pertes après récolte mais aussi pour encourager la croissance de petites entreprises locales essentielles à l’emploi des jeunes. Le tournesol ou l’arachide sont ainsi transformés pour fabriquer de l’huile de cuisine ou du beurre de cacahuète, respectivement. À Shashe, les paysans créent un marché local dynamique où écouler leurs produits et renforcent leurs liens avec les consommateurs.

En avril 2016, l’école a accueilli vingt paysans mozambicains venus de la province de Manica pour apprendre et échanger des informations sur les semences paysannes et les luttes contre les politiques qui criminalisent leur production et leurs échanges. Les mauvaises politiques favorisent la commercialisation des semences homologuées et certifiées entre les pays membres et fournissent un cadre politique à la privatisation des ressources génétiques. Ceci constitue une attaque contre les semences paysannes. La lutte contre de telles politiques est un aspect complémentaire clé de l’agroécologie ; nos échanges représentent des actions fondamentales pour organiser la résistance et construire la souveraineté semencière des paysans.

L’expérience de Shashe montre que grâce à l’agroécologie, leurs semences et leurs animaux d’élevage, les paysannes et les paysans sont capables de produire des aliments sains à faible coût, dans le respect de la nature, pour leurs familles et le marché. Plus important encore, l’agroécologie leur offre un milieu dans lequel explorer et modeler leur propre développement durable rural, et tisser de meilleurs liens sociaux reposant sur le respect et l’apprentissage mutuel.

Agroécologie dans la pratique 2

Inverser la Révolution Verte

Réseau de semences créoles et locales d’Uruguay

Pendant des milliers d’années, la production d’aliments pour la consommation humaine provenait de l’utilisation de semences « naturelles » par les peuples autochtones, les paysans et les paysannes, les agriculteurs et les agricultrices, c’est-à-dire que grâce à nos connaissances, capacités et aptitudes, nous avons été capables de domestiquer les espèces sauvages, de les adapter, de les améliorer et surtout de les reproduire en vue de satisfaire nos besoins alimentaires. Il est facile de constater que trois des cultures de base, le maïs en Amérique, le blé en Afrique et le riz en Asie, sont à l’origine et le moyen se subsistance de trois modèles de civilisation.

Ensuite, avec les mouvements migratoires, les semences locales ont été transférées vers d’autres territoires, dans des écosystèmes différents, des conditions climatiques et environnementales distinctes. Or, une fois de plus, ce sont les paysans et les paysannes qui furent capables de les adapter et de les reproduire. Telle est l’origine du concept de « semences dites créoles », différent de celui de « semences autochtones ou locales » justement du fait de ce processus d’adaptation.
On estime que les êtres humains ont disposé d’environ 6 000 variétés végétales domestiquées et aptes à la consommation. De nos jours, on n’en utilise que 200 dont seulement 12 sont des cultures de base composant notre régime alimentaire.

A partir de la seconde décennie du siècle dernier, les pays dits « centraux » ont imposé partout dans le monde le modèle de la Révolution verte avec leurs paquets technologiques incluant, entre autres, des semences industrielles, des OGM ainsi que les produits agrotoxiques associés. Cependant, cela n’a pas réussi à combattre sérieusement la faim dans le monde et les impacts économiques, sociaux et environnementaux ont été très graves. Pour autant, il est encore possible de freiner et d’inverser la percée de l’agriculture industrielle à grande échelle dominée par l’agrobusiness et une poignée d’énormes transnationales. En Uruguay, par le truchement du Réseau des semence créoles et locales, nous avons fixé la voie à suivre en démontrant que la majeure partie du matériel génétique créole et local est toujours entre les mains des paysans et paysannes, des agriculteurs et agricultrices familiaux. En effet, ils l’ont conservé et utilisé de génération en génération pour alimenter notre peuple.

Il s’agit en fait de la Souveraineté alimentaire et nous sommes tous d’accord que c’est un DROIT. Pour l’exercer, cela n’est pas seulement le devoir des producteurs d’aliments. Tous et toutes, quelle que soit la place que nous occupons dans la société, nous devons nous joindre aux luttes pour le défendre. Nous ne sommes pas seuls, partout dans le monde, des millions de paysans et de paysannes et de nombreuses communautés font de même. Tant qu’il existera une agricultrice ou un agriculteur possédant des semences, luttant pour un lopin de terre afin de les planter et pour de l’eau afin de les arroser, la vie pourra se perpétuer.

Agroécologie dans la pratique 3

Une solution réelle à la crise agraire en Inde

Agriculture naturelle à budget zéro

L’agriculture naturelle à budget zéro (ANBZ) recouvre à la fois un ensemble de pratiques agroécologiques et un mouvement social paysan présent en Inde, surtout dans l’État du Karnataka, où près de 100 000 paysannes et paysans la pratiquent. Ceci a été réalisé sans aucun financement car l’ANBZ suscite le bénévolat parmi ses membres, véritables protagonistes du mouvement. Le mot « budget » fait référence aux crédits et aux dépenses ; donc, l’expression « budget zéro » signifie sans aucun crédit. Le terme « agriculture naturelle », quant à lui, signifie avec la nature. Le mouvement est le fruit de la collaboration entre Subhash Palekar, scientifique agricole qui a rassemblé les pratiques de l’ANBZ en une trousse à outil, et l’Association paysanne de l’État du Karnataka (KRRS), membre de La Via Campesina (LVC).

L’Inde vit actuellement une crise agraire et ses paysans croulent sous les dettes à cause du prix élevé des intrants, du niveau insuffisant des prix du marché et des mauvaises politiques. Au cours des vingt dernières années, plus de 250 000 paysans indiens se sont suicidés. Plusieurs études ont établi un lien entre ces suicides et le niveau d’endettement. Dans de telles conditions, l’ANBZ promet de mettre fin à la dépendance aux prêts et de diminuer les coûts de production de façon radicale. Les paysans qui ont délaissé les monocultures chimiques pour pratiquer l’ANBZ disent produire à présent bien plus, sans quasiment aucune sortie de fonds.

Les pratiques principales de l’ANBZ sont : la jivamruta, une culture microbienne fabriquée à partir d’urine et de bouse de vache, de farine de légumineuse, de sucre de canne non raffiné et d’une poignée de terre ; la bijamruta, un traitement similaire pour les semences ; une utilisation intensive du paillage et des cultures de couverture ; la régulation de l’humidité. Les besoins en eau de l’ANBZ sont inférieurs de plus de moitié à ceux de l’agriculture conventionnelle, ce qui en fait un modèle adapté aux zones arides. Beaucoup d’autres principes interviennent également, comme les cultures intercalaires, l’utilisation de vers de terre locaux, de vaches de race locale, de murs de retenue d’eau et la gestion écologique des nuisibles.

À l’échelle locale, le mouvement est auto-organisé, dynamique et opère de façon informelle. Les liens entre la plupart des paysans pratiquant l’ANBZ sont plutôt souples, chacun réalisant des activités d’échange de paysan à paysan de façon organisée ou spontanée, ainsi que d’autres actions pédagogiques. Les sessions massives et intenses de formation constituent l’activité principale organisée au niveau central et à l’échelle de l’État. Dispensées par Palekar, ces sessions comptent avec la participation de 300 à 5000 paysans et durent jusqu’à cinq jours.

« Dans le système de l’ANBZ, il y a très peu dépenses. Peu importe le niveau de rendement, je dégage toujours un bénéfice car mes coûts sont minimes. En plus, j’ai ajouté les cultures intercalaires, donc je tire mon revenu de plusieurs types de culture et non pas d’un seul. Pour nous, le rendement n’est pas un concept important. » Belgaum, paysan pratiquant l’ANBZ

Agroécologie dans la pratique 4

Construire le mouvement des agricultures soutenues par les citoyens en Europe

Urgenci Europe

Nous construisons le mouvement des agricultures soutenues par les citoyens (ASC) en Europe. Nous œuvrons à développer les piliers communs de la souveraineté alimentaire et de l’économie solidaire.

Face à l’expansion rapide de notre mouvement, il devenait nécessaire de construire un socle commun ; c’est pourquoi nous avons lancé un processus d’un an pour élaborer une déclaration partagée par l’ensemble des membres d’Urgenci dans toute l’Europe. Ceci ne fut pas tâche facile car, comme l’indique un récent recensement européen sur les ASC, ce mouvement compte près d’un million de membres partout en Europe. Si les pays et les membres n’y participèrent pas tous, le processus n’en fut pas moins collectif et participatif dès le départ. L’objectif était d’aboutir à un accord sur qui nous sommes et ce que nous défendons, une sorte de carte d’identité du mouvement pour aider à nous développer et empêcher la récupération du concept d’ASC par les entreprises.

Les systèmes de paniers, les assemblées alimentaires et autres initiatives d’apparence semblable poussent un peu partout et rognent notre marché. Or, aucune de ces initiatives ne présente la caractéristique unique de partage des risques et des avantages que les consommateurs des ASC partagent avec leurs producteurs !

Le processus d’élaboration de la Déclaration européenne des agricultures soutenus par les citoyens a renforcé à la fois la plate-forme européenne des ASC ainsi que les réseaux locaux et nationaux, en encourageant des discussions essentielles sur ce que nous défendons et les modalités pour diffuser cela auprès du plus grand nombre. De plus, il fut aussi un moyen de nourrir la construction d’un mouvement durable pour l’avenir.

Adoptée le 17 septembre, à l’occasion de la troisième réunion européenne des ASC, organisée à Ostrava (République tchèque), la Déclaration offre la meilleure façon de prendre position au nom de notre mouvement, car si nous ne le faisons pas, quelqu’un d’autre le fera !
Depuis lors, elle a été saluée avec enthousiasme en Europe et dans d’autres pays du monde. Elle a été aussi traduite dans plusieurs langues et a permis aux praticiens de l’ASC qui ne sont pas forcément membres d’Urgenci de se rapprocher de nous. S’il est encore un peu tôt pour l’affirmer, la Déclaration semble s’avérer être un outil puissant nous permettant à tous de construire le mouvement. Et nous sommes tous fiers d’avoir participé à ce processus unique !

Vous pouvez consulter la Déclaration ici.

Encadres

Encadré 1

« Le régime de commerce et d’investissement » : un carcan qui empêche le développement de l’agroécologie

Les femmes et les hommes produisant des aliments à petite échelle vont de l’avant, en échangeant des connaissances, des pratiques et des mouvements en faveur de l’agroécologie. Les éléments recueillis sur le terrain indiquent que lorsqu’ils bénéficient d’investissements publics appropriés, ils peuvent aller encore plus loin vers la souveraineté alimentaire en agissant sur l’agroécologie. Mais, les accords actuels de commerce et d’investissement signés par les pays bloquent activement le développement de l’agroécologie.

Ces accords visent à attirer les entreprises de l’agro-industrie et sont conçus pour générer des bénéfices dans l’intérêt de celles-ci. L’ouverture de nouveaux marchés grâce à la libéralisation de l’investissement et du commerce ou le recours aux traités bilatéraux d’investissement (TBI), aux accords de libre-échange (ALE), aux prêts conditionnels et aux conventions d’aide sont autant de moyens permettant d’y parvenir.

Les clauses figurant dans tous ces accords affaiblissent et supplantent la souveraineté des États tout en entravant la capacité des ces derniers à développer ou à protéger leurs économies ainsi que leurs intérêts sur le plan social et environnemental. Parallèlement, ces accords offrent un niveau total de protection et de promotion en faveur des profits générés par les entreprises agro-industrielles aux dépens du bien-être des États et des populations.

Parmi les instruments, citons :
i) le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États, qui permet aux entreprises d’attaquer les États pour des milliards de dollars devant des tribunaux d’arbitrage secrets au motif que les politiques sociales, économiques ou environnementales mises en œuvre peuvent entraver leurs activités lucratives ;

ii) les politiques de promotion en faveur de l’investissement agro-industriel, telles que les zones sans impôts, les réductions unilatérales de droits de douane, les subventions à la consommation de services (comme l’électricité ou l’eau) ainsi que les subventions à l’embauche et à la formation de travailleurs. Les bailleurs de fonds apportant une aide alimentaire ou au développement insistent souvent sur les politiques favorables à l’agro-industrie ;

iii) les obligations d’accorder aux entreprises étrangères des conditions égales voire meilleures à celles dont bénéficient les entreprises locales ;

iv) l’interdiction des prescriptions de résultats, telles que l’obligation d’embauche la main d’œuvre nationale ou le transfert de technologie.
Mais les mouvements luttant pour la souveraineté alimentaire et la justice économique ripostent !

Pour en savoir plus, consultez le rapport ici.

Encadré 2

La souveraineté alimentaire décolle en Europe de l’Est

Réalisé du 26 au 30 octobre dans la ville de Cluj-Napoca (Roumanie), le second Forum Nyéléni Europe sur la souveraineté alimentaire a rassemblé plus de 500 participants venus de quarante pays d’Europe et d’Asie centrale.

Après cinq jours de discussions, les bases pour récupérer et relocaliser les systèmes alimentaires européens ont été posées grâce à la planification d’actions et de stratégies multiples. Une large diversité d’acteurs étaient présents, dont des femmes et des hommes pratiquant l’agriculture, la pêche artisanale, le pastoralisme, travaillant dans le secteur agricole et alimentaire, issus de peuples autochtones, engagés dans les syndicats, la recherche, le militantisme, les ONG et la défense des droits humains.

Le rapprochement avec des organisations et mouvements d’Europe de l’Est et d’Asie centrale constitue l’une des réalisations majeures du Forum, ce qui a permis de lancer des discussions sur les stratégies collectives à mener sur le plan régional et intensifié la coordination du mouvement pour la souveraineté alimentaire dans la région. La convergence a également reconnu la Déclaration du Forum international pour l’agroécologie (tenu au Mali) comme base à partir de laquelle démultiplier l’agroécologie en Europe pour atteindre la souveraineté alimentaire.

Le processus en amont du Forum avait démarré en décembre 2015, lorsque plusieurs organisations du continent s’étaient réunies à Paris pour discuter de la structure et du fonctionnement d’un nouveau Comité de coordination Nyéléni Europe. Trois mois plus tard, en mars 2016, celui-ci envoyait l’appel à participation au second Forum. Le travail de préparation fut assuré par un coordinateur à temps plein, ainsi que plusieurs groupes de travail en charge du financement et des questions financières, de la création du nouveau site Internet et des bulletins d’information, de la préparation du programme et des contributions des participants au contenu du Forum, sans oublier le travail technique réalisé par COATI veillant à ce qu’un service d’interprétation dans neuf langues avec un groupe de soixante interprètes bénévoles soit fourni.
La grande partie des travaux préparatoires s’est attachée à établir des contacts et à former des délégations dans plusieurs pays où aucune des personnes à l’initiative du processus n’avait de contacts. Le résultat est une liste fonctionnelle de points focaux par pays.

Le Forum marque une étape importante dans la construction d’un mouvement fort pour la souveraineté alimentaire en Europe, surtout en Europe de l’Est, et essentielle pour la dynamique dans les pays du continent où il n’existe aucune plate-forme. Il s’agit également du premier pas réalisé vers la structuration et la visibilité du mouvement grâce à la planification d’actions communes.

Encadré 3

Elaborer des politiques publiques pour l’agroécologie

Le Comité international de la planification pour la Souveraineté alimentaire (CIP) a été impliqué dans le processus de débat sur les politiques publiques pour l’agroécologie, impulsé par l’Organisation des Nations unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO). Dans le cadre de ce processus, la FAO a organisé un symposium international sur l’agroécologie pour la sécurité alimentaire et la nutrition en septembre 2014, où il a été convenu de décentraliser les conversations en réalisant des symposiums à niveau régional. Donc, en 2015, la FAO, le CIP, différents gouvernements et chercheurs, ont organisé des symposiums en Amérique Latine – Caraïbes (juin), en Afrique subsaharienne (novembre) et en Asie- Pacifique (novembre). Suite à ces symposiums, en 2016, les conférences régionales de la FAO en ont analysé les résultats et convenu des prochaines étapes à mener au niveau régional en vue de promouvoir l’agroécologie.
Au cours de ces derniers mois, 2 symposiums de plus ont eu lieu et un autre en, et pour, la Chine. La Société civile, la FAO, les gouvernements et les chercheurs, se sont à nouveau réunis en Amérique Latine – Caraïbes (septembre) ainsi qu’en Europe et Asie centrale (novembre).

En Amérique Latine – Caraïbes, les différents participants se sont entendus sur un programme régional de travail, ouvert à d’autres, afin de rendre plus visible le rôle important de la pêche artisanale et la contribution qu’elle apporte à l’agroécologie; d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques et cadres législatifs afin de promouvoir l’agroécologie depuis et pour les territoires avec une participation sociale; d’accroître la production et la gestion de connaissances fondées principalement sur l’agroécologie, en associant les connaissances scientifiques aux savoirs ancestraux autochtones et aux pratiques des divers secteurs; de promouvoir des mécanismes institutionnels pour la production agroécologique et sa commercialisation; de garantir les droits populaires aux semences, à l’eau, à la terre et aux territoires; d’impulser l’agroécologie qui valorise et respecte la vie et les droits humains, en soulignant l’importance de la Déclaration internationale des droits des paysans; d’évoquer la célébration de l’Année internationale de l’agroécologie.

En Europe et Asie centrale, sur la proposition des organisations de la société civile, il a été convenu de concevoir l’agroécologie au-delà de ses aspects productifs techniques et d’y inclure les aspects sociaux, culturels, politiques, économiques et environnementaux sous un angle intersectoriel. Cependant, un point critique demeure, à savoir que les gouvernements doivent non seulement accepter les impacts positifs de l’agroécologie mais aussi mettre en œuvre les politiques publiques visant à la soutenir. Pour le CIP, ce symposium fut une grande opportunité.

En effet, les symposiums continuent à créer des opportunités de renforcement des liens entre les différents acteurs concernés par l’agroécologie.

Sous les feux de la rampe

Sous les feux de la rampe 1

Extraits édités de la Déclaration du Forum international pour l’agroécologie

Nyéléni, Mali, 27 février 2015

Nous sommes des délégué-e-s représentant diverses organisations et mouvements internationaux de petits producteurs d’aliments et de consommateurs, comprenant des paysans, des communautés, des peuples autochtones, des chasseurs et des cueilleurs, des agriculteurs familiaux, des travailleurs ruraux, des éleveurs et des bergers, des artisans-pêcheurs et des citadins. Ensemble, les divers secteurs que représentent nos organisations produisent près de 70 % des aliments consommés par l’humanité ; à ce titre, ils constituent les premiers investisseurs dans l’agriculture au niveau mondial et les principaux pourvoyeurs d’emploi et de moyens d’existence dans le monde.

En 2007, beaucoup d’entre nous étions réuni-e-s ici même à Nyéléni, à l’occasion du Forum pour la souveraineté alimentaire (…). C’est dans le même esprit que nous nous rassemblons ici, en 2015, pour le Forum pour l’agroécologie afin d’enrichir le concept et la pratique de l’agroécologie grâce à un dialogue incluant divers acteurs impliqués dans la production d’aliments ainsi que des consommateurs, des communautés urbaines, des femmes et des jeunes, entre autres. Aujourd’hui, nos mouvements, organisés au niveau mondial et régional au sein du Comité international de la planification pour la souveraineté alimentaire (CIP), franchissent une nouvelle étape historique.

Construire sur le passé, regarder vers l’avenir
Nos systèmes de production ancestraux se sont développés sur des millénaires et ont pris le nom d’agroécologie au cours des trente à quarante dernières années. L’agroécologie telle que nous l’entendons inclut des pratiques et une production performantes (…) et nous avons développés des structures théoriques, techniques et politiques sophistiquées.

Nos diverses formes de production de nourriture à petite échelle basées sur l’agroécologie génèrent des savoirs locaux, encouragent la justice sociale, garantissent l’épanouissement de la culture et de l’identité, et renforcent la viabilité économique des zones rurales.

L’agroécologie implique notre union dans le cercle de la vie, ce qui signifie également que nous devons être unis dans nos luttes contre l’accaparement des terres et contre la criminalisation de nos mouvements.

Surmonter des crises multiples
Le système alimentaire industriel est l’un des principaux vecteurs des multiples crises du changement climatique, de l’alimentation, de l’environnement et de la santé publique, entre autres. Les accords de libre-échange et d’investissement, les mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États, les fausse solutions, comme les marchés de carbone ou la financiarisation croissante des terres et de la nourriture, ne font qu’aggraver ces crises.

Nous percevons l’agroécologie comme un élément clef de la résistance à un système économique plaçant le profit avant la vie.

L’agroécologie à la croisée des chemins
À la faveur de la pression populaire, de nombreuses institutions multilatérales, gouvernements, universités et centres de recherche, ONG et entreprises ont fini par reconnaître l’agroécologie. Cependant, ces acteurs ont essayé de la réduire à un ensemble limité de technologies, afin d’offrir des outils qui semblent atténuer la crise de la durabilité provoquée par l’agriculture industrielle pendant que les structures de pouvoir existantes demeurent inchangées. Cette récupération de l’agroécologie visant à perfectionner le système alimentaire industriel, tout en proclamant un attachement superficiel aux questions environnementales, se présente sous plusieurs noms, dont « agriculture intelligente face au climat », « intensification durable ou écologique » ou « production industrielle de monocultures d’aliments bio », entre autres. Pour nous, il ne s’agit pas d’agroécologie ; aussi, nous les rejetons, et nous nous battrons pour dénoncer et faire obstacle à cette appropriation insidieuse de l’agroécologie.

Les réelles solutions (…) ne viendront pas de la conformité au modèle industriel. Nous devons plutôt le transformer et construire nos propres systèmes alimentaires locaux qui créent de nouveaux liens entre la ville et la campagne et reposent sur une véritable production agroécologique d’aliments par les petits producteurs, les artisans-pêcheurs, les éleveurs, les peuples autochtones et les agriculteurs en milieu urbain (…). Nous envisageons [l’agroécologie] comme la principale alternative à ce modèle et comme un moyen de transformer la manière de produire et de consommer la nourriture en quelque chose de meilleur pour l’humanité et la Terre Mère.

Nos piliers et principes communs de l’agroécologie
Les pratiques de production qui caractérisent l’agroécologie se fondent sur des principes écologiques tels que le développement de la vie des sols, le recyclage des nutriments, la gestion dynamique de la biodiversité et la conservation de l’énergie à de multiples échelles. L’agroécologie réduit de manière considérable l’utilisation des intrants externes qui doivent être achetés auprès des industries. L’agroécologie n’utilise pas de produits agrotoxiques, d’hormones artificielles, d’OGM ou d’autres nouvelles technologies dangereuses.

Les territoires constituent un pilier fondamental de l’agroécologie. Les peuples et les communautés ont le droit de maintenir leurs propres relations spirituelles et matérielles avec leurs terres (…). Ceci implique la pleine reconnaissance de leurs lois, coutumes, systèmes fonciers et institutions, et suppose également la reconnaissance de l’autodétermination et de l’autonomie des peuples.

Les droits collectifs et l’accès aux communs constituent deux autres piliers essentiels de l’agroécologie.

La diversité du savoir et des manières d’apprendre de nos peuples est fondamentale pour l’agroécologie. Celle-ci se développe à travers nos propres innovations, recherches et méthodes de sélection et d’amélioration des espèces cultivées et des races animales.

Nos cosmovisions reposent sur l’équilibre nécessaire entre la nature, le cosmos et les êtres humains. Nous rejetons la marchandisation de toutes les formes de vie.

C’est grâce à l’auto-organisation et l’action collectives qu’il est possible de démultiplier et de développer l’agroécologie à une plus grande échelle, de construire des systèmes alimentaires locaux et de défier le contrôle des grandes entreprises sur notre système alimentaire. La solidarité entre les peuples, entre les populations rurales et urbaines, est un ingrédient essentiel.

L’autonomie de l’agroécologie inverse le contrôle des marchés mondiaux et favorise l’autogestion des communautés. Cela implique de repenser les marchés pour les baser sur les principes de l’économie solidaire et de l’éthique de la production et de la consommation responsables.

L’agroécologie est politique ; elle nous demande de remettre en cause et de transformer les structures de pouvoir de nos sociétés. Nous devons placer le contrôle des semences, de la biodiversité, des terres et territoires, de l’eau, des savoirs, de la culture, des biens communs et des espaces communautaires entre les mains de celles et ceux qui nourrissent le monde.

Les femmes et leurs connaissances, leurs valeurs, leur vision et leur leadership, sont essentielles pour aller de l’avant. Trop souvent, leur travail n’est ni reconnu, ni apprécié à sa juste valeur. Pour que l’agroécologie atteigne son plein potentiel, le pouvoir, les tâches, la prise de décisions et la rémunération doivent être répartis de manière égale.

L’agroécologie peut fournir un espace aux jeunes leur permettant de contribuer à la transformation sociale et écologique enclenchée dans de nombreuses sociétés. L’agroécologie doit susciter une dynamique sociale et territoriale qui crée des opportunités pour les jeunes en milieu rural et valorise le leadership des femmes.

Vous pouvez consulter la Déclaration ici.

Sous les feux de la rampe 2

L’agroécologie à la croisée des chemins : entre l’institutionnalisation et les mouvements sociaux

L’agroécologie est à la mode. D’abord ignorée, méprisée et exclue par les grandes institutions qui gouvernent l’agriculture dans le monde, elle est maintenant reconnue comme étant l’une des alternatives permettant de faire face aux graves crises causées par le modèle de la Révolution verte. Il s’agit, sans aucun doute, d’un fait sans précédent où l’agroécologie est tiraillée entre céder devant la cooptation/capture ou de tirer avantage de l’ouverture vers des opportunités politiques pour pouvoir transformer le modèle hégémonique d’une agriculture extractive. Même si les institutions ne sont pas monolithiques, et que des débats internes existent, on pourrait considérer ce panorama comme étant une lutte entre deux camps. Le premier, étant composé par les institutions officielles des gouvernements, agences internationales et entrepreneurs privés et, le second, par les différents mouvements sociaux défendant l’agroécologie comme l’unique option viable en vue de transformer radicalement le système agroalimentaire dominant.

Il est maintenant évident que le capitalisme vert a découvert que l’agroécologie était un moyen de pouvoir intégrer l’agriculture paysanne, ses territoires et ses pratiques aux circuits mondiaux d’accumulation. Son objectif vise à réduire au statut de marchandises les semences et l’agro-biodiversité; à déposséder les paysans et les communautés autochtones de leurs savoirs agroécologiques; à apporter une plus grande diversité agricole aux marchés d’aliments, à l’industrie des cosmétiques et à la pharmacologie; à augmenter les bénéfices dérivés des crédits carbone et de la conservation néolibérale au moyen de projets agroforestiers; et à tirer profit de l’augmentation des marchés de produits bio-industriels qui bientôt seront rebaptisés agroécologiques dans les grandes surfaces. Mais cela représente également une excellente occasion pour l’agrobusiness de procéder à des adaptations techniques afin de pouvoir ainsi faire face à la dégradation de ses conditions de production, à l’augmentation de ses coûts et à la réduction de sa productivité.

Par le biais de stratégies classiques de développement, on cherche à soumettre les savoirs des peuples en leur imposant une dépendance au système qui va essayer de leur fournir des services agroécologiques par l’intermédiaire des Etats, des ONG opportunistes, des transnationales et des projets de fondations et d’organisations internationales. Il serait bien naïf de croire que finalement les portes se sont ouvertes afin de transformer partout dans le monde la structure agricole en agroécologie. Bien au contraire, les mouvements sociaux doivent demeurer sur leur garde pour éviter que, par le biais de l’institutionnalisation, il se crée des dépendances aux programmes et projets publiques pouvant engendrer une bureaucratisation avec des démagogies débilitantes.

Etant donné la situation, les mouvements sociaux ne peuvent donc pas s’en désintéresser. De fait, s’abstenir de participer aux débats laisse la voie libre au capital pour qu’il trouve les moyens de sortir de la crise chronique de suraccumulation grâce à la spoliation, tandis qu’il restructure temporairement ses conditions de production. Mais, il s’agit avant tout une occasion unique pour que, lors du rejet des tentatives d’appropriation, nous puissions réajuster nos forces, réinventer nos postulats de lutte, actualiser les formes de résistance, regrouper les organisations dispersées et redéfinir le sens des alternatives.

De fait, l’une des principales contradictions du capital est que, en essayant de tout engloutir, en cherchant à incorporer chaque réduit spatial et humain à ses circuits d’accumulation, il finit par renforcer les luttes des peuples, avec pour effet antagonique de fortifier la mobilisation, tout en permettant aux peuples de se réapproprier leur patrimoine naturel, de revaloriser leurs cultures et d’intensifier leurs efforts pour construire des processus sociaux réels de territorialisation de l’agroécologie.

Vous trouverez l’article dans son entier ici.

L’écho des campagnes

L’écho des campagnes 1

Solidarités entre mouvements

Lucile Falgueyrac, Seattle to Brussels network (S2B)

Ces quatre dernières années en Europe, nous avons construit un véritable mouvement contre les traités de libre échange transatlantiques.

Loin d’être limité à quelques ONG, cette lutte rassemble mouvements sociaux locaux et internationaux, syndicats, paysans et militantes de tout horizon et secteurs. De la Bulgarie à la Finlande, les campagnes contre l’accord EU- États-Unis, et l’accord EU-Canada renforcent les solidarités entre mouvements d’habitude très éloignés les uns des autres.

L’élection de Donald Trump à la tête des États-Unis, et ses premières mesures alliant racisme, discriminations, attaques contre les droits des femmes et remise en question de certains accords de libre-échange, est une aubaine pour ceux qui espèrent discréditer nos mouvements. La ratification du CETA est maintenant présentée par les partisans de l’accord comme un acte politique de résistance à Trump, un signal que l’Europe et le Canada sont maintenant les têtes de proue d’un monde libre et ouvert, deux remparts contre la folie du nouveau président américain.

Cette escroquerie m’estomaque. Les traités de libre échange entraînent toujours plus d’inégalités, de productivisme, d’extractivisme, créent de nouveaux droits pour les multinationales et rendent illégales une partie des solutions aux crises sociales et climatiques. Ils ne sont pas l’antidote aux extrêmes droites, mais créent toutes les conditions pour les faire prospérer.

L’écho des campagnes 2

Notre lutte pour un modèle économique alternatif

Guy Marius Sagna, Coordonnateur de la Coalition Nationale Non Aux APE, Senegal

Les Accords de partenariat économique (APE) font craindre le pire pour la population sénégalaise car les grands capitaux européens vont écraser nos petites exploitations paysannes et nos petites entreprises.
Ces accords vont renforcer la division internationale du travail qui fait de nos pays « sous-développés » des consommateurs de marchandises en provenance d’autres pays dont le rôle dans ce système néocolonial est celui de producteur.

Or il est regrettable qu’au Sénégal, se battre contre les APE est devenu très compliqué. Auparavant certains chefs d’entreprise dirigeaient la lutte, mais par crainte de représailles, aucun n’élève la voix aujourd’hui.

Ce sont donc des militants associatifs, politiques ou syndicaux qui organisent la mobilisation. Et malgré le contexte très dur, nous avons noté qu’il y a beaucoup plus de personnes qui veulent être informés. Nombre d’intellectuels, de politiques ou de députés ont signé des pétitions contre les accords. Et de plus en plus de citoyens, des villes comme des campagnes, demandent à ce que soient organisés des conférences sur les APE, afin de mieux comprendre et de s’investir davantage.

A travers notre lutte, nous mettons en avant un modèle économique alternatif, basé sur la complémentarité et la solidarité, aux antipodes des APE et de ses valeurs libre-échangistes comme la compétitivité et la concurrence.

L’écho des campagnes 3

Le TPP n’existe plus: la lutte s’est déplacée

Eric Holt-Gimenez, Food First, US

Donal Trump a tué le Partenariat Trans-Pacifique (TPP), déjà moribond, grâce à l’opposition infatigable des mouvements populaires. L’approche bilatérale adoptée par l’administration Trump n’est pas nouvelle.

Ayant pris le contrôle de presque toutes les économies de la planète, le protectionnisme (dans de nouvelles limites établies par les entreprises) sera bien plus important pour l’assise des monopoles du domaine énergétique et de nos systèmes alimentaires que le libre-échange sauvage. De cette façon, M.Trump ne fait que conclure un accord parmi d’autres visant à renforcer l’influence des entreprises.

L’appropriation de l’étendard antimondialisation par des populistes de droite à la rhétorique rodée, basée sur des idées xénophobes et de suprématie blanche, devrait nous inquiéter. Ce ne sont pas nos alliés. Il en va de même pour les néolibéraux « progressistes » qui ont mené le monde dans l’impasse du libre-échange.

L’élection de Donal Trump est une manifestation de la crise du modèle politique capitaliste, augurant un tournant dans la stratégie entrepreneuriale de spoliation et d’accumulation.

Le théâtre de lutte des mouvements populaires se déplace de l’échelle mondiale à l’échelle locale sous des formes nouvelles et significatives. Nous sommes en ce moment encore dans cette transition. Aujourd’hui, plus que jamais, il est essentiel de porter les principes de souveraineté alimentaire; ceux de justice sociale, solidarité, pluralisme et celui du droit de choisir nos propres systèmes alimentaires.

L’écho des campagnes 4

La lutte continue

Luciana Ghiotto, ATTAC Argentine

En Amérique latine, de nombreux traités de libre-échange sont en vigueur depuis plus de vingt ans. De pair, il existe une longue histoire de lutte contre la libéralisation prenant la forme de projets alternatifs d’intégration. La campagne continentale contre l’ALCA peut être considérée comme un des moments le plus fort de la lutte, qui en Argentine, a pris la forme d’une consultation populaire contre l’ALCA en 2003, entrainant sa fin en 2005 avec le sommet des peuples à Mar del Plata.

Enrayer l’ALCA n’a pas signifié la fin de la libéralisation. Les privilèges dont jouissent les entreprises se sont amplifiés sous d’autres formes et ont pris d’autres noms. Plusieurs puissances vont de l’avant avec leur agenda régional concernant le libre commerce, le traité Trans-Pacifique (TPP) qui a réuni 12 pays de la région en est un exemple éloquent.

L’Union Européenne, la Chine et des pays d’Asie du Sud-Est comme la Corée du Sud se sont lancés dans une course aux ressources naturelles sur le continent américain. Des campagnes pour dénoncer ces négociations menées à l’insu des citoyens, ont vu le jour. En Argentine, l’assemblée « l’Argentine se porte mieux sans les traités de libre-échange », qui coordonne des mouvements sociaux, syndicaux, politiques, environnementaux, travaille à cette fin.

Notre expérience de lutte contre l’ALCA a été essentielle et aujourd’hui nous réitérons l’expérience pour mettre un frein à l’agenda corporatiste et donner la préférence aux droits humains et environnementaux.

L’écho des campagnes 5

La lutte d’un État contre les ALE

Sridhar R, directeur de programme a Thanal, Inde

Des agriculteurs de Kerala, un État de l’Inde, est confronté une fois de plus à l’assaut d’un accord commercial, cette fois-ci venant du RCEP (un partenariat régional qui ne présage que du bien pour les lobbys concernés, mais qui sans aucun doute sonnera le glas de l’agriculture locale).

L’accord commercial indo-ASEAN a été passé de force par le gouvernement indien. Les agriculteurs et même le gouvernement de Kerala ont manifesté contre celui-ci en 2009. Les organisations d’agriculteurs et la société civile ont alerté sur les retombées de l’accord. Les barrières tarifaires ont été éliminées ou baissées sur le thé, le café, l’huile alimentaire, le poivre, le caoutchouc, le copra, la noix de coco, le coco, la noix de cajou, la cardamone, et l’huile de coco, productions principales de Kerala, mettant en danger le gagne-pain d’une grande majorité des paysans locaux.

En réaction, le peuple a formé une gigantesque chaîne humaine à travers l’État contre la décision du gouvernement central. Le gouvernement de Kerala a soutenu cette initiative, créant un conflit entre l’État fédéré et le gouvernement central. Des centaines de milliers de personnes se sont réunies pour former main dans la main la plus grande chaîne humaine peut-être jamais organisée en signe de protestation. Mais le gouvernement central, avec le docteur Manmohan Singh, un ardent promoteur des accords commerciaux internationaux et de la libéralisation lorsqu’il était premier ministre, nous a piégé: il a tranquillisé la délégation de l’État de Kerala, promettant que l’accord n’allait pas être signé sans l’acceptation des parties prenantes de Kerala, or il a tout simplement fait table rase de sa promesse et signé l’accord. Des agriculteurs à travers d’autres États (dont Karnataka, Tamil Nadu et bien d’autres États du Nord-Est) ont aussi souffert des répercussions de l’accord indo-ASEAN, mais très peu a été fait pour compenser leurs pertes. Aucune évaluation n’a jamais été entreprise avant la signature de l’ALE afin d’estimer son impact, ni pour prévoir des mesures de mitigation après son après entrée en vigueur.

Tirant les leçons de cet épisode, les agriculteurs de Kerala et les organisations de la société civile mènent de nouveau une lutte solitaire contre le nouveau RCEP proposé. Le gouvernement de l’État, a réagi écrivant à deux reprises au gouvernement central pour exiger la tenue d’un débat transparent avec toutes les parties prenantes avant l’ouverture des négociations du RCEP et a détaillé les impacts potentiels.

Nous sommes opposés à la signature directe avec plusieurs nations ASEAN du RCEP et d’autres ALE. L’Inde traverse une période déplorable, et aucun gouvernement doté d’un sens de la responsabilité vis-vis d’une population d’agriculteurs, en l’occurrence immense, n’adopterais un accord au jeu à somme nulle tel que le RCEP.

Les agriculteurs de Kerala ont manifesté mais de nombreux agriculteurs dans d’autres états souffrent aussi et sont même en train de s’éteindre à cause de cette crise. On demande au gouvernement des États de répondre aux problèmes de dettes des agriculteurs et de suicides par des abandons de créances. Mais cela ne peut en aucun cas constituer la marche à suivre. Il est grand temps que les gouvernements se rendent à l’évidence que protéger leurs agriculteurs des pressions du marché et du commerce mondial est un devoir fondamental qui ne doit pas être sacrifié sur l’autel des exigences croissantes du commerce.